PROCHAINE REUNION DE L'ASSEMBLEE CITOYENNE LE VENDREDI 26 JANVIER 2018 A FABREGUES A 19 HEURES
PROCHAINE REUNION DE L'ASSEMBLEE CITOYENNE LE VENDREDI 26 JANVIER 2018 A FABREGUES A 19 HEURES

avril 2021

Publié le 24/04/2021

 

 

Joe Biden : Petit Roosevelt, petit New Deal

 

 

Par Denis Sieffert sur www.politis.fr

 

 

Etrange paradoxe ! Ce qui devait être la culture de l’Union européenne, sociale et redistri-butrice, est au programme d’un président états-unien. Et c’est lui qui offre en quelque sorte au vieux continent une seconde chance. Pour l’Europe, le défi est immense.

 

 

Il avait été affublé par Donald Trump d’un sobriquet si dévastateur qu’on avait fini par se convaincre que Joe Biden, usé par l’âge et les épreuves, serait toujours « Sleepy Joe ». Tout juste bon à apaiser les esprits pour éviter à son pays une guerre civile, il allait proposer à l’Amérique une cure de repos après l’hystérie. Ce qui n’était déjà pas si mal. Mais après cent jours à la Maison Blanche, « Joe l’endormi » est beaucoup mieux que ça. Des commentateurs très empressés le comparent même à Roosevelt. Son démarrage en trombe autorise en effet quelques comparaisons avec le Président du New Deal. Après le retour des Etats-Unis dans l’accord de Paris sur le climat, deux grandes décisions économiques et sociales d’inspiration keynésienne ont dessiné son territoire idéologique : un vaste plan de relance tourné vers les infrastructures et les services publics, et une étonnante proposition d’harmonisation mondiale de la fiscalité des entreprises. L’État redevient la solution. Ce qui marque une franche rupture avec le dogme reaganien. Dans sa nouvelle boîte à outils, Biden relève des impôts sur les bénéfices des entreprises. Ce qui, au passage, prend à contre-pied Emmanuel Macron qui est en train de faire le chemin exactement inverse. Mais gare tout de même aux effets d’optique ! Le nouveau président américain ne fait en réalité que compenser les baisses voulues par son prédécesseur. Il répare plus qu’il ne crée.

 

 

Beaucoup plus importante en revanche est son offre de taux minimal d’imposition sur les entreprises à l’échelle mondiale. Ce serait un coup porté aux paradis fiscaux et aux multinationales qui échappent aux législations nationales. Encore faut-il que l’Europe prenne la balle au bond. Paralysée par la règle de l’unanimité dictée par les traités, elle a laissé prospérer en son sein des pays, comme l’Irlande et le Luxembourg, qui pratiquent allègrement le dumping, ou sa version euphémisée, « l’optimisation fiscale ». Etrange paradoxe ! Ce qui devait être la culture de l’Union européenne, sociale et redistributrice, est au programme d’un président états-unien. Et c’est lui qui offre en quelque sorte au vieux continent une seconde chance. Pour l’Europe, le défi est immense. Une étude d’OpenLux révélait récemment que 55 000 holdings détiennent six mille milliards d’euros au Luxembourg, sans y avoir le moindre salarié ni le moindre bureau. Bien sûr, Biden n’est pas devenu adhérent d’Attac… Le président américain a seulement besoin de faire financer son plan de relance par les entreprises. Les mauvaises langues diront qu’il est à contre-emploi, et qu’il doit son évolution à la gauche du Parti démocrate et à Bernie Sanders, dont il a eu besoin pour gagner la présidentielle. Sans doute. Mais il n’y a que le résultat qui compte. Reste à savoir si la bête Donald Trump, qui bouge toujours, et les sénateurs qui lui sont acquis ne bloqueront pas la machine fédérale pour renvoyer Sleepy Joe au sommeil du juste.

 

 

Au chapitre géopolitique aussi, les débuts sont plutôt prometteurs. La tentative de retour à la négociation sur le nucléaire iranien est de bon aloi. La preuve par l’absurde nous est venue d’Israël, qui a lancé le 11 avril une opération de sabotage d’une usine d’enrichissement d’uranium dans le centre de l’Iran, dont l’effet – voulu – a été de remobiliser immédiatement dans le camp iranien les opposants à l’accord. Une autre décision a contrarié M. Netanyahou : la reprise de l’aide américaine aux Palestiniens. Mais si ce soutien financier n’est pas négligeable, il n’annonce pas, loin s’en faut, un tournant diplomatique, les États-Unis se contentant de réaffirmer la solution « à deux États » dont tout le monde sait qu’elle a été rendue impossible par la colonisation. Il faut saluer aussi la suspension des ventes d’armes à l’Arabie saoudite, dont les avions répandent la mort au Yémen. Une décision que la France serait bien inspirée de suivre. Enfin, avouons qu’il ne nous déplaît pas d’entendre un président états-unien se préoccuper du sort des Ouïgours, ces musulmans réduits en esclavage par le régime chinois ; et acquiescer quand un journaliste lui demande si Poutine est un tueur. Qui, d’ailleurs, oserait prétendre le contraire ? Hélas, cette parole de vérité n’est peut-être pas celle d’un président qui sait que ce défoulement verbal ne le conduira nulle part.

 

 

Tout ça est bel et bien. Mais les États-Unis étant ce qu’ils ne cesseront jamais d’être, on ne peut, depuis notre faible Europe, que regarder l’horizon atlantique avec vigilance. La crise du Covid a encore mis en évidence le rapport de force dans le domaine de la recherche, et un inflexible protectionnisme quand il aurait fallu partager les vaccins. Et tout à l’avenant. La philosophie générale de la politique américaine dans le monde est toujours marquée par l’hésitation entre isolationnisme et interventionnisme. Les deux doctrines ne sont d’ailleurs pas tellement opposées. Il n’y a pas plus interventionniste que Trump, quand il impose aux entreprises européennes de quitter l’Iran. Mais le multilatéralisme bon teint de Biden peut aussi inquiéter. Tyrannique ou enjôleuse, l’Amérique a toujours le désir de dominer. A la fin de son essai sur « l’Ordre mondial américain » (Idées du monde - 2012), le célèbre chroniqueur néoconservateur Robert Kagan avait, de dépit, ce mot messianique qui fait peur, plus qu’il ne rassure : « A l’évidence, on ne pourra pas tout sauver. » Il serait donc préférable que l’Europe songe à se « sauver » toute seule.


