mise en ligne le 16 juillet 2024
Par Pascal Savoldelli et Éric Bocquet, (sénateurs PCF) sur www.humanite.fr
En sept ans de pouvoir, Emmanuel Macron a entrepris une série de réformes fiscales qui, sous couvert d’une prétendue nécessité de baisser les prélèvements obligatoires, ont renforcé les inégalités et profité aux 5 % de ménages les plus riches. La politique fiscale du Président de la République est devenue le symbole d’une politique injuste, inaudible et éloigné des réalités des Français.
L’économiste Gabriel Zucman s’alertait il y a peu du fait que la France était devenue un « paradis fiscal » pour les milliardaires. C’est bien le sens de la suppression insolente de l’Impôt de solidarité sur la fortune mais aussi de revenus financiers toujours moins imposés que les revenus du travail. Enfin, la dernière loi de finances comprend plus de 175 milliards d’euros d’aides publiques aux entreprises (6,6 % du PIB contre 2,4 % en 1979), sans contreparties au maintien de l’emploi, de l’activité, de la transition écologique.
Il est donc urgent de sortir la fiscalité de l’influence d’une culture de marchés. Les travailleuses et les travailleurs de ce pays doivent obtenir la reconnaissance de leurs capacités créatives et productrices.
Le consentement à l’impôt a en partie été miné par l’impression de faire peser la pression fiscale sur les couches populaires et intermédiaires, mensongèrement réputées exclues de l’imposition et qui pourtant, cotisent sur leurs revenus et s’acquittent de la TVA sur leur consommation. Si les Français sont majoritaires à considérer que le paiement d’impôt et de taxes est justifié car ils financent les services publics (sondage Elabe, pour l’Institut Montaigne et les Échos du 5 octobre 2023), ils sont 76 % à considérer que le système fiscal ne permet pas la redistribution des richesses. Cette majorité a voix au chapitre !
La très forte volonté de changement qui a conduit le Nouveau Front Populaire en tête des élections législatives trouve d’ailleurs en son cœur la nécessité d’une rupture en matière de fiscalité. Des impôts justes, c’est le prix de la démocratie. C’est poser les jalons d’une autre répartition des richesses produites. Au premier titre, la transformation de l’impôt sur les revenus qui profitera à 92 % des ménages, en passant de 5 à 14 tranches d’impôts.
De la même façon, le principe fiscal selon lequel les gros payent gros et les petits payent petits nous a déjà conduit, nous, parlementaires communistes, dans l’hémicycle, à proposer de rehausser le taux de l’impôt sur les bénéfices.
Aussi, devons être convaincus du bien-fondé de prélever 90 % de chaque euro supplémentaire de revenus excédant 400 000 euros. Faut-il rappeler que le taux marginal d’imposition sur le revenu en France était de 70 % dans les années 1960, et 91 % aux États-Unis ? Leurs économies n’ont alors jamais été aussi florissantes et redistributives : la catastrophe annoncée n’aura donc pas lieu et les mesures de réparation de nos services publics et du pouvoir d’achat seront financées. Oui, le programme du Nouveau Front Populaire est chiffré, travaillé de longue date par les parlementaires des différents partis qui le défendent à chaque débat budgétaire, et il est surtout nécessaire.
Nécessaire parce que nous alertons depuis décembre 2023 sur les risques budgétaires qu’encourt notre pays. Et nous ne nous y sommes pas trompés : le 21 février 2024, le Ministre de l’Économie grevait par décret de 10 milliards d’euros les finances de l’État. Soit l’aveu que les prévisions du gouvernement étaient hasardeuses, ses politiques non financées et son budget insincère.
Si la désinformation conjuguée à l’offensive des forces du capital a donné l’illusion d’un programme « pire que celui du Rassemblement National », c’est bien que le capital, les marchés financiers, ceux qui s’accaparent les richesses produites par le travail mènent la bataille pour empêcher la formation d’un gouvernement du Nouveau Front Populaire.
Le conflit entre les intérêts du travail et ceux du capital est d’une pleine actualité. Là est l’urgence de passer d’une campagne d’offre électorale éclaire à une campagne de mobilisation populaire durable. Sans l’intervention multiforme de toutes et tous, du monde du travail, de la société civile, les tentatives de réformes du gouvernement de gauche demeureront extrêmement fragiles voire contrées. L’exigence d’une autre répartition des richesses doit être portée par le corps social et dépasser le cadre du Nouveau Front Populaire, qui seul, ne parviendra pas à obtenir le rapport de force vis-à-vis du capital et de la droite qui se coalisent et s’organisent.
mise en ligne le 16 juillet 2024
Luis Reygada sur www.humanite.fr
Aux antipodes des prédictions des conservateurs, l’Espagne, gouvernée par une coalition progressiste, voit sa croissance largement surpasser la moyenne des pays de la zone euro.
Janvier 2020. Le socialiste Pedro Sánchez passe un accord de gouvernement avec Unidas Podemos (UP) – composé de partis situés à sa gauche – sur la base d’un programme résolument progressiste. Un gouvernement de coalition est formé, il vise à faire de l’Espagne une « référence pour la protection des droits sociaux en Europe », soit résorber les mesures néolibérales et antisociales qui flagellent la population depuis plus de dix ans.
Abrogation des aspects les plus néfastes de la réforme du travail, réforme fiscale ambitieuse avec des hausses d’impôts pour les plus riches et les grandes entreprises, augmentation du salaire minimum, mesures en matière de logement, de transition écologique, de lutte contre les inégalités, etc. L’accent social – ainsi que féministe – est omniprésent et fait alors hurler les porte-voix de la bourgeoisie et du grand patronat.
Du jamais vu en 15 ans
Le moment est historique – il s’agit du premier gouvernement de coalition depuis 1936 – et toute la droite pousse des cris d’orfraie, dénonce l’alliance du PSOE avec la « gauche radicale », et accuse Sánchez de pousser le pays vers l’abîme avec une politique « irresponsable et dangereuse ». Le devenir de la stabilité économique, prétendument au cœur de leurs préoccupations, vise surtout à effrayer l’opinion publique.
Pour les conservateurs, pas de doute : avec les hausses des dépenses publiques et les mesures de protection sociale, le programme de la coalition « embrasse le communisme bolivarien », décourage les investisseurs, augmente la dette publique, nuit à l’emploi et à la compétitivité espagnole. Sans parler de la discipline budgétaire. Quatre ans après, force est de constater que c’est tout le contraire qui s’est produit.
La droite n’y croit pas, la gauche le fait
Les résultats macroéconomiques du gouvernement de coalition – qui a vu Sumar remplacer UP en novembre 2023 – sont bons, voire très bons, malgré l’impact de la pandémie de Covid et la guerre en Ukraine. Les politiques de relance, qui forment un bouclier social protecteur vis-à-vis des familles, des travailleurs et des PME, ont porté leurs fruits et permis d’atteindre des chiffres records en matière d’emploi – jamais vus en quinze ans.
À cela s’ajoutent la hausse du salaire minimum (passé en quatre ans de 900 à 1 134 euros), les réformes qui ont permis aux travailleurs de recouvrer des droits, l’augmentation des retraites ou encore la création d’un revenu de solidarité active.
Les budgets « anti-austéritaires », la mise en place d’une taxe sur les transactions financières, sur les grandes fortunes ou encore sur les bénéfices exceptionnels des grands groupes financiers et de l’énergie, les plus de 200 autres lois approuvées depuis 2020 n’ont pas freiné l’économie.
La situation budgétaire a été plus solide que prévu l’an dernier. Avec une croissance annuelle de 2,5 %, l’économie espagnole a largement dépassé la moyenne de la zone euro (cinq fois inférieure), allant même jusqu’à se hisser sur la première marche du podium devant les autres principales économies européennes. La droite espagnole ne voulait pas y croire, la coalition progressiste au pouvoir l’a pourtant fait.
mise en ligne le 15 juillet 2024
Alexandra Chaignon sur www.humanite.fr
Un rapport d’Oxfam France montre comment la crise climatique a déjà commencé à affecter les droits fondamentaux des citoyens français les plus fragiles. Son corédacteur, Quentin Ghesquière, détaille les conséquences des carences de l’État en termes d’anticipation.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) l’a souligné : il existe un lien entre changement climatique et inégalités, les plus pauvres étant à la fois les plus impactés par les conséquences de celui-ci et les moins protégés par les mesures prises par les pouvoirs publics pour y faire face.
Le rapport d’Oxfam rendu public ce lundi 15 juillet, intitulé « Changement climatique : nous ne sommes pas prêt·e·s », montre « comment la grande improvisation des politiques d’adaptation favorise les plus riches » au détriment des droits humains.
Ce rapport montre que le changement climatique nourrit les inégalités. Ce n’est pas nouveau…
Quentin Ghesquière (OXFAM) : On sait que les plus riches, en polluant davantage, contribuent massivement à l’aggravation de la crise climatique et que les plus pauvres sont en première ligne en matière de conséquences. Mais ce rapport montre que les actions d’adaptation peuvent infléchir cette tendance, soit en accroissant soit en réduisant les inégalités. Prenons l’exemple des habitants des quartiers populaires.
En plus de vivre dans des endroits hyper-artificialisés, ils sont les plus exposés à la pollution de l’air, habitent des passoires thermiques… Alors que l’État devrait protéger ces populations, il ne remplit pas son rôle en n’offrant pas les moyens d’adaptation et en ne permettant pas de politiques urbaines beaucoup plus résilientes (végétalisation des espaces, isolation des logements sociaux, etc.).
C’est valable aussi pour les personnes qui travaillent en extérieur. On parle souvent des travailleurs du BTP, mais de nombreux autres métiers sont concernés et ne bénéficient pas de statut qui les protège du changement climatique. Au contraire, les politiques d’adaptation actuelle protègent avant tout les plus riches.
Prenons l’exemple de la « gentrification verte » : la végétalisation des villes augmente la valeur des biens immobiliers des populations aisées et entraîne le déplacement des populations modestes vers les périphéries non végétalisées, plus chaudes en été.
Vous estimez que cette situation constitue une menace pour nombre de droits humains en France ?
Quentin Ghesquière : Sur les 50 droits fondamentaux garantis par l’Union européenne, 26 sont susceptibles d’être directement ou indirectement menacés. C’est par exemple le cas du droit à l’éducation : 7 316 écoles maternelles, soit environ 1,3 million d’enfants de 2 à 5 ans, seront affectées par des vagues de chaleur supérieures à 35 °C d’ici à 2030. On peut aussi évoquer le droit à la santé, alors que le système hospitalier est déjà en tension – 103 hôpitaux sont menacés de fermeture totale ou partielle d’ici à 2100 en raison d’aléas climatiques extrêmes.
Le nouvel hôpital de Nantes, dont la reconstruction est estimée à 25 milliards d’euros, est ainsi implanté dans une zone submersible, sans aucune prise en compte des effets de la montée du niveau de la mer, qui pourtant affectera l’île de Nantes et, du coup, l’hôpital. Et la liste est encore longue.
Les politiques d’adaptation de la France semblent être reléguées au second plan…
Quentin Ghesquière : La France est dotée d’un plan d’adaptation depuis 2011. Mais il se résume à des déclarations sans objectif précis qui renvoient à des dispositifs déjà existants, dotés d’aucun moyen. Le dernier plan d’adaptation s’est achevé en 2022. À ce jour, aucun plan n’a été publié, ni soumis à aucune consultation.
L’État réagit en outre toujours après et par à-coups. Quand des mesures existent, elles sont activées en réaction à une catastrophe plutôt que par anticipation, et restent sectorielles. Il a ainsi fallu attendre les incendies de Gironde et des Landes pour que le budget consacré à la sécurité civile soit structurellement augmenté pour faire face aux nouveaux risques de méga-feux.
En plus d’être prises dans l’urgence, ces mesures sont souvent insuffisamment financées…
Quentin Ghesquière : Les plans ont toujours manqué d’ambition et de ressources dédiées. Il faudrait consacrer plusieurs dizaines de milliards d’euros par an à l’adaptation. Mais il est impossible de donner un chiffre global. En revanche, on a chiffré les coûts économiques du manque d’adaptation.
Depuis 1980, la France a cumulé 120 milliards d’euros de pertes financières, soit le 2e coût le plus élevé au niveau européen. Et sur la même période, l’Agence européenne de l’environnement estime que 45 000 personnes sont décédées en France en raison du réchauffement climatique. Les projections à l’horizon 2055-2064 anticipent une baisse d’environ 1,5 % du PIB français liée au climat, soit une perte de 39 milliards d’euros…
Et dans le même temps, l’État alloue des milliards d’argent public à des activités contribuant au dérèglement climatique. On a néanmoins l’impression qu’il y a eu un sursaut sur ces questions ces derniers mois, je pense notamment au plan eau qui est loin d’être parfait mais a le mérite d’exister.
Pourtant, si on se réfère à la campagne des législatives, la question climatique a été totalement absente du débat politique…
Quentin Ghesquière : C’est vrai, le sujet a été totalement éclipsé. Mais au niveau de la société, le climat reste la 2e préoccupation principale des Français, selon une étude de l’Agence de la transition écologique (Ademe) publiée en 2023. Les Français ont bien compris l’enjeu.
Le réchauffement climatique est rentré dans leur quotidien, avec les épisodes de fortes chaleurs, les inondations, les incendies. Le mouvement des agriculteurs a également mis sur le tapis les questions climatiques et des aléas qui ont une incidence directe sur leurs revenus.
Cela démontre l’urgence à prendre le sujet à bras-le-corps. Au nouveau gouvernement de s’en emparer et d’y répondre. Nos recommandations – des investissements conditionnés à des critères de réduction des inégalités et d’efficacité, un droit du travail adapté au climat, un plan national d’adaptation au changement climatique contraignant, de vrais moyens alloués – sont là pour l’y aider.
mise en ligne le 15 juillet 2024
par Jean de Peña, et Nina Hubinet sur https://basta.media/
Un millier de personnes, souvent néo-militantes, ont participé à la campagne du Nouveau Front populaire à Marseille. Le mouvement, nommé “Réserve citoyenne”, entend bien continuer la bataille culturelle contre l’extrême droite.
La buvette est fermée, et aucun concert ou spectacle n’est prévu ce soir au jardin Levat. Mais près de 200 personnes se pressent devant la petite scène de cet ancien couvent reconverti en lieu culturel, dans le quartier de la Belle-de-mai, à Marseille.
La chaleur commence à retomber, et à l’ombre d’un des hauts murs du jardin, on s’embrasse, tout sourire, malgré les traits tirés. Celles et ceux qui se saluent chaleureusement ne se connaissaient pas, pour la plupart, il y a un mois. Mais ils et elles ont livré une bataille commune ces trois dernières semaines, de celles qui créent des liens forts.
Ce mercredi 10 juillet, trois jours après une victoire mêlée de surprise, de liesse, et de la conscience qu’il s’agit d’un sursis – en particulier dans les Bouches-du-Rhône, où 11 députés RN ont été élus, pour 5 du Nouveau Front populaire – une partie des membres de la Réserve citoyenne se retrouve pour envisager l’avenir de ce mouvement né de l’urgence.
« On va commencer par un jeu ’’brise-glace’’ : vous êtes des pissenlits et vous allez vous disséminer parmi vos voisins, pour vous asseoir à côté de quelqu’un que vous ne connaissez pas », annonce Quentin, l’un des « coordos » de la Réserve. Le vocabulaire évoquant un management bienveillant déclenche quelques rires, mais tout le monde s’exécute de bonne grâce, et chacun·e engage la conversation avec des inconnu·es.
« Pour la suite, il faut vraiment qu’on arrive à créer des espaces de rencontre et de discussion, dans tous les quartiers », pointe Alexandra. « Sans être dans une attitude descendante », souligne-t-elle. Son interlocuteur, Mathieu, opine du chef. « Cette campagne, ça m’a aidé à mieux comprendre pourquoi les gens votaient pour l’extrême-droite. Maintenant j’aimerais aller aider les militants dans les bastions RN autour de Marseille », embraye-t-il.
L’échange est à l’image de l’état d’esprit de la Réserve citoyenne, lancée par un militant marseillais bien connu, Kevin Vacher, au lendemain des élections européennes. Les techniques sont à première vue les mêmes que celles des partis politiques en période électorale : le millier de personnes qui ont été actifs sur le terrain – sur les 3000 inscrits sur les groupes Whatsapp – ont fait principalement des porte-à-porte et tractages, en particulier dans trois « swing circos », où la victoire du NFP était loin d’être acquise, mais pas impossible.
« Dans nos formations express, on a insisté sur la posture d’écoute et l’humilité… L’inverse du paternalisme longtemps pratiqué par la gauche », explique Kevin, 34 ans, engagé pour le logement digne, mais aussi en faveur d’une véritable démocratie participative, depuis plus d’une décennie.
Une humilité essentielle, d’autant que les néo-militants de la Réserve citoyenne sont socialement très homogènes : majoritairement des classes moyennes blanches du centre-ville. « J’avais peur que les gens ne soient pas très accueillants en voyant une bobo qui débarque dans les quartiers nord », raconte ainsi Julia, la trentaine, devenue rapidement l’un des piliers du groupe de la Réserve citoyenne dans la troisième circonscription, à cheval sur les 13e et 14e arrondissements de la ville, mélange de grandes cités déshéritées et des zones résidentielles acquises au RN.
« Mais en fait les gens étaient contents qu’on soit là. Et la discussion permettait souvent de dépasser un raisonnement motivé par la colère… On a eu le sentiment d’être utile », poursuit cette urbaniste, qui connaissait ces quartiers par son travail sur la rénovation urbaine à Marseille, « sans connaître les gens ».
« Ça faisait un moment que je m’étonnais de la déconnexion des militants du centre-ville vis-à-vis des quartiers nord, et que je voulais m’y investir, précise-t-elle. L’énergie de la réserve a été énorme… Maintenant j’ai envie de continuer. » Marie, Raphaël, Jordane, Sandro, Laure ou Maïté, camarades de porte-à-porte de Julia dans les 13e et 14e arrondissements, affichent la même envie. Reste à savoir comment la mettre en œuvre.
Ils et elles ont en tout cas bien conscience que le chemin sera long : malgré tous leurs efforts, le tout jeune candidat du NFP sur cette circonscription, Amine Kessaci (EELV), a finalement été battu par la députée RN sortante, à 835 voix près.
« Un grand merci à la Réserve citoyenne, sans laquelle rien n’aurait été possible », lançait celui-ci dimanche 7 juillet, en direction de la dizaine de « réservistes » présents à son QG de campagne. On le retrouve le 10 juillet au jardin Levat, où il est venu écouter les échanges. « Je sortais de la campagne des européennes, mes équipes étaient prêtes à mener bataille, mais déjà épuisées… Les gens de la réserve citoyenne ont été les moteurs de cette campagne dans ma circo, je leur dois beaucoup. » Le candidat EELV a ainsi réduit l’écart avec sa concurrente RN, passant de plusieurs milliers de voix en 2022 à moins d’un millier cette fois-ci, notamment grâce à l’action de la Réserve.
Même si ces derniers sont des nouveaux venu·es en politique, les dizaines de conversations qu’ils et elles ont eues avec les habitant·es de ces quartiers les vaccinent d’une certaine naïveté vis-à-vis de l’immense tâche dans laquelle ils veulent maintenant s’engager. Maïté évoque par exemple un monsieur rencontré le vendredi précédent, lors de son dernier porte-à-porte, à la cité des Lauriers. « Il a commencé par une blague, disant qu’il allait tirer à pile ou face pour choisir son bulletin. »
Ce manager d’hôtel d’une cinquantaine d’années, d’origine marocaine, s’est avéré finalement être plutôt à gauche, et conscient de la menace que représentait le RN. Mais la boutade exprimait le fait qu’il était désabusé, lassé des promesses non tenues de la gauche, tout autant que blessé par le racisme ambiant. « Il m’a raconté que les clients de l’hôtel où il travaille étaient toujours étonnés que ce soit lui le manager, parce qu’il est arabe… ça m’a touchée », raconte Maïté, qui a travaillé un temps dans les quartiers nord, pour une association qui aide à l’implantation d’entreprises.
Les uns et les autres ont aussi pu mesurer l’ampleur de la « bollorisation » des esprits. Qu’il s’agisse de personnes racisées soutenant que Marine Lepen et son parti n’était pas raciste, ou d’électeurs de droite ou centristes considérant LFI comme un danger plus grand que le RN.
Laure se souvient d’une femme particulièrement véhémente, rencontrée aussi lors du dernier porte-à-porte de vendredi. « Pour elle, il était inconcevable de voter NFP à cause des Insoumis : “Ils ont foutu le bordel à l’Assemblée, c’est eux qui sont responsables de la situation dans laquelle on est !”, disait-elle. »
Et lorsque Laure lui a dit qu’elle militait pour le climat et avait peur d’être arrêtée si le RN arrivait au pouvoir, la dame en question a répliqué : « C’est le genre d’argument qui va plutôt me pousser à voter RN que NFP ! » Laure ne se fait pas d’illusion : reconstruire des repères politiques prendra des années. « Mais on a senti qu’il se passait quelque chose pendant ces portes-à-portes, que les rencontres et les discussions d’égal à égal pouvaient avoir un impact… C’est pour ça qu’on veut revenir régulièrement dans ces quartiers », témoigne-t-elle.
« Atelier de réarmement civique » ou concerts
Comment trouver les bons arguments face aux électeurs du RN ? Comment sortir de l’entre-soi ? Comment impliquer des habitant·es des quartiers populaires dans la Réserve ? Quelles relations doit-elle entretenir avec les partis politiques ? Les questions pleuvent, et les réponses ne seront logiquement pas apportées lors de cette soirée « défrichage ».
Mais après le grand débat, lors des ateliers thématiques en plus petits groupes, où l’on propose des actions concrètes, les réservistes semblent renouer avec l’enthousiasme de la campagne. « Il faut retourner dès cet été dans les quartiers où l’on est passé, pour conserver le lien avec les habitant·es », juge Marie, professeure des écoles à la retraite, et l’une des rares militantes encartées (au NPA) de la Réserve. « C’est la continuité et la régularité qui feront la qualité de ce lien. »
Pour la rentrée, les idées fusent aussi : Nicolas, urbaniste et artiste, veut organiser des « ateliers mobiles de réarmement civique », pour aider à s’inscrire sur les listes électorales. « Dans le bureau du 13e où j’étais assesseur, une vingtaine de personnes ont constaté le jour du vote qu’elles n’étaient pas inscrites. Et on a calculé qu’avec dix voix de plus par bureau, Amine aurait été élu », souligne-t-il.
Francisco suggère d’organiser des soirées culturelles, avec spectacle sur un thème en lien avec les préoccupations des habitant·es, en y réfléchissant en amont avec elleux, et en se coordonnant avec des associations locales qui font déjà un travail similaire. Et pourquoi pas coupler ces moments conviviaux avec l’inscription sur les listes électorales ?
« Moi je voudrais simplement mettre en place des rencontres régulières dans un quartier pour discuter des infos de la semaine », propose Luisa, elle-même habitante du 14e arrondissement. « A la fois pour démonter les intox des médias Bolloré et montrer l’impact de la politique sur la vie des gens. » Ça tombe bien, Clément a peu ou prou la même idée… On s’inscrit pour organiser ces futures actions, de nouveaux groupes Whatsapp dédiés sont créés.
À l’apéro qui suit cette première réunion « post-électorale » de la Réserve, on décide de créer encore un autre groupe… pour organiser des sit-in devant la Préfecture, jusqu’à ce que Emmanuel Macron nomme un Premier ministre issu du NFP. « Pour que les gens fassent à nouveau confiance à la gauche, il faut que les mesures sur lesquelles on a fait campagne soient appliquées. Sinon ça ne marchera pas », s’inquiète Marie. Toutes et tous ont bien conscience que ce qui joue là est de l’ordre de la dernière chance, et que « faire pression » sur ce qui se passe « dans les hautes sphères », est tout aussi essentiel que de repolitiser les habitant·es des quartiers populaires de Marseille.
mise en ligne le 14 juillet 2024
Pierre Barbancey surwww.humanite.fr
Au moins 90 personnes, dont la moitié serait des enfants, ont été tuées samedi 13 juillet lors d’une frappe ordonnée par Benyamin Netanyahou ciblant un dirigeant du Hamas. Le secrétaire général de l’ONU compare la condition des civils à des « boules humaines de flipper », forcées de se déplacer.
Al-Mawasi est censée être une zone humanitaire sécurisée. C’est en tout ce que prétend l’armée israélienne qui, à plusieurs reprises, a exhorté les Palestiniens à s’y rendre après avoir émis des ordres d’évacuation d’autres parties de la bande de Gaza.
Mais le commissaire général de l’organisme des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), Philippe Lazzarini, avait prévenu qu’aucune zone n’était en réalité sécurisée. Il avait raison. Samedi 13 juillet, Israël a lancé une frappe sur ce quartier densément peuplé, faisant au moins 90 morts (dont la moitié d’enfants) et 300 blessés.
« Je ne pouvais même pas dire où j’étais, ou ce qu‘il se passait », a expliqué à l’agence Reuters Sheikh Youssef, un résident de la ville de Gaza qui est actuellement déplacé dans la région d’Al-Mawasi. « J’ai quitté la tente et regardé autour de moi : toutes les tentes ont été renversées, des parties de corps, des corps partout, des femmes âgées jetées par terre, de jeunes enfants en morceaux. » Ce même jour, une frappe sur le camp d‘Al-Shati, en bordure de la ville de Gaza, plus au nord, a fait au moins 20 morts.
Les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux montrent beaucoup d’enfants morts
Officiellement, Israël cherchait à tuer le chef militaire du Hamas, Mohammed Deïf, mais Benyamin Netanyahou, sans un mot pour les civils tués, a avoué qu’il ne savait pas si Deïf et un autre commandant du Hamas avaient été tués. Il « va bien et supervise directement les opérations des brigades al-Qassam (la branche armée du Hamas – NDLR) et de la résistance », a fait savoir un responsable du mouvement palestinien en évoquant Mohammed Deïf.
« La frappe a été menée dans une zone clôturée gérée par le Hamas où, selon nos informations », ne se trouvait « aucun civil », a affirmé de son côté l’armée israélienne, estimant que « la plupart des victimes étaient des terroristes ». Un discours à l’adresse du public israélien.
Les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux montrent beaucoup d’enfants morts. « Je ne sais pas quoi dire, la situation est tragique. Je n’exagère pas, nous avons des funérailles toutes les quinze minutes en quittant l’hôpital. Cela se poursuit depuis l’incident. Un par un, des gens se font tuer », révèle Mohammed Aghaalkurdi, de l’aide médicale palestinienne qui se trouve à l’hôpital de Nasser.
Beaucoup de personnes blessées, y compris des femmes et des enfants, ont été emmenées à l’hôpital voisin de Nasser, qui, selon ses responsables, était débordé et « ne pouvait plus fonctionner » en raison de l’intensité de l’offensive israélienne et d’une pénurie aiguë de fournitures médicales. « L’hôpital est plein de patients, il est plein de blessés, nous ne pouvons pas trouver de lits pour les gens », a insisté Atef Al Hout, directeur de l’hôpital, ajoutant que c’était le seul qui opérait encore dans le sud de Gaza.
38 584 Palestiniens seraient morts et 88 881 blessés
Netanyahou a promis de continuer à cibler les dirigeants de l’organisation palestinienne, affirmant que plus de pression militaire sur le groupe améliorerait les chances d’un accord en vue de libérer les otages. Pourtant, alors que des pourparlers séparés avaient lieu depuis mercredi 10 juillet au Qatar pour tenter d’établir un cessez-le-feu, le Hamas aurait décidé d’arrêter toute discussion à la suite des frappes sur Al-Mawasi, mais les déclarations en ce sens sont contradictoires.
Ces discussions avaient été relancées après une concession, la semaine dernière, de cette organisation, qui avait accepté de négocier la libération d’Israéliens et de prisonniers palestiniens en l’absence d’un cessez-le-feu permanent avec Israël.
Samedi 13 juillet au soir, le chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a accusé Benyamin Netanyahou de chercher à bloquer un cessez-le-feu par des « massacres odieux. La position israélienne (…) consiste à placer des obstacles qui empêchent de parvenir à un accord », a-t-il précisé, mettant en avant à l’inverse une « réponse positive et responsable » du Hamas aux efforts des médiateurs.
Josep Borrell, chef de la politique étrangère de l’Union européenne, a demandé « l’accès à des enquêtes indépendantes » afin de déterminer les responsabilités concernant l’attaque de l’armée israélienne contre le camp de réfugiés d’Al-Mawasi.