 

Publié le 21/04/2021

 

 

Vendredi de la Colère / Episode 3 :

nouvelle action de guillotinage de nos droits sociaux

 

 

Vu sur lepoing.net

 

 

Vendredi 16 avril 2021, deuxième vendredi de la guillotine de la perte de nos droits sociaux à Montpellier. Devant le Centre Chorégraphique, la Criée qui fait office d’assemblée générale est un peu moins fournie que la semaine dernière. Entre 60 et 80 personnes prendront le chemin de la Comédie pour venir se faire guillotiner au guichet de l’injustice sociale sur le parvis de l’Opéra.
 


Les occupants du CCN/ Théâtre des 13 Vents / théâtre de la Plume à Montpellier ont rencontré les élu(e)s de la région qui soutiennent le mouvement sans pour autant apporter de réponses concrètes pour l’instant aux revendications énoncée. Quant au gouvernement il se complaît « dans un silence interminable où le virus à deux vitesses est vraiment devenu une évidence. »

 

 

Clara de la scène nationale du Cratère à Alès énonce leur communiqué : « depuis plus d’un mois le théâtre est occupé par des artistes et des techniciens, mais pas que ! Il y a aussi des précaires de l’emploi, des chômeurs, des militants et tout ce monde-là demande le retrait de la réforme de l’assurance chômage et s’opposent également à la loi sécurité globale et à l’incroyable gestion de la crise sanitaire et de la crise climatique. Nous sommes déterminés(e)s à mettre en place des changements profonds de ce système et à tout faire pour cette cause globale d’une société enfin juste et raisonnable. Nous nous battons pour toutes et tous, précaires et générations futures, il nous faut prendre la mesure du silence et du mépris qui nous est infligé. »
 

 

Des interventions détailleront la dangerosité de cette réforme de l’assurance chômage, certain ont cité l’émission diffusée jeudi 15 Avril « A l’air libre » de Médiapart, en accès libre, qui décortique et analyse « cette réforme qui est la fin des indemnisations. »

 

 

Aujourd’hui les occupations continuent d’augmenter, plus d’une centaine maintenant et ce mouvement gagne des scènes à l’étranger comme à Napoli et Milano !

 

 

Prochain Vendredi de la Colère, le 23 Avril à 12H30 devant le CCN occupé,

pour une manifestation à appel national : « Amène ton monde dans la rage et la joie »,

manifestation musicale et festive revendicative avec intervention artistique et technique.

 


 

Publié le 17/04/2021

 

 

Fabien Roussel 2022 : le pari du Parti

 

Le PCF de Fabien Roussel s’est mis le week-end dernier sur les rails pour 2022. Certes mais de quels rails parle-t-on exactement ?

 

Par Pablo Pillaud-Vivien sur www.regards.fr

 

 

Le congrès de juin 2018 avait fait de Fabien Roussel le successeur de Pierre Laurent à la tête du Parti communiste français sur un programme clair : réaffirmer l’identité communiste. Et pour ce faire, il ne s’agissait pas de revenir à la promotion de la dictature du prolétariat ou d’envisager la fin de la propriété privée mais plutôt d’assumer une candidature indépendante à la prochaine élection présidentielle. Un pas de plus a été fait en cette direction avec le vote des délégués fédéraux ce week-end : ils sont plus de 66% à avoir validé cette proposition. Reste le vote des militants jusqu’au 9 mai prochain.

 

Le PCF n’a pas choisi le meilleur moment pour décider de se lancer en solo dans l’aventure présidentielle : à l’heure où, sondage après sondage, on constate la rétractation de la gauche toujours plus avant, à l’heure où tout le monde parle d’unité et qu’une réunion doit même se tenir avec toutes les forces de gauche et des écologistes le 17 avril prochain à l’appel de l’eurodéputé vert Yannick Jadot, il décide de faire cavalier seul. La gauche, c’est le radeau de la Méduse et les rescapés s’entre-dévorent les moins de 30% d’électeurs qui restent… mais après tout, il est aussi vrai que, dans ce maelström version Titanic à la dérive, une candidature de plus apparaît presque comme une fatalité qui ne changera pas grand chose à l’affaire.


 

Is PCF really back ?

 

Cette candidature de Fabien Roussel pour 2022, si elle devait aller jusqu’au bout, valide le fait que le PCF ne croit plus, à ce jour, à la victoire de la gauche en 2022 – ce ne sont pas les seuls, direz-vous. D’un point de vue stratégique, la démarche peut pourtant apparaître pertinente : il s’agit surtout d’arriver en position de force lors des négociations avec les autres partenaires de la gauche pour les législatives qui suivront afin de sauver une nouvelle fois le groupe parlementaire à l’Assemblée nationale (qui doit se composer, sauf modification du règlement, d’au moins 15 députés). Le raisonnement est simple : nous avons un candidat à l’élection présidentielle, on va forcément parler du PCF pendant les quelques semaines qui vont précéder le scrutin, et cela va, selon les communistes, résonner avec le vécu de beaucoup de Français. Ergo : il existe une possibilité pour que les candidats aux législatives fassent des scores qui étonneront. Seulement, c’est un peu rapidement oublier la dernière élection européenne, en 2019, quand Ian Brossat avait mené de façon si dynamique une campagne qui n’avait abouti qu’au score pour le moins décevant de 2,49%.

 

A ce stade, la candidature de Fabien Roussel ne dépasse pas l’épaisseur du trait au niveau national mais elle a tout de même réussi à galvaniser une partie des troupes communistes : « Le PCF is back »« c’est le retour de la lutte des classes » ou encore « c’est la remontada », voit-on fleurir sur les réseaux sociaux des militants communistes. Il est vrai que cela aurait fait 15 ans en 2022 que le PCF n’avait eu de candidat à l’élection présidentielle et qu’une vieille conviction qui date au moins du début des années 1980 voudrait que l’effacement progressif du Parti communiste soit dû à l’absence chronique d’un champion pour le maroquin suprême de la Vème République. Mais la marginalisation du Parti tient sûrement plus de la dislocation de la classe ouvrière en tant que classe pour elle-même et à l’absence de renouvellement du discours autour du travail envisagé comme outil émancipateur qu’à une présence médiatique…

 

 

Les communistes votent jusqu’au 9 mai en toute connaissance de cause

 

C’est donc au nom de son histoire que le Parti communiste français souhaite reprendre du poil de la bête : en témoignent les différentes sorties et interviews de son secrétaire national qui multiplie les piques pour fustiger « les riches » sur un ton bonhomme qui plaît, dans une certaine mesure, aux médias et aux militants. Mais il n’en demeure pas moins que le PCF est traversé par de nombreuses fractures car nombre d’adhérents continuent de croire davantage à l’union de la gauche – ou à un ralliement à la candidature de Jean-Luc Mélenchon – qu’à une candidature autonome du parti. Parmi les délégués nationaux réunis ce week-end, ils étaient près de 30% à avoir voter contre l’autonomie à la présidentielle et 4% à s’abstenir.

 

Mais c’est sur le fond aussi que ça se fissure : certaines récentes prises de positions, à savoir l’abstention d’une majorité de députés communistes sur le projet de loi Séparatisme ou le communiqué de presse parlant des « dérives identitaires » de l’Unef, ont crispé jusqu’à provoquer le départ de la secrétaire fédérale du Vaucluse et animatrice de la commission de la lutte contre le racisme et pour l’égalité du PCF, Mina Idir. « On a mis ma commission sous tutelle en coupant et déformant systématiquement tous les textes que nous produisions, nous interdisant d’utiliser des mots comme islamophobie ou racisés », déplore-t-elle, ajoutant même : « Certains m’ont même parlé d’entrisme islamique au sein du Parti communiste ! »

 

Le Parti communiste français s’est donné un objectif pour 2022 et espère que cela sera suffisant pour remobiliser ses troupes pendant un an au moins. Mais pour quel résultat ? Et surtout, avec quelles perspectives pour la suite ? L’identité d’un parti est souvent ce qu’il reste quand la peau de chagrin des ambitions se réduit. Mais ce n’est pas forcément avec cela que l’on participe de la transformation sociale d’un pays. Certes, un peu comme la gauche qui serait contrainte et forcée de voter Emmanuel Macron s’il devait être au second tour face à Marine Le Pen, le PCF ne veut plus être considéré comme le prestataire de service de La France insoumise dans le cadre de la campagne de Jean-Luc Mélenchon pour 2022. C’est tout à fait compréhensible et l’on entend les arguments de ceux qui, parmi les militants communistes, en ont marre de servir de marche-pied – voire de paillasson – à une autre partie de la gauche. Pour autant, est-ce suffisant pour justifier d’aller s’enferrer la tête la première dans ce qui risque de s’avérer une impasse ? Une chose est sûre : les arguments de raison sont parfois insuffisants pour justifier une prise de position qui vient des tripes. Il y a donc un pari dans le choix d’une candidature autonome : ça passe (bravache et peu probable) ou ça casse (mais est-ce le problème principal d’une gauche digne de ce nom ?). Les communistes vont devoir choisir d’ici au 9 mai prochain et une chose est sûre : ils le feront en toute connaissance de cause.


 

Publié le 13/04/2021

 

 

Cinq ans après « Panama Papers », notre système facilite toujours fraude et évasion fiscale

 

 

Propos recueillis par Hélène Sergent et publiés sur www.20minutes.fr

 
 

Cinq années se sont écoulées depuis la publication des « Panama Papers ». Révélé en France par le journal Le Monde en partenariat avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), ce scandale fiscal a eu de multiples répercussions.

 

Manifestations, réformes législatives et enquêtes judiciaires se sont multipliées depuis le 6 avril 2016. En France, 26 dossiers visant des particuliers ou des sociétés ont été ouverts par le parquet national financier (PNF). Et, selon le quotidien du soir, l’administration fiscale a pu récupérer l’équivalent de 372 millions d’euros en impôts et pénalités en trois ans.

 

Pour le porte-parole de l’ONG Oxfam France, Quentin Parrinello, si les « Panama Papers » ont servi d'« électrochoc » salutaire, le manque de volonté politique en matière de lutte contre l’évasion fiscale subsiste.

 

 

« Offshore Leaks », « LuxLeaks », « SwissLeaks », « Panama Papers » n’ont pas été le premier scandale fiscal révélé par la presse. Pourtant, le retentis-sement de cette enquête a été très important. Comment l’expliquez-vous ?

 

Cette affaire a été l’une des plus importantes parce qu’elle visait des personnalités de très haut niveau, issues des milieux politiques, économiques ou sportifs. Le retentissement médiatique provoqué par ces révélations a entraîné une véritable prise de conscience sur notre système fiscal international actuel, qui facilite l’évasion fiscale des plus riches et des grandes entreprises et qui permet légalement à ces plus riches de ne pas payer leur juste part d’impôt.

 

 

Cinq ans après la publication des « Panama Papers », qu’est-ce qui a changé en France en matière de lutte contre l’évasion fiscale ?

 

En France, il y a eu un changement majeur qui s’est concentré sur la lutte contre la fraude fiscale avec l’assouplissement de ce qu’on appelle « le verrou de Bercy ». Avant, l’administration fiscale décidait seule de l’opportunité de poursuivre ou pas une personne pour fraude fiscale. Ce dispositif a été rendu tristement célèbre pendant l’affaire Cahuzac puisque la personne qui devait décider ou non de poursuivre Jérôme Cahuzac… était Jérôme Cahuzac. Cela posait un gros problème en matière de conflit d’intérêts.

 

Désormais, les cas de fraudes fiscales sont automatiquement transmis à la justice au-delà d’un certain seuil. Mais cela ne concerne que la fraude fiscale, et pas l’évasion fiscale, qui représente pourtant le plus gros problème.

 

Dans le même temps, le gouvernement a voté une loi permettant aux entreprises de bénéficier d’une justice transactionnelle, c’est-à-dire de négocier leur peine avec la justice. L’entreprise ne négocie plus avec Bercy mais avec les autorités judiciaires pour payer une amende sans être reconnue coupable. Ça s’appelle la « convention judiciaire d’intérêt public ». De nombreuses ONG, dont Oxfam, étaient vent debout contre cette réforme parce qu’elle introduit un « deux poids, deux mesures » par rapport à n’importe quel autre justiciable.

 

 

Le discours politique a-t-il évolué à ce sujet ?

 

Les « Panama Papers » ont fait office d’électrochoc. On le voit dans le discours politique, l’évasion fiscale n’est plus acceptable. Il y a eu beaucoup de déclarations d’intention pour en « finir avec les paradis fiscaux » et l’évasion. Mais on est toujours face à un système économique qui facilite la fraude et l’évasion des grandes multinationales et des personnes les plus riches.