Quant au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, il a accusé Israël de publier des ordres d’évacuation qui forcent les Palestiniens à « se déplacer comme des boules humaines de flipper dans un paysage de destruction et de mort ». Selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, qui dirige la bande de Gaza, depuis le 7 octobre, désormais 38 584 Palestiniens seraient morts et 88 881 blessés.
mise en ligne le 14 juillet 2024
Samuel Eyene sur www.humanite.fr
Huit mois après avoir remis en marche l’usine, les travailleurs de l’usine de papier emblématique de la Meuse se retrouvent à nouveau en difficulté. Des promesses non tenues par leur ancien propriétaire et un sous-investissement du nouveau renvoie l’entreprise en redressement judiciaire.
C’est l’histoire d’une reprise d’activité qui ne s’est pas passée comme prévu. Un an seulement après son rachat par le fonds allemand Accursia Capital, la papeterie Stenpa (ex-Stenay Papers) anciennement détenue par le groupe finlandais Ahlstrom, a été placé en redressement judiciaire, vendredi 5 juillet, par le tribunal de commerce de Bar-le-Duc. « Accursia Capital et Ahlstrom ne semblent pas respecter leurs engagements vis-à-vis des salariés », a dénoncé l’intersyndicale CGT-FO dans un communiqué.
« Le nouvel actionnaire n’a pas eu de projet industriel »
Un nouveau coup de massue pour les 124 salariés de l’usine spécialisée dans la fabrique de papiers destinés à l’emballage ou encore à la fabrication d’étiquettes. Déjà, en mars 2023, ils avaient dû faire face à la décision d’Ahlstrom de cession du site en raison d’une baisse du nombre de commande. Un plan social avait alors été lancé le 7 avril 2023 avant qu’un repreneur, trouvé en urgence, ne fasse irruption.
Des nouvelles bobines de papiers avaient vu le jour en novembre 2023. Et les travailleurs, las d’une longue lutte de cinq mois, se croyaient sauvés. Retour à la case départ, un an plus tard. La faute à des accords non respectés par l’ancien propriétaire, d’après les syndicats.
« Pour faire simple, lors de la reprise de la papeterie, l’ancien propriétaire Ahlstrom s’est engagé à trouver des commandes afin de l’aider à redémarrer. L’accord devait durer six mois. Cela a bien fonctionné au début. L’usine a repris son activité en octobre de l’année dernière avec près de 100 tonnes de commandes », raconte Alain Magisson, secrétaire du comité social et économique (CSE) et délégué CGT.
Mais la suite a été plus laborieuse. Le nombre de commandes a diminué et le précédent propriétaire a cessé de jouer « son rôle dans l’accompagnement. Il s’est même placé en concurrence de la papeterie de Stenay », poursuit le cégétiste.
Seulement, Ahlstrom n’est pas le seul tenu pour responsable dans les nouvelles difficultés. Les erreurs proviennent également « du nouvel actionnaire, qui n’a pas eu de projet industriel ni les moyens pour soutenir la société », précise Matej Kurent, directeur général de la papeterie Stenpa.
Ainsi, le CSE a alerté la direction et sommé Accursia de venir sur le site. Ce qu’elle n’a pas fait, contraignant une partie des délégués syndicaux à se déplacer en juin au siège munichois du fonds d’investissement pour obtenir des réponses… insatisfaisantes.
« La direction d’Accursia nous a expliqué comment elle opère. Elle reprend des entreprises dont les actions chutent à zéro et s’occupent de les relancer sans toutefois y investir le moindre centime, s’indigne Alain Magisson. Si la papeterie devient rentable, elle empruntera de l’argent auprès des banques. Mais Accurcia, lui, n’avance ni n’investit aucune somme. Il ne prend aucun risque ».
Difficile, dans ces conditions pour l’intersyndicale d’entrevoir un avenir radieux. L’usine meusienne fait donc face au péril d’une liquidation judiciaire au 30 septembre si aucun repreneur ne se fait connaître d’ici là.
mise en ligne le 13 juillet 2024
Lucas Sarafian sur www.politis.fr
Coalition, Premier ministre, contrat de gouvernement… Socialistes, écologistes, communistes et insoumis tentent d’imaginer des voies de sortie pour accéder au pouvoir. Mais encore faut-il réussir à accorder ses violons.
Pression maximale. Le Nouveau Front populaire (NFP) continue de négocier mais aucun accord n’est prêt à être signé. Cela fait cinq jours que la gauche réunifiée doit échafauder une réponse au camp présidentiel qui concentre toutes ses attaques sur les socialistes, les écologistes, les communistes et les insoumis. À l’image de ces nombreux macronistes qui annoncent défendre une motion de censure si des représentants de La France insoumise (LFI), voire certains membres des Écologistes, sont nommés dans un gouvernement du NFP.
Macron semble chercher à temporiser en espérant la désunion. T. Thiollet
Le 10 juillet, Emmanuel Macron en remet une couche. Après trois jours de silence, le Président publie une lettre aux Français dans laquelle il demande « à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’État de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française, d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays ». Une manière, une nouvelle fois, de sous-entendre que LFI ne ferait pas partie des forces politiques républicaines au même titre que le Rassemblement national. Et de faire un appel du pied aux socialistes.
Mais Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, ne cède pas. « J’ai fait le choix du rassemblement de la gauche et je n’en bougerai pas », répond-il sur France 2. Pour Jean-Luc Mélenchon, « Emmanuel Macron fait du ‘front républicain’ une alliance politique qui devrait produire un gouvernement ou une majorité au Parlement. Il ne peut en être question. Le soi-disant ‘front’ n’est pas une alliance politique ». Le NFP est au pied du mur. Il y a urgence : la coalition des gauches doit s’entendre.
Pour François Thiollet, membre de l’exécutif des Écologistes, « la force du NFP, c’est l’unité. Macron semble chercher à temporiser en espérant la désunion. À nous, au contraire, d’affirmer que nous sommes prêts à gouverner et solides pour le faire ». Mais toujours rien. Aucune proposition de chef de gouvernement, aucune communication officielle. La gauche rame. « Tout le monde doit ajuster ses violons parce qu’on donne le sentiment de ne pas pouvoir y arriver », lâche le sénateur socialiste du Val-d’Oise Rachid Temal.
Les réunions se multiplient, les visioconférences aussi. Les échanges bilatéraux continuent. Des réunions secrètes se tiennent dans le 10e arrondissement de Paris, parfois jusque très tard dans la nuit. Au cœur des négociations, le maire de Marseille, Benoît Payan, Pierre Jouvet et Olivier Faure pour les socialistes, l’eurodéputé David Cormand et Marine Tondelier pour les écologistes, Paul Vannier, Manuel Bompard, Clémence Guetté et Aurélie Trouvé pour les insoumis et, Fabien Roussel, Igor Zamichiei et Christian Picquet pour les communistes.
Mais personne n’arrive à s’entendre. Qu’est-ce qui coince ? Tout d’abord, la composition du gouvernement. Certains socialistes, comme Philippe Brun, défendent un gouvernement qui prend en compte les équilibres parlementaires. En clair, former un exécutif qui compte des socialistes, des figures centristes, des macronistes et des élus de droite.
Les insoumis sont fermement opposés à ce type de gouvernement d’union nationale. Les socialistes rentrent désormais dans le rang, même si certains envisagent d’attirer des soutiens venus de l’aile gauche de la Macronie – des ponts existent entre Raphaël Glucksmann et certains représentants de cette frange du camp présidentiel. « Nous souhaitons un gouvernement du Nouveau Front populaire qui mette en œuvre des mesures majoritaires comme la hausse du smic ou l’abrogation de la réforme des retraites, dit un négociateur PS. Là où il peut y avoir quelques nuances, c’est sur la façon de construire des compromis avec la Chambre. »
Les discussions doivent partir de la base de notre programme et, ensuite, nous devrons faire confiance à la culture du compromis. R. Cardon
Deuxième point qui crée quelques débats : l’éventualité de construire des compromis avec le Parlement. Les insoumis veulent l’application pleine et entière du programme de rupture de ce contrat de législature du Nouveau Front populaire. Les communistes et les socialistes envisagent un gouvernement qui soit capable de discuter et de construire des compromis avec d’autres forces politiques, ces fameuses majorités texte par texte qu’Emmanuel Macron et ses exécutifs successifs n’ont jamais réussi à construire en situation de majorité relative.
Le désaccord est profond à gauche. « Les discussions doivent partir de la base de notre programme et, ensuite, nous devrons faire confiance à la culture du compromis. Il y a des propositions sur lesquelles les macronistes peuvent difficilement s’opposer comme les superprofits ou l’augmentation du smic. On se torture l’esprit avec les manœuvres, mais on peut accepter simplement le débat politique », estime le sénateur socialiste de la Somme, Rémi Cardon. Le député PS de l’Essonne Jérôme Guedj répète une formule : « Un gouvernement minoritaire qui répond aux aspirations majoritaires. »
Le dernier point, c’est le casting. La répartition des ministères est une question, mais ce n’est pas celle qui crée le plus de discussions. De nombreux noms circulent comme celui de Cécile Duflot, défendue par les Écologistes, ou Éric Coquerel pour être à la tête du ministère de l’Économie. Mais qui pour Matignon ? L’hypothèse de Boris Vallaud, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, a circulé. Tout comme le nom de Clémence Guetté, une députée LFI qui compte beaucoup dans l’appareil insoumis puisqu’elle a dirigé le programme de Jean-Luc Mélenchon durant la présidentielle de 2022. « Dans n’importe quelle situation de stress et d’urgence, elle aura un cap programmatique clair », dit le député insoumis Hadrien Clouet.
Les socialistes ne veulent pas d’un insoumis et les insoumis ne veulent pas d’un socialiste.
Le nom d’Olivier Faure fait aussi son chemin. L’option est évoquée durant le bureau national du parti le 8 juillet et l’idée est même soutenue par l’ex-Président qui fait son retour à l’Assemblée, François Hollande, selon Libération. Le 9 juillet, le premier secrétaire du PS se dit « prêt à assumer cette fonction ». Pour le secrétaire général du Parti socialiste et eurodéputé Pierre Jouvet, Faure est « le seul profil qui peut rassurer et être Premier ministre ». Le bras de fer s’installe avec les insoumis. « Les socialistes ne veulent pas d’un insoumis et les insoumis ne veulent pas d’un socialiste », juge un cadre de gauche.
Le mouvement mélenchoniste estime que le groupe le plus important à l’Assemblée nationale doit proposer un nom pour la Primature. Le 11 juillet, les négociateurs proposent une liste de candidats potentiels : le coordinateur du mouvement, Manuel Bompard, la coprésidente de l’institut La Boétie, Clémence Guetté, la présidente du groupe insoumis à la chambre basse, Mathilde Panot, et le triple candidat à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon. Le fondateur du mouvement insoumis est omniprésent médiatiquement depuis la création du NFP.
Mais écologistes, communistes et socialistes jugent que le fondateur de La France insoumise est trop clivant, pas assez consensuel pour créer du consensus à l’Assemblée et faire adopter des textes. « Clémence Guetté, Mathilde Panot, Johanna Rolland, Clémentine Autain, Marine Tondelier… Nous avons un nombre de personnes de grande qualité qui feront un gouvernement solide. L’enjeu, ce ne sont pas les destins individuels, mais notre destin collectif en tant que nation », estime la présidente sortante du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain, pressentie pour être la candidate du NFP à la présidence de l’Assemblée nationale.
Les Écologistes veulent rester dans une position de neutralité – ce qui a tendance à agacer les socialistes – et avancent un argumentaire : c’est la méthode de désignation du Premier ministre qui résoudra les conflits. Les verts parlent d’un vote entre parlementaires, une idée soutenue initialement par les socialistes. Mais le temps presse. Car les groupes sont en pleine discussion pour se constituer. Et les discussions patinent toujours. Les composantes du NFP doivent absolument se mettre d’accord.
Ce 12 juillet en fin de matinée, un nom circule dans le petit monde politico-journalistique : Huguette Bello. La présidente du conseil régional de La Réunion – symboliquement candidate aux européennes sur la liste de La France insoumise menée par Manon Aubry – est inconnue du grand public, mais elle a un profil idéal, selon les communistes qui poussent cette option discutée dans un conseil national du parti organisé ce jour, d’après L’Humanité. « J’ai effectivement proposé la candidature d’Huguette Bello », explique Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, sur BFMTV.
Selon lui, Huguette Bello aurait les compétences pour construire une majorité et « discuter avec le Président ». Mais cette option ne ravit pas les socialistes. « Elle n’a pas voté le mariage pour tous quand elle était députée. Catherine Vautrin a été écartée pour ces raisons. Je n’imagine pas le NFP valider cette candidature », considère Luc Carvounas, ex-député PS et maire d’Alfortville (Val-de-Marne). Le premier acte des négociations vient de se clore. Mais la petite pièce de théâtre ne fait que commencer.
Et en attendant, Emmanuel Macron joue sa propre partition, laissant entendre qu’il pourrait construire une coalition anti-NFP pour ravir à la gauche la présidence de l’Assemblée : le nom de Yaël Braun-Pivet circule, la droite pourrait approuver et le Rassemblement national pourrait ne pas s’y opposer – l’ex présidente de l’Assemblée nationale s’étant engagée à attribuer des postes au RN, comme la précédente législature, ce que la gauche refuse catégoriquement.
mise en ligne le 13 juillet 2024
Cyprien Boganda, Pierric Marissal et Gaël De Santis sur www.humanite.fr
Les porte-flingue du patronat et de tous ceux qui ont profité des années Macron multiplient les outrances et tirent à boulets rouges sur le programme de la gauche afin de l’empêcher de parvenir à Matignon.
Il ne manque guère que les invasions de sauterelles. Des éditorialistes libéraux et économistes orthodoxes au patron des patrons jusqu’à Bercy et au plus haut sommet de l’État, tous récitent la même messe depuis dimanche soir dernier et promettent l’apocalypse en cas de nomination d’un premier ministre de gauche.
Dans l’Opinion, Nicolas Beytout exhorte les Français à « se réveiller », pour ne pas succomber à la « radicalité » du programme du Nouveau Front populaire (NFP). Le Figaro met en garde contre un « suicide économique », citant Bruno Le Maire en roue libre : « C’est un délire total, c’est 1981 puissance 10, c’est l’assurance du déclassement, du chômage de masse et de la sortie de l’UE. » Rien que ça !
Leurs outrances sont proportionnelles aux changements que la gauche a portés dans les urnes. Le NFP à Matignon, c’est la mise au rebut du ruissellement, du tout pour les premiers de cordée, des niches fiscales et exonérations en faveur de ceux qui ont déjà trop. Vus sous ce prisme, les anathèmes lancés cette semaine prennent un tour nouveau.
« La hausse du Smic est une mesure qui augmenterait la pauvreté. » Gilbert Cette, économiste, le Point, 9 juillet
Le Nouveau Front populaire cherche à améliorer le sort des plus précaires en portant le Smic à 1 600 euros net, contre environ 1 400 euros ? Pour les libéraux, cette hausse plongerait les travailleurs dans le chômage et donc la misère en raison des suppressions d’emplois induites par un alourdissement du « coût » du travail. Ce scénario catastrophe ne s’est pourtant jamais observé dans les pays qui ont décidé d’instaurer et/ou d’augmenter leur salaire minimum, au cours des dernières années.
C’est le cas du Royaume-Uni, qui a créé son National Minimum Wage (NMW) en 1998, avant de l’augmenter de près de 40 % entre 2000 et 2017 (près de deux fois plus vite qu’en France). 30 % des salariés britanniques ont profité des hausses du NMW.
Dans une étude publiée en avril 2019, la Low Pay Commission (groupe d’experts auprès du gouvernement) dresse un bilan historique complet : « Au lieu de détruire des emplois, comme c’était prévu à l’origine (…), le salaire minimum a atteint ses objectifs d’augmenter les rémunérations des plus bas salaires sans mettre en danger leurs perspectives d’emplois. »
En France, les économistes du NFP ont conscience qu’une augmentation de 15 % du salaire minimum ne se fait pas d’un claquement de doigts. Pour aider les PME à absorber le choc, ils proposent plusieurs pistes : réorientation des 200 milliards d’euros d’aides aux entreprises en direction des plus petites, création d’un fonds d’aide aux PME ou encore, comme le préconise le PCF, système de prêts bancaires à taux d’intérêt très faibles, voire négatifs.
« L’annulation de la réforme des retraites nuirait à la pérennité de notre système par répartition. » Patrick Martin, président du Medef, 9 juillet
Usé jusqu’à la corde pendant la dernière réforme des retraites, l’argument est ressorti opportunément à la veille d’une possible arrivée au pouvoir de la gauche. Abroger la réforme de 2022 (recul de l’âge légal de 62 à 64 ans) conduirait à la ruine de notre régime universel de retraite. C’est supposer qu’il y avait urgence à réformer à l’époque, ce qui n’a jamais été démontré : le Conseil d’orientation des retraites (COR) estimait, fin 2022, que ses résultats « ne validaient pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ».
Et d’ajouter qu’après avoir été excédentaire en 2021 et 2022, le régime resterait déficitaire jusqu’en 2032, mais dans des proportions parfaitement contrôlables – entre 0,5 point et 0,8 point de PIB (un point de PIB = 1 % du PIB). Pierre-Louis Bras, ancien président du COR, avait même enfoncé le clou, en février 2023, en affirmant, au grand dam de la Macronie, que « les dépenses de retraite ne dérapent pas ».
L’abrogation du recul de l’âge de départ à la retraite, qui a pénalisé de nombreux travailleurs, n’aurait donc rien du suicide économique décrit par certains. « En termes de faisabilité, revenir en arrière à 62 ans est tout à fait possible d’autant que la réforme a à peine commencé à s’appliquer, rappelle l’économiste Michaël Zemmour dans la Dépêche du Midi. Pour cela, il suffit de trouver des ressources, et pas dans des proportions démesurées. Ça pourrait passer par des réductions d’exonérations ou d’exemptions de cotisations dans les entreprises, ou alors un très léger relèvement des cotisations sociales étalé dans le temps. Il y a vraiment un choix politique à faire. »
« Les propositions économiques du NFP représentent un danger vital pour la France. » Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, 11 juillet
Il a beau reconnaître être sur le départ, Bruno Le Maire continue de donner des leçons à tout-va. « Le programme économique du NFP est irréaliste : les dépenses envisagées sont irresponsables et les augmentations d’impôts s’approchent du vol », assène-t-il, ce jeudi.
En même temps, celui qui a passé un septennat à Bercy annonce 5 milliards d’euros de gel de crédits dans les budgets des ministères, car les 10 milliards déjà rabotés au premier semestre ne suffisent plus à limiter les déficits publics. « Il n’y a pas eu besoin d’attendre le Nouveau Front populaire pour être dans une situation de déficit. La France est déjà sous contrôle européen », ironise Jean-Marc Durand, rédacteur en chef de la revue Économie et politique. La dette publique a bondi de 1 000 milliards d’euros depuis sept ans. Une moitié suite à la crise du Covid, l’autre du fait des cadeaux fiscaux offerts aux entreprises et aux plus riches.
« Toutes les mesures de notre programme sont assorties d’une recette », soutient le député FI Gabriel Amard. La suppression des niches fiscales inefficaces doit rapporter 25 milliards d’euros ; l’impôt progressif sur l’héritage 14 milliards ; la taxation du capital au même niveau que le travail 2,7 milliards ; l’impôt sur les multinationales 26 milliards ; le renforcement de la taxe sur les transactions financières, 3 milliards. L’égalité salariale hommes-femmes entraînera des recettes estimées à 10 milliards d’euros.
« En matière de fiscalité, il faut toujours miser sur l’élargissement de l’assiette des prélèvements, qui génère des recettes », rappelle Jean-Marc Durand. Le programme du NFP « inverse le paradigme » et promeut une reprise de l’activité avec des mesures en faveur du pouvoir d’achat et de l’investissement des entreprises.
« Si on paie mieux les gens, qu’on en met à la retraite et qu’on embauche aussi, cela génère de la croissance », et des recettes fiscales, décrypte cet ancien de la Direction générale des finances publiques, qui affirme que « le NFP dispose de propositions qui relancent la machine économique, avec le pôle public bancaire, les mesures en faveur des TPE et PME pour faire face à la hausse du Smic ». De plus, le NFP défend un conditionnement des aides aux entreprises qui permettrait de réduire cette enveloppe, actuellement de 200 milliards d’euros.
« Le rétablissement de l’ISF ferait partir les riches. » Patrick Martin, 9 juillet
L’argument est éculé. On l’a déjà entendu en 1981, à la création de l’impôt sur les grandes fortunes ; en 1989 à sa transformation en ISF, etc. Pourtant, en plus de trente ans d’existence, cet impôt n’a pas fait fuir grand monde. Seuls 0,2 % des assujettis étaient des exilés fiscaux, avançait même un rapport de la Direction générale des finances publiques, datant du milieu des années 2010. En 2006, l’économiste Gabriel Zucman pointait déjà que, s’il y avait bien quelques départs, ceux-ci « ne représentent pas des pertes de recettes fiscales significatives : au grand maximum, 10 % de ce que l’ISF rapporte ».
Pourtant, « cet argument est le premier présenté par les libéraux dès qu’on évoque l’ISF », déplore Anne Guyot-Welke. « Une chose est sûre, la suppression de l’ISF n’a pas amené un retour significatif d’expatriés », remarque la secrétaire nationale de Solidaires finances publiques.
Le bouclier fiscal mis en place par Sarkozy en 2007 n’avait pas non plus freiné l’exil des fortunes. Vraiment, depuis quarante ans qu’il est rabâché et que sa nullité fut maintes fois démontrée, l’argument de la fuite des capitaux aurait dû faire long feu… En revanche, les réformes de l’ère Macron (fin de l’ISF et création de la flat tax) ont permis que les versements de dividendes battent de nouveaux records chaque année.
En outre, dans le programme du NFP, l’ISF reviendrait accompagné d’une exit tax cohérente. « Cette taxe concerne les personnes qui ont plus de 1,3 million d’euros de patrimoine, qui se sont expatriées dans des pays à la fiscalité avantageuse, et qui voudraient en profiter pour vendre leur patrimoine mobilier, comme leurs actions », explique Laurent Perin de la CGT finances. Juste au cas où.
mise en ligne le 12 juillet 2024
Basile André sur https://blogs.mediapart.fr/
La marche du RN vers le pouvoir a été interrompu par la fougue républicaine du peuple français. Mais, de ce sursis, le Nouveau Front populaire a décidé d'en faire une chienlit, en se noyant dans le torrent des égos politiques, lesquels sont par essence nuisibles à l’expression de l’intérêt général.
Dimanche dernier, à la surprise générale, le Nouveau Front populaire est arrivé en tête des élections législatives, devant Ensemble et le Rassemblement national. Alors que nous étions promis au pire, le peuple français a fait montre de républicanisme, en empêchant Jordan Bardella et les siens d’accéder au pouvoir.
Ce vote nous oblige à faire preuve de lucidité.
La vague RN est loin d’être endiguée. Nous l’avons momentanément affaibli, à la faveur du sursaut populaire et d’un mode de scrutin qui freine considérablement son expansion, ce qui, d’ailleurs, n’est pas sans poser question. Contre le triomphalisme ambiant, je rappelle ici que le RN a rassemblé plus de 10 millions de voix et que 9 partis (PC, PS, FI, EELV, Ensemble, Modem, Horizons, UDI, LR) ont dû s’employer pour lui barrer la route de Matignon. Je rappelle également que la gauche hors métropole (cf. mon billet précédent) s’est fait balayer, réduisant encore un peu plus nos chances d’être majoritaire.
À ce stade, nous avons simplement appliqué un pansement sur une jambe de bois. Il nous reste quelques mois pour répondre aux questions de fond qui nous ont été posées par les Françaises et les Français.
Ce vote nous oblige à faire preuve de responsabilité.
Hélas, depuis quelques jours, c’est loin d’être le cas.
Le Nouveau Front populaire est arrivé en tête des élections législatives. L’usage républicain veut donc que le chef de l’État se tourne vers nous pour former le nouveau gouvernement, sauf à se comporter comme Mac Mahon.
Mais comment pourrait-il le faire tandis que nous sommes incapables de proposer le nom d’un Premier ministre ? Comment pouvons-nous faire la démonstration de notre volonté de gouverner alors que nous sommes noyés dans le torrent des égos politiques, lesquels sont par essence nuisibles à l’expression de l’intérêt général ?
La lutte des places a remplacé la lutte des classes. Les stratégies personnelles l’emportent sur la vie des gens.
Le spectacle que nous donnons est pathétique. Il l’est d’autant plus que nous savons pertinemment qu’un gouvernement « NFP » a très peu de chances de survivre à une motion de censure.
Or, chaque jour qui passe renforce cette hypothèse, érode un peu plus notre légitimité démocratique et donne de la consistance au calcul cynique d’Emmanuel Macron. Dans un régime parlementaire, le chef de l’État doit se contenter d’inaugurer les chrysanthèmes. Mais, avec notre attitude, nous lui donnons la capacité de laisser le temps aux autres partis politiques de constituer une coalition alternative.
Pour quels motifs ? Parce que la FI, au service de Jean-Luc Mélenchon, qui sait parfaitement qu’elle est trop clivante pour occuper Matignon, veut provoquer une crise politique avec le secret espoir d’obtenir des élections présidentielles anticipées ? Parce que le PS, redevenu force de gravité à gauche, veut faire la démonstration qu’il est impossible de gouverner avec les insoumis, ce qui justifiera la création d’une coalition élargie avec les macronistes ? Parce que les uns et les autres estiment que le pays est ingouvernable et qu’il faut mieux placer ses pions dans la perspective d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale, dans un an ?
Et le peuple dans tout ça ? À quel moment les chefs à plume y pensent-ils dans leurs négociations de petits bourgeois ? Pas souvent, je le crains.
C’est peut-être ça le fond du problème. Le champ politique est tellement endogame, tellement cloisonné, tellement peu représentatif de la société, qu’il a fini par se couper des réalités matérielles vécues par les citoyennes et les citoyens.
J’espère me tromper, mais il apparait désormais certain que nous passerons l’été avec Gabriel Attal et Bruno Le Maire, avant de voir débarquer un nouveau gouvernement de droite, à la philosophie austéritaire et ultra sécuritaire, quand l’époque appelle à la réparation de notre démocratie et à l’édification d’une véritable République laïque et sociale.
Je lis ici ou là que le Président de la République, Emmanuel Macron, se comporte comme Napoléon III. C’est juste. Mais en agissant ainsi, le Nouveau Front populaire lui donne raison.
mise en ligne le 12 juillet 2024
par Rachel Knaebel sur https://basta.media/
Les troubles ne se sont pas arrêtés en Nouvelle-Calédonie avec la suspension de la réforme du corps électoral. Le sénateur écologiste Thomas Dossus a rendu visite à l’une des indépendantistes de la CCAT emprisonnée en métropole depuis fin juin.
La situation en Kanaky-Nouvelle-Calédonie est passée sous les radars avec les législatives. Mais un homme y a été tué mercredi 10 juillet par les forces de l’ordre. C’est le dixième mort depuis le début des troubles dans l’archipel en mai. À l’origine du regain de violence : la contestation d’un projet de réforme du corps électoral pour les élections provinciales calédoniennes. Cette réforme est pour l’instant suspendue suite à la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin.
Le 19 juin, 13 personnes membres du groupe indépendantiste Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) ont été arrêtées en Nouvelle-Calédonie. Sept ont été éloignées de l’archipel et incarcérées en métropole, à plus de 16 000 kilomètres de chez elles. Les autorités reprochent à la CCAT son rôle dans les émeutes de mai et juin. La leader de la CCAT, Christina Tein, est à l’isolement au centre pénitentiaire de Mulhouse.
Le 1er juillet, cinq sénateurs et sénatrices écologistes, dont le sénateur du Rhône Thomas Dossus, ont rendu visite aux membres de la CCAT incarcérés en métropole, dans les centres pénitentiaires de Mulhouse, Riom, Blois et Dijon.
Basta! : Vous avez rendu visite à l’une des membres de la CCAT emprisonnée en métropole, Brenda Wanado Ipeze, à la maison d’arrêt de Dijon. Que vous a-t-elle dit sur les conditions de son arrestation et de sa détention ?
Thomas Dossus : C’est l’une de deux femmes qui ont été arrêtées et placées en détention en métropole. L’autre est Frédérique Muliava. Les deux femmes sont aujourd’hui [9 juillet] sorties de détention, sous contrôle judiciaire. Mais elles sont assignées à résidence en métropole. Les cinq hommes, eux, restent en détention provisoire en métropole.
Quand j’ai vu Brenda Wanado Ipeze, elle était encore sous le choc de la façon dont tout cela s’était passé. Elle n’a pas compris pourquoi elle devait être éloignée alors qu’elle – c’est en tous cas la manière dont elle le présente - n’a pas une fonction très opérationnelle au sein de la CCAT : elle est chargée de la communication.
« Brenda Wanado Ipeze a fait les 16 000 kilomètres menottée, sans pouvoir dire à ses enfants qu’elle partait »
Très rapidement après son arrestation, on l’a fait embarquer, elle a fait les plus de 16 000 kilomètres menottée, en plusieurs étapes, sans pouvoir dire à ses enfants qu’elle partait. Quand je l’ai vue, une semaine après son arrivée en métropole, elle n’avait toujours pas eu de contact téléphonique avec ses enfants. C’est cela qui la préoccupait le plus. Son ressenti, c’est que c’est une procédure d’intimidation.
Et quelle est votre analyse ? Pourquoi ces membres de la CCAT ont été envoyé·es en métropole ?
Thomas Dossus : C’est une décision du juge. Ce n’est pas à nous de la commenter. Mais nous pensons que ça remet de l’huile sur le feu. Cela n’aura aucune conséquence d’apaisement là-bas. L’objectif de nos visites à ces membres de la CCAT emprisonnés en métropole – et ces visites vont se poursuivre - c’est de mettre de la lumière sur cette situation et de demander au moins la fin de l’éloignement, que les personnes puissent être emprisonnées sur place en Nouvelle-Calédonie. Les indépendantistes ont besoin que ça se sache qu’il y a des personnes qui ont été envoyées en métropole où elles sont enfermées.
Que leur est-il reproché ?
LThomas Dossus : es chefs d’inculpation sont assez lourds, comme « participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime » [1]. C’est un chef d’inculpation qu’on retrouve en général dans les accusations contre les mouvements indépendantistes, notamment pour les Corses et les Basques.
Je n’ai pour ma part pas à qualifier ce qui est vrai ou pas, la procédure est en cours. Ce que nous constatons simplement, c’est que globalement, cela ne va pas apaiser la situation là-bas de les avoir fait venir ici. En tant que groupe écologiste au Sénat, nous pensons qu’avec ce projet de réforme du corps électoral, l’État est sorti de sa position de neutralité, qui était celle des accords de Nouméa et Matignon. Ces accords stipulaient que l’État organise le débat sur l’indépendance et la décolonisation de la Nouvelle-Calédonie, mais ne prend pas partie.
Depuis que Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu ont repris le dossier, c’est-à-dire depuis le troisième référendum de 2021, l’État a changé de posture. L’État a globalement pris partie pour les loyalistes. En nommant Sonia Backès au gouvernement [présidente de l’assemblée de la Province Sud de la Nouvelle-Calédonie, cheffe de file des loyalistes, Sonia Backès a été secrétaire d’État à la Citoyenneté au sein du gouvernement Borne de juillet 2022 à octobre 2023], en reconnaissant en 2021 un référendum sur l’indépendance qui était complètement biaisé par le Covid, l’État a changé de posture. Et pour nous, la gestion du dossier est toujours dans cette ligne, l’État prend fait et cause pour les loyalistes et mène une offensive contre les indépendantistes. Ces éloignements de membres de la CCAT s’inscrivent dans ce cadre.
Êtes-vous aussi en lien avec des élus Kanaks ?
Thomas Dossus : Un sénateur Kanak, Robert Xowie [sénateur de la Nouvelle-Calédonie, membre du [groupe Communiste républicain citoyen et écologiste-Kanaky], a lui aussi visité les prisonniers indépendantistes juste après qu’ils et elles sont arrivés en métropole. On a commencé à organiser le travail en commun avec ses collaborateurs. Et on attend Emmanuel Tjibaou, fils du leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou [assassiné en 1989], qui vient d’être élu à l’Assemblée nationale pour le Nouveau Front populaire. On va essayer d’organiser une rencontre avec lui rapidement.
Que pourrait et devrait-faire selon vous un éventuel gouvernement de gauche, ou en partie de gauche, au sujet de la Nouvelle-Calédonie ?
Thomas Dossus : Pour nous, l’urgence, c’est de revenir à la méthode des accords de Nouméa et Matignon. C’est-à-dire de nommer des tiers qui seraient de confiance pour tout le monde. Ce n’est pas simple, mais il faut trouver des personnalités qui pourraient remettre tout le monde autour de la table, avec aussi la CCAT. Car les membres de la CCAT sont traités de terroristes mais ce sont aussi eux qui organisent le mouvement indépendantiste. Certains parlaient de Lionel Jospin comme personnalité tiers. Il y a aussi des hauts fonctionnaires qui ont travaillé sur la question. On pourrait trouver. L’idée c’est qu’elles soient acceptées par les deux camps.
« Aucune solution ne peut émerger si l’État ne revient pas à une posture d'arbitre, comme il l'avait avant »
Il faut vraiment qu’on arrive à apaiser la situation, car là-bas c’est toujours compliqué, il y a des barrages et des affrontements. Je pense qu’un gouvernement de gauche, et même Emmanuel Macron s’il le voulait, devrait nommer rapidement des personnalités qualifiées qui pourraient reprendre la logique des accords de Nouméa et Matignon, celle de l’État impartial, et revenir un peu à ce qui a fonctionné au moment de ces accords. Aucune solution ne peut émerger si l’État ne revient pas à une posture d’arbitre, comme il l’avait avant. Pour nous, c’est là l’urgence, il faut changer de braquet.
Vous parliez des mouvements indépendantistes corses et basques. Faites-vous un parallèle entre ces situations et la Nouvelle-Calédonie ?
Thomas Dossus : Non, ce n’est pas la même chose. Je ne pense pas que la Corse soit colonisée. Il y a peut-être une nouvelle relation à construire entre la Corse et le continent, mais ce n’est pas une colonie. Alors que l’ONU reconnaît encore aujourd’hui la Nouvelle-Calédonie comme un territoire colonisé.
On est encore sur des logiques coloniales là-bas, qu’il faut travailler. On a un problème en France quand on traite ce genre de problématiques : c’est tout ou rien. C’est soit le territoire est complètement indépendant, soit il est complètement intégré dans la République. Or, je pense qu’il y a des chemins d’autonomie partagée. On peut travailler des choses comme l’Angleterre a su le faire avec ses anciennes colonies. Il faut qu’on trouve une voie pour sortir du tout noir ou tout blanc.
[1] Un article du Monde publié le 10 juillet liste ainsi les chefs d’inculpation à l’encontre du leader de la CCAT Christian Tein : « complicité de meurtre », « vol en bande organisée avec arme », « destruction en bande organisée du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes », « participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime » et « d’un délit », « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destruction de biens ».
mise en ligne le 11 juillet 2024
Extraits du Direct après les législatives : journal du 11 juillet
sur www.humanite.fr
18h00 : Qui comme premier ministre ? L’impatience monte côté NFP...
Alors que les discussions se poursuivent au sein du Nouveau Front populaire, les élus de gauche mettent la pression sur les partis pour qu’ils accélèrent. Ils veulent qu’un nom sorte rapidement du conclave pour forcer la main à Emmanuel Macron. Mais pour définir le potentiel futur locataire de Matignon au sein du NFP, il faut déjà déterminer un mode de désignation…
17h50 : La Coordination rurale menace de sortir « les fourches » si les insoumis ou les écologistes entrent au gouvernement
La Coordination rurale, deuxième syndicat agricole français, a menacé de sortir « les fourches » en cas d’entrée au gouvernement des « insoumis » ou des écologistes, lors d’une mobilisation, jeudi, à l’occasion du passage du Tour de France dans son fief du Lot-et-Garonne.
« L’horreur absolue, pour nous, serait d’avoir au gouvernement Marine Tondelier ou un autre tocard ministre de l’écologie ou de l’agriculture », a déclaré le dirigeant syndical Serge Bousquet-Cassagne, qui a ajouté : « On aurait préféré que le Rassemblement national soit au pouvoir, on les a jamais essayés. »
16h21 : Ian Brossat alerte du « fléau » des violences transphobes à Paris
Sur X, Ian Brossat interroge le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, au sujet du « fléau » que sont les violences transphobes à Paris. Le sénateur communiste de Paris rappelle que « la région parisienne a récemment été le théâtre de deux actes transphobes d’une violence inouïe ». Ses déclarations font référence au meurtre d’une femme transgenre, Angélina, le 5 juillet dans l’Oise et à celui de Géraldine, dans le 16e arrondissement de Paris, ce mardi 9 juillet, à caractère transphobe.
Il demande à Gérald Darmanin quelles mesures concrètes compte-t-il mettre en place pour « améliorer les conditions d’accueil et de soutien des victimes d’infractions, d’insultes et de violence transphobes ».
13h55 : Olivier Faure fustige les propos de Gérard Larcher
Le sénateur des Yvelines Gérard Larcher avait affirmé, ce jeudi matin, sur la chaîne BFMTV, que si le président choisissait un premier ministre issu du NFP, il s’y opposerait et appellerait ses « amis » à « censurer ce gouvernement car ça ne correspond pas à la volonté profonde des Français. »
Dans la foulée, le premier secrétaire du parti socialiste a réagi sur X (ex-Twitter) : « LR a refusé de participer au front républicain. La gauche s’est désistée pour ses candidats sans aucun retour. Nous l’avons fait parce que nous connaissons le péril de l’extrême droite. Elle est là, la noblesse de la gauche ». Le député de la 11e circonscription de Seine-et-Marne a ajouté : « Dans les propos de Gérard Larcher je ne vois que sectarisme et cynisme. »
12h35 : Thierry Nier (CGT Cheminots) : « Sept années de Macronisme, ça suffit »
Alors qu’Emmanuel Macron refuse de nommer un gouvernement NFP, la CGT cheminots appelle à des rassemblements devant les préfectures, le 18 juillet prochain, pour mettre la pression sur l’ouverture de la session parlementaire. Entretien avec son secrétaire général, Thierry Nier :
12h20 : Boris Vallaud (PS) « ne souhaite pas » de recours au 49.3
Le président du groupe PS à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud « ne souhaite pas » de recours à l’arme constitutionnelle du 49.3 malgré la situation de majorité relative de la gauche. « Nous ne pouvons pas reprocher une brutalisation du Parlement par Emmanuel Macron depuis sept ans et faire de même. N’imposons pas nos mesures, essayons de convaincre sur notre programme et de rassembler », juge le député dans un entretien à l’Express où il plaide à « un gouvernement de Front populaire » et « un parlement de Front républicain » qui respecte le verdict des urnes.
La députée écologiste Sandrine Rousseau a également appelé « à dire ”on n’utilisera pas le 49.3 et on accepte de perdre sur des textes”». « Je ne dis pas qu’on utilisera jamais le 49.3, mais je dis qu’il faut le proscrire autant que faire se peut, faire en sorte qu’on puisse avoir des majorités d’idées sur un certain nombre de sujets », a également estimé le sénateur communiste Ian Brossat sur Sud Radio.
12h01 : Pour aller plus loin : la menace RN écartée pour un temps, comment la société civile entend peser sur les politiques publiques
Alors que la menace d’une majorité absolue RN à l’Assemblée est écartée, tout reste désormais à (re) bâtir. Les acteurs associatifs et syndicaux réclament une prise en compte des préconisations de la société civile dans la construction des politiques publiques. L’enjeu : que l’extrême droite ne revienne pas plus forte demain.
Pour beaucoup, ce changement de paradigme passe forcément par l’union de la gauche. « Responsables de gauche, ne nous trahissez pas ! » exhortait d’ailleurs Lyes Louffok, militant pour les droits de l’enfant et candidat malheureux du Nouveau Front populaire (NFP) dans la première circonscription du Val-de-Marne, au soir du second tour des élections.
Même certitude du côté du collectif féministre NousToutes, qui attend « un gouvernement qui respecte la voix des urnes, avec un ou une premier·ère ministre qui soit féministe, antiraciste mais aussi écologiste et social·e », énumère Gwen, une militante.
Pour France Nature Environnement également, le programme du NFP est « le seul qui porte les vrais enjeux ». « Pour la Macronie et la droite, on voit bien que les enjeux écologiques se résument à la réduction carbone et à la transition écologique. C’est oublier les questions de la mer, de la biodiversité, des transports, etc. », plaide Antoine Gatet.
11h52 : Fabien Roussel (PCF) sur les négociations au sein du NFP : « il y a une volonté d’aboutir au plus vite »
À propos du nom du premier ministre et de la composition d’un gouvernement en négociation au Nouveau Front populaire, « il y a une volonté d’aboutir au plus vite pour répondre à l’attente des Français. J’ai moi-même fait part de mon impatience de façon assez forte », explique le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, dans un entretien à libération, tout en estimant qu’il « faut sans doute ce temps-là pour être solide dans notre union » et qu’il « ne faut surtout pas brutaliser la discussion ».
« Nous sommes tous d’accord sur le fait que nous n’irons pas dans une coalition qui nous lierait aux macronistes et qu’il est hors de question de rogner sur notre programme », constate aussi le communiste.
11h35 : Après Moody’s, le gouverneur de la Banque de France crie haro sur le programme du NFP
Après le ministre de l’Économie Bruno Le Maire qui agite le chiffon rouge de la faillite de la France, l’agence de notation Moody’s qui a menacé de dégrader sa note, c’est au tour du gouverneur de la banque de France de crier haro sur le programme du Nouveau Front populaire : « Je crois (…) que, dans la compétition économique, nos PME, nos entreprises ne peuvent pas être alourdies par des coûts salariaux excessifs, y compris le smic, et par des impôts trop lourds », a déclaré François Villeroy de Galhau, sur franceinfo, tout en reconnaissant ne pas avoir « d’évaluation de telle ou telle mesure ».
Ce qui ne l’empêche pas de livrer ses certitudes : « Ça serait très mauvais pour l’emploi tout de suite, et très mauvais pour le pouvoir d’achat à terme », a-t-il estimé à propos de l’augmentation du smic à 1 600 euros, sans tenir compte du fait que le NFP a prévu des mesures pour accompagner les petites et moyennes entreprises qui en auraient besoin.
11h25 : Philippe Poutou appelle à la mobilisation pour obtenir un gouvernement et une politique de gauche
Sur X, Philippe Poutou (NPA), candidat malheureux du Nouveau Front populaire, en a appelé, ce mercredi, à la mobilisation après la lettre adressée aux Français d’Emmanuel Macron. « Il est quand même très probable que pour obtenir un gouvernement de gauche menant une politique de gauche, il faille pousser très fort par en bas, par une mobilisation unitaire, des manifs, des grèves… C’est notre seule façon de contrer les manœuvres et l’hostilité des dominants », estime-t-il.
10h42 : Manon Aubry (FI) sur le nom du premier ministre NFP : « c’est une affaire d’heures »
« La lettre d’Emmanuel Macron est profondément choquante car il persiste dans un déni total de démocratie. Le Président refuse de reconnaître sa défaite et d’admettre la victoire du Front Populaire : c’est un coup de force politique inacceptable », a estimé ce matin sur franceinfo, l’eurodéputée insoumise Manon Aubry. « Le problème n’a rien à voir avec le nom du Premier ministre » sur lequel le Nouveau Front populaire est en négociation, a-t-elle également estimé.
« C’est une affaire d’heures », a jugé l’insoumise à ce sujet tout en insistant : « Ce sera le plus rapidement possible mais il va falloir au bout d’un moment que le président de la République regarde la réalité en face, qu’il a perdu ces élections et qu’il fasse ce que tout président de la République démocrate devrait faire, c’est-à-dire nommer un premier ministre issu du premier bloc politique (de l’Assemblée). Faute de quoi, ce sera un coup de force démocratique. »
« J’appelle à une large mobilisation populaire, citoyenne, de la société civile autour du programme du Nouveau Front Populaire », a-t-elle ajouté, rappelant qu’en 1936 « les grandes conquêtes de la gauche ont été obtenues notamment grâce au mouvement social » et saluant, plus tard sur BFMTV, l’appel à la mobilisation pour le 18 juillet lancé par la CGT.
10h04 : Sophie Binet appelle à se joindre à la mobilisation du jeudi 18 juillet
« Je pense qu’il faut toutes et tous rejoindre ces rassemblements pour mettre l’Assemblée nationale sous surveillance et appeler au respect du vote populaire » a déclaré la secrétaire générale de la CGT a appelé, ce jeudi matin sur la chaîne LCI .
« Le 18 juillet prochain, la Fédération CGT des cheminots appelle ses syndicats à organiser en lien avec les structures interprofessionnelles des rassemblements devant les Préfectures et à Paris à proximité de l’Assemblée nationale pour exiger la mise en place d’un gouvernement issu du Nouveau Front Populaire », écrivait la CGT Cheminots dans un communiqué, mercredi 10 juillet.
08h53 : Marylise Léon (CFDT) : « ce qui intéresse les Français, c’est comment on change leur vie »
« Ce qui me frappe dans la lettre d’Emmanuel Macron, c’est qu’il ne parle pas vraiment aux Français : il parle aux politiques », a estimé, sur France Inter, ce jeudi matin, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon.
« J’ai fait un courrier hier à l’ensemble des députés pour leur dire qu’il faut compter aussi sur la société civile, il faut s’appuyer sur les forces syndicales, les forces associatives, les ONG pour pouvoir réparer un peu notre démocratie parce qu’on est vite passé à autre chose mais on a frôlé la catastrophe », a-t-elle rappelé, estimant que « si le RN était arrivé au pouvoir, on aurait été dans une tout autre configuration et rien ne peut plus être comme avant ».
« Je suis un peu exaspérée d’entendre parler d’alliances entre formations politiques, moi ce qui m’intéresse, ce qui intéresse les Français et les travailleurs que je représente, c’est ce qu’on va leur proposer concrètement, comment on change leur vie », a-t-elle ajouté.
« C’est légitime que ce bloc arrivé en tête pose ses conditions et que l’on parte de leur programme, c’est ce qu’ont demandé les citoyens. C’est important de respecter le vote », estime également la syndicaliste.
08h40 : Pour Sophie Binet (CGT), Emmanuel Macron a « deux choses toutes simples à faire »
« Je suis très inquiète parce qu’Emmanuel Macron n’a toujours pas compris qu’il est président de la République et qu’il doit être garant du respect des institutions, de la démocratie et des urnes, rassembler le pays au lieu de jeter des bidons d’essence à chaque fois qu’il y a des incendies », a déclaré ce matin sur LCI, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet.
« Le problème c’est qu’aujourd’hui Emmanuel Macron n’est même plus crédible dans son propre camp, qui est en train d’exploser, et qu’il joue une partition uniquement partisane. Il faut qu’il entende le résultat des urnes », a-t-elle ajouté à propos de la lettre adressée aux Français par le président de la République.
Selon la syndicaliste, le chef de l’État a « deux choses toutes simples à faire » : « La première, c’est demander à la force qui est arrivée en tête aux élections dimanche de désigner un premier ministre. Et la deuxième, c’est de laisser faire le parlement pour trouver des majorités de projet sur les réformes à faire pour le pays. »
07h43 : Sandrine Rousseau à propos de la proposition de premier ministre du NFP : « Nous mettons beaucoup trop de temps, nous devons sortir les noms »
Invitée de RMC ce matin, l’écologiste Sandrine Rousseau a jugé « inquiétante » la lettre adressée aux Français par Emmanuel Macron, évoquant notamment une « ambiguïté vis-à-vis du Rassemblement national ». « Je suis extrêmement inquiète. C’est dans ces moments qu’on voit les grands chefs d’État, et là manifestement on ne le voit », a-t-elle déclaré.
À propos du choix d’un nom d’un éventuel premier ministre par le Nouveau Front populaire, la députée a jugé que les discussions prenaient « beaucoup trop de temps » : « Nous devons sortir les noms », a-t-elle insisté pointant le risque d’ajouter de l’inquiétude à la situation tout en reconnaissant que les négociations se déroulent « dans le flou » du fait de l’attitude des autres forces politiques qui menace par exemple de censure immédiate un gouvernement qui comprendrait des insoumis.
« Le Nouveau Front populaire a été impulsé par un mouvement citoyen, social, là on est dans des trucs un peu boutiquiers. À gauche, il se passe toujours la même histoire : est-ce qu’on est là pour donner un élan ou savoir qui sera devant l’autre ? Aujourd’hui il ne nous faut pas tomber dans ce travers », a également estimé celle qui candidate pour la présidence de l’Assemblée nationale.
07h12 : La CGT Cheminot appelle à la mobilisation le 18 juillet
« Lors du dernier scrutin des élections législatives, nous avons franchi une première étape qui doit permettre de renouer avec le progrès social, mais le plus important reste à faire », estime la CGT Cheminot, dans un communiqué publié hier. « La CGT et ses organisations appellent solennellement Emmanuel Macron à respecter le résultat des urnes. Pas question de continuer sa politique économique et sociale violente. Le nouveau gouvernement doit être formé au plus vite, autour du programme du Nouveau Front Populaire », écrit également le syndicat alors que le président de la République à appeler à former un rassemblement de « tous les républicains » dans une lettre aux Français.
Pour faire face à ces manœuvres, l’organisation cheminote appelle à la mobilisation : « Le 18 juillet prochain, la Fédération CGT des cheminots appelle ses syndicats à organiser en lien avec les structures interprofessionnelles des rassemblements devant les Préfectures et à Paris à proximité de l’Assemblée nationale pour exiger la mise en place d’un gouvernement issu du Nouveau Front Populaire. »
mise en ligne le 11 juillet 2024
Denis Sieffert sur www.politis.fr
La dissolution sauvage décidée par Emmanuel Macron a rebattu les cartes politiques d’un pays blessé. Si le RN a été contenu grâce à une forte participation, il a fortement progressé. Le Nouveau Front populaire a, lui, réussi un coup de maître, mais le plus dur commence.
Cette dissolution sauvage aura finalement quelques effets positifs. Elle aura infligé une défaite cuisante à Macron, l’apprenti sorcier, désormais seul en son palais, abandonné par un premier ministre qui travaille pour son propre compte. Mais méfions-nous tout de même de l’eau qui dort. Macron ne désespère pas de pourrir encore un peu plus la situation et d’inventer, le moment venu, une coalition de bric et de broc. Il a pour ça un avantage : les principes ne l’encombrent pas. En attendant, sa dissolution aura permis de dissiper en partie l’illusion d’une extrême droite « relookée ».
Le Rassemblement national n’a pas résisté à l’épreuve de la loupe. Derrière les bonnes manières d’une poignée de dirigeants propres sur eux, le couvercle s’est soulevé sur une puanteur de candidats racistes, antisémites, nazifiés, rémanence du pétainisme et de l’Algérie française. L’autre leçon positive de ces quelques jours qui ont ébranlé la France, c’est évidemment l’apparition éclair du Nouveau Front populaire. En une nuit, le 10 juin, le slogan lancé par François Ruffin a pris corps. Marine Tondelier, Olivier Faure, Manuel Bompard et Fabien Roussel ont montré une conscience aiguë de la gravité de la situation. On retiendra de cet épisode l’apparition d’une génération de dirigeants qui ont montré ce que peut la volonté en politique.
Mais, cela étant dit, ne nous laissons pas abuser par le miroir déformant de la mécanique électorale. L’extrême droite a été éloignée du pouvoir, pour un temps au moins, mais la réalité ne se compare pas à des sondages qui nous prédisaient le pire. La réalité, ce sont 10 millions de voix pour le RN, 143 sièges, soit 54 de plus qu’en 2022. La réalité, c’est surtout un pays blessé par sept ans de mépris de classe, de réformes imposées à coups de 49.3, et de manifestations durement réprimées, et qui veut que ça change. Certes, le Nouveau Front populaire a réussi un coup de maître, mais le plus dur commence. Les déclarations du dimanche soir manifestant une volonté d’appliquer « tout » le programme du Nouveau Front populaire sont de bonne guerre. Peuvent-elles résister au principe de réalité ?
On a beau nourrir les rêves les plus fous, il va bien falloir négocier. La gauche, son futur premier ministre ou sa future première ministre, va devoir extraire quelques points forts qui constitueront une ligne rouge et qui délivreront rapidement à nos concitoyens un message social clair pour une amélioration immédiate de la vie des gens. On ne cite plus beaucoup Lénine, et on a raison, mais le gauchisme est toujours « une maladie infantile ». À moins de vouloir absolument provoquer une crise dans la crise en forçant Macron à la démission. Mais en prenant alors le risque d’offrir à Marine Le Pen l’occasion d’une revanche. Et puis il y a à espérer un changement de méthode. La question n’est pas secondaire. « Passer du bruit et la fureur à la force tranquille », a résumé Ruffin.
Rompre avec la vieille politique. Celle que l’on a encore vue à l’œuvre en Seine-Saint-Denis, à Paris 20e et à Marseille, où Alexis Corbière, Danielle Simonnet et Hendrik Davi ont dû dépenser leur énergie à résister à des candidats dépêchés par la direction de LFI pour, avec des arguments de caniveau, régler des comptes internes à ce mouvement. Stalinisme pas mort ! On se félicite de leurs victoires à plates coutures qui sont celles de la démocratie. La morale de l’histoire, c’est qu’en quittant le groupe, ceux qui ont déplu à Jean-Luc Mélenchon, il y faut ajouter Clémentine Autain, risquent de renverser le rapport de force aux dépens de LFI. Enfin, dernière leçon de ce scrutin, soulignons cet autre effet réjouissant. On a enregistré un record de participation. On nous a si souvent dit que les élections n’intéressaient plus les Français. C’est tout le contraire, quand nos concitoyens pensent que leur vie peut s’en trouver changée.
Et puis, on m’autorisera un petit plaisir personnel en saluant la défaite de l’horrible Meyer Habib, ami de Netanyahou et des pires colons israéliens. Malheureusement, Yaël Lerer, qui a mené la bataille dans la circonscription des Français d’Israël, n’en a pas profité personnellement. Mais éloignons-nous un instant de l’Assemblée, car tout ne se joue pas au Palais-Bourbon. Le mouvement social, les syndicats peuvent peser à la rentrée sur le rapport de force. Puisqu’il est question de Front populaire, n’oublions pas que celui de 1936 n’aurait pas légué l’héritage social que l’on sait sans les grandes grèves et la mobilisation ouvrière. « Front populaire », les mots ont un sens.
mise en ligne le 10 juillet 2024
Marie-Sylvie Prudhomme et Marc Bertrand sur https://www.francebleu.fr/infos/
Depuis hier soir mardi, l'usine Mademoiselle Desserts de Condat-sur-Trincou en Dordogne tourne au ralenti. A l'appel de la CGT, de nombreux salariés ont débrayé pour réclamer de meilleurs salaires. La grève est reconductible.
Selon la CGT, 80 % des salariés du site de Condat-sur-Trincou sont en grève ce mercredi matin © Radio France - Marc Bertrand
Depuis mardi soir, les salariés de l'usine Mademoiselle Desserts de Condat-sur-Trincou en Dordogne sont en grève à l'appel de la CGT. Un mouvement organisé dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO) pour les salaires. Ce mercredi 10 juillet dans la matinée, ils étaient une cinquantaine de salariés grévistes réunis devant l'entrée de l'usine de Valade, qui emploie près de 500 personnes.
100 euros bruts pour tous les salariés
Le mouvement est très suivi selon le syndicat qui annonce un chiffre de 80% de grévistes, alors que la direction parle de 37,5% sur la journée. Mardi soir, au moment de la prise de service du personnel de nuit, aucune des 12 lignes de production ne fonctionnaient. Ce mercredi matin, trois lignes sur 12 étaient en activité selon l'entreprise.
La CGT réclame une augmentation de 100 euros bruts par mois pour l'ensemble du personnel. De son côté, la direction propose une augmentation de salaire de 2%, soit environ 40 euros en moyenne, qui suit l'inflation. L'entreprise fait remarquer que les salariés ont touché une prime d'intéressement de 4.000 euros au mois de mai, pour les récompenser des bons résultats de l'entreprise.
La grève est reconductible
L'autre site de Mademoiselle Desserts en Dordogne qui emploie 35 personnes à Thenon est également touché par le mouvement mais dans une moindre mesure. Quatre salariés étaient en grève mercredi matin, selon l'entreprise.
La grève est reconductible, annonce la CGT. La dernière réunion des NAO doit se dérouler vendredi 12 juillet, le syndicat compte mettre la pression sur la direction d'ici là. L'année dernière, en 2023, les salariés avaient obtenu une augmentation de 103 euros bruts par mois après trois jours de grève.
mise en ligne le 10 juillet 2024
Pierre Jequier-Zalc sur www.politis.fr
Une mobilisation historique de la société civile a permis au Nouveau Front populaire de déjouer les pronostics le 7 juillet. Malgré cette première victoire, tous et toutes appellent à la vigilance et à la construction d’un vrai mouvement de fond pour contrer l’extrême droite.