 

Il ne faut pas oublier que ce sont des recettes en moins pour financer l’éducation ou la santé. Et, dans une période aussi cruciale que celle que nous vivons actuellement, c’est de l’argent en moins pour lutter contre la pandémie. Pour rappel, en France, l’évasion fiscale c’est entre 80 et 100 milliards d’euros par an qui ne rentrent pas dans les caisses de l’Etat. C’est plus que le budget de l’éducation nationale, qui est l’un des postes de dépenses les plus importants de notre pays.

 

 

Quelles ont été les conséquences de cette affaire au niveau européen ?

 

Deux processus politiques intéressants ont été relancés après la publication de cette enquête. Le premier porte sur la transparence fiscale qui consiste à demander aux grandes entreprises de divulguer les pays dans lesquels elles font des bénéfices et où elles payent des impôts. Cela permettrait de vérifier si les montants payés correspondent à leur activité économique réelle. Cette question a été relancée par la Commission européenne qui a proposé une directive, soutenue par le Parlement européen en 2017. Mais elle a été bloquée par plusieurs paradis fiscaux européens.

 

Hasard du calendrier, les négociations viennent d’être relancées il y a moins d’un mois sur ce sujet, et c’est une très bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle, c’est que, pour relancer les négociations, le Conseil européen a finalement abaissé l’ambition de ce texte, et c’est une transparence partielle qui est envisagée. Les paradis fiscaux ont torpillé le contenu de cette mesure et les pays qui sont censés la soutenir, notamment la France, l’ont fait du bout des lèvres, sans s’engager véritablement politiquement.

 

 

QuiD du second processus ?

 

L’autre conséquence directe de ces révélations, c’est la mise en place d’une liste noire européenne de paradis fiscaux. C’est une bonne chose, parce que les paradis fiscaux sont le premier maillon de la chaîne de l’évasion fiscale. Mais on note plusieurs problèmes. Cette liste ne compte pas les performances des paradis fiscaux européens et les critères retenus pour inscrire tel ou tel pays dans cette liste noire sont extrêmement restrictifs, ce qui fait que la plupart des gros paradis fiscaux ne sont pas dans cette liste. Selon nous, cinq pays européens devraient l’intégrer et ne le sont toujours pas. Il s’agit de l’Irlande, des Pays-Bas, du Luxembourg, de Malte et de Chypre.

 

 

Quels freins subsistent, selon vous ?

 

L’enjeu, c’est de passer du discours aux actes. Une réforme, pilotée à l’OCDE, lancée fin 2017, est toujours en négociation entre 137 pays. Quand elle a été annoncée, elle était très ambitieuse et proposait de mettre en place un taux d’impôt minimum effectif mondial. Les règles internationales actuelles favorisent la concurrence fiscale déloyale. Un paradis fiscal va dire : « Moi je ne taxe pas les entreprises », et des pays comme la France, qui ne sont pas des paradis fiscaux, se disent : « Il faut qu’on reste compétitifs, donc on va baisser nos impôts pour les entreprises ».

 

Tant qu’on ne s’attaque pas à cette logique, tant qu’on laisse les multinationales choisir le pays où elles souhaitent enregistrer leurs bénéfices et donc privilégier les paradis fiscaux, on peut faire autant de listes noires que l’on veut, ça ne suffira pas.

 

 

Y a-t-il pour autant des signaux positifs ?

 

Joe Biden a fait une annonce importante mercredi dernier en proposant un nouveau taux d’impôt minimum aux Etats-Unis à 21 %, ce qui est largement au-dessus de ce qui se pratique actuellement. Par ailleurs, il souhaite augmenter l’impôt sur les sociétés de 21 à 28 % alors que la France, elle, fait le choix elle de l’abaisser. C’est un signal envoyé à la communauté internationale : quand il y a une volonté politique, les changements sont possibles. Si on modifie ces règles internationales, les paradis fiscaux n’auront plus de raison d’exister.


 

Publié le 10/04/2021

 

 

Régionales, présidentielle... : la gauche en plein branle-bas de combat électoral

 

 

Par Diego Chauvet sur www.humanite.fr

 

 

 

En vue des scrutins de juin et à un an de la présidentielle, les formations de gauche, qui font face à un Rassemblement National de plus en plus haut dans les sondages, se mettent en ordre de bataille. Le point sur les alliances et désunions.

 

 

En pleine recomposition depuis la déflagration de 2017, la gauche est tiraillée, en vue des élections de juin, encore incertaines à cause des conditions sanitaires, entre divisions et alliances selon les territoires. Le Parti socialiste, qui a perdu son leadership, tente de revenir dans le jeu. Les insoumis, en s’appuyant sur le score de Jean-Luc Mélenchon à la dernière présidentielle, regardent vers 2022, alors que leur leader est d’ores et déjà candidat. Les écologistes d’EELV, après leurs succès aux européennes et dans les grandes villes qu’ils dirigent depuis les municipales de 2020, prétendent pouvoir être le cœur (et la tête) d’un rassemblement de la gauche. Le PCF lui aussi prépare la présidentielle et les législatives, tout en faisant de l’union aux régionales une des conditions de la reconquête de régions perdues en 2015.

 

 

La gauche fait notamment face à un défi existentiel. Le RN, de plus en plus haut dans les sondages, menace de l’emporter dans plusieurs régions. Ce fut déjà le cas en décembre 2015, et si le parti d’extrême droite n’a finalement remporté aucun exécutif, c’est dû au sacrifice des listes de gauche alors en course, qui se sont retirées du second tour dans certaines régions menacées. Le prix à payer  : une disparition totale de ces conseils régionaux. Comme en Paca, territoire que la gauche avait géré durant les dix-sept années précédentes. Le Grand-Est a été l’exception, la tête de liste socialiste y a refusé de se retirer, contre les consignes nationales du PS. Or, presque six ans plus tard, le « front républicain » a encore moins le vent en poupe, comme en attestent les sondages portant sur la présidentielle en cas de second tour Macron-Le Pen. La menace est d’autant plus grande.