Le ouf a été immense. Au niveau du gouffre qui menaçait. En élisant 182 députés du Nouveau Front populaire (NFP) – plus 13 « divers gauche » – dimanche 7 juillet, les Français ont accordé à la gauche une majorité relative. Une victoire aussi réjouissante qu’inattendue qui doit beaucoup à une forte mobilisation de nombreux acteurs de la société civile. « C’est vraiment réjouissant que ça ait dépassé les partis », souligne Lumir Lapray, activiste au sein de collectifs citoyens qui ont activement participé à la campagne sur le terrain. « Donc, bien sûr, il faut savourer, mais aussi se placer dans une perspective de long terme. Et c’est peu dire qu’on n’a pas le vent dans le dos », poursuit-elle.
Ce son de cloche est partagé par l’intégralité de nos interlocuteurs, qu’ils soient leaders de syndicat, d’association environnementale ou chercheurs. « Il ne faut surtout pas baisser la garde. Maintenant il faut battre le fer, ne rien lâcher », assène Dominique Corona, numéro 2 de l’Unsa, qui fait partie des cinq syndicats à avoir explicitement appelé à faire barrage au RN.
Il ne faut surtout pas baisser la garde. Maintenant il faut battre le fer, ne rien lâcher. D. Corona
Tous s’accordent pour dire que la première chose à faire pour faire reculer l’extrême droite est, le plus rapidement possible, de mettre en œuvre les politiques sociales ambitieuses du NFP. « Notre rôle, justement, est de continuer à pousser pour que le NFP tienne ses engagements », explique l’économiste Julia Cagé, qui liste trois mesures sur lesquelles un futur gouvernement du NFP ne devra absolument pas tergiverser. « La hausse du Smic à 1 600 euros, l’abrogation de la réforme des retraites, la mise en place d’un ISF efficace. Sur ces sujets-là, il ne faudra pas couper la poire en deux. Nous serons là pour le leur rappeler », promet-elle.
« Même avec un gouvernement du NFP, il y aura besoin de nos luttes sociales et écologiques, abonde Murielle Guilbert, codéléguée générale à l’Union syndicale Solidaires, à la fois pour appuyer ce qui se fait dans l’Hémicycle en montrant la légitimité des revendications sociales dans une assemblée où la gauche n’est pas majoritaire, et pour aller plus loin. » Elle rappelle ainsi que son organisation syndicale reste indépendante du NFP, et donc libre de toutes ses actions. Tout comme Greenpeace France qui le souligne, par la voix de son directeur général, Jean-François Julliard : « Dès le début, on a dit qu’on soutenait ce programme car c’est le plus ambitieux, mais ce n’est pas pour autant un chèque en blanc. Notre rôle sera d’être une vigie démocratique pour que les mesures soient réellement mises en œuvre. »
Reconquérir les électeurs du RN
Tous, forcément, ont en tête les dernières fois où la gauche a accédé au pouvoir. De l’attente que cela a créé, et de la déception qui a été engendrée par de trop nombreux renoncements et, pire, par l’application de réformes libérales. « Là, il faut montrer aux électeurs du RN qu’une vraie politique de gauche ambitieuse leur bénéficiera. En se donnant les moyens financiers de construire de nouveaux hôpitaux, de mieux couvrir le territoire de trains, en faisant la gratuité réelle de l’école, les électeurs RN reviendront vers la gauche », veut croire Julia Cagé.
La question de la reconquête des électeurs du Rassemblement national est en effet dans toutes les têtes. Car si la forte mobilisation populaire a évité le pire ce 7 juillet, le parti à la flamme a encore gagné plus de cinquante députés par rapport à 2022. S’installant, ainsi, toujours plus dans l’Hémicycle et sur le territoire. D’ailleurs, la polarisation entre territoires ruraux et urbains n’a jamais été aussi forte. De quoi questionner la stratégie à mener.
« Il faut peut-être qu’on lutte contre l’extrême droite de manière un peu différente en étant plus ancrés dans un certain nombre de lieux et de territoires où nous sommes très peu présents aujourd’hui », s’interroge Jean-François Julliard, qui concède que son association est « essentiellement basée en région parisienne et dans les grandes villes ». « C’est une réalité, pas un choix. Il y a des choses à repenser là-dessus », souffle-t-il.
Combien de territoires ruraux historiquement ancrés à gauche a-t-on perdus ? L. Lepray
Un travail de terrain qu’ont mené, ces trois dernières semaines, plusieurs milliers de militants qui ont passé leur journée et leur soirée à tracter, à faire du porte-à-porte ou du phoning dans les circonscriptions les plus incertaines. « On a gagné parce qu’on a outillé et organisé des gens », assure Lumir Lapray, qui craint que les partis politiques l’oublient un peu vite.
« Il faut déjà qu’ils se rendent compte du travail qui a été effectué. Et, ensuite, ils doivent nous donner un mandat et des fonds pour faire ce travail de terrain, chronophage mais plus que jamais nécessaire », poursuit la jeune femme, particulièrement inquiète que se reproduise la même chose qu’après les législatives en 2022. « J’ai été tellement déçue par la Nupes. Rien n’a été fait sur le terrain, rien. Et combien de territoires ruraux historiquement ancrés à gauche a-t-on perdus ? Il faut que les partis s’en rendent comptent et se mettent à notre service comme on s’est mis, bénévolement, au leur ces dernières semaines. Parce que le but, c’est de gagner en 2027 ! »
Dans le monde du travail aussi le chantier est immense, alors que les catégories populaires – ouvriers et employés – se sont massivement tournées vers le Rassemblement national. « Lorsqu’on a pris position contre le RN, on a eu des remontées qui montraient un fort risque de division au sein du monde du travail, y compris dans notre syndicat », raconte Murielle Guilbert, pour qui « un énorme travail nous attend ». « Il faut parler de la question sociale et de la répartition des richesses sans occulter la problématique du racisme », poursuit la leader de Solidaires, qui assure que son syndicat va mettre les bouchées doubles sur les formations sur l’antiracisme.
Le sursaut populaire citoyen ne doit pas s’arrêter, il doit s’organiser dans la durée. CGT
Face à un monde du travail de plus en plus atomisé, le dur rôle des syndicats est, dans cette période, de réinstaurer des collectifs forts, vraie barrière contre le vote RN. Pour cela, les organisations attendent beaucoup des mesures du Nouveau Front populaire. Mais comptent aussi sur leur unité qui leur a permis, ces derniers mois, de revenir sur le devant de la scène. « Le sursaut populaire citoyen ne doit pas s’arrêter, il doit s’organiser dans la durée. Depuis les élections européennes, des milliers de salarié·es et de retraité·es ont fait le choix de se syndiquer à la CGT. Cette dynamique doit s’amplifier pour permettre aux travailleuses et aux travailleurs de reprendre le pouvoir sur leur travail et leur vie », écrit ainsi la CGT dans un communiqué publié au lendemain du second tour.
Chez Solidaires, on confie aussi que le nombre d’adhésions est en forte hausse ces dernières semaines. « Plus, même, que lors de la réforme des retraites », glisse Murielle Guilbert. Face au danger de l’extrême droite, la société civile s’est donc largement mobilisée et outillée, permettant d’obtenir « un sursis ». Mais il appartient désormais au NFP de lui trouver un débouché politique dans les semaines, mois et années à venir. Urgemment. Sous peine de laisser l’extrême droite se rapprocher toujours plus du pouvoir.
Mathieu Dejean sur www.mediapart.fr
La députée de Seine-Saint-Denis explique le chemin que le Nouveau Front populaire peut prendre pour gouverner malgré sa majorité relative. Elle acte aussi sa rupture avec La France insoumise et annonce la création d’une nouvelle force politique « au service du rassemblement ».
Sa victoire surprise à peine savourée, le 7 juillet au soir, le Nouveau Front populaire (NFP) doit affronter une équation complexe. Comment gouverner sans majorité absolue ? Quelles leçons tirer d’un scrutin qui a vu le Rassemblement national (RN) bondir de 88 à plus de 140 député·es ? Comment éviter que l’union de la gauche et des écologistes se fracture à nouveau ? Prise dans ce tourbillon, Clémentine Autain prend le temps d’analyser un paysage politique bouleversé.
La députée de Seine-Saint-Denis, réélue dès le premier tour avec plus de 62,65 % des suffrages exprimés, s’oppose à tout accord gouvernemental avec la Macronie et compte sur la mobilisation de la société civile pour soutenir le NFP. Elle acte aussi sa rupture avec La France insoumise (LFI) et affirme « entamer un processus de création d’une nouvelle force politique », avec d’autres, « pour donner une perspective à tous les orphelins d’une gauche radicale et démocratique ».
Mediapart : Le 7 juillet, le risque d’une majorité RN a été écarté et la gauche unie est arrivée en tête malgré la campagne menée par les médias Bolloré. L’hégémonie culturelle est-elle en train de changer de camp ?
Clémentine Autain : Le deuxième tour a corrigé l’élan du premier au lieu de l’amplifier. C’est un immense soulagement. On doit ce barrage réussi à la responsabilité des gauches et des écologistes qui se sont unis, alors que l’on n’y croyait plus, mais aussi à la mobilisation de syndicalistes, d’activistes, d’intellectuels et de très nombreuses citoyennes et citoyens. De l’appel initié par Julia Cagé aux Convois de la victoire, des milliers de personnes ont prêté main-forte partout, en s’auto-organisant, notamment dans des territoires qui ne nous étaient pas favorables.
Cette victoire est aussi liée au changement d’ambiance médiatique dans l’entre-deux-tours. C’est comme si des journalistes de grands médias, notamment du service public et de la presse locale, avaient été finalement pris de vertige. Enfin ils ont cessé de traquer les candidats LFI pour s’intéresser à ceux du RN qui donnent si bien la boussole de ce camp fait de racisme et de haine. La leçon générale qu’on peut en tirer, c’est que notre pays a de la ressource, il ne veut pas de l’extrême droite au pouvoir. Mais il ne faut pas que ce sursaut ne soit qu’un sursis. Si on ne traite pas les causes profondes qui poussent de plus en plus d’électeurs à se tourner vers le RN, qui passe malgré tout de 89 à 140 députés, nous irons dans le mur.
L’union des gauches et des écologistes sur un projet de transformation profonde, que j’ai défendue parfois contre vents et marées, a été efficace électoralement. Elle constitue un levier extraordinaire pour créer de l’espoir. Nous sommes maintenant au pied du mur : il faut consolider, structurer le NFP. Si ce rassemblement explose comme la Nupes [Nouvelle Union populaire écologique et sociale], on passera à côté de nos responsabilités historiques. Nous n’avons pas encore de majorité, il reste la prochaine législative et la présidentielle à gagner. Dimanche soir, c’est notre point de départ. Et il est sacrément encourageant. C’est le début de quelque chose. Maintenant, il ne faut pas se rater.
Les responsables de gauche se disent prêts à gouverner et attendent d’Emmanuel Macron qu’il se tourne vers eux. Mais comment faire, alors que vous êtes encore plus minoritaires que les macronistes en 2022 ?
Clémentine Autain : L’extrême droite s’est pris une claque, elle ne peut pas gouverner. La Macronie est défaite, quoi qu’elle raconte sur les plateaux télé. Ce qui ressort du vote, c’est une envie de rompre avec quarante ans de politiques qui ont fait grandir le mal-travail et les inégalités, qui ont désindustrialisé le pays, maltraité les services publics, méprisé la voix du peuple, des décennies aussi meurtries par l’inaction climatique. Il y a de la rage dans ce pays, et l’envie d’autre chose. Le président de la République a dit qu’il entendait le résultat des urnes : il doit prendre acte que son orientation ne peut répondre à cette aspiration. Nous sommes les seuls à pouvoir apaiser les Français en leur apportant de la justice sociale et du respect. Nous y sommes prêts et nous devons au plus vite faire une proposition à Emmanuel Macron de premier ou première ministre.
Nous ne sommes pas au bout de la réflexion stratégique pour parler à toutes les catégories populaires, partout en France.
Des mesures très fortes peuvent être prises, y compris avec une majorité relative. D’abord, il faut gouverner sur une base claire, celle du programme du NFP, et pas dans le cadre d’une coalition avec Renaissance, qui serait le bricolage de deux visions de la société qu’on ne peut pas raccorder. On peut obtenir à l’Assemblée nationale une majorité texte par texte sur des sujets qui vont améliorer immédiatement la vie des Français, comme l’abrogation de la réforme des retraites. D’autres sujets ne passent pas par des lois mais par des décrets, comme le blocage des prix ou le Smic à 1 600 euros. Enfin, la majorité du pays soutient des pans entiers de notre programme. C’est cette force qu’il faudra donner à voir si nous gouvernons. En 1936, les congés payés ont été adoptés parce qu’une mobilisation immense réclamait à cor et à cri cette mesure qui n’était même pas dans le programme.
Il est faux de dire qu’on ne peut rien faire, tout comme il est faux de dire qu’on peut tout réaliser de nos engagements dans un cadre où on n’a pas de majorité. Mais ce qui est sûr, c’est que nous sommes les seuls à avoir la solution pour donner immédiatement du pouvoir de vivre dans la dignité. Si dans quinze jours on gouverne, la différence sera immédiatement perçue. Il se dit que la Macronie cherche une autre configuration, avec une alliance entre elle et Les Républicains. Un tel scénario serait une folie.
Malgré le succès du NFP, des circonscriptions de gauche ont basculé sous la poussée de l’extrême droite. « Attention aux illusions. En deux ans, l’extrême droite s’installe dans les terres ouvrières », a prévenu François Ruffin. Comment la gauche peut-elle réparer ce basculement d’une partie du vote populaire ?
Clémentine Autain : Il faut que l’on traduise les aspirations des habitants de tous les territoires, qu’ils et elles partout se sentent concernés par notre discours. Nous avons encore un gros travail à faire en la matière. Pour moi, la question des services publics est très importante pour faire reculer l’extrême droite et pour fédérer les mondes populaires de Sevran et de Pamiers, des Minguettes et d’Abbeville. Il y a une corrélation entre le dépérissement des services publics et le vote RN. Le sentiment de déclin sur lequel prospère l’extrême droite, c’est aussi la désindustrialisation. Il faut s’y attaquer, en relocalisant l’économie tout en la recentrant sur la satisfaction des besoins véritables. Ce sont deux piliers essentiels.
Mais si nous essuyons des défaites dans les circonscriptions de Fabien Roussel, de Caroline Fiat, de Pascale Martin ou encore de Charlotte Leduc, c’est-à-dire dans les territoires ruraux, c’est aussi parce que le discours de la gauche y a perdu pied. Le profil de LFI, qui lors des européennes s’est centrée quasi exclusivement sur la si juste cause palestinienne, a permis de créer un affect dans les quartiers populaires à forte population issue de l’immigration. Mais si on pense que c’est uniquement en confortant ces points de force qu’on peut être majoritaires dans le pays, on fait fausse route. Nous ne sommes pas au bout de la réflexion stratégique pour parler à toutes les catégories populaires, partout en France.
Par ailleurs, si le NFP progresse globalement, l’équilibre à l’intérieur de la gauche a bougé en faveur du PS et en défaveur de LFI. Attribuez-vous cela aux mêmes causes ?
Clémentine Autain : Nous sommes plusieurs dans le groupe LFI à avoir alerté sur le fait que notre stratégie depuis 2022 conduisait à ce rétrécissement. Nous sentions que l’adoption d’un profil très clivant, la dissonance féministe dans la gestion de l’affaire Quatennens, le défaut criant de démocratie interne ou encore le positionnement si critique des syndicats au moment de la réforme des retraites allaient conduire à un recul.
De même, nous aurions perdu moins de plumes et emmené bien plus largement dans la lutte pour le peuple palestinien massacré si nous avions été capables de poser les mots justes sur l’attaque du 7 octobre et si nous avions exprimé notre empathie à l’égard des juifs qui ont ressenti un traumatisme. Si certains mots posés par Jean-Luc Mélenchon étaient juste maladroits, s’ils avaient simplement été mal compris, pourquoi ne pas avoir réussi à éteindre la polémique insupportable visant à assimiler LFI à une bande d’antisémites ?
Je sais parfaitement la manipulation de l’opinion par nos ennemis sur ce sujet. Nous ne sommes pas dans un contexte bienveillant, nos adversaires se chargent de tout traquer et de tout amplifier, de manière totalement mensongère au besoin. Mais face à cela, au lieu de clarifier, de corriger, on a laissé une forme d’incompréhension s’installer. La voix de LFI a manqué de clarté. Certaines phrases, comme « l’antisémitisme est résiduel », font très mal.
Pour avoir formulé des critiques sur tous ces sujets, vous avez été exclue de facto de LFI. Sans appareil, n’avez-vous pas perdu la bataille, malgré la réélection des députés sortants non réinvestis par LFI (à l’exception de Raquel Garrido) ?
Clémentine Autain : D’abord, les électeurs ont tranché : les députés sortants non réinvestis Alexis Corbière, Hendrik Davi et Danielle Simonnet ont été réélus, et Raquel Garrido réalise un score très important dans un contexte local plus difficile. Quand on voit l’énergie démente dépensée par la direction insoumise dans cette campagne pour les faire perdre, au détriment de l’investissement contre le RN, on se dit que la victoire est immense. Et que l’appareil ne fait pas tout. C’est l’orientation la plus juste qui l’a emporté.
Le peuple de gauche veut la démocratie, il veut le pluralisme, il veut un autre profil que le bruit et la fureur. Comme tous ceux qui ont fait campagne ont pu le constater, une grande partie de nos électeurs sont en colère contre la stratégie de Jean-Luc Mélenchon depuis 2022. Celle-ci a laissé l’espace aux héritiers de la social-démocratie pour nous tondre la laine sur le dos. Résultat : ce sont eux qui progressent, pas nous – et les revers en ruralité sont sévères.
Le fait d’acter la rupture avec LFI est aussi pour moi un moyen de sortir des guerres fratricides pour me concentrer sur l’essentiel.
Pour autant, oui, il faut le dire : la bataille interne était en réalité perdue d’avance, car il n’y a pas de cadres de régulation démocratique à LFI, et donc de possibilité d’exprimer une autre option d’orientation que celle décidée par Jean-Luc Mélenchon et de la faire trancher par les militants. Au fond, comme disait Charlotte Girard, corédactrice du programme de 2017 qui a été poussée sans ménagement vers la sortie, « il n’y a pas moyen de ne pas être d’accord ». J’ai plusieurs fois émis des alertes à ce sujet. Après les législatives de 2022, j’ai pensé que nous saurions nous hisser à la hauteur de la nouvelle période politique. J’ai eu tort. Pourtant, sans régime interne démocratique, on ne peut pas devenir une force à vocation majoritaire.
La « purge » des députés sortants critiques de la direction de LFI pourrait être éclipsée par le contexte politique. A-t-elle laissé des traces ?
Clémentine Autain : Ce qui me frappe, c’est qu’une culture politique s’est installée dans les rangs de LFI, celle de la peur qui éteint les cerveaux. Quel message envoie-t-on aux militants et aux élus quand on ne réinvestit pas, et de façon si brutale, des sortants comme Alexis Corbière, porte-parole et figure historique du mouvement ? Ce qui est clairement exprimé, c’est que si on ose critiquer, n’importe qui peut être dessoudé en vingt-quatre heures, sans même un coup de fil. Dans un groupe de soixante-quinze, seuls deux députés en dehors des concernés, de François Ruffin et de moi-même, ont dit publiquement leur désapprobation – Loïc Prudhomme et Michel Sala.
Je sais que ce n’est pas le reflet de la réalité : beaucoup estiment que cette façon de faire est inadmissible. Pourtant, le silence est d’or. Mais si l’on accepte de telles méthodes, le risque est de tout avaler par la suite. Et à la fin, même les purgeurs d’hier finiront par être les purgés de demain.
Ne nous y trompons pas : tout cela n’est pas une question purement interne qui serait déconnectée des grands enjeux politiques. Ce que l’on donne à voir de nous-mêmes ne peut pas être en contradiction totale avec les principes démocratiques et les slogans comme « l’humain d’abord », que nous prétendons vouloir mettre en œuvre dans le pays. À l’évidence, ces comportements jettent un soupçon sur ce que nous ferions si nous avions le pouvoir.
Désormais, où allez-vous siéger à l’Assemblée nationale, et comment allez-vous faire valoir l’enjeu démocratique à l’intérieur du NFP ?
Clémentine Autain : J’aurais aimé que nous ayons un groupe Nouveau Front populaire. Nous n’en prenons pas le chemin. Pour ma part, je n’ai qu’une obsession : conforter et développer l’union sur la base d’un projet porteur de changements profonds, sociaux et écologiques. Cela suppose de bâtir un mode de fonctionnement commun, avec a minima un intergroupe à l’Assemblée nationale, un cadre régulier d’animation du NFP et la possibilité d’adhésions directes. Jean-Luc Mélenchon lui-même m’a donné ce point au sujet du Front de gauche, en admettant que j’avais eu raison de plaider pour des adhésions directes à l’époque. Ne refaisons pas les mêmes erreurs.
Le NFP ne peut pas se résumer à un cartel d’organisations. Pourquoi le soir des résultats, le 7 juillet, n’y a-t-il pas eu l’image de l’union mais une succession de prises de parole des chefs de parti ? Si on veut donner de l’espoir, il faut donner à voir que ce rassemblement existe, qu’il est vivant, qu’il y a un cadre auquel on peut se référer, qui peut accueillir l’énergie militante qui s’est levée. Beaucoup veulent adhérer ou contribuer au NFP sans forcément choisir l’un des partis qui le composent. Si on permet ces adhésions directes, si on crée des espaces de dialogue avec le monde associatif, syndical, culturel, alors on sera à la hauteur du moment.
Il ne s’agit pas de faire le parti des “Insoumis insoumis”, même si les rassembler est déjà une étape.
Soyons lucides : le NFP est fragile. Je veux m’engager au service de tout ce qui peut cimenter l’union. Le fait d’acter la rupture avec LFI est aussi pour moi un moyen de sortir des guerres fratricides pour me concentrer sur l’essentiel : construire une majorité dans le pays pour combattre le mal-être, les injustices, l’inaction climatique. Pour contribuer à pérenniser le NFP, et sur une base réellement transformatrice, pour donner une perspective à tous les orphelins d’une gauche radicale et démocratique, je veux avec d’autres entamer un processus de création d’une nouvelle force politique.
Avec qui aura lieu ce processus ?
Clémentine Autain : Avec des groupes politiques déjà constitués, des activistes, des militants des quartiers populaires, de la jeunesse… Je propose un processus, la porte est ouverte. Il ne s’agit pas de faire le parti des « Insoumis insoumis », même si les rassembler est déjà une étape. Il y a la place pour une force qui porte un projet qui prenne les problèmes à la racine, avec une stratégie de conquête du pouvoir et un mode de vie interne qui respire, qui estime le vote légitime pour trancher les dissensus, et qui considère le pluralisme comme une richesse. Nous avons besoin d’un nouvel outil organisationnel au service du rassemblement, qui ouvre les bras aux militants déçus de LFI comme aux nouvelles énergies disponibles pour ce projet.
Je veux que ce soit un lieu où on travaille sur le fond, sur la stratégie, et pas en vase clos. Car il faut être lucide, on n’y est pas. J’en appelle au monde intellectuel : aidez-nous. On a des éléments de réponse : François Ruffin sur le mal-travail, moi sur les services publics comme fédérateur potentiel. Mais nous n’avons pas toutes les solutions. On a encore du chemin à faire, il faut un espace commun de travail et d’action.
Qui peut être premier ou première ministre du NFP ?
Clémentine Autain : Les députés du NFP ont leur mot à dire sur cette question. On ne peut pas être simplement une chambre d’enregistrement de la décision prise dans le cadre du cartel des partis, même si leur accord est essentiel. J’ai appelé à une réunion de l’ensemble des députés du NFP pour en débattre. Je ne désespère pas qu’elle ait lieu. La majorité du groupe le plus important en nombre du NFP ne peut pas décider pour tout le monde. C’est une règle qui n’est pas bonne. Je le dis dans un moment où on ne sait pas avec précision quel groupe du NFP sera le plus important. Il ne faudrait pas que LFI, qui a clamé que c’était le groupe arrivé en tête qui déciderait, se fasse prendre à son propre piège. Nous sommes très attendus. Il serait incompréhensible que l’on mette un temps infini à dégager une personnalité qui permette à toutes et tous de s’y retrouver. Ici comme ailleurs, nous n’avons pas le droit de décevoir.
mise en ligne le 9 juillet 2024
Christophe Prudhomme sur www.humanite.fr
Le gouvernement encore en place profite de la situation politique pour publier des textes législatifs en comptant sur l’absence de relais par les médias et donc une absence d’information et de réaction de la population. Ainsi un arrêté publié le 2 juillet précise les modalités de mise en œuvre d’un décret de décembre 2023 définissant des « conditions temporaires de l’accès aux urgences » qui restreint encore plus la possibilité d’accès aux services d’urgence.
Nous sommes déjà dans une situation très dégradée, avec les fermetures régulières et inopinées de très nombreux services, obligeant les patients à appeler le centre 15 au préalable pour savoir s’ils peuvent se rendre dans leur hôpital de proximité ou s’il faut se diriger vers un autre établissement plus éloigné.
Des patients reçus par des secouristes formés en 14 heures
Il est ainsi précisé que l’accueil physique dans les structures d’urgence peut être assuré par un professionnel de santé ou une personne titulaire de l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence, c’est-à-dire un secouriste. En clair, en situation d’urgence, lors de votre arrivée dans un hôpital, la personne avec laquelle vous pourrez avoir un premier contact sera titulaire d’une formation durant 14 heures pour le premier niveau et 21 heures pour le 2e niveau ! Quelle que soit la bonne volonté de ces personnes, cette procédure met clairement les patients et elles-mêmes en danger, avec un risque de mauvaise appréciation de la gravité potentielle de la situation.
Une autre partie du texte explique qu’une orientation préalable, en amont de l’accueil du patient et de sa prise en charge sera effectuée par un auxiliaire médical « qui met en œuvre des protocoles d’orientation préalable par délégation du médecin présent dans la structure ». Donc vous ne verrez pas de médecin mais ce qu’on appelle un.e infirmier.ère d’orientation et d’accueil qui pourra décider de vous réorienter vers une consultation en ville auprès d’un médecin qui a transmis ses disponibilités à l’hôpital. En clair, tout est fait pour que vous ne puissiez pas entrer dans le service d’urgence et être vu par un médecin.
Se mobiliser pour rétablir un service public de la santé
Mais tout n’est pas perdu car il est prévu que ce dispositif doit faire « l’objet d’une information de la population incluant une diffusion sur le site internet de l’Agence régionale de santé ». Donc, en situation d’urgence, n’oubliez pas de consulter le site internet de l’ARS avant de vous précipiter aux urgences ! Cette situation de dégradation de notre système de soins devient de plus en plus intolérable. Cette casse du service public de santé accélérée par la politique menée par E. Macron peut aujourd’hui être stoppée en s’appuyant sur les résultats des élections législatives. Le programme du Nouveau Front populaire est une bonne base pour remonter la pente.
Mais il faut être conscient qu’il ne suffit pas de mettre un bulletin dans l’urne pour imposer les changements nécessaires. Seules des mobilisations puissantes des professionnels de santé avec la population sur le terrain permettront d’imposer d’autres choix pour notre Sécurité sociale et de rétablir un service public de santé permettant à chacun de pouvoir se soigner en proximité, sans être obligé de renoncer aux soins pour des raisons financières.
mise en ligne le 9 juillet 2024
sur https://www.cgt.fr/actualites
La mobilisation citoyenne a déjoué le scénario catastrophe d’Emmanuel Macron qui, par sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale, a créé le chaos et déroulé le tapis rouge au Rassemblement National. Une large majorité d’électeurs et d’électrices ont clairement exprimé leur refus de donner les clés du pays à l'Extrême droite.
Le Nouveau Front Populaire, porteur d’un programme prévoyant notamment l'augmentation des salaires et des pensions, l'abrogation de la réforme des retraites et l'investissement dans nos services publics, est arrivé en tête.
Espagne, Grande-Bretagne et maintenant la France : les réactionnaires sont battus sur la base d’attentes sociales fortes. En Europe, le choix est désormais clair : progrès social ou fascisme, le libéralisme n’est plus une alternative.
Le président de la République a été sévèrement sanctionné.
Il a été totalement irresponsable en tentant jusqu’au bout de mettre dos à dos l’Extrême droite avec la gauche, contribuant ainsi à la légitimation du
Rassemblement National et de son idéologie.
Heureusement, la majorité des organisations syndicales, la société civile, la jeunesse et les partis politiques républicains ont pris
leurs responsabilités. Fidèle à son histoire, la CGT a continué de rappeler très fermement
que le Rassemblement National est toujours un parti raciste, antisémite, homophobe, sexiste et violent et qu’il ne doit jamais être considéré comme
un parti comme les autres.
Au-delà, les leçons doivent être tirées en profondeur pour contrer la progression continue du Rassemblement National, qui a obtenu un nombre de député·es record.
La CGT alerte. Les exigences sociales doivent être entendues : le travail doit permette de vivre dignement et les services publics doivent être développés dans tous les territoires.
Pas question que le patronat, qui a brillé par sa complaisance envers l’Extrême droite, ait encore gain de cause.
Il faut rassembler le pays qui a été clivé de façon très violente et lutter avec détermination contre le racisme, l'antisémitisme et l'islamophobie. Il faut aussi renforcer les obligations déontologiques et l’indépendance des médias actuellement dans les mains de quelques milliardaires.
Le sursaut populaire citoyen ne doit pas s’arrêter, il doit s’organiser dans la durée.
Depuis les élections européennes, des milliers de salarié·es et retraité·es ont fait le choix de se syndiquer à la CGT.
Cette dynamique doit s’amplifier pour permettre aux travailleuses et travailleurs de reprendre le pouvoir sur leur travail et leur vie. Partout dans les territoires, la CGT va rencontrer les député·es républicains pour porter les exigences du monde du travail.
La CGT va réunir ses instances de direction pour décider de toutes les initiatives nécessaires et échanger avec l’intersyndicale et les associations pour continuer à avancer dans l’unité la plus large.
Naïm Sakhi sur www.humanite.fr
Après la « victoire incroyable » de la gauche, Sophie Binet exige du président de la République qu’il respecte le verdict des urnes. La secrétaire générale de la CGT livre sa réflexion sur l’urgence de renouer avec le monde du travail et ses revendications. Une intersyndicale doit avoir lieu ce 9 juillet.
Au second tour, le barrage républicain a empêché le RN de faire main basse sur Matignon. Est-ce une satisfaction ?
Sophie Binet : C’est une victoire incroyable. La mobilisation citoyenne a réussi à déjouer tous les scénarios catastrophes préparés depuis l’Élysée. Emmanuel Macron organise le chaos pour dérouler le tapis rouge à Jordan Bardella.
La gauche a su s’unir sur un programme de rupture avec le macronisme malgré des divergences fortes. La majorité des syndicats, CGT et CFDT en tête, ont pris leurs responsabilités en appelant à barrer la route de Matignon à l’extrême droite.
La clarté des désistements a contribué à battre en brèche la stratégie du « ni, ni » de la Macronie. Nous avons forcé la droite et le centre à reconstruire un barrage républicain, même fragile. Les électeurs ont pris leurs responsabilités. Le peuple français a réaffirmé que notre République, ce n’était pas l’extrême droite.
La CGT a soutenu le programme du Nouveau Front populaire (NFP). La gauche, en majorité relative, devra faire des compromis. Quelles sont vos lignes rouges ?
Sophie Binet : Les exigences sociales doivent être entendues. La CGT scrutera de près les contenus sociaux du prochain exécutif. À commencer par l’abrogation de la réforme des retraites. C’est un point majeur. L’opposition à cette réforme a pesé lourd dans ce scrutin. Grâce à la pugnacité des organisations syndicales, nous avons déjà gagné l’abandon de la réforme de l’assurance-chômage.
Ce n’est pas une petite victoire. La CGT veut des réponses claires sur l’augmentation des salaires, du point d’indice des fonctionnaires et des pensions. Le Smic à 1 600 euros était dans le programme du NFP.
Cela correspond aux revendications de la CGT. Un calendrier doit préciser sa mise en œuvre. L’indexation des salaires est un impératif, car le RN prospère sur le déclassement du travail. Enfin, des moyens doivent être débloqués pour nos services publics.
Quelles places pour les questions industrielles ?
Sophie Binet : Quand on ferme une usine, c’est un député du RN qui est élu. Les aides versées aux entreprises doivent être remises à plat et conditionnées. Le septennat d’Emmanuel Macron a été extrêmement profitable aux grandes entreprises. Elles ont bénéficié d’au moins 60 milliards de cadeaux supplémentaires en termes de baisse d’impôts et profitent chaque année de 170 milliards d’aides sans condition, ni contrepartie.
Il faut une autre répartition des richesses. Le patronat doit passer à la caisse. La CGT attend des actes forts et rapides, notamment dans les luttes sociales en cours. L’avenir des centrales de Cordemais et Gardanne, mais aussi de la papeterie Chapelle Darblay, doit être garanti. La CGT réclame un moratoire sur les licenciements en cours.
Enfin, la privatisation de Fret SNCF doit cesser, avec un moratoire sur le plan de discontinuité. La CGT se tient prête à proposer un plan de développement du ferroviaire au prochain gouvernement.
Quel profil doit aller à Matignon ?
Sophie Binet : La CGT n’a pas à faire le casting du futur exécutif. Mais une aspiration au renouvellement a émergé dans cette dynamique populaire. La gauche est en situation de cohabitation avec Emmanuel Macron. Jusqu’au bout, le président essayera d’empêcher une politique de justice sociale, avec la complicité du patronat. Il continuera à jouer les pyromanes.
« Nous avons besoin d’une gauche de rupture capable de gouverner et d’apaiser le pays. »
Le futur gouvernement doit se donner les moyens de durer, il doit être composé de personnalités qui rassemblent et répondent aux exigences sociales du monde du travail. Le pays est fracturé. Nous avons besoin d’une gauche de rupture capable de gouverner et d’apaiser le pays.
La stratégie de clivage, du bruit et de la fureur, de polarisation, profite in fine à l’extrême droite. Nous n’avons pas besoin de jeter du sel en permanence sur le débat public. Le NFP a une obligation de réussite, il ne doit ni trahir ni décevoir.
Vous craignez des manœuvres de l’Élysée pour empêcher la gauche de gouverner ?
Sophie Binet : Par son silence, Emmanuel Macron cherche à s’asseoir sur le résultat des urnes. Le chef de l’État souhaite un gouvernement technique dans la continuité de sa politique néolibérale. Le résultat, nous le connaissons par avance et nous l’avons vu en Italie.
Une coalition sans contenu social propulsera Marine Le Pen à l’Élysée en 2027. Il serait irresponsable de repartir sur une majorité relative composée des macronistes et des LR.
Quelles initiatives la CGT va-t-elle prendre dans les jours à venir ?
Sophie Binet : Une intersyndicale se tiendra ce mardi soir. Avec les autres organisations syndicales, nous continuerons à chercher à rassembler le pays autour de nos revendications sociales et à empêcher un hold-up démocratique. Le patronat a brillé par sa complaisance envers l’extrême droite. Il n’est pas question qu’il bloque de futures avancées sociales.
La société civile a maintenu une pression populaire sur les partis de gauche. Cet attelage doit-il perdurer ?
Sophie Binet : La CGT rencontrera tous les députés élus, sauf ceux de l’extrême droite. Sans la mobilisation de la société civile, des députés républicains de tous bords n’auraient jamais été élus. Durant ce mois de campagne, une repolitisation de la société s’est opérée : la jeunesse, le mouvement ouvrier, les intellectuels, une partie du monde de la culture et du sport, des journalistes…
Les initiatives se sont multipliées. Il ne faut surtout pas laisser la politique aux politiciens. Ce souffle ne doit pas retomber, sinon Emmanuel Macron jouera avec le RN pour créer le chaos. La CGT continuera à se mêler des affaires politiques.
Le 7 juillet, le RN et ses alliés ont recueilli plus de 10 millions de voix. Le vote d’extrême droite progresse inexorablement dans le salariat. Comment inverser cette tendance ?
Sophie Binet : Nous sommes en sursis d’une arrivée du RN au pouvoir. La CGT alertait, souvent seule, de la progression de l’extrême droite chez les travailleurs. On ne pourra pas lutter contre le racisme sans lutter contre l’antisémitisme, car ces discriminations prennent des formes distinctes mais ont des ressorts communs.
Attention à ne minimiser ni l’un ni l’autre de ces fléaux et à surtout cesser de les mettre en opposition. Les actes racistes et islamophobes ont explosé ces dernières semaines sur les lieux de travail.
Par exemple, à Enedis, une salariée s’est fait traiter de sale négresse. La CGT va interpeller le patronat : quelle politique va-t-il mettre sur pied pour lutter contre le racisme ? Nous proposerons à l’intersyndicale de se saisir de ces enjeux.
Les formations de gauche sont-elles encore audibles dans le monde du travail ?
Sophie Binet : C’est un axe de travail que nous devons aborder avec la gauche politique. Des bastions ouvriers, comme dans les Bouches-du-Rhône, l’Est, le Nord, la Seine-Maritime basculent à l’extrême droite. Ce n’est pas qu’un vote sanction vis-à-vis d’Emmanuel Macron.
Dans une grande partie du salariat, l’extrême droite est un vote d’adhésion. Dans des duels face à la gauche, des salariés ont choisi le bulletin RN. La déstructuration du travail et l’explosion des collectifs de travail sont des accélérateurs de la progression du RN.
La question du travail doit-elle être centrale pour reconquérir les classes populaires ?
Sophie Binet : Oui. La gauche a trop délaissé le travail, tout comme les enjeux industriels. La gauche qui a gouverné sous François Hollande a démissionné face à la finance et a organisé le partage de la pénurie au sein du salariat, en opposant les cadres et les ouvriers. Des partis de gouvernement ont eu pour seule proposition aux présidentielles le revenu universel.
« La gauche doit redevenir le parti du monde du travail. »
Au lieu de parler de salaire, la gauche a parlé de pouvoir d’achat. Des formations ont abandonné le combat pour l’amélioration collective des conditions de travail, en apportant des réponses segmentées pour la seule frange de celles et de ceux les plus en difficulté, en développant les aides sociales, tout en renonçant à affronter le capital. La gauche doit redevenir le parti du monde du travail.
Peut-on parler d’une même voix aux classes populaires de Seine-Saint-Denis, de Flixecourt ou de Saint-Amand-les-Eaux ?
Sophie Binet : C’est l’enjeu qui est devant nous. Sous le poids des mutations du travail, les catégories populaires sont devenues diverses. Ces dernières sont profondément clivées par le vote RN. La question sociale rassemble largement. Nous devons faire comprendre aux travailleurs l’importance d’une expression de classe. Sinon, le patronat continuera de dérouler son projet antisocial.
C’est en ce sens que l’extrême droite est le pire ennemi des travailleurs : elle les fracture en les mettant en opposition selon la religion, la couleur de peau, la nationalité ; pendant ce temps-là le patronat a une paix royale et se frotte les mains ! Cependant, l’abstention reste le premier parti des ouvriers. Nous devons aussi les convaincre de l’utilité de voter.
Comment analysez-vous le rôle de la CGT dans cette séquence ?
Sophie Binet : Je suis très fière du déploiement de la CGT depuis l’annonce de la dissolution. Plus de 3 000 adhésions ont été réalisées. La CGT aurait pu agir comme d’autres, en faisant primer ses intérêts électoraux, et ne pas affronter certains salariés.
De nombreuses circonscriptions ont été gagnées à une poignée de voix. Sans l’investissement de la CGT, le résultat des urnes aurait été différent. Nous sommes restés fidèles à notre histoire. À chaque fois qu’une menace fasciste planait, la CGT a pris ses responsabilités. Nous avons tenté d’être à la hauteur de l’héritage de Benoît Frachon, Georges Séguy, Martha Desrumaux et Henri Krasucki.
mise en ligne le 8 juillet 2024
Cécile Hautefeuille sur www.mediapart.fr
Des centaines de personnes ont fêté la victoire du Nouveau Front populaire devant le bar associatif du Quartier Généreux. Une soirée assombrie par les résultats du département : le Rassemblement national remporte cinq des neuf circonscriptions de l’Hérault.
Montpellier (Hérault).– S’il existait un adjectif pour définir une joyeuse sidération, il serait parfait pour décrire le frisson qui a traversé la foule, dimanche à 20 heures, devant le Quartier Généreux, un bar associatif de Montpellier. Quand les premiers résultats se sont affichés sur l’écran de télévision, les centaines de personnes massées devant la vitrine ont d’abord ouvert grands les yeux, vérifié que c’était bien réel puis hurlé de joie. « La gauche a gagné ! Le Nouveau Front populaire est devant ! », « Le RN est troisième ! Oui, troisième ! », font passer celles et ceux des premiers rangs aux personnes qui n’arrivent pas à apercevoir l’écran.
Un sourire presque hagard sur les lèvres, une femme d’une cinquantaine d’années est en larmes. Devant elle, un homme pleure dans les bras de sa compagne. « J’ai eu peur, tellement peur », soufflera-t-il quelques minutes plus tard. Les gens se serrent, s’étreignent, se rapprochent et entonnent un « Siamo tutti antifascisti », régulièrement chanté jusque tard dans la soirée.
Ce résultat, peu y croyaient avant 20 heures. La surprise est totale. « Nous sommes douze minutes avant la fin du monde », se désespérait ainsi Louise, en attendant les premières estimations. « J’ai l’impression qu’une météorite va nous tomber dessus », prédisait-elle, l’air sombre. Finalement, c’est un feu d’artifice, tiré à proximité du Quartier Généreux, qui est venu fendre le ciel quelques heures plus tard. « Montpellier est résolument une ville de gauche ! », s’enthousiasme un groupe d’ami·es.
Une bière à la main, Antoine et Aïssatou se disent « submergés par la victoire ». La jeune femme, qui se prépare à devenir professeure des écoles, évoque le « fort impact psychologique » de cette campagne et sa peur, « une peur de survie », en tant que femme racisée. « J’ai déjà une charge raciale même quand l’extrême droite n’est pas au pouvoir ? Là, c’était très compliqué à imaginer… »
Antoine, qui a pleuré à 20 heures, revient sur son émotion : « Des larmes de soulagement et de fierté. » La fierté d’avoir milité pendant trois semaines – ce qu’il n’avait plus fait depuis dix ans – et d’avoir vu « tant de monde entrer dans le mouvement ». « L’ alliance de tous les acteurs de la société civile, c’est ça qui m’a embarqué, poursuit-il. Plus que jamais il faut continuer, il faut investir tous les espaces. Moi je ressors avec ça, ce soir. »
Pendant que les discours des politiques s’enchaînent à la télévision et que Jordan Bardella est copieusement moqué, une bande de jeunes survoltés harangue les voitures qui passent près de la place Albert 1er. Les coups de klaxon sont incessants, comme un soir glorieux de finale de coupe du monde. Et ça va durer des heures.
Un grand drapeau français fend la foule, barré du message « Se réapproprier le drapeau ». « Et ouais, c’est pas réservé aux footeux ou aux fachos ! », rigole une jeune femme. Arthur, qui porte l’étendard, acquiesce. « C’est notre France, c’est notre drapeau. » « Et notre France, elle est de gauche ! Elle est belle, ouverte et mixte ! », enchaîne Fiona à ses côtés. Drapeau palestinien sur les épaules, la jeune femme de 22 ans dit avoir eu « la boule au ventre » avant 20 heures. « On n’était pas confiants », concède-t-elle.
Soudain, l’ambiance s’assombrit devant l’entrée du bar. Les résultats des neufs circonscriptions de l’Hérault commencent à arriver et avec eux, de mauvaises nouvelles. Le candidat Nouveau Front populaire de la quatrième, Sébastien Rome, est battu par la candidate RN. Il était le député LFI sortant. C’est un coup dur pour les militant·es.
Un tableau, qui recense les résultats du département, se remplit peu à peu. Et les mines sont déconfites. Le Rassemblement national remporte cinq circonscriptions, le Nouveau Front populaire, quatre. En 2022, le RN en avait décroché trois. « On est contents des résultats nationaux mais au niveau local, c’est vraiment moche », déplore une bénévole du Quartier Généreux. « Il faut profiter de cette soirée, puis profiter de l’été pour se reposer mais à la rentrée, on se retrouve et on se remet à bosser ! », scande un autre au micro.
« Après ces résultats, il faudrait que la gauche reste solidaire mais c’est trop tôt pour parler de ça ! Ce soir, on profite », commente Natty, venue avec ses ami·es Illy et Mehdi. Ils ont entre 25 et 32 ans et ont rejoint la place Albert 1er pour « être avec une population de gauche ». « Ici, c’est un lieu safe, c’est surtout pour ça », ajoute Mehdi, qui ne se sent pas en sécurité face à la déferlante des violences racistes ces dernières semaines. « On sent des regards insistants. Et ça installe de la suspicion, on se demande qui a voté RN. Plus de dix millions de personnes qui ont voté pour ce parti au premier tour, c’est pas rien... », conclut le jeune homme, d’ores et déjà inquiet pour 2027.
« Malgré la joie ce soir, j’ai peur de la pente dans laquelle on descend. On y est, on y est toujours », estime également Fred pour qui les résultats de ces législatives ne sont qu’une étape. « La victoire d’aujourd’hui, c’est que le RN se sera pas au pouvoir. Mais la bataille ce sera demain, à l’Assemblée nationale », poursuit-il.
Murielle, bénévole au Quartier Généreux, abonde : « Je me demande ce que ça va donner à l’Assemblée. Je me demande si la gauche va rester unie. On l’a vu, avec la Nupes. Dès le lendemain ils ne se connaissaient plus ! » Surprise de voir autant de monde, et beaucoup de nouvelles têtes, à cette soirée du bar associatif et engagé, elle en est toutefois convaincue : « Cette société civile, elle, ne va pas se diviser. » Ce soir, Murielle veut profiter du souffle d’espoir et de joie qui balaie la foule. Et lève son verre bien haut : « Dans ce verre, il y a le seum de Bardella ! C’est la cuvée du Seum de Bardella ! »
mise en ligne le 8 juillet 2024
Pierre Jequier-Zalc sur www.politis.fr
Alors que les instituts de sondages, au soir du premier tour, annonçaient une potentielle majorité absolue au Rassemblement national, une forte mobilisation populaire a permis au Front populaire d’être la plus importante force politique à l’Assemblée nationale. Il faut, désormais, construire dessus.
« Bonjour Madame, est-ce qu’on pourrait parler quelques minutes des élections législatives ? » Cette phrase, cette semaine, a été répétée des milliers de fois. Des dizaines de milliers de fois, sans doute. Après l’annonce, par Emmanuel Macron, de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, une véritable mobilisation populaire est née pour faire face à la vague brune du Rassemblement national.
Celle-ci a pris plusieurs formes. Mais la principale, sans aucun doute, ce sont ces centaines de personnes qui ont décidé de se lancer, corps et âme, dans une campagne incertaine, au bord du vide. Comme nous vous l’avons raconté dans Politis, ce sont, en effet, des centaines – certainement des milliers – de citoyens, qui, chaque soir sont allés dans des circonscriptions « serrées » pour toquer, porte après porte, pavillon après pavillon, pour convaincre les indécis, pour expliquer les enjeux de cette élection. Et ainsi, contrer ce qu’on voulait, à tout prix, nous faire croire comme inéluctable : une majorité pour le Rassemblement national.
D’ailleurs, le leader de la France Insoumise ne s’y est pas trompé. Pour commencer sa prise de parole, Jean-Luc Mélenchon a tenu à saluer « l’effort et la mobilisation des milliers de femmes et d’hommes qui se sont dévoués sans compter pour parvenir au résultat qui est acquis ce soir ». Ceux-là mêmes, qui, par la force de leur conviction, ont déjoué tous les pronostics. Car il faut bien le dire : si le « barrage républicain » a permis aux macronistes de ne pas être totalement ridiculisés ce dimanche 7 juillet, ce n’est pas lui qui a donné la victoire au Nouveau Front populaire.
On ne gagne pas une élection sans faire campagne. On ne braque pas la démocratie sans convaincre.
En effet, selon une enquête d’Ipsos pour Le Parisien, près de 3 électeurs sur 4 du Nouveau Front Populaire au premier tour sont allés voter pour un candidat de l’ex majorité présidentielle en cas de duel face au Rassemblement national. C’est moins d’un électeur sur deux dans le cas inverse. Seulement 43 % des électeurs macronistes ont glissé un bulletin La France insoumise dans l’urne en cas de duel face au RN. Ce chiffre monte, maigrement, à 54 % dans un duel entre le RN et un candidat PS, Les Écologistes ou PCF. Pour les leçons de « républicanisme », on repassera.
Cette victoire est donc avant tout populaire. Elle est issue d’un travail de terrain que ni le Rassemblement national, ni la majorité présidentielle n’ont su effectuer. Et c’est peut-être le plus grand succès de ces résultats. On ne gagne pas une élection sans faire campagne. On ne braque pas la démocratie sans convaincre. De ce postulat, sain, il faut désormais construire. Maison par maison, foyer par foyer. Parce que si la victoire, ce 7 juillet, est aussi belle qu’inattendue, elle reste relative. Le Rassemblement National continue de progresser fortement avec plus de 50 nouveaux députés à l’Assemblée Nationale.
Cette vague brune, si elle n’a pas le tsunami que certains prédisaient, a quand même fait des dégâts.
Cette vague brune, si elle n’a pas le tsunami que certains prédisaient, a quand même fait des dégâts. Plusieurs députés importants de l’ancienne Nupes ont ainsi été défaits dans les urnes ce dimanche. Pour ne citer qu’eux, Rachel Keke, Pierre Darrhéville ou Sébastien Jumel. Des parlementaires qui étaient élus, bien souvent, dans des circonscriptions rurales. Et qui, malgré une intense mobilisation, ont échoué à quelques centaines de voix.
Ces défaites locales doivent nous laisser en éveil. Oui, le Nouveau Front populaire est désormais le bloc politique le plus important à l’Assemblée Nationale. Mais le plus dur reste à venir. En premier, réussir à maintenir cette forte mobilisation populaire dans des territoires où le RN prospère. Ce n’est que par ce travail de terrain, d’implantation, que la gauche réussira à faire reculer le parti de Marine Le Pen et ses idées. La nouvelle élection de François Ruffin – la troisième d’affilée – dans la première circonscription de la Somme, où le RN avait fait d’importants scores aux européennes, en est une bonne illustration. Là est son salut.
Mais pour cela, il faut que les nouveaux parlementaires du Nouveau Front populaire soient à la hauteur du moment. Ces milliers de citoyens, bien souvent non encartés, qui se sont mobilisés ces dernières semaines ne pardonneraient pas une énième trahison libérale. Ses électeurs non plus. « Le seul vote pour tout changer », pouvait-on lire en gras sur les tracts distribués dans les quatre coins du pays pour le NFP. Il faut, désormais, tenir la promesse.
mise en ligne le 6 juillet 2024
par Ivan du Roy sur https://basta.media/
Si le pire – l’arrivée à Matignon de l’extrême droite – peut encore être évité, ce ne sera qu’un sursis supplémentaire. La gauche et la société civile mobilisées doivent désormais répondre à des questions en suspens depuis trop longtemps.
L’extrême droite aura donc mis 40 ans pour être en mesure d’accéder au pouvoir par les urnes en France. Le 17 juin 1984, le Front national emmené par un certain Jean-Marie Le Pen réalisait sa première percée électorale lors d’un scrutin national, attirant 2,2 millions de voix (11 %) aux européennes. Hormis quelques soubresauts, le parti des Le Pen n’a cessé de progresser lentement mais sûrement depuis.
La gauche résiste encore à cette lente marée brune, mais pour combien de temps ? Avec 28 %, la dynamique du Nouveau Front populaire fait mieux que la Nupes en 2022, attirant 3 millions d’électeurs et d’électrices supplémentaires, grâce à la participation sans précédent depuis 30 ans pour ce type d’élection. Problème : l’extrême droite profite également de la mobilisation des abstentionnistes.
Avec 29,5 %, le RN double son nombre de voix comparé à 2022 (9,37 millions ce 30 juin 2024 contre 4,24 millions le 12 juin 2022), auxquelles s’ajoutent le ralliement d’une partie de la droite – les candidats soutenus par LR version Eric Ciotti avec l’appui du RN – qui permet au bloc d’extrême droite de peser 33 %. Ce bloc fait, dès le 1er tour, le plein en terme de voix comparé aux résultats cumulés de ses candidats à la présidentielle de 2022 – les plus de 10,5 millions de voix qui s’étaient portées sur Marine Le Pen, Eric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan.
Barrer la route de Matignon à l’extrême droite
Ce qui n’est pas le cas de l’union de la gauche à qui il manque, sur le papier, plus d’un million de voix quand on regarde les scores obtenus par ses candidats – dispersés – en 2022 (Jean-Luc Mélenchon pour LFI, Yannick Jadot pour Les Verts, Fabien Roussel pour le PCF et Anne Hidalgo pour le PS). Quant au bloc macroniste (20 %), s’il progresse très légèrement en voix (mais pas en pourcentage des voix exprimés) par rapport aux précédentes législatives, il s’effondre, perdant plus de 3 millions d’électeurs et électrices, comparé au résultat qu’avait obtenu Emmanuel Macron au 1er tour de la présidentielle.
Lors du second tour du 7 juillet, pour éviter que l’extrême droite obtienne une majorité, tout dépendra donc de la réalité des désistements en faveur du candidat non-RN le moins mal placé dans les 239 circonscriptions où des triangulaires entre RN, Front populaire et Renaissance pourraient avoir lieu. Et bien évidemment de la capacité de l’électorat, qu’il soit de gauche, centriste, de droite « classique » ou abstentionniste selon les cas, à se résoudre à voter pour barrer la route de Matignon à l’extrême droite.
Si la stratégie du barrage à l’extrême droite fonctionne encore malgré tout, le pays demeurera en sursis. Quelle que soit la situation qui émergera au soir du 7 juillet, un vaste travail d’introspection devra être mené, en particulier à gauche. Un travail d’introspection qui a toujours été remis à plus tard depuis 40 ans, encore moins depuis l’accession surprise de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2002, aux dépens de Lionel Jospin, signe avant-coureur de ce qui se passe aujourd’hui.
Pourquoi un tel succès pour un parti raciste, anti-social, climatosceptique ?
Les excuses conjoncturelles, si elles sont à prendre en compte, ne suffisent pas à expliquer cette lente marée brune. Oui un certain traitement médiatique, au goût prononcé pour le buzz et les clichés simplistes, a contribué à dédiaboliser le RN, comme l’émergence du parti d’Eric Zemmour, Reconquête, perçu comme encore plus à droite et outrancier. Oui la constitution d’un groupe de médias par Bolloré a accéléré la diffusion de la propagande et l’idéologie d’extrême droite à plus grande échelle. Mais la marée brune n’avait pas attendu ces vents favorables pour grossir.
Oui la réputation de la gauche politique est encore desservie par l’inconsistance de la présidence Hollande : son absence de vision à long terme sur le partage des richesses ou l’écologie, sa loi travail, ses crédits d’impôts sans conditions aux grandes entreprises, sa légitimation des obsessions de l’extrême droite sur l’immigration et l’islam, légitimation poursuivie par les récents gouvernements…
Oui, l’éclatement de la Nupes et le temps perdu à se déchirer et à brutaliser le débat – notamment depuis le 7 octobre – a encore coûté cher aux formations de gauche. Celles-ci ont agréablement surpris leur électorat en réussissant à former le Front populaire. Mais procrastiner sur les sujets de fond face à la montée de l’extrême droite a suffisamment duré.
Pourquoi une force politique, issue d’une tradition qui n’a strictement et historiquement rien apporté de positif à la France – et pire, qui est même synonyme de déshonneur, de rejet, de haine et de l’élimination d’une partie de ses citoyens – obtient de tels succès ? Pourquoi un projet raciste – remise en cause du droit du sol, stigmatisation des bi-nationaux, focalisation sur l’immigration (comprenez : suspicion et discrimination envers toutes les personnes non blanches) – attire toujours davantage d’électeurs et d’électrices dans une France, l’un des pays les plus mixtes en Europe, où la tolérance vis à vis des minorités progresse globalement depuis 30 ans ?
Pourquoi un parti, qui n’a aucun projet social, excepté des mesures opportunistes, et qui méprise tout ce qui constitue le modèle social français, continue de faire illusion sur ce sujet ? Pourquoi, alors que de plus en plus de Français vivent dans leur chair les conséquences du réchauffement climatique – inondations, canicules ou sécheresses – c’est le parti qui n’apporte strictement aucune réponse, niant même la question du réchauffement, qui continue d’être électoralement en tête ?
Pourquoi encore, ce parti qui n’a aucune vision en matière d’émancipation par l’éducation et par la culture, ne proposant uniquement que mesures autoritaires et sanctions, continue de séduire autant ? Comment la gauche, politique, syndicale, culturelle, associative, a-t-elle pu à ce point s’affaiblir, voire disparaître, dès qu’on s’éloigne des zones urbaines ?
Sortir de la paresse intellectuelle
Historien.ne.s, économistes, syndicalistes, chercheurs, scientifiques, défenseurs et défenseuses des droits humains, journalistes (en particulier les médias indépendants) et des dizaines de tribunes de la société civile ont beau pointer toutes ces contradictions – et bien avant ces échéances électorales – ; rien n’y fait. Cela ne semble avoir aucun impact. La marée brune poursuit sa route, là où, localement, la contradiction a disparu, sur les thématiques où les partis et penseurs de gauche ont trop longtemps pécher par paresse intellectuelle ou confort de l’entre-soi.