 

 

Ni extrême droite ni extrême argent

 

 

« Je pense que, dans la situation politique actuelle, si on n’y prend pas garde, la seule alternative qu’on va offrir aux gens, c’est le choix entre l’extrême droite et l’extrême argent, constate le député communiste Sébastien Jumel, chef de file du PCF en Normandie. Or, la responsabilité de la gauche, c’est de lever l’espoir, de donner à voir notre capacité à mettre l’accent sur ce qui nous rassemble plutôt que sur ce qui nous sépare. » Divisées, ces listes ont en effet peu de chances de figurer au second tour et pourraient ainsi être contraintes de s’effacer à nouveau devant la droite et l’extrême droite.

 

 

Dans certaines régions, la conscience de cette menace est suffisamment forte pour qu’elle aboutisse, ou soit sur le point de le faire, à la constitution de listes de large union. Dans les Hauts-de-France, socialistes, écologistes, communistes et insoumis ont fini par trouver un accord et se ranger derrière la tête de liste EELV Karima Delli, non sans difficultés et retournements de dernière minute (c’était le communiste Fabien Roussel qui était un temps pressenti). Et cet accord a le mérite incontestable de battre en brèche la thèse des « deux gauches irréconciliables »…

 

 

Discussions

 

 

En Normandie, où la droite est sortante comme dans les Hauts-de-France, ce sont les communistes et les insoumis qui ont donné le coup d’envoi à un processus qui pourrait aboutir également à une liste de large union, conduite par le communiste Sébastien Jumel. Il reste encore à convaincre les écologistes et les socialistes, alors que le député de Dieppe est donné en tête des candidats de gauche par les sondages (14 %, contre 8 % à EELV et 8 % au PS).

 

 

En Paca également, l’heure est toujours à la discussion. « Nous travaillons à un rassemblement extrêmement large, à l’image de ce qui se fait dans les Hauts-de-France », nous explique Jérémy Bacchi, secrétaire départemental du PCF des Bouches-du-Rhône, estimant que les échéances, dans cette région marquée par l’expérience du « Printemps marseillais », pourraient s’accélérer dans la première semaine d’avril.

 

 

Accords et désaccords

 

 

Ailleurs, c’est plus difficile… En Nouvelle-Aquitaine, le PS est sortant et tente donc de jouer cette carte pour reconduire Alain Rousset, plutôt proche d’Emmanuel Macron. Les militants communistes de la région, faisant valoir les engagements obtenus sur le programme, ont décidé, comme en Bretagne, de soutenir la majorité sortante, malgré certains désaccords persistants. Les insoumis, en revanche, n’ont pas voulu entendre parler du moindre accord et feront liste commune avec le NPA. Et les écologistes d’EELV, qui ont emporté la capitale régionale, Bordeaux, en juin 2020, entendent transformer l’essai et s’imposer.

 

 

Dans le Grand-Est, malgré la menace RN, la gauche est pour l’instant scindée entre deux appels au rassemblement : le PS, EELV et le PCF ont signé un « préaccord », tandis que l’ancienne ministre de la Culture Aurélie Filippetti, la députée insoumise Caroline Fiat et la socialiste Pernelle Richardot ont lancé un appel à l’union « de la gauche et de l’écologie », en décembre dernier.

 

 

En Auvergne-Rhône-Alpes, les communistes pourraient conduire une liste PCF-FI. Si des discussions sont toujours en cours dans cette région présidée par le très droitier Laurent Wauquiez, Najat Vallaud-Belkacem a annoncé conduire une liste du PS, tout en se brouillant avec les écologistes…

 

 

La carte nationale n’est pas un joker au goût de tous

 

 

Dans ce climat parfois tendu, la carte nationale n’est pas un joker au goût de tous. Dans un contexte de concurrence entre la France insoumise et EELV face à l’échéance présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, décidé à se poser en rassembleur, a proposé le 21 mars aux écologistes de soutenir leurs têtes de liste dans toutes les régions, sauf une. Dans cette dernière, la liste serait alors emmenée par FI. Le député évoque Paca ou l’Île-de-France, où la tête de liste Clémentine Autain est soutenue également par les communistes.

 

 

Sandra Regol, secrétaire nationale adjointe d’EELV, lui oppose une fin de non-recevoir. « C’est à l’échelle de l’élection que se prennent les décisions qui concernent ledit échelon », explique-t-elle à « l’Humanité Dimanche », autrement dit la région. Elle invoque ainsi les statuts de son parti pour rejeter tout accord national.

 

 

Quelles que soient les configurations, la gauche devra également compter avec d’autres données. En premier lieu, celle de l’abstention, qui a atteint des niveaux record aux municipales de 2020. La crise sanitaire n’étant pas terminée, ce paramètre pourrait peser lourdement. In fine, l’échéance est pourtant cruciale : la gauche, si elle parvenait à remporter des régions, pourrait ainsi, à quelques mois de la présidentielle, se poser en alternative à la droite classique ou macroniste et à l’extrême droite.


 

Publié le 06/04/2021

 

 

Les Restaurants du Coeur témoignent et alertent...

 

 

 

Faire face à la détresse

de la jeunesse

 

 

 

Près d’une personne sur deux qui vient aux Restos a moins de 26 ans. Près de 40% des étudiantes et étudiants qui poussent la porte des Restos sont isolés. 53% vivent dans des familles qui rencontrent des situations difficiles. 85% des centres des Restos accueillent des étudiantes et des étudiants.

 

Notre jeunesse est fragilisée !

 

Depuis le début de la crise sanitaire et sociale, nous n’avons eu de cesse de nous adapter pour mieux accompagner les jeunes, avec notamment l’ouverture de centres sur de nouveaux créneaux horaires et jours adaptés pour leur permettre de s’y rendre en parallèle de leurs cours ou encore avec l’ouverture de lieux de distribution supplémentaires pour permettre d’accueillir plus de monde.


La mise en place d’un partenariat national avec la Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE) est aussi venu consolider l’aide apportée aux jeunes les plus démunis.

 

Des distributions dans des cités universitaires, des facs, des IUT ou en partenariat avec les CROUS ont également été mises en place, notamment à Paris, La Rochelle, Toulouse, Cherbourg, Valenciennes, Lyon, La Roche-sur-Yon et plus récemment à Montpellier.

 

Les initiatives locales se multiplient, propres aux Restos mais aussi en collaboration avec d’autres associations et institutions. Toutes n’ont qu’un but : donner ce coup de pouce vital pour celles et ceux qui poursuivent des études, mais aussi plus généralement pour se préoccuper d’une jeunesse précaire fragilisée et durement touchée.


A côté de l’aide alimentaire indispensable, un lien social se recrée parfois et de nombreux étudiants et étudiantes qui bénéficient de l’aide des Restos sont à leur tour également bénévoles dans les centres d’activités et de distribution.


Nous alertons depuis des mois et nous faisons tous face à l’urgence pour répondre à la détresse des étudiants et aussi des jeunes travailleurs précaires, migrants, mineurs isolés… qui vivent dans des situations de précarité inacceptables.


 

Publié le 06/04/2021

 

 

L'écologie libère

de l'illusion de liberté

 

 

Editorial par Pierre Jacquemain sur www.regards.fr

 

 

Le déchaînement politico-médiatique qui s'abat sur les élus écologistes en ce moment suit le chemin de la pensée pauvre. Pourtant, c'est bien eux qui élèvent le niveau du débat. Ils interrogent ce que nous ne voyons plus. Ce que nous prenons pour habitude et que l'on ne remet plus en cause. Ils font ce pour quoi ils ont été élus.

 

 

Enfant, puis adolescent, je me souviens avoir rêvé des dizaines de fois que je prenais l’avion. Je me réveillais et j’étais à chaque fois toujours plus déçu de m’apercevoir que ça n’était qu’un rêve. Ce rêve était pourtant une réalité pour des dizaines de petits garçons et de petites filles qui m’entouraient parmi mes camarades d’écoles ou mes voisins de lotissement, dans la banlieue nord de Limoges. Ce qui hantait mes nuits avec ces vols qui n’avaient jamais lieu, c’était les voyages scolaires pour Londres, Rome ou Berlin. Des voyages de classe. Avec mes copains et mes copines d’école. Je n’ai jamais eu l’occasion de les accompagner. Mes parents, avec leurs trois enfants à charge, n’avaient pas l’argent suffisant. Je ne leur en ai évidemment jamais voulu. Et dans cette histoire, ils étaient sans doute les premiers les plus malheureux. Tout juste ont-ils pu, une fois pendant toute ma scolarité, me permettre d’aller à une classe de neige en bus. Joie ! Ils s’étaient pliés en quatre pour financer un bout de ce séjour qui avait été pris en charge, pour une grande partie, par les services sociaux dont dépendait le collège. La première fois que j’ai pris l’avion, j’avais vingt-deux ans. Je partais à Londres. J’avais l’impression d’accomplir, là, un rêve. Un rêve que je me payais avec mon tout premier salaire. Ce rêve était-il le mien ? Étais-je libre de faire ce rêve ? Rien n’est moins sûr.

 

Est-on libre de penser par soi-même ? En 2000, c’était mon sujet du baccalauréat de philosophie. Depuis, j’ai appris – ou plutôt je me suis forgé la conviction – que nous n’étions libres de rien. Pas même sans doute de m’être forgé la conviction qui est la mienne au moment où j’écris ces lignes. Parce qu’il faut avoir l’humilité de dire que nous ne sommes que le résultat d’une addition des gens qui nous entourent. De ceux que l’on croise, que l’on lit et que l’on écoute. Hier, aujourd’hui, demain. Au travail, dans la rue, chez soi, avec les amis – ou que sais-je encore. Voyez la publicité : tous les jours, nous observons, sans voir, plus de mille publicités auxquelles nos pupilles et nos cerveaux s’habituent. Ces affiches, slogans, spots, sont incorporés en nous. Ils nous fabriquent. Nous orientent. Et composent nos imaginaires. À cela, il faut se rendre compte que les publicités ne sont pas les mêmes partout puisque leurs cibles n’est pas la même selon qui vous êtes ou d’où vous venez. Sommes-nous libres de choisir nos vêtements, notre alimentation, nos opinions, nos lectures – quand il y en a –, nos manières, nos goûts, nos gestes, notre langage ? Sommes-nous libres de naître à Homs, Delhi, Limoges ou New-York ? Sommes-nous libres de préférer les épinards aux frites ? De rêver des Maldives ou de préférer une retraite dans le Larzac ? Et puis, tenez, sommes-nous libres d’être au chômage ?

 

Si nous sommes libres de nos rêves, de nos choix, de nos pensées, alors c’est que nous sommes des êtres responsables. Responsables de nos rêves, de nos choix, de nos pensées. Responsables d’avoir une mauvaise alimentation. De vivre (encore) ou pas à Homs, Delhi, Limoges ou New-York. Responsable de ne pas savoir lire, écrire ou compter. Responsable de ne pas avoir pu prendre l’avion lors de ma scolarité – alors que j’en rêvais librement. Responsable d’être au chômage. Responsable de soi. Et de sa propre condition sociale. Voilà pourquoi je ne supporte pas l’idée, ou plutôt le présupposé, qui consiste à croire que nous sommes libres de nos rêves, de nos choix, de nos pensées. Cette idée, en ignorant les inégalités sociales et en faisant comme si elles n’étaient pas déterminantes dans la construction de soi, ne fait que les renforcer. Ce déni est grave intellectuellement. Politiquement plus encore. Et une bien trop large partie de la classe dominante se réfugie dans cette idée pour se donner bonne conscience, en glorifiant le concept de « méritocratie », pour ne pas avoir à y remédier puisque tout reposerait selon eux, sur de prétendues capacités individuelles. Combien de fois ai-je entendu, lors des repas de famille : « Ton père, s’il travaillait plus et qu’il était méritant, il ne serait pas au chômage ». Misère de la pensée. Et le pire dans tout ça, c’est que ceux qui en appellent aux rêves des enfants aujourd’hui, sont les mêmes qui votent l’enfermement des enfants venus d’Homs et d’ailleurs, dans des centres de rétention, pour avoir rêvé d’un monde sans bombes et sans faim. Le déchaînement politico-médiatique qui s’abat sur les élus écologistes en ce moment suit le même chemin de la pensée pauvre. Pourtant, c’est bien eux qui élèvent le niveau du débat. Ils interrogent ce que nous ne voyons plus. Ce que nous prenons pour habitude et que l’on ne remet plus en cause. Que l’on ne veut pas remettre en cause. Il y a ceux qui s’accrochent à leurs privilèges. Et ceux qui pensent le monde pour tous. Finalement, les élus écologistes font ce pour quoi ils ont été élus. Et quelque part, ils nous libèrent de l’illusion de liberté.