Abroger telle ou telle loi inique ne suffira pas ; ni augmenter le Smic sans expliquer aux petits employeurs comment ils seraient accompagnés ; ni demander plus de moyens pour les services publics sans travailler à leur réelle amélioration et organisation ; ni expliquer qu’il faudra davantage d’impôts sans s’attaquer à une gestion rigoureuse et efficiente de l’argent public ; ni prôner la transition écologique, la sobriété ou l’abandon des véhicules thermiques sans expliquer comment, concrètement, ne pas en exclure toute une partie de la population, en particulier en zone rurale. Se contenter d’appeler à la paix dans le monde ne fait pas non plus une politique extérieure. Cette liste est loin d’être exhaustive.
La gauche s’est déchirée pendant un an et demi avant de s’unir à nouveau face à la menace sous la pression, aussi, de son électorat. Elle est en capacité de rattraper son retard sur tous ses sujets. Elle peut s’appuyer sur la richesse de la réflexion, des expérimentations, des savoirs, accumulés par tout ceux et toutes celles qui refusent une aube brune.
mise en ligne le 6 juillet 2024
Luis Reygada sur www.humanite.fr
Des experts de l’ONU avertissent des entreprises d’armement et leurs financeurs des possibles conséquences juridiques de leurs transactions avec Israël. Une filiale du Crédit agricole est nommément visée.
Après les États qui exporteraient des armes vers Israël, ce sont maintenant les entreprises d’armement qui sont directement visées à l’ONU. Celles-ci pourraient en effet être appelées à rendre des comptes en se voyant accusées de « complicité » dans la commission de crimes internationaux, « y compris éventuellement de génocide ».
C’est ce qui ressort d’un communiqué de presse diffusé le 20 juin par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. Dans le document, trente experts de l’ONU préconisent aux « fabricants d’armes qui fournissent Israël » de « mettre fin aux transferts, même s’ils sont exécutés dans le cadre de licences d’exportation existantes ».
Les entreprises américaines Boeing, Oshkosh, Caterpillar, General Dynamics, Lockheed Martin, Northrop Grumman, RTX, allemandes Thyssenkrupp, Rolls-Royce Power Systems, Rheinmetall AG et britannique BAE Systems sont nommément visées. Au vu des récentes révélations du média d’investigation Disclose, il ne serait pas improbable que des sociétés françaises y figurent aussi.
Les vendeurs d’armes qui fournissent Israël dans le viseur des experts de l’ONU
En faisant parvenir, même indirectement, des armes, des pièces, des composants ou des munitions qui seraient utilisés par les forces israéliennes – notamment dans le cadre des attaques en cours contre Gaza –, « ces entreprises risquent d’être complices de graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international ».
Les experts onusiens ont ainsi averti ces poids lourds de l’industrie mondiale de l’armement – qui génèrent chaque année des centaines de milliards d’euros de bénéfices – que la poursuite de leurs échanges commerciaux avec Israël pourrait « être considérée comme une aide apportée en toute connaissance de cause (…) de la récente décision de la Cour internationale de justice (du 26 janvier dernier – NDLR) ayant reconnu un risque plausible de génocide à Gaza ».
« C’est une prise de position importante qui nous montre que les entreprises privées peuvent bien être tenues responsables lorsqu’elles choisissent de faire commerce avec un État qui enfreint le droit international. Cela donne raison à la mobilisation internationale pour l’arrêt du commerce d’armement avec Tel-Aviv », considère Laura Z., représentante de Stop Arming Israel France. « D’autant plus que les entreprises se cachent toujours derrière les décisions de l’État pour se dédouaner de toute responsabilité », ajoute-t-elle.
« Encore faut-il être en mesure de déterminer la liste des entreprises d’armement impliquées et le matériel en cause, considère de son côté Tony Fortin, chargé d’étude à l’Observatoire des armements. En France, il y a un réel manque de transparence sur le sujet ; il est essentiel que la commission parlementaire de contrôle des exportations d’armes réalise une enquête pour pousser l’État à agir. »
Une filiale du Crédit Agricole potentiellement complice « de crimes d’atrocité »
Donnée majeure à souligner : les experts de l’ONU ont aussi pointé du doigt la responsabilité des institutions financières qui investissent dans ces entreprises d’armement. Au milieu des vingt et une sociétés mentionnées – parmi lesquelles nous retrouvons des acteurs majeurs de la gestion d’actifs tels que BlackRock, Bank of America, Citigroup ou encore JP Morgan Chase –, figure aussi le numéro un européen : la française Amundi Asset Management.
Une filiale du groupe Crédit agricole qui se targue d’être « l’acteur de référence en matière d’investissement responsable » 1. Comme ses consœurs, elle se voit pourtant priée d’agir pour « prévenir ou atténuer (ses) relations commerciales avec (les) sociétés qui transfèrent des armes à Israël », sous peine de se voir non seulement « directement liée aux violations des droits de l’homme » mais aussi accusée d’y contribuer, s’ensuivant une potentielle complicité dans la commission « de crimes d’atrocité » 2.
Contacté par l’Humanité, le secrétariat du Groupe de travail de l’ONU sur les entreprises et les droits de l’homme (dont plusieurs membres ont participé au panel d’experts s’étant exprimé devant le HCDH le 20 juin dernier) a rappelé l’importance pour les entreprises de faire preuve de « diligence renforcée en matière de droits de l’homme », et tout particulièrement dans les situations de conflit. Un Code de conduite responsable qui doit servir de guide aux entreprises du secteur de l’armement a d’ailleurs été publié à cet effet en 2022, afin notamment que leurs pratiques commerciales soient conformes aux principes directeurs des Nations unies. Le secrétariat a aussi rappelé que c’est aux États qu’incombe la responsabilité première de prendre des mesures visant à empêcher stopper tout commerce de matériel qui pourrait être utilisé pour violer le droit international.
Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU avait déjà adopté, début avril, une résolution interpellant les gouvernements en réclamant un embargo sur les armes à destination de Tel-Aviv. « Tous les États (doivent) cesser la vente, le transfert et la livraison d’armes, de munitions et d’autres équipements militaires à destination (de la) puissance occupante afin de prévenir de nouvelles violations du droit international », indiquait ainsi le document A/HRC/55/L.30. Une résolution à laquelle s’étaient notamment opposés les États-Unis et l’Allemagne.
Etablir un rapport sur la vente d’armes vers Israël et analyser les conséquences juridiques
Dans la même résolution, le Conseil avait aussi demandé à une commission internationale indépendante d’établir un rapport sur la vente d’armes vers ce pays, notamment pour « déterminer (le matériel) utilisé au cours de l’opération militaire israélienne menée à Gaza depuis le 7 octobre 2023 » et analyser les conséquences juridiques. Celui-ci devrait être présenté lors de sa cinquante-neuvième session, en juin 2025.
« Il est important pour Stop Arming Israël de rappeler que les prises de positions de l’ONU ne sont pas contraignantes », signale Laura Z., qui y voit toutefois un point d’appui pour « continuer la mobilisation populaire, essentielle pour mettre la pression » sur les entreprises et les forcer à arrêter réellement tout commerce d’armement avec Israël.
Face à l’urgence alors que les attaques de l’armée israélienne ont déjà provoqué la mort de plus de 37 000 personnes et 84 000 blessés – desquels l’Onu estime que 70 % seraient des femmes et des enfants – l’Observatoire des armements demande aux salariés des groupes d’armement français de passer à l’action.
« Les sections syndicales peuvent interpeller leur direction, à l’image des trois cents membres de la CGT de l’entreprise STMicroelectronics (un des plus grands acteurs de la production des semi-conducteurs en lien avec Israël, NDLR) qui ont écrit une lettre ouverte à leur directeur général demandant la fin du partenariat de leur entreprise avec Israël », précise Tony Fortin.
mise en ligne le 5 juillet 2024
Naïm Sakhi sur www.humanite.fr
La secrétaire générale de la CGT est venue soutenir Julien Léger dans la 5e circonscription du Val-de-Marne, où le communiste affrontera le macroniste Mathieu Lefèvre dans une triangulaire.
Les drapeaux rouges de la CGT sont de sortie devant l’Intermarché au cœur du quartier des Boullereaux, à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne). Au micro, ce mercredi 3 juillet, Sophie Binet s’exprime : « Julien Léger est capable de travailler avec tout le monde sur la base de l’intérêt des salariés. Ce bulletin de vote peut changer nos salaires, nos retraites, nos vies. »
À quatre jours du second tour des législatives anticipées, la secrétaire générale de la CGT a effectué un premier déplacement pour apporter son soutien à un candidat dans la 5e circonscription du Val-de-Marne. « Indépendante mais pas neutre », la Confédération avait, dès le 18 juin, appelé à voter pour le programme du Nouveau Front populaire (NFP).
Perte de 20 policiers depuis 2021
Sophie Binet et le candidat campinois sont des connaissances de longue date au sein de la CGT. « Je connais Julien depuis longtemps, notamment durant le conflit contre la loi travail. C’est un militant droit, intègre et extrêmement courageux, mesure la cégétiste. À l’Assemblée, ce sera un député qui permettra d’inverser le rapport de force face au capital. Il défendra les droits des salariés, loin des jeux d’appareil. »
Avec 37,27 % des suffrages, Julien Léger talonne de peu le député sortant macroniste Mathieu Lefèvre (38,52 %), proche du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. La candidate RN, Isabelle Huguenin-Richard (20,4 %), complète le casting de cette triangulaire sans être en mesure de l’emporter. « Moins de 800 voix nous séparent du candidat soutenu par tous les barons locaux de la droite, les réserves de voix sont dans nos quartiers populaires, estime le communiste. Ce député sortant ne s’est jamais déplacé dans nos quartiers pour réclamer des services publics, ni même a protesté contre la fermeture de la Poste au centre de Nogent-sur-Marne. »
Par la présence de Sophie Binet dans le quartier des Boullereaux, les militants locaux ont voulu mettre en lumière le recul des services publics. Dans la gare SNCF, les agents ont été remplacés par des machines, sur fond de privatisation des transports en Île-de-France. Surtout, les communistes réclament depuis de nombreuses années la réouverture du second commissariat dans la commune, depuis, transformé en un centre de santé.
« Jamais Mathieu Lefèvre n’a appuyé ces revendications. Pire, depuis 2021, nous avons perdu 20 policiers dans notre secteur ! » fustige Julien Léger. « Nous ne pouvons plus continuer avec les logiques économiques et sociales d’Emmanuel Macron, insiste Sophie Binet. L’élection de Julien se joue à quelques voix. Nous avons besoin de députés de la société civile comme Julien Léger et Lyes Louffok, militants des droits de l’enfant. Les deux circonscriptions de Champigny peuvent faire basculer la future majorité. »
Grève historique à l’Intermarché des Boullereaux
Les habitants du quartier ont aussi en mémoire la lutte des salariées de l’Intermarché, en septembre 2023. « Sur la quarantaine de salariés, 80 % ont tenu une grève de trois semaines, dont la plupart sont des femmes. Certains avaient vingt années d’ancienneté. Nous avons tout de suite reçu un fort soutien des habitants. La caisse de grève débordait. Les commerçants donnaient à manger aux grévistes », rappelle Laurence Viallefont, secrétaire de l’union locale CGT de Champigny-sur-Marne.
Pour Sophie Binet, « par leur mobilisation historique, ces salariées ont obtenu 100 euros d’augmentation pour tous, le respect des salariés par la direction, l’application des libertés syndicales, le paiement des heures supplémentaires et des jours » enfant malade ». C’est une belle victoire qui montre qu’il est possible d’obtenir des avancées sociales ».
De son côté, Julien Léger veut retenir la méthode victorieuse. « Ces femmes ont reçu le soutien des syndicats, des associations et des partis politiques. Les militants PCF ont été très actifs pour leur venir en aide. C’est cette union qui a permis de triompher sur le patron, comme un air de Front populaire avant l’heure. »
Selon le communiste, « le maire LR Laurent Jeanne et le député Mathieu Lefèvre n’ont pas trouvé une minute pour soutenir ces femmes. Nous ne devons plus laisser ce député, responsable de l’explosion des scores de l’extrême droite, en poste ». « L’extrême droite est le pire ennemi des travailleurs parce qu’elle divise avec son racisme. Quatre militants RN ont été condamnés à six mois de prison pour avoir passé à tabac un homosexuel. Que se passera-t-il demain avec un gouvernement Bardella ? » fustige la secrétaire générale de la CGT. À Champigny, les digues ont d’ailleurs cédé. L’adjoint au maire chargé de la sécurité, Grégory Goupil, est également secrétaire régional d’Alliance 93… un syndicat de police d’extrême droite.
mise en ligne le 5 juillet 2024
Léo Schilling sur www.humanite.fr
La dirigeante d’une entreprise de nettoyage francilienne a tenu des propos racistes envers ses employés, en grève depuis le 20 juin. Elle a néanmoins dû négocier avec ses salariés sans papiers, exerçant depuis des années dans des conditions de travail déplorables
Ces propos racistes n’en finissent pas de susciter l’indignation. Alors que les travailleurs sans papiers du groupe francilien de nettoyage et d’entretien HNET étaient en grève depuis le jeudi 20 juin pour obtenir les documents auprès de la société pour lancer des procédures de régularisation, ainsi que des augmentations de salaires, la direction de l’entreprise est montée d’un cran ce mardi dans sa violence à l’encontre des travailleurs.
Ce jour-là, la cheffe d’entreprise, qui refusait jusque-là de négocier depuis plus de 10 jours, au point d’engager un maître-chien pour éloigner les grévistes, puis d’envoyer des lettres de convocation pour licenciement, est finalement allée à la rencontre de ses salariés. Devant plusieurs journalistes, elle a assuré d’abord, contre toute évidence, « il n’y a pas de travailleurs sans papiers », avant de tenir des propos ouvertement racistes : « Je suis une blanche, avec tous ces noirs, vous croyez qu’on n’a pas peur ? »
Gain de cause
Soutenus par la CNT, les travailleurs sans papiers ont finalement pu négocier avec la direction mardi 2 juillet au soir, et ont obtenu certaines garanties : la revalorisation de 10 % des salaires, ainsi que l’arrêt des procédures de licenciement, selon le syndicat. De plus, l’accord prévoit un « processus de régularisation et une future réunion sur les contrats et conditions de travail », à la rentrée, poursuit la CNT.
Dans un contexte politique nauséabond, cette victoire est une bouffée d’air frais pour ces salariés sans papiers, exerçant depuis des années dans des conditions de travail déplorables (sept jours sur sept, heures supplémentaires non rémunérées…), malgré vingt ans d‘ancienneté pour certains d’entre eux.
Et sur l’origine de cette grève :
Léo Schilling sur www.humanite.fr
En grève depuis jeudi 20 juin, des salariés sans papiers du groupe de nettoyage HNET continuent de revendiquer l’amélioration de leurs conditions de travail devant le siège de l’entreprise, pour le moment sans réponse de la part de leur employeur.
Sur les treize travailleurs sans papiers en grève, neuf sont présents ce mercredi 26 juin, dans le quinzième arrondissement de Paris, pour manifester devant les locaux de leur employeur, le groupe de nettoyage HNET. Ils scandent en chœur « pour tous les travailleurs, solidarité », et agitent des drapeaux de la Confédération Nationale des Travailleurs (CNT) Solidarité Ouvrière, qui les soutient, tout en tapant dans leurs mains et sur une poubelle. Un syndicaliste se tient à leurs côtés, avant qu’ils ne soient rejoints par un juriste de la CNT, chargé de défendre leurs droits.
« Non-respect du droit du travail »
Devant le siège de HNET, barricadé par la direction du groupe durant le week-end, le juriste Etienne Deschamps explique la situation et les revendications de ces travailleurs, des déclarations confirmées par les grévistes. Chargés de nettoyer et d’entretenir les parties communes de copropriétés ou encore de gérer les poubelles et le tri sélectif, ils pointent tous les manquements au droit du travail : « Les employeurs savent parfaitement que ces salariés sont sans papiers, sinon ils se comporteraient différemment. Certains travaillent sept jours sur sept, reçoivent des contrats de travail à temps partiel illicites, qui ne comportent pas les mentions légales, notamment la répartition des horaires dans la semaine ou le mois. Les heures supplémentaires ne sont pas forcément rémunérées, et les frais d’essence des salariés se déplaçant en scooter ne sont pas pris en charge. Depuis des années, les méthodes de l’entreprise sont celles d’un autre monde. »
Selon Etienne Deschamps, les mails et SMS envoyés aux employeurs pour proposer de négocier les conditions de travail des salariés n’ont pas trouvé de réponse, le groupe HNET se contentant de nier l’emploi de travailleurs sans papiers. La première étape est de porter la demande de régularisation des travailleurs : « Ils remplissent tous les critères de la circulaire Valls (texte administratif décrivant les critères de délivrance des titres de séjour), qui est toujours d’actualité : plus de trois ans d’ancienneté sur le territoire, vingt-quatre bulletins de salaire… l’un d’entre eux travaille pour l’entreprise depuis plus de dix ans. Il faut que les entreprises comprennent qu’il faut négocier avec les salariés qui les enrichissent depuis des années. »
Un contexte électoral qui risque de précariser davantage ces travailleurs
Après une première journée de manifestation jeudi 20 juin, les grévistes ont été accueillis le lendemain par des maîtres-chiens, qui avaient apparemment du mal à maîtriser leurs animaux. « Une porte s’est ouverte, un chien est sorti sans laisse ni muselière, ce qui est illicite, et a mordu la première personne venue, un des collègues », raconte le juriste. D’après les déclarations des travailleurs, le maître-chien concerné aurait été embarqué par la police peu après. Les forces de l’ordre sont également revenues voir où en était la situation ce lundi, se contentant de discuter avec les grévistes, puis de quitter les lieux.
Contacté, le groupe HNET n’a pas répondu aux sollicitations de L’Humanité.
Pauline Achard sur www.humanite.fr
Les femmes de chambres du luxueux hôtel Radisson à Marseille, ne sont pas parvenues à faire plier leur direction à l’issue d’une médiation engagée, ce jeudi 4 juillet. Pour leur 44e jour de grève, elles poursuivront donc leur mobilisation ce vendredi, dès 9 heures 30, devant les portes de l’établissement, sur le Vieux-Port.
Marseille (Bouches-du-Rhône), envoyée spéciale
Il est midi lorsque les 14 femmes de chambre de l’Hôtel Radisson Blu, se rejoignent lessivées, mais non moins déterminées devant la Direction Départementale de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DDETS), ce jeudi 4 juillet. Alors en grève depuis 43 jours, ces salariées de l’entreprise Acqua, sous-traitante pour le ménage de l’établissement donnant sur le Vieux-Port de Marseille se mobilisent chaque jour et sans relâche pour réclamer de meilleures conditions de travail et des revenus dignes.
Par leurs actions, et notamment, le piquet de grève qu’elles tiennent presque tous les matins, dès 9 h 30 devant l’entrée de l’hôtel de luxe, en pleine saison estivale, les femmes de ménage ont bien l’intention de se faire entendre par des chants, des bruits de casseroles ou des banderoles explicites. « Malgré la fatigue, l’impact de la lutte sur notre vie privée et sur notre santé, nous tenons bon car nous sommes désormais une famille », assure Fatima, en attendant ce premier rendez-vous de médiation à l’inspection du Travail, Boulevard Périer, vers le Prado.
Déboutées de leurs demandes
Depuis le 24 mai, les femmes de ménage revendiquent le droit à un 13e mois, de même que leurs collègues du même sous-traitant sur les autres sites, en vertu du droit à l’égalité. Mais aussi, une prime annuelle pour la pénibilité de la saison estivale, l’augmentation de la prime panier et des qualifications dans la grille des salaires, deux jours maximum de remplacements imposés dans d’autres hôtels où l’employeur est prestataire, prévenus 48 heures à l’avance.
Inquiète de l’image renvoyée à sa clientèle, la partie adverse avait dans un premier temps cédé sur le principe d’un 13e mois, mais progressif, pour une effectivité totale dans 4 ans. La direction leur avait également proposé de plafonner les déplacements dans d’autres lieux à 4 jours par mois, sans délai. Elle proposait en échange d’un tel accord, une prime exceptionnelle de 200 euros. « Les moyens ils les ont, mais ils ne veulent pas partager avec nous, alors que sans nous, l’hôtel ne peut pas tourner », regrette la représentante du personnel, en poste depuis 5 ans, Ansmina Houmadi, refusant ces propositions arrachées.
Faute d’accord à l’amiable, l’inspectrice du Travail, Véronique Gras, s’était donc autosaisie afin de lancer une procédure de médiation, entre la société elle-même propriété du groupe d’hôtellerie Accelis, et ses salariées mobilisées, accompagnées par la juriste de la CNT-SO 13, Lara Schäfer.
Quelques minutes avant que les partis ne s’engouffrent dans le bâtiment de la DDETS pour entamer les négociations qui dureront 4 heures, le représentant d’Acqua, Nazim Almi, déboule de Paris en grande pompe. À son arrivée, le directeur d’exploitation de la boîte actionnaire, a jeté un froid sur le groupe de femmes, dont certaines ont même refusé la poignée de main. « On a déjà fait un pas, il faudrait désormais qu’un effort soit fait de la part des grévistes », lance amèrement le patron, après s’être plaint des difficultés rencontrées en route, pour se rendre au rendez-vous.
Conditions de travail indignes
« En plein cœur de Marseille, avec une piscine panoramique surplombant le Vieux-Port », peut-on lire sur le site de l’établissement quatre étoiles, dont le tarif moyen tutoie les 260 euros la nuit. La promesse d’un standing assez élevé pour ses clients, bien loin du traitement que réserve la direction de la société d’entretien à ses salariées.
« Nous sommes chargées de nettoyer et contrôler les chambres, d’équiper les minibars, la réception, les toilettes, le restaurant, de faire le linge, et sommes obligées d’effectuer des remplacements au pied levé parfois très loin », explique Dirce Maria Pina Xavier, l’une des employées, après avoir refusé de saluer son directeur.
Elle éprouve un important sentiment d’injustice depuis le début de ces négociations, au cours desquelles elle estime « ne pas avoir été considérée » bien qu’elle « fasse le travail de cinq personnes ». De son côté, Ansmina, raconte avoir fait, de même que ses collègues, l’objet d’intimidation : « Quand un client refuse de quitter sa chambre, nous devons effectuer des heures supplémentaires, souvent non rémunérées. Autrement, la hiérarchie nous menace de nous coller des rapports, ou de refuser nos vacances. » Elle ajoute que « ce phénomène est souvent amplifié lors de remplacements impromptus, sur des sites, où les gouvernantes peuvent être particulièrement irrespectueuses » à leur égard.
Cette tentative de médiation s’est également soldée par un échec, car la direction n’avait rien à offrir de plus qu’une prime exceptionnelle de 250 euros, contre 200 lors des dernières discussions, et 3 jours de remplacements par mois au lieu de 4, toujours sans délai. « Nous sommes face au même discours, que depuis le 24 mai, nous ne pouvons pas nous arrêter maintenant », persiste la représentante du personnel.
Un large soutien populaire
En effet, hors des questions de baisser les bras, pour les 14 grévistes, qui sont dès ce vendredi matin de retour devant l’hôtel pour scander leurs
revendications. Leur force, elles l’ont puisée aussi dans le large soutien populaire qu’elles continuent à recevoir depuis le début du mouvement.
« Les clients de l’hôtel sont très sensibles à leur combat. Bien souvent, ils s’arrêtent pour leur parler, contribuer à la caisse de grève et leur souhaite bon
courage », explique Julien Ollivier, secrétaire CNT Solidarité Ouvrière 13, très actif dans la lutte. Depuis 44 jours,
l’organisation indemnise toutes celles qui souhaitent cesser de travailler pour rejoindre la mobilisation. Côté politique, elles ont déjà reçu la visite des députés insoumis Sébastien Delogu, ou
encore Rachel Keke, qui avait elle-même été porte-parole de la grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles entamée en 2019. Des associations telles que « Stop Arming Israel »,
ont aussi mis la main à la poche en finançant une partie de la caisse de grève. En juin, un collectif d’habitant de la Belle-de-Mai CHO3 s’était aussi montré solidaire en proposant une projection du
film « Les Petites mains » au cinéma Gyptis, de façon à récolter des fonds.
Dans un contexte où l’extrême droite gagne du terrain, les femmes de chambre de l’hôtel Radisson, précaires et pour certaines détentrices d’un titre de séjour, sont très inquiètes pour leur avenir et celui de leurs enfants. Une raison de plus pour ne pas plier, aujourd’hui, face au groupe d’hôtellerie.
Pierre Jequier-Zalc sur www.politis.fr
Quelques heures après la rupture avec La France insoumise, le candidat de la première circonscription de la Somme est venu rendre visite, pour la troisième fois en une semaine, aux éboueurs d’Abbeville en grève contre la suppression d’une prime importante.
Ici, «la politique parisienne », on s’en fiche. 14h, ce jeudi, à la déchetterie d’Abbeville. Ni journaliste ni député à l’horizon, pour l’instant. Cela fait six jours que 57 des 59 salariés du site sont en grève. Une première. Et pour cause : la communauté d’agglomération de la Baie de Somme (CABS) et son président Pascal Demarthe (UDI) ont décidé de leur supprimer la majoration qu’ils touchaient sur l’heure de nuit, de 5 à 6 heures du matin. Tout comme les heures supplémentaires du week-end, tout bonnement effacée. Une perte de pouvoir d’achat de 150 à 400 euros par mois, par salarié. Un gouffre. Un « crachat sur notre travail et sur nous », confie, amer, Jean-Jacques, éboueur depuis trente ans à la CABS. En un mois, son salaire est passé de 2 200 à 1 850 euros.
Pendant le covid, on ramassait les ordures tous les jours. Et c’est comme cela qu’on nous remercie. Christophe
À l’entrée de la déchetterie, une grande benne dégage une épaisse fumée noire, régulièrement alimentée par des pneus. Derrière, la bonne humeur règne, pique-nique, musique à fond et discussions. Cependant, quand on entre pour discuter, l’ambiance se crispe. « Vous venez encore parler de politique c’est ça ? » interroge, méfiant, un salarié.
Et pour cause, voilà une semaine que leur lutte est venue percuter de plein fouet une campagne à couteaux tirés entre Nathalie Ribeiro-Billet (RN), arrivée en tête au premier tour des élections législatives, et François Ruffin (Nouveau Front populaire), le député sortant. Dans deux heures, celui-ci a d’ailleurs prévu, avec l’accord de tous les salariés consultés la veille, de tenir une conférence de presse devant la déchetterie.
Un affrontement qui, pour plusieurs salariés, relègue au second plan leur combat. « Moi je m’en fous de la politique. Ce n’est pas la politique qui va remplir mon porte-monnaie », souffle un autre salarié. On leur promet donc qu’on parlera de leur lutte. Là, les langues se délient. La CFDT de la CABS, à l’origine de cette grève, nous explique en détail le « mépris » de l’agglomération. Des négociations au point mort après leur refus d’une mesure compensatoire de 100 euros par mois – donc bien inférieure à la perte de pouvoir d’achat initiale. La tentative de casse de leur grève par Pascal Demarthe, qui a envoyé des agents municipaux ramasser les ordures pour ne pas gêner le passage de la flamme olympique. Et sa demande auprès des autorités, il y a 48 heures, de les réquisitionner.
« On se sent insulté dans notre chair. Vous imaginez, on bosse ici depuis trente ans, peu importe le temps, qu’il pleuve, qu’il neige. Pendant le covid, on ramassait les ordures tous les jours. Et c’est comme cela qu’on nous remercie », s’indigne Christophe qui s’insurge que le président de la CABS n’ait même pas daigné se déplacer pour leur rendre visite. « Il est fermé comme une huître à la discussion. Il nous chie dessus, tout simplement », glisse un autre salarié. Pour le dernier des quatre travailleurs avec qui on discute, c’est simple : cette perte de salaire équivaut à ces sept ans d’ancienneté. « Je gagne moins que quand je suis rentré dans l’entreprise, à 19 ans. »
Pour Ruffin, tous les grands médias ont fait le déplacement
Malgré tout, la politique ne peut pas rester totalement à l’écart de cela. L’avant-veille, la candidate du Rassemblement national est venue leur rendre visite, quelques jours après François Ruffin. Une visite qu’on n’hésite pas, sous couvert d’anonymat, à qualifier « d’opportuniste ». « Elle nous a ramené des Pitch et du Coca. Elle a cru qu’on était à un goûter de maternelle ? » François Ruffin est, lui, moins critiqué. « Il était déjà là avant d’être en campagne. Il était déjà venu nous voir en 2021. Et aussi pendant les retraites », se souvient Jean-Jacques. La CFDT confie que c’est à son initiative qu’une caisse de grève a été créée. Avec sa résonance sur les réseaux sociaux, celle-ci a déjà recueilli plus de 7 000 euros.
15 h 45. Le député sortant va arriver d’un instant à l’autre. Les premières caméras de télévision commencent à apparaître. Les salariés sont frileux. « On a parlé à France 3, ils ont tout coupé au montage, sauf la partie politique », regrette Christophe. Tous, admettent, toutefois, que c’est aussi un formidable coup de projecteur. « S’il n’avait pas été là, vous ne seriez pas là », nous lance-t-on. TF1, France Info, Le Monde, l’AFP, BFMTV, tous les grands médias ont fait le déplacement. Mais pas forcément pour eux. Le matin même, dans une interview à l’agence France Presse, François Ruffin a en effet acté son divorce avec La France insoumise, qualifiant même Jean-Luc Mélenchon de « boulet ».
Le député de la Somme le sait d’ailleurs très bien. À son arrivée, peu avant 16 heures, il s’assure de serrer toutes les mains de la petite cinquantaine de salariés et de syndicalistes venus en soutien. Il connaît le terrain, les têtes. Auprès de Valérie Lecul, en charge des négociations à la CFDT, il prend les dernières nouvelles. « On n’en peut plus, on en a ras le bol, ras le bol. Tout le monde est gonflé à bloc », lui glisse Florent*.
* Les prénoms suivis d’une astérisque ont été changés.
Tous les salariés se placent derrière lui. Au fond, une pancarte sur laquelle on lit « Non à la baisse des salaires, population en colère et solidaire. » François Ruffin place à côté de lui Valérie Lecul. Chacun à leur tour, la syndicaliste et trois salariés prennent la parole. Ils expliquent la réalité de cette baisse de salaire. « Je partirai en vacances dans mon jardin. Je planterai la tente pour m’y croire », rit jaune Jean-Jacques.
« On ne peut pas abandonner ces classes ouvrières »
Vite, cependant, l’actualité politique reprend ses droits. « Le score du Rassemblement national est très fort ici chez vous. Est-ce que c’est la faute de Jean-Luc Mélenchon ? » interroge un journaliste. « Non, la responsabilité incombe à Emmanuel Macron qui a gouverné avec arrogance et toute puissance. C’est cela qui a fait monter le Rassemblement national. Mais il y a une gauche qui ne répond pas aux attentes des gens ici. Il faut parler de la question sociale parce que c’est ça qui fait leur existence. La gauche n’a pas la responsabilité de la crise mais elle ne permet pas d’ouvrir un débouché d’espérance », répond le député, fidèle à sa stratégie théorisée depuis désormais plusieurs années.
Je n’ai que deux mains, mais je ne vous abandonnerai pas, ça c’est
certain.
F. Ruffin
Pas besoin de détailler davantage sa réponse, elle fera – fait même déjà, sans doute, à l’heure de publier ces lignes – le tour des télévisions. Florent l’a d’ailleurs bien compris. « Vous ne couperez pas tout au montage », assène-t-il aux journalistes lorsqu’ils repartent. Au moment de lui dire au revoir, quelques larmes coulent sur ces joues. « Je suis à bout, on est à bout. On a besoin de vous », nous glisse-t-il.
François Ruffin, lui, ne promet rien. « Je n’ai que deux mains, mais je ne vous abandonnerai pas, ça c’est certain. Mais c’est la seule chose que je peux vous garantir », explique-t-il. Le député repart en porte à porte, comme depuis le début de la journée. En off, il assure que, déjà, sa prise de distance avec LFI facilite le contact avec les gens. « On ne peut pas abandonner ces territoires, ces campagnes populaires, ces classes ouvrières », souligne-t-il. Avant de quitter les lieux, Jean-Jacques lui confie alors, un peu honteux, ne pas s’être déplacé, dimanche dernier, pour voter. Dimanche prochain, il promet au député qu’il ne manquera pas à l’appel. « Et dès 8 heures, sans faute ! »
mise en ligne le 4 juillet 2024
Benjamin König sur www.humanite.fr
Agressions, menaces, insultes : l’arrivée potentielle de l’extrême droite au pouvoir semble ouvrir les vannes d’une violence raciste et politique inédite depuis des décennies. Le risque terroriste n’est pas à écarter de la part d’individus fascinés par les tueries d’Oslo ou de Christchurch. La France peut-elle entrer dans une période sombre ?
C’est un monde parallèle mais bien réel, qui rassemble des dizaines de milliers de personnes. Ils ont pour nom Ouest Casual ou Canal Natio ; des groupes de militants et sympathisants de l’extrême droite radicale, où l’on se prépare à passer à l’action. « Vous êtes prêts ? » demande un contributeur accompagnant son message d’images d’une bombe et d’une explosion.
On y relaie les dernières actions, les violences envers des militants de gauche, on liste les ennemis – antifascistes, militants du Nouveau Front populaire, personnes racisées, musulmans, juifs, féministes ou personnes LGBTQI+. On prend la pose lors de manifestations fascistes, avec des tee-shirts sur lesquels figure le slogan : « Au fusil, au couteau nous imposerons l’ordre nouveau. » On célèbre la violence qu’on attend impatiemment, peut-être suite aux élections législatives qui pourraient « déclencher des émeutes : espérons » !
« On est nazis, putain ! »
Au lendemain des européennes, de nombreux groupes d’extrême droite ont même pensé que l’heure de la « grande guerre raciale », comme ils la nomment, était venue. Dans le Vieux-Lyon, un des quartiers gangrenés par les groupuscules depuis des années, une cinquantaine de militants fascistes ont manifesté, agressant plusieurs personnes selon des témoignages, en scandant : « On est nazis, putain ! », « Islam hors d’Europe ! » Le soir du 9 juin, Gabriel Loustau, le fils d’un proche de Marine Le Pen, a agressé un homosexuel à Paris avec plusieurs acolytes se revendiquant du GUD, le Groupe union défense, une organisation historique de l’extrême droite.
Au commissariat, l’un d’eux s’est exclamé : « Vivement dans trois semaines, on pourra casser du pédé autant qu’on veut ! » et « Vous verrez quand Bardella sera au pouvoir, quand Hitler reviendra… » Au-delà des cas emblématiques comme l’assassinat du rugbyman Federico Aramburu en 2022 par Loïk Le Priol, lui aussi membre du GUD, les actes de violence de l’extrême droite se multiplient. Marginaux durant longtemps, ils sont en nette hausse depuis 2022 : de 35 attaques graves perpétrées par l’extrême droite entre 2019 et 2022, elles ont bondi à 22 rien que pour 2023, selon le centre de recherche sur l’extrémisme d’Oslo. Et en cas d’arrivée du RN au pouvoir ?
Pour Pietro Castelli Gattinara, professeur de science politique à l’université libre de Bruxelles et chercheur à Sciences-Po, il convient de distinguer plusieurs formes de violence liée à des groupes d’activistes. « L’activisme extraparlementaire de l’extrême droite peut prendre trois formes principales : des actions individuelles et non revendiquées, comme une bonne partie de celles que nous avons vues pendant la crise des migrants ; des actions collectives non revendiquées, telles que l’infiltration dans des groupes de riverains, ce qui a été le cas d’actions à Dublin en 2023 ; et des actions collectives revendiquées telles que les blocages de bus ou de convois humanitaires transportant des demandeurs d’asile par des groupes tels que Forza Nuova en Italie », liste-t-il. Pour le spécialiste des extrêmes droites européennes, la particularité de la France est que cet activisme « est dominé par des acteurs non institutionnels, avec une distinction entre groupuscules et partis politiques, davantage qu’en Italie par exemple ».
Les lieux de culte de plus en plus ciblés
Au ministère de l’Intérieur, la menace est prise très au sérieux. Une source indique qu’elle constitue la priorité n° 2 après celle de l’islamisme radical, et concerne le terrorisme, la déstabilisation et la désinformation. En Allemagne, la violence d’extrême droite est même LA priorité. Ce qui inquiète le plus : qu’un individu passe à l’acte sur le modèle des tueries d’Utøya en Norvège (Anders Breivik en 2011) ou de Christchurch en Nouvelle-Zélande (Brenton Tarrant en 2019).
Ce dernier, qui avait assassiné 51 personnes dans deux mosquées, s’était radicalisé en France, s’imprégnant notamment de la théorie du « Grand Remplacement ». Un thème porté ouvertement par l’extrême droite française, y compris par Jordan Bardella, qui multiplie les allusions même s’il n’utilise pas ce terme précis. En France, le budget de la protection des édifices religieux est d’ailleurs en forte hausse, à commencer par les mosquées, selon notre source, et les synagogues.
Le 13 janvier dernier, une ou plusieurs personnes ont tenté d’incendier la mosquée de Saint-Martin-des-Champs, près de Morlaix. Celle de Guingamp avait été taguée de slogans racistes quelques semaines plus tôt. Et le 23 décembre 2022, un homme avait tué trois personnes en s’en prenant à un centre culturel kurde, à Paris.
En 2023, plusieurs événements ont contribué à une hausse à la fois des exactions et du vote d’extrême droite : les drames de Crépol, dans la Drôme, ou de la jeune Lola, à Paris, ont servi de marqueurs idéologiques. Des meurtres sordides instrumentalisés par l’ensemble de l’extrême droite, à la fois au sein des groupuscules et sur les plateaux télévisés.
Peser dans le débat public
À Romans-sur-Isère, une centaine de militants néonazis ont défilé dans les rues sous le regard apeuré et interloqué des habitants, quelques jours près le drame de Crépol. La haine de l’immigration a également donné lieu à des menaces envers des élus de la part de militants qui refusaient l’ouverture d’un centre d’accueil pour migrants, notamment dans l’ouest du pays, à Callac et Saint-Brevin-les-Pins, où le maire avait démissionné après que son domicile eut été incendié.
Le 22 avril dernier, dans une tribune au Monde, le directeur adjoint du centre de recherche sur l’extrémisme d’Oslo, Anders Ravik Jupskas, distinguait « deux types de violence : raciste, qui vise les minorités ethniques et religieuses, et anti-gauche, qui vise les opposants politiques. Les premières sont plutôt commises par des acteurs isolés, celles anti-gauche par des acteurs organisés ». Concernant ces dernières, la France figure en seconde position en Europe, avec quatre groupes principaux impliqués : le GUD, les Jeunesses nationalistes, les Zouaves – une émanation récente du GUD – et l’Action française, mouvement royaliste et maurrassien fondé à la fin du XIXe siècle.
Et pourtant, entre groupes organisés et individus isolés, la frontière est en réalité poreuse : dans les sciences sociales, « on remet en cause la notion de violences individuelles, car il est très rare qu’un cas soit isolé d’une action collective », précise Pietro Castelli Gattinara.
Selon notre source au ministère de l’Intérieur, il existe au RN des gens qui font le lien avec les militants nationalistes radicaux, au sein d’une nébuleuse qui gravite autour de ces cercles, et maintiennent un contact proche avec Reconquête !, qui a servi de réceptacle institutionnel à la mouvance parfois qualifiée d’ultra-droite. Pour le sociologue Erwan Lecœur, spécialiste de l’extrême droite, ces groupes « ont des financements, des soutiens médiatiques et politiques. Ils veulent peser dans le débat public et influer sur Marine Le Pen », dont la ligne est parfois jugée un peu trop molle, stratégie de « dédiabolisation » oblige.
Quelles seraient leurs cibles ? Dans un entretien au Monde, l’ancien patron du renseignement intérieur (désormais au renseignement extérieur), Nicolas Lerner, indique que dix actions terroristes de l’ultra-droite ont été déjouées depuis 2017. Elles visaient des « élus, juifs, francs-maçons, musulmans ». Pour lui, « il est clair que la vie politique de notre pays peut avoir une influence sur la propension de certains groupes à passer à l’acte ».
Au-delà de ce genre d’actions, c’est aussi la multiplication d’actes de basse intensité – insultes, menaces, agressions – qui est susceptible d’exploser. Au sein du ministère de l’Intérieur, on concède que si le RN passe, on entre dans l’inconnu, avec un possible déchaînement.
Peu probable cependant qu’un RN au pouvoir ait intérêt à « couvrir » officiellement ce genre d’actes. Mais dans les discours, le laisser-faire, le harcèlement quotidien – y compris par une petite fraction de la police –, le risque existe. Il semble même inéluctable. D’autant que cette période de violences politiques a déjà commencé. Alors si, le 7 juillet, l’extrême droite parvenait au pouvoir ? Il est toujours possible d’éviter ce scénario noir.
mise en ligne le 4 juillet 2024
Stéphane Guérard, Nadège Dubessay et Cyprien Boganda sur www.humanite.fr
Le programme du Nouveau Front populaire donne un cap aux futurs députés pour engager le bras de fer à l’Assemblée et changer le quotidien. La preuve par quatre.
Quels que soient la configuration de l’Assemblée dimanche soir et le rapport de force qui s’en dégage, les députés de gauche comptent imposer des mesures chocs afin de répondre aux demandes de changement qui se sont fait jour lors de ces législatives.
Porter le Smic à 1 600 euros net
Dans la foulée du programme du NFP, les députés de gauche de la future Assemblée comptent batailler pour que le Smic soit porté à 1 600 euros net, soit une hausse d’environ 15 % par rapport au niveau actuel. Pour répondre aux libéraux qui agitent le spectre d’une multiplication des faillites d’entreprises en cas d’envolée de leurs « coûts » salariaux, le NFP fait valoir plusieurs arguments.
D’abord, qu’une hausse des bas salaires relancera la consommation (moins on est riche, moins on épargne et plus on injecte son revenu supplémentaire dans l’économie), donc l’activité. Ensuite, qu’aucun des États qui a augmenté fortement son salaire minimum au cours des vingt dernières années (tels le Royaume-Uni, l’Ontario aux États-Unis, etc.) n’a connu de catastrophe économique, au contraire. Enfin, qu’il est toujours possible d’aider les PME à amortir le choc salarial que cela représenterait, par la création d’un fonds de compensation notamment.
Abroger la retraite à 64 ans
Adoptée par 49.3 il y a un an malgré un mouvement social historique, la réforme des retraites est revenue comme un boomerang au visage des macronistes. L’abrogation de l’âge légal de départ à 64 ans est tout à fait envisageable et apaiserait les esprits. Contrairement à ce qu’a affirmé Gabriel Attal, le régime universel des pensions ne ferait pas banqueroute en revenant aux 62 ans.
D’une part, la réforme de 2023 se met progressivement en place et n’a pas eu le temps de produire ses effets d’économies. D’autre part, l’augmentation du nombre d’années cotisées nécessaires (43 annuités) figurait déjà dans la réforme Touraine précédente, que l’actuelle ne fait qu’accélérer. Enfin, parce que le NFP propose de très nombreuses pistes de financement pour pallier le manque à gagner de l’abrogation (autour de 22 milliards d’euros, selon l’économiste Michaël Zemmour) ainsi que le sous-financement chronique dont souffre le régime.
La hausse de 0,25 point par an des cotisations sociales des salariés et employeurs prônée par le NFP couvrirait les deux tiers du coût de l’abrogation, en cinq ans. La taxation des revenus désocialisés ou défiscalisés (épargne salariale, prime Macron, intéressement, participation, dividendes, rachats d’actions…) ferait le reste.
Muscler l’émancipation par l’éducation
L’instruction est un ressort fondamental de lutte contre les idées d’extrême droite. Dans la dynamique du Nouveau Front populaire, les députés de gauche comptent bien renforcer le système scolaire grâce à trois mesures d’urgence : augmenter les salaires des enseignants comme de l’ensemble de la fonction publique pour rendre les carrières attractives ; abroger le « choc des savoirs » d’Attal en renforçant la liberté pédagogique des enseignants ; instaurer une « gratuité intégrale à l’école » (cantine, fournitures, transports, activités périscolaires) pour muscler le pouvoir de vivre des familles.
En confrontation directe avec le programme rance du RN, qui veut faire de l’école « le conservatoire vivant du patrimoine des savoirs accumulés depuis des siècles », la gauche entend aussi rompre avec la vision utilitariste de la Macronie d’un système éducatif orienté vers les seuls besoins des entreprises.
L’émancipation des élèves passe par un réinvestissement dans les locaux scolaires, la modulation des dotations des établissements – y compris privés – pour renforcer la mixité sociale, ainsi que l’abolition de Parcoursup et de la sélection dans les universités publiques.
Réanimer le système de santé
Relancer un système de santé atrophié par des années de sous-financements, alors que les besoins de la population vont grandissants, nécessite de changer les règles. Pour ce faire, les députés de gauche élus dimanche soir pourront s’inspirer des mesures phares contenues dans le programme NFP.
La lutte contre les déserts médicaux implique la régulation de l’installation des médecins et la participation des cliniques privées à la permanence des soins, avec la garantie d’un reste à charge zéro. Un plan de « rattrapage des postes manquants de fonctionnaires », particulièrement à l’hôpital public, un autre de recrutement dans le médico-social (Ehpad, IME, aide à domicile…) s’accompagneraient de la revalorisation des métiers et des salaires.
La constitution d’un pôle public du médicament combattrait efficacement les pénuries de médicaments. Et une vraie politique de prévention implique de s’attaquer aux polluants éternels (Pfas).
mise en ligne le 3 juillet 2024
David Perrotin sur www.humanite.fr
Depuis le 9 juin, de multiples agressions racistes, verbales ou physiques, ont eu lieu dans toute la France. Plus d’une par jour, selon le décompte de Mediapart. Dans de très nombreux cas, les personnes mises en cause ont fait référence au Rassemblement national.
La liste n’est pas exhaustive mais reste inédite. Rarement la France aura connu, semble-t-il, autant d’agressions et de propos racistes dans une temporalité aussi réduite.
Depuis le 9 juin et le résultat du Rassemblement national (RN) aux élections européennes et l’annonce de la dissolution avec une victoire possible du parti d’extrême droite aux élections législatives, pas un jour ou presque ne se passe sans que la presse relate une agression.
Parfois très violentes, toujours racistes, celles-ci sont, dans de très nombreux cas, en lien avec le contexte politique, lorsque les mis en cause font explicitement référence au RN, à Marine Le Pen ou à Jordan Bardella. En à peine trois semaines, Mediapart dénombre au moins trente événements racistes signalés dans la presse. Plus d’un chaque jour.
Un homme tabassé
Les images diffusées le 1er juillet au tribunal de Bourg-en-Bresse sont glaçantes et presque insoutenables. À chaque coup porté par Maxime B., 25 ans, et Adrien V., 23 ans, la tête de la victime heurte la vitre de la porte avec fracas. Mourad B., 37 ans, avait simplement demandé aux deux jeunes hommes qui sortaient d’un restaurant de baisser le ton. En retour, il reçoit une pluie de coups et de nombreuses insultes racistes. « On est en France », « Descends, sale bougnoule », « Nique sa mère les bougnoules ». Maxime et Adrien ont été condamnés à quatre ans de prison dont un avec sursis.
Ce même 1er juillet, dans un village des Cévennes gardoises, Midi Libre raconte qu’un homme a passé la nuit à déambuler dans les rues de la commune de La Grand-Combe, fusil à la main, en tirant plusieurs coups de feu. Selon plusieurs témoins, précise le parquet, « il vociférait des propos du type “À mort les Arabes” », avant d’être interpelé au petit matin.
Sur son compte X, Tajmaât, « une plateforme collaborative pour la diaspora maghrébine », diffuse de nombreuses vidéos et témoignages d’agressions racistes. Le 30 juin, des images montrent une femme portant un voile ciblée par un individu à Paris. « C’est insupportable, il va falloir l’enlever [...]. C’est anti-France, cet islam est incompatible avec la France », lance-t-il alors que la victime précise être née en France. « L’invasion migratoire et l’invasion de l’islam, on n’en peut plus. [...] Vous êtes une ennemie de la France », ajoute-t-il.
La veille de l’élection législative, le 29 juin, plusieurs plaintes ont été déposées pour des tags racistes retrouvés sur un mur et sur une route de deux villages, relate le Dauphiné libéré.
Dans le Nord, le 28 juin, deux militants du Nouveau Front populaire (NFP) ont porté plainte après avoir été agressés par des « partisans du RN ». « Ils ont tenté de brûler une affiche du NFP, chanté Maréchal nous voilà, demandé à une militante musulmane de “rentrer dans son pays” en voulant lui “jeter du cochon dessus”. Une honte », écrivait le NFP local sur Twitter.
Une soirée xénophobe intitulée « Ausländer Raus » (« Les étrangers dehors », en français) devait se tenir le 28 juin dans un bar identitaire de Rouen. Après une bataille juridique avec le maire socialiste de la ville, les organisateurs ont décidé de l’annuler.
Une boulangerie incendiée
Comme l’a raconté Mediapart, les attaques racistes visant des candidat·es, des militant·es ou des élu·es ont imprégné cette campagne électorale express comme jamais. « C’est extrêmement violent. On me dit que je vais retourner en Gambie, on me traite de singe. Des trucs d’un autre temps », déplorait par exemple le candidat NFP en Seine-Saint-Denis Aly Diouara, faisant référence aux messages reçus sur les réseaux sociaux mais aussi par e-mail.
Dans la nuit du 26 juin, c’est une boulangerie d’Avignon, dans le Vaucluse, qui est incendiée et taguée à l’intérieur avec des inscriptions racistes et homophobes. Les mots « nègre », «PD », « dégage » étaient encore lisibles malgré les sept tentatives de départ de feu dénombrées par les enquêteurs. Depuis un an, le patron de la boulangerie employait un apprenti de nationalité ivoirienne.
Les Arabes qu’est-ce qu’ils vont faire ? Ils vont sortir la kalache ? Bientôt elles seront mortes les voilées. Signalement reçu par SOS Racisme.
Toujours le 26 juin, selon nos informations, le service juridique de SOS Racisme a reçu le signalement d’une femme portant un voile victime de propos islamophobes. Alors qu’elle se baignait dans la piscine de sa résidence avec sa famille, Sonia* raconte avoir été prise à partie par ses voisines. « Les Arabes qu’est-ce qu’ils vont faire ? Ils vont sortir la kalache ? Bientôt elles seront mortes les voilées », lui auraient-elles notamment lancé.
SOS Racisme a également reçu le signalement d’un propriétaire d’un restaurant de sushis pris à partie par un individu. Auprès du pôle juridique de l’association, il dit « ressentir depuis l’annonce de la dissolution un climat général où le racisme a lieu en toute impunité ».
Le 25 juin à Thiais, dans le Val-de-Marne, un chauffeur de bus en service pour le ramassage scolaire est victime de menaces de mort et d’insultes racistes par un automobiliste garé sur une place réservée aux bus. « J’en ai marre des gens comme vous, bougnoules et renois, moi je vote RN, je vais te tuer, je vais te massacrer, je vais vous éradiquer », a-t-il notamment proféré, selon une source policière interrogée par France Info. L’automobiliste serait remonté dans sa voiture avant de percuter délibérément le chauffeur de bus au niveau des jambes. Si le mis en cause dément tout propos raciste, une enquête a été ouverte par le parquet.
Des pompiers menacés et insultés
Le 25 juin, Karim Rissouli, journaliste sur France 5 où il présente notamment l’émission « C ce soir », dévoile sur Instagram le contenu d’un courrier anonyme raciste reçu à son domicile. « Franchement Karim, tu n’as pas compris le vote du 9 juin. [...] La seule et unique raison fondamentale du vote RN, c’est que le peuple français historique en a plein le cul de tous ces bicots, le reste c’est du bla-bla. Le “Souchien” [Français de souche – ndlr] ne t’acceptera jamais, ni toi, ni tes frérots, et même malgré le nombre vous ne posséderez jamais la France », est-il notamment écrit.
D'autres journalistes dont Nassira El Moaddem du site Arrêt sur images et Mohamed Bouhafsi, chroniqueur de l'émission "C à vous" sur France 5, ont aussi publié des messages racistes les visant.
Le 24 juin à Roanne, en marge d’une manifestation contre l’extrême droite, un individu s’en est pris à des manifestants en tenant plusieurs propos racistes et homophobes selon les témoins cités par Le Progrès. « Il a parlé des “bicots”, et laissé entendre qu’il en avait “ras-le-bol des Arabes” », écrit le quotidien. Il a ensuite asséné un coup de poing à l’un d’entre eux avant d’être laissé libre par la police municipale. Il ne sera interpelé que bien plus tard après avoir agressé une personne qui sera hospitalisée.
Le maire LR de cette même ville, Yves Nicolin a été contraint de s’excuser le 2 juillet pour des propos racistes tenus lors d’une conférence de presse lundi. « Ceux qui sortent la nuit sortent plutôt l’été. C’est une race qui aime la chaleur et le beau temps. L’hiver, ils sont plus tranquilles », a déclaré l’édile devant une brigade de police municipale locale de nuit.
Dimanche 23 juin, des sapeurs-pompiers de Vieux-Condé, dans le Nord, sont empêchés d’intervenir pour un malaise et reçoivent « menaces », « crachats » et « injures racistes » selon La Voix du Nord. Les mis en cause, un homme de 55 ans et une femme de 31 ans, ont été interpelés et sont poursuivis pour menaces de mort et rébellion. « Des pompiers veulent rentrer dans une maison pour aller aider quelqu’un de blessé. Et là, on leur dit “Non, vous, vous ne rentrez pas”, parce que le pompier s’appelle Mounir, précisait le candidat communiste Fabien Roussel quelques jours plus tard sur France Info. Ils ont dû rentrer dans leur camion sous les cris “On est chez nous, les bougnoules dehors !” »
Après une fête locale le 22 juin près de Lunel, trois plaintes ont été déposées pour des violences en réunion dont une à caractère raciste selon Midi Libre. Un jeune de 19 ans raconte avoir été suivi par une voiture avant qu’elle ne s’arrête à son niveau et que quatre personnes, dont une avec un couteau, le frappent à la tête. « Quatre hommes m’ont ensuite saisi les bras et les jambes et m’ont jeté dans le canal puis m’ont plongé la tête sous l’eau, de force. Ils ont fait ça quatre ou cinq fois tout en me traitant de “sale Arabe”. “Tu n’as rien à faire ici”, criaient-ils. Ils disaient que je venais de Djihad City en faisant référence à Lunel », a témoigné la victime, qui a eu sept jours d’ITT, devant la police.
Vive Zemmour, vive Jordan Bardella, je vais t’enculer ta mère, vive Bardella. Signalement reçu par SOS Racisme.
Toujours le samedi 22 juin, cette fois-ci à Paris, l’ancien animateur de l’émission « Affaire conclue » sur France 2 et proche de Jean-Marie Le Pen, Pierre-Jean Chalençon, aurait tenu des propos racistes contre une journaliste d’origine marocaine lors d’un dîner chez des amis communs. Devant une dizaine de convives, selon Le Figaro, il est contredit lorsqu’il prend la défense du fondateur du Front national et s’en prend à la journaliste, selon sa plainte déposée depuis : « Je t’en... Les Arabes seront toujours des Arabes, rentre chez toi ! », lance-t-il. « Ta gueule sale bougnoule, rentre chez toi ! », ajoute-t-il selon la victime, avant de projeter au sol son téléphone portable. Si Pierre-Jean Chalençon conteste tous les propos, une plainte a été déposée le lendemain pour injure non publique en raison de l’origine.
Selon nos informations, le pôle juridique du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) a été saisi après un quiz musical organisé le 22 juin lors d’une fête de village à Lepuix, près de Belfort. Des propos injurieux contre les immigrés ont été proférés, d’après des témoins. « Plusieurs personnes ont été choquées d’entendre qu’une équipe de participants s’appelait “Sale immigré”. “Cela a été dit plusieurs fois au micro”, a affirmé le militant écologiste Vincent Jeudy, qui a participé à ces festivités rassemblant plusieurs milliers de personnes », précise l’association. Une enquête a été ouverte par le parquet.
Le Mrap annonce aussi déposer plainte contre la propagande électorale affichée en Meurthe-et-Moselle par le Parti de la France, groupuscule d’extrême droite, dont un membre, Pierre-Nicolas Nups, est candidat dans la 5e circonscription du département sous l’étiquette « Rassemblement de la droite nationale ». Ses affiches représentaient un enfant blond aux yeux bleus barré du slogan « Donnons un avenir aux enfants blancs ».