 

Publié le 02/04/2021

 

 

Régionales : en Ile-de-France, les gau-ches se regardent en chiens de faïence

 

 

Par Pauline Graulle sur www.mediapart.fr

 

 

Si la pression pour l’union s’accentue, Insoumis, écologistes et socialistes partent, pour l’heure, concurrents dans la région parisienne aux élections régionales. Une division qui a plus à voir avec les enjeux pour 2022 qu’avec le profil politique très proche des trois têtes de liste.

 

 

 

Jouer à « am stram gram » dans l’isoloir : voilà à quoi risquent d’être contraints les électeurs de gauche franciliens qui devront trancher, le 13 juin prochain, entre la social-écologie d’Audrey Pulvar, l’écologie sociale de Julien Bayou, et l’insoumission écologique et sociale de Clémentine Autain…

 

Face à la favorite du scrutin, la sortante des Républicains Valérie Pécresse, Verts, roses et rouges devraient partir concurrents au premier tour des élections régionales prévues les 13 et 21 juin prochains. Au grand dam d’une partie de la base militante, rapportent plusieurs responsables politiques locaux qui ont commencé à tracter pour leur candidat sur les marchés. Et qui constatent sur le terrain l’incompréhension des électeurs face à ces trois candidats qui se ressemblent mais ne s’assemblent pas.

 

« Pécresse n’a même pas besoin de faire campagne, on donne une image déplorable : il ne faudra pas s’étonner si les gens ne vont pas voter », glisse un écologiste basé en banlieue. Un élu parisien : « La gauche est en lambeaux et on va se payer le luxe de ne même pas essayer de récupérer une région [qui fut socialiste de 1998 à 2015 – ndlr] de 12 millions d’habitants ? En plus, même si 2022 est encore loin, ça envoie un mauvais signal. »

 

La date du dépôt des listes, mi-mai, laisse certes un peu de marge à de possibles rebondissements. Plus encore si les élections sont repoussées à cause du reconfinement – l’hypothèse d’un scrutin organisé en octobre prochain serait sur la table, dit-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron. « Si les élections sont reportées à l’automne, ça peut rebattre toutes les cartes et, au final, favoriser les rapprochements », espère Céline Malaisé, présidente du groupe Front de gauche au conseil régional, aujourd’hui candidate sur la liste de Clémentine Autain.

 

Invité dimanche sur France Inter, Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise, a proposé un accord aux Verts, leur soumettant l'idée d'une liste commune derrière Clémentine Autain, en échange de l’union derrière Europe Écologie-Les Verts (EELV) dans cinq autres régions : « C’est Monsieur Bayou qui est secrétaire national des Verts, c’est lui qui pourrait faire le beau geste ! »

 

En 2015, l’Île-de-France avait été le théâtre d'une guerre des gauches au premier tour, où communistes, écologistes et socialistes étaient partis chacun dans leur couloir. Le socialiste Claude Bartolone avait (difficilement) fait le rassemblement derrière lui au second tour. Mais, en plein mandat Hollande, l’alchimie ne s’était pas faite, et Valérie Pécresse l’avait emporté d’un cheveu.

 

« Aujourd’hui, encore moins qu’en 2015 où le PS était sortant, on ne pourra gagner sans une dynamique de premier tour », martèle Céline Malaisé. « Pécresse a eu le temps de tisser ses réseaux et a la main sur l’association des maires d’Île-de-France, c’est une adversaire redoutable », ajoute la communiste qui avait publié cet automne, avec d’autres figures locales, un appel pour un « projet commun » capable d’« unir toutes les forces politiques, sociales, associatives, citoyennes qui agissent pour le progrès social et écologique ». En vain.

 

Sauf que le 11 mars, un vent nouveau est arrivé des Hauts-de-France, avec cet accord jugé « historique » entre La France insoumise, le PS et le PCF, qui ont topé pour se ranger derrière la candidate EELV, Karima Delli. Une union scellée en fanfare. Et saluée par Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Olivier Faure, qui ont appelé à dupliquer ce genre d’attelage dans d’autres régions.

 

Un élément déclencheur ? Toujours est-il que le 16 mars, lors de son premier meeting de campagne, Julien Bayou, qui ne jurait jusque-là que par l’autonomie politique de l’écologie, a changé de ton. Et invité solennellement Audrey Pulvar et Clémentine Autain dans son local de campagne pour « explorer les conditions d’un rassemblement au premier tour ». En coulisses, Benoît Hamon, candidat sur la liste « L’écologie, évidemment ! » (qui regroupe plusieurs partis écologistes, dont Génération·s) a poussé pendant des semaines le secrétaire national des Verts à ouvrir grand les bras.

 

« Ma proposition est sérieuse. Je suis bien sûr prêt à réorganiser toute la liste », assure à Mediapart Julien Bayou qui dit espérer la voir aboutir fin mars au plus tard. En revanche, pas question de céder la tête de liste : « Les Insoumis n’iront jamais derrière le PS, Pulvar n’ira jamais derrière La France insoumise. De fait, le point central ne peut être que l’écologie politique », fait-il valoir.

 

D’où, sans surprise, l’accueil plutôt frais des intéressées. « C’est un peu étonnant que Julien fasse subitement cette proposition, alors que j’ai tendu des perches pendant des mois et je n’ai pas eu de retour, pointe Clémentine Autain, laquelle peut se targuer d’avoir réussi à sceller une alliance avec les communistes au premier tour, alors qu’une partie d’entre eux lorgnait vers Audrey Pulvar. Et surtout, je ne vois pas comment on peut faire une proposition de discussion sérieuse s’il y a un préalable qui est celui de la tête de liste. » L’Insoumise, qui a néanmoins répondu favorablement à la proposition de rendez-vous, attend toujours que les Verts proposent une date…

 

« J’ai toujours appelé à l’union. Se fera-t-elle avec les autres listes de gauche avant ou après le premier tour ? Nous verrons, rien n’est exclu », élude de son côté Audrey Pulvar, qui souligne que sa liste « Île-de-France en commun » rassemble déjà le PS, Place publique, le Parti radical de gauche, les écolos solidaires, Allons Enfants et des citoyens de la société civile.