L’association a également déposé plainte après les propos tenus par Daniel Grenon, député sortant du RN dans l’Yonne, lors d’un débat tenu avec son opposante le 1er juillet, et révélés par L’Yonne républicaine : « Sur 30 ou 40 postes, on ne peut se permettre d’avoir des binationaux. Des Maghrébins sont arrivés au pouvoir en 2016, ces gens-là n’ont pas leur place en haut lieu. »
Le 21 juin, une chanson raciste et pro-RN, « Je partira pas », a été diffusée sur de nombreux réseaux sociaux d’extrême droite et a été relayée par Éric Zemmour, Gilbert Collard ou la militante Mila. « Quand va passer Bardella, tu vas retourner chez toi » ou « Pour toi, fini le RSA/Le bateau n’attend pas », peut-on notamment entendre. SOS Racisme et le MRAP ont effectué plusieurs signalements.
Un adolescent roué de coups
Le 20 juin à Paris, Kofi Yamgnane, ancien ministre et ancien élu socialiste d’une commune de Bretagne, est victime d’attaques racistes de la part d’un individu dans la rue. « Toi, tu as intérêt à te préparer à rentrer chez toi en Afrique », « On va vous foutre tous dehors », a asséné un passant en croisant sa route.
Le même jour, une mère de Sotteville-lès-Rouen a dénoncé l’agression raciste de son fils, d’origine franco-algérienne, de 14 ans à la sortie d’un cours de sport. Selon France Bleu, il a été agressé par trois jeunes hommes alors qu’il attendait sa mère. « Il a été insulté de “gratteur d’allocs” et roué de coups », précise la radio.
Toujours le 20 juin, « Envoyé spécial » diffuse le témoignage de Divine Kinkela, aide-soignante, victime des propos racistes de ses voisins à Montargis (Loiret) et militants RN. « Bonobo ! », « On fait ce qu’on veut, on est en France, on est chez nous ! », lui ont-ils notamment lancé selon la victime.
Devant les caméras de France 2, ladite voisine, fonctionnaire au tribunal judiciaire de Montargis suspendue depuis, chante « on est chez nous », lance « va à la niche » et dénigre la coupe de cheveux de la victime. Des pancartes « avec Marine et avec Bardella », et une casquette « Vivement le 9 juin avec Jordan Bardella » sont aussi visibles, accrochés sur la façade de leur maison. Plusieurs plaintes ont été déposées.
Mi-juin à Chatou, dans les Yvelines, plusieurs résidents ont reçu des tracts ouvertement racistes intitulés « Monsieur le Maire, Stop aux Blacks à Chatou ! ». « Nous n’acceptons pas que Chatou devienne la Seine-Saint-Denis. Nous avons choisi d’habiter Chatou parce qu’il n’y avait pas de Blacks », peut-on lire entre autres propos racistes. « Ras-le-bol des Africains qui sont toujours dépendants de la France pour pouvoir survivre. » Au moins trois plaintes ont été déposées, rapporte Le Parisien.
Le 19 juin 2024, un couple et leur enfant auraient été victimes d’une agression raciste, nous indique le pôle juridique de SOS Racisme. Karim* aurait été pris à partie par trois de ses voisins au sujet de l’emplacement de sa voiture. « Sale Arabe de merde, on va te ramener à la frontière… Sale race, votre place c’est pas ici, bande de Sarrasins de mes couilles », auraient-ils proféré, selon l’association. « À ces propos s’ajoutent “Vive Zemmour, Vive Jordan Bardella , je vais t’enculer ta mère, vive Bardella”. » Selon le signalement, les individus auraient frappé le père de famille à la hanche et l’un d’eux aurait menacé la famille avec un chien, « un pitbull sans muselière ».
Le 18 juin 2024 dans le Tarn-et-Garonne, des ouvriers découvrent des tags racistes et antisémites sur les murs de la nouvelle mosquée de Montauban Es-Salam, en cours de construction. « Sales bougnoules », « rentrez chez vous », ont été inscrits à la bombe de peinture noire en plus de croix gammées, selon France 3 Occitanie. « C’est la cinquième fois que nous retrouvons ce genre de tags racistes, la dernière fois, c’était une tête de cochon », dénonce un membre de l’association musulmane de Montauban.
Deux jours plus tôt, le 17 juin, le militant Karim Merimèche est pris à partie par des sympathisants du RN alors qu’il tractait pour le candidat sortant La France insoumise (LFI). « L’un des hommes m’a dit : “Rentre dans ton pays, sale bougnoule, dégage, rentre chez toi.” J’étais choqué, je n’ai rien dit et je me suis éloigné. Mais il a continué, en me traitant encore de “sale bougnoule de merde” et en disant à Mathilde [Regnaud, suppléante du candidat – ndlr] d’aller “se faire sauter par les bougnoules”. » Deux témoins de la scène parviennent à identifier l’homme. Karim Merimèche a porté plainte le lendemain pour injures à caractère racial.
Le 12 juin, c’est à La Côte-Saint-André, en Isère, que quatorze tags islamophobes ont été découverts sur les murs d’un parc. « Islam hors d’Europe », ou « anti-Arabes », pouvait-on notamment lire sur les clichés diffusés par France 3 Auvergne-Rhône-Alpes.
Une situation « alarmante » pour les associations
Le 10 juin, comme le révélait Mediapart, des policiers se lâchaient lors de l’interpellation d’un jeune homme dans le XIe arrondissement de Paris, et enchaînaient les propos racistes et homophobes. « Avec ta casquette de pédé qui se fait enculer par des migrants » ; « Quand ta mère et ta grand-mère se seront fait violer par des migrants, tu comprendras », ont-ils notamment déclaré, avant de diffuser, au commissariat, des chansons à la gloire de Jordan Bardella.
Deux jours avant les élections européennes, le 7 juin 2024, SOS Racisme a été informé de la présence de deux tee-shirts, exposés sous forme d’étendards, sur le balcon d’un bâtiment. Sur le premier, les prénoms de « Marine et Jordan » étaient affichés avec cette autre inscription à la main : « Tous les immigrés dehors melons etc. ». Sur le deuxième tee-shirt, on pouvait lire « La France aux Français ».
Avec ces trente propos, tags, événements ou agressions racistes en seulement trois semaines, les manifestations de violence semblent considérables et, de l’avis des associations, « évidemment sous-estimées ». « C’est une situation alarmante et inhabituelle. On sent vraiment qu’avec la montée de l’extrême droite, il y a une explosion des agressions racistes non seulement verbales mais aussi physiques », constate SOS Racisme. « On est face à des gens qui se disent que si le RN arrive au pouvoir, ils auront un appui institutionnel pour se comporter de la sorte », ajoute son président, Dominique Sopo.
Mais combien de signalements ou de plaintes sont à déplorer ? Contactés, le ministère de l’intérieur et le parquet de Paris n’étaient pas en mesure de nous donner de chiffres. « On ne peut mesurer que plus tard si une augmentation est visible et en lien avec l’actualité », précise une source Place Beauvau. « Mais il y a évidemment un ressenti que la parole raciste se libère, à la télévision ou sur les réseaux sociaux notamment », ajoute-t-elle. La Dilcrah (délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT), elle, précise ne pas pouvoir s’exprimer sur le sujet, « période de réserve électorale oblige ». De son côté, le collectif de lutte contre l’islamophobie en Europe (CICE) dit avoir reçu « cent cinquante signalements » pour le seul mois de juin et précise qu’il s’agit « d’un record ».
La victoire possible du Rassemblement national, ce parti d’extrême droite dont de nombreux candidats expriment ouvertement des propos sexistes, racistes, antisémites ou LGBTphobes, semble avoir incontestablement un lien avec ce déferlement de haine. Mais si libération de violence raciste il y a, celle-ci est loin d’être inexistante le reste du temps. Dans son rapport remis le 27 juin, la Commission nationale consultative des droits de l’homme rappelait qu’en 2023, la France avait connu 32 % d’actes racistes supplémentaires et déplorait une augmentation exponentielle des actes racistes et une hausse inédite de l’antisémitisme.
mise en ligne le 3 juillet 2024
Aurélien Soucheyre et Margot Bonnéry sur www.humanite.fr
Une petite musique monte selon laquelle le temps serait venu de donner sa chance au Rassemblement national, au motif qu’il n’a jamais été « essayé ». Rien n’est plus faux : dans les villes comme au Parlement, il pourrit depuis des années la vie de la population.
La phrase revient dans la bouche de plus en plus de Français, comme une fausse évidence : « Le Rassemblement national, on n’a jamais essayé. » Comme s’il ne restait comme solution qu’un saut dans l’inconnu afin de régler les problèmes du pays. Et pourtant, ces Français se trompent.
L’extrême droite, on a déjà essayé. Elle est aujourd’hui au pouvoir dans de nombreuses villes de France. Elle empêche déjà des textes de loi progressistes d’être adoptés à Paris ou à Bruxelles. Elle gouverne des pays en Europe. Et elle a dans l’histoire maintes fois montré son véritable visage.
Un climat délétère dans les communes
Depuis 2014, le RN gère dix villes en France. Vont-elles mieux ? Donnent-elles envie d’étendre la recette de l’extrême droite à l’ensemble du pays ? Certainement pas. L’une des premières décisions de Steeve Briois, maire d’Hénin-Beaumont (Nord), a été de « supprimer les financements de l’antenne locale de la Ligue des droits de l’homme, en plus de l’expulser de ses locaux ! » s’indigne l’ancien conseiller municipal d’opposition PCF David Noël.
À Hayange (Moselle), Fabien Engelmann a coupé le gaz et l’électricité au Secours populaire français, « faisant perdre tous les vivres conservés au congélateur à destination des plus modestes », dénonce Céline Léger, candidate FI aux législatives. Syndicats, associations de défense de droits, collectifs de solidarités sont régulièrement visés et taxés de « communautaristes » par les maires RN. Les subventions municipales leur sont coupées. Les clubs de sports collectifs trinquent aussi, au profit du développement des sports de combat.
Qu’y gagnent les citoyens ? De meilleurs services publics ? À Perpignan (Pyrénées-Orientales), Louis Aliot a « bloqué l’installation d’un foyer pour l’aide sociale à l’enfance », dénonce Michel Coronas, porte-parole départemental du PCF. Le maire RN a aussi privatisé la crèche, le funérarium et la piscine, ce qui a fait augmenter les prix. Partout les moyens sont alloués à la vidéosurveillance et au renforcement des équipes de police, comme si la sécurité était le seul besoin et la réponse à tout.
Les fonctionnaires, à Beaucaire (Gard), dénoncent être « poussés à bout et mis sous pression en permanence dans un climat délétère ». Les élus d’opposition et toutes les associations qui portent un autre message que celui du RN sont combattus sans relâche. « Nous sommes des pestiférés », témoigne un acteur culturel de Fréjus (Var) qui a dû déménager. À Perpignan, le directeur du Théâtre de l’Archipel a été viré et le festival de street art supprimé au motif que la programmation déplaisait.
« Ce qui caractérise la gestion du RN, c’est l’austérité, avec une baisse des dépenses publiques qui nuit avant tout aux plus pauvres et aux immigrés, lesquels sont sans cesse ciblés », mesure Alain Hayot. Le sociologue, anthropologue et ancien vice-président PCF de la région Paca pointe également l’offensive culturelle et identitaire du RN.
À Cogolin (Var), le maire Marc-Étienne Lansade a fait interdire des soirées de danse orientale. Et la municipalité de Beaucaire impose des menus avec du porc à l’école, officiellement au nom de la laïcité (ici détournée) et officieusement pour discriminer les musulmans et les juifs. « La création est attaquée. Toute la politique culturelle passe dans une défense d’un patrimoine fantasmé, comme au Puy du Fou », ajoute Alain Hayot.
Des votes antisociaux et réactionnaires au Parlement
Le RN est arrivé en tête au premier tour des législatives, dimanche 30 juin. Mais les députés d’extrême droite à l’Assemblée nationale, on n’aurait jamais essayé, vraiment ? Depuis 2022, ils sont 88 à siéger au Palais Bourbon. Que votent-ils qui permettrait de changer la vie des Français et d’améliorer leur quotidien ? Rien de rien. Tout comme les troupes d’Emmanuel Macron, ils se sont prononcés contre une hausse du Smic et des salaires, privant les Français d’un gain légitime en pouvoir d’achat.
Hostiles à une meilleure répartition des richesses, ils n’ont pas non plus soutenu, à l’instar encore une fois des macronistes, la proposition de la gauche d’indexer les salaires sur l’inflation. Et ce n’est pas fini : les députés RN ont voté contre le gel des loyers, pour la réduction des droits à l’assurance-chômage, contre le rétablissement de l’ISF, se plaçant résolument comme le gouvernement du côté des plus riches. Ils ont même voté contre une loi visant à lutter contre les déserts médicaux et contre la création d’un service public de la petite enfance, en plus de s’abstenir concernant l’instauration de prix planchers pour les agriculteurs.
Ils empêchent de fait, depuis des mois, l’adoption de réformes qui amélioreraient la vie des Français. Sur le plan économique et social, le bilan d’Emmanuel Macron est aussi le leur. Sans oublier ses choix au Parlement européen où le RN montre également son véritable visage, avec des votes défavorables à la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité, à la lutte contre les discours de haine à l’égard les personnes LGBTI+, à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, à un plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, et à l’instauration d’une taxe sur les superprofits. En résumé, le RN, les Français essaient déjà, et ça ne leur fait pas du bien.
De sulfureux alliés européens
Le panorama serait incomplet si on ne se penchait pas sur les alliés européens de Marine Le Pen et Jordan Bardella, et sur ce qu’ils mettent en place quand ils sont au pouvoir. S’il est exact que les Français n’ont jamais essayé Viktor Orban ou Giorgia Meloni, les Hongrois et les Italiens, eux, sont en train de le faire. Et ce qui arrive sur place est édifiant : à Budapest, le premier ministre en place impose aux femmes d’écouter les battements de cœur du fœtus avant tout avortement.
En Italie, Giorgia Meloni rend de plus en plus impossible l’accès à l’IVG. Les deux convergent aussi pour réformer les institutions : à Rome, la première ministre veut élaborer une Constitution taillée sur mesure permettant délire au suffrage universel direct le président du Conseil, selon un mode de scrutin qui lui assurerait la majorité absolue au Parlement.
Une dangereuse dérive qui soumettrait le pouvoir législatif à l’exécutif. En Hongrie, Viktor Orban a modifié le mode de scrutin électoral à son seul profit et mis la justice au pas, en plus de mettre en place des sanctions afin de soumettre la presse. Les droits de l’homme y sont de plus en plus bafoués concernant les réfugiés et les SDF. Ce qui n’empêche pas les ouailles de Le Pen de le citer en modèle.
mise en ligne le 2 juillet 2024
Elian Barascud sur https://lepoing.net/
Ce mardi 2 juillet, jour de Conseil social et économique du CHU de Montpellier, environ 80 personnes sont venues en soutien au personnel du service de chirurgie psychiatrique, en grève pour s’opposer à des suppressions de postes et de lits
8 heures, des blouses blanches se dirigent vers l’hôpital depuis le tramway avec des pancartes. “C’est
normal de soutenir les collègues en grève”, soufflent-elles.
Sur place, dans la cour du conseil de surveillance de l’hôpital de la Colombière, environ 80 personnes, dont l’intersyndicale (CGT, FO, CFDT, UNSA) sont réunies devant le lieu qui doit accueillir une
demi heure plus tard le Conseil social et économique du CHU pour protester contre des suppressions de postes et de lits au service de chirurgie
pediatrique.
Pierre Renard, délégué CGT, explique :“La direction veut supprimer trois lits en semaines, et trois de plus le weekend, dans le service de chirurgie pédiatrique, et supprimer cinq postes : quatre puéricultrices et une auxiliaire de puériculture, sur un service de 27 agents, au motif qu’il y aurait un taux d’occupation des lits insuffisants. Les assises de la pédiatrie préconisent une puéricultrice pour 4 ou 5 enfants, là, on serait à une puéricultrice pour 10 ou 11 enfants. Selon des études dont celle de la revue The Lancet ,un patient en plus par infirmier, augmenterait de 7 % le risque de décès. Passer de six à dix patients ferait passer le risque de décès à 30 %. La direction nous parle de rentabilité quand on parle de qualité de soins. La grève lancée aujourd’hui est illimitée, tant que les salariés voudront se mobiliser. L’intersyndicale est là, ça fait penser à l’union de la gauche, et même si on ne parle pas de politique, il va falloir avancer tous ensemble pour défendre l’hôpital.”
“C’est rare de voir une intersyndicale unie”, renchérit Laurent Blanc, délégué syndical Force Ouvrière. “Les soins ne sont pas quantifiables”, argue de son côté le représentant de la CFDT, évoquant “le stress et l’angoisse” des familles des patients face à ces suppressions de postes et de lits. Quant aux grévistes, elles ont décliné nos demandes d’entretiens, par peur de sanctions ou de représailles.
8 h 30, grévistes et syndicats pénètrent la salle du CSE. Les journalistes tentent de les suivre mais la direction du CHU s’y oppose. Une heure et demi plus tard, à la sortie du CSE, Pierre Renard commente : “On leur a proposé une réorganisation du service avec un bilan d’ici six mois, mais aucun accord n’a été trouvé. On parle de soins, ils nous parlent de chiffres, c’est impossible de s’entendre, la grève continue.”
La décision concernant la suppression des lits et des postes sera mise au vote au prochain CSE le 25 juillet, et l’intersyndicale entend bien voter contre.
Contactée, la direction du CHU n’a pas donné suite à nos sollicitations.
mise en ligne le 2 juillet 2024
par Corentin Léotard (pigiste à Mediapart ) sur https://blogs.mediapart.fr/
La Hongrie de Viktor Orbán est le laboratoire européen des politiques antilibérales que le Rassemblement National voudrait porter en France. Kristóf Szombati, universitaire et militant de gauche écologiste, a été aux premières loges pour observer l’avènement de l’« orbánisme » puis la mise en coupe réglée de la Hongrie. Entretien.
Kristóf Szombati est anthropologue et sociologue. Il a participé à la construction du parti écologiste LMP à la fin des années 2000, au moment où la gauche s’effondrait et laissait le terrain aux nationalistes. Il est actuellement chercheur postdoctorant à l’Université Humboldt de Berlin et est auteur de The Revolt of the Provinces: Anti-Gypsyism and Right-Wing Politics in Hungary, une analyse ethnographique et politique de la montée de la droite radicale en zones rurales en Hongrie.
Le Courrier d’Europe centrale : Êtes-vous surpris par le poids acquis par l’extrême-droite en France et par le fait que le Rassemblement National se trouve aujourd’hui aux portes du pouvoir ?
Kristóf Szombati : Pas tellement, vu comment le vent politique a tourné vers les nationalismes radicaux et un capitalisme national presque partout en Europe dans les dernières années. Le grand économiste politique Karl Polanyi nous a notamment appris que lorsque les élites politiques mettent en œuvre des politiques de marchandisation radicale qui nuisent à de larges pans de la classe ouvrière et de la petite bourgeoisie, cela engendre des contre-mouvements sociaux qui promettent de défendre la société contre les excès les plus évidents de la marchandisation et les dislocations sociales les plus graves. Ces mouvements peuvent s’appuyer sur diverses idéologies et s’associer à des partis de gauche et de droite pour faire entendre leur voix et leurs revendications.
Alors que dans la période qui a suivi la grande récession de 2007-2008, nous avons vu émerger des contre-mouvements populistes de gauche, avant tout en Europe du Sud, mais aussi à d’autres endroits de l’UE, ces mouvements semblent aujourd’hui épuisés, laissant les griefs des perdants de l’austérité rampante et du recul lent mais certain de l’État-providence ouverts à la récupération par les nationalistes radicaux. Les contre-mouvements sociétaux sont particulièrement susceptibles de s’orienter vers la droite nationaliste et de s’y associer dans les situations où l’austérité est poursuivie par des partis prétendument de gauche, comme ce fut le cas en Hongrie entre 2006 et 2010. Les choses sont un peu différentes dans des pays comme la France, où seule une partie de la gauche a adopté un programme néolibéral et où les réformes néolibérales de la dernière décennie ont été imposées par un président libéral. Dans ce cas, la gauche est en mesure de conserver le rôle de défenseur de la société, du moins dans les zones urbanisées où les associations de gauche sont actives.
Pouvez-vous retracer succinctement la progression de l’extrême-droite en Hongrie au cours des années 2000 avec Jobbik, puis comment le Fidesz l’a porté au pouvoir ?
Kristóf Szombati : En Hongrie, une variante antisémite du nationalisme radical est apparue dès 1990[i]. Toutefois, le parti qui portait ce programme n’a pas réussi à s’imposer, en partie parce que les communistes réformateurs ont d’abord réussi à se présenter comme les adversaires les plus crédibles du gouvernement de centre-droit et en persuadant les gens ordinaires qu’ils défendraient leurs intérêts. Les choses ont radicalement changé en 2006, lorsque le pays a été secoué par un énorme scandale politique après qu’il est apparu que les socialistes avaient menti aux électeurs sur le niveau du déficit budgétaire pour gagner les élections. Au lieu de présenter ses excuses et de démissionner, le Premier ministre Ferenc Gyurcsány est resté au pouvoir et a commencé à mettre en œuvre un programme d’austérité sévère qui allait à l’encontre de la promesse sociale-démocrate de dédommager la classe moyenne pour les sacrifices qu’elle avait dû consentir au cours de la décennie qui a marqué la transition du socialisme d’État au capitalisme.
La gauche a perdu sa légitimité et plus de la moitié de ses électeurs en quatre années (de 2006 à 2010), et ses alliés libéraux ont été éjectés du parlement en 2010. L’effondrement de la confiance dans le gouvernement de centre-gauche a permis l’émergence d’une nouvelle variante du nationalisme radical. Il s’agit du parti Jobbik, qui a formulé son projet politique autour de la question sociale, en concentrant son attention sur la sous-classe racialisée des Roms et en promettant de mettre en œuvre un programme sévère de maintien de l’ordre, parallèlement à la ré-institutionnalisation de la ségrégation ethno-sociale dans les écoles. Ce programme radical a été bien accueilli dans les zones rurales, qui ont ressenti le plus durement l’impact des mesures d’austérité et du ralentissement de l’activité économique mondiale. Toutefois, en dehors de ces zones, les électeurs ont soutenu le programme politique apparemment plus modéré du parti Fidesz, qui ne promettait pas une rupture totale avec le néolibéralisme, mais plutôt une série d’éléments compensatoires pour la classe moyenne et le retrait de l’aide sociale aux personnes « réfractaires au travail ».
Une fois au pouvoir en 2010, le Fidesz a pris de court ses opposants en s’empressant d’occuper tous les postes de pouvoir et de rédiger une nouvelle constitution à Parti unique, sur laquelle ni les citoyens ni l’opposition n’ont été consultés. Cependant, le glissement du Fidesz d’un nationalisme modéré vers un nationalisme plus radical a réellement commencé en 2015 avec l’arrivée en Europe des réfugiés de Syrie. La campagne anti-immigrés du Fidesz s’est progressivement étendue à un programme antilibéral plus global, permettant à Orbán de s’ancrer dans le rôle de leader de la droite dure eurosceptique. Un rôle qu’il savoure manifestement, malgré le fait que son pouvoir en Europe est en déclin depuis son éjection du Parti Populaire européen en 2021 et l’apparition de Giorgia Meloni sur la scène politique. Toutefois, en Europe centrale, il reste le leader incontesté de l’illibéralisme, comme il aime à appeler son programme nationaliste radical.
Vous avez publié un ouvrage intitulé « The Revolt of the Provinces » (La révolte des provinces) qui analyse la progression de l’extrême-droite en Hongrie au cours des années 2000. Quels sont ses principaux enseignements ?
Kristóf Szombati : L’austérité économique mise en œuvre par la gauche a joué un rôle important. Mais à côté de cela, dans les régions agricoles telles que celle où j’ai fait de la recherche anthropologique entre 2011 et 2014, l’adhésion à l’Union européenne a également joué un rôle. Avec le recul, il est clair que les petits et moyens entrepreneurs agricoles n’étaient pas bien préparés à affronter la concurrence sur le marché commun européen. Dans la région viticole où j’ai travaillé, l’afflux de vin bon marché en provenance d’Italie, d’Espagne et d’autres pays a durement frappé les petits et moyens producteurs, ne laissant survivre que ceux capables de produire des produits de qualité supérieure ou de combiner la viticulture avec le tourisme. Ce groupe social, que j’appelle la post-paysannerie pour signifier que ses membres ne vivent que partiellement du travail de la terre, s’est détourné pour de bon du parti socialiste au profit du Fidesz et du Jobbik. À cet égard, il convient de noter que le gouvernement Fidesz a fait beaucoup pendant les dernières quatorze années pour soutenir les viticulteurs hongrois et promouvoir la consommation du vin, ce qui a été très populaire et a aussi eu un impact économique dans ces régions.
Une dernière chose que je voudrais souligner dans la montée du Fidesz et du Jobbik a été la mise en œuvre d’une politique d’émancipation en faveur des Roms stratégiquement erronée. Le problème n’est pas que la gauche ait poussé à la déségrégation des écoles et à une réforme de l’aide sociale favorisant le groupe social le plus pauvre et le plus marginal de la société. Le problème est qu’elle a combiné ce programme d’émancipation de la sous-classe racialisée avec un programme néolibéral plus large, qui a nui aux travailleurs et à la petite bourgeoisie rurale, tout en promouvant un type de discours qui ne reconnaissait que les griefs des minorités opprimées. Ce mélange s’est avéré toxique dans la mesure où il a constitué un terrain fertile pour l’émergence de puissants ressentiments parmi les travailleurs et la petite bourgeoisie à l’égard des Roms marginalisés, qu’ils considéraient comme moins méritants qu’eux-mêmes, et à l’égard de l’élite dirigeante, dont ils percevaient les politiques comme fondamentalement injustes. Ce ressentiment à l’égard des minorités et le sentiment d’abandon et de colère à l’égard de l’élite de gauche-libérale ont poussé la majorité des travailleurs et de la petite bourgeoisie des zones rurales et en parties dans les moyennes villes dans les bras de la droite.
En France, lorsque l’on regarde à l’international, c’est avec l’Italie de Meloni que l’on compare la situation française. En Europe de l’Ouest, il y a cette tendance à considérer le phénomène Orbán comme un exotisme propre à l’ex-« bloc de l’Est ». Comment évalues-tu la place de la Hongrie d’Orbán par rapport à ce mouvement global de progression des nationalismes ?
Kristóf Szombati : Je pense que nous devons considérer la situation hongroise comme faisant partie intégrante de l’évolution du vent politique dans l’ensemble de l’Europe. Il est clair que l’Europe de l’Est, et en particulier la Hongrie, a subi la Grande Récession de 2007/2008 plus durement que l’Europe de l’Ouest. En d’autres termes, l’Europe occidentale disposait à l’époque de plus de réserves pour défendre les remparts du modèle social-démocrate. Ce dont nous avons été témoins au cours des 15 dernières années constitue un changement important à cet égard. Des pays comme l’Allemagne – où je vis et travaille actuellement – sont les témoins d’une crise profonde du modèle socio-économique d’Etat-providence, qui se traduit pour les gens ordinaires par l’application de l’austérité, accompagnée du détournement des électeurs ruraux du centre-gauche. L’argument que j’ai avancé concernant le mélange toxique de politiques réformistes néolibérales et d’émancipation des minorités s’applique également dans une certaine mesure à des pays comme l’Allemagne, où une partie de la classe ouvrière et de la petite bourgeoisie éprouve clairement du ressentiment à l’égard des populations immigrées et estime que, dans une situation socio-économique difficile, les dépenses sociales et les promesses de solidarité devraient être réservées à ceux qui sont nés dans le pays. L’émergence du parti social-conservateur Bündnis Sarah Wagenknecht (BSW) témoigne clairement de cette dynamique.
En d’autres termes, l’Europe occidentale semble avoir « rattrapé » l’Europe de l’Est, dans la mesure où les élites politiques se trouvent de plus en plus réticentes et incapables de protéger les citoyens les plus vulnérables contre les chocs de la guerre en Ukraine, la faiblesse relative de l’Europe face à ses principaux concurrents mondiaux et les coûts économiques et sociaux de la transition vers l’abandon des combustibles fossiles. Cette convergence de l’économie politique ne signifie évidemment pas que la situation est la même partout. Les généalogies culturelles, sociales et politiques jouent un rôle important dans la montée de la droite radicale nationaliste, mais aussi dans la capacité de la société civile à résister ou au moins encadrer cette progression.
Dans le cas de la Hongrie, d’une part le Fidesz s’appuie fortement sur la logique culturelle historiquement sédimentée des relations patron-client. Mes recherches dans les petites villes de province montrent que le clientélisme est un mode efficace de consolidation du pouvoir, dans la mesure où il permet à ceux qui se situent au bas de cette hiérarchie pyramidale de jouir d’une certaine marge de manœuvre et de négocier avec ceux qui sont au-dessus d’eux pour accéder à certaines ressources et à certaines opportunités. Les observateurs