 

Dans le fond, les deux candidates s’interrogent sur l’authenticité de cette tardive main tendue. « Je crois que c’est surtout parce que Julien ne décolle pas dans les sondages et qu’il cherche une porte de sortie, dit un proche de Clémentine Autain. Et puis réclamer qu’on se rallie à un écologiste au moment même où La France insoumise accepte de se ranger derrière Karima Delli dans les Hauts-de-France, c’est un peu fort. Les militants insoumis ne seraient de toute façon pas d’accord de disparaître derrière le secrétaire national d’EELV. Enfin, on ne voit pas pourquoi ce serait aux femmes de céder leur place à un homme. »

 

Même topo dans l’écurie de Pulvar : « On est devant d’au moins deux points dans les sondages et c’est le PS qui a le plus de collectivités locales en Île-de-France, alors pourquoi rangerait-on ? Ça ne se passe pas comme ça ! », s’exclame un membre son équipe de campagne, qui affirme que les socialistes « sont unitaires pour deux et pour trois »… à condition que cela se fasse derrière leur championne.

 

Pour l’écologiste et conseiller de Paris, Jérôme Gleizes, l’explication de cette impossible union aurait néanmoins moins à voir avec une guerre d’ego qu’avec les logiques d’appareil : « Le rassemblement dans le Nord a libéré un truc, y compris du côté de la base militante francilienne qui se dit “Pourquoi pas nous ?” Mais ce sont les appareils qui bloquent. Et comme à EELV, chaque région s’autodétermine, cela empêche une juste répartition des têtes de liste sur l’ensemble du territoire », analyse-t-il, soulignant en outre que les sondages plaçant les trois listes au coude à coude, personne n’a envie de se ranger derrière l’autre.

 

« L’ironie de l’histoire, regrette un autre écologiste, c’est que ces réflexes de vieille politique sont portés par des têtes de liste qui sont loin d’être les apparatchiks habituels. »

 

Pour cause : Julien Bayou, 40 ans tout rond, a fait ses armes dans l’activisme des « nouveaux militants » des années 2000 avant de s’imposer à la tête d’EELV l’an dernier sur la promesse du « dépassement » de son parti. Un an auparavant, il militait d’ailleurs au sein des Verts pour faire l’union avec la gauche aux européennes. Clémentine Autain, députée de Seine-Saint-Denis et figure montante de La France insoumise, a, elle, souvent fait entendre une petite musique en décalage avec la doxa mélenchonniste, notamment quand le mouvement coupait les ponts avec ses alliés communistes.

 

Quant à Audrey Pulvar, cette ancienne journaliste qui a été à la tête de la Fondation Nicolas-Hulot pendant deux ans, n’émarge pas au PS dont elle n’a pas hérité du logiciel productiviste à l’ancienne. Et doit sa toute jeune carrière politique à la réélection d’Anne Hidalgo à Paris, grâce à une coalition rouge, rose, verte, au second tour, qui l’a propulsée adjointe à l’agriculture.

 

« Tous les trois sont tout sauf sectaires », résume Benjamin Lucas, porte-parole de Génération·s, qui met la division sur le compte des « effets d’entourage ». Plus généralement, ajoute-t-il, « nous sommes dans une période politique où il n’y a plus d’hégémonie à gauche, ce qui a tendance à renforcer les réflexes un peu boutiquiers ».

 

Trois figures du renouvellement et de l’ouverture donc, qui se retrouvaient joyeusement sur le même terrain lors d’un match de football très politique organisé à Grenoble, en mars 2020, par François Ruffin. Et qui partagent sur le fond une vision commune du social et de l’écologie.

 

Certes, il existe des pommes de discorde, par exemple sur l’avenir du triangle de Gonesse sur lequel les socialistes, divisés entre eux, temporisent. Ou encore sur la gratuité des transports – Audrey Pulvar prônant la gratuité totale, Julien Bayou la gratuité pour les jeunes... Mais sur le reste, « le peuple de gauche, y compris les syndicats et les associations locales, le voit bien : au plan régional, on est tous d’accord sur les grandes orientations, qu’il s’agisse des lycées, des transports ou du logement », avance Céline Malaisé.

 

« Il y a des nuances, des divergences, mais les clivages ne sont pas indépassables, notamment avec Clémentine Autain, surtout quand en face, il y a la droite réactionnaire de Pécresse et l’extrême droite de Bardella », abonde Claire Lejeune, candidate sur la liste de Julien Bayou. « Je comprends que le triangle de Gonesse ou le plateau de Saclay puissent creuser quelques désaccords, mais franchement, vu de la Seine-Saint-Denis, ça n’a rien de déterminant », ajoute un communiste.

 

Sans compter quelques chassés croisés un peu cocasses : Benoît Hamon, candidat sur la liste EELV, ne cache pas qu’il verrait bien une candidature présidentielle de Christiane Taubira, laquelle soutient… Audrey Pulvar. Quant au Parti animaliste, il est en négociation avec la liste… insoumise/communiste.

 

En réalité, c’est bien la course pour la présidentielle qui fait obstacle à toute perspective de rassemblement. Le 13 juin, tout le monde aura les yeux rivés sur l’ordre d’arrivée au premier tour du scrutin dans la très symbolique région parisienne. Et tout le monde en tirera conséquences pour le leadership à gauche en 2022. « Le résultat de Pulvar déterminera la viabilité de la campagne d’Hidalgo, les Verts entendent démontrer qu’ils peuvent prendre l’ascendant sur les socialistes en 2022, et les Insoumis veulent se compter », résume un socialiste qui ne se fait en revanche pas trop de souci pour l’union au second tour.

 

Fin janvier, sous une pluie hivernale, Julien Bayou avait rendu visite, avec quelques camarades, à la mairie de Corbeil-Essonnes (Essonne). Dans une salle de l’hôtel de ville, le nouveau maire Bruno Piriou, un ancien communiste, avait accueilli la petite délégation d’écologistes avec le sourire. Mais au lieu d’évoquer, comme il était convenu, la question sanitaire, le tombeur du successeur de Serge Dassault avait décidé de sortir des clous.

 

Le voilà donc qui entreprend un long plaidoyer pour l’union : « Julien, je te dis la même chose que j’ai dite à Clémentine : à Corbeil, on a gagné parce que c’était une aventure collective, même si entre les écolos et le PCF, on n’était pas d’accord sur tout ! Moi, je suis proche de Clémentine, et je peux voter Vert, mais je ne peux pas me dire qu’il faut choisir », assène celui qui s’est battu, vingt-cinq ans durant, contre le « système Dassault », jusqu’à la victoire finale grâce à une liste « Divers gauche » rassemblant aussi des citoyens. Puis, comme un avertissement : « Les Pécresse et les Macron, ça ne peut pas être que de la faute des autres ».


 

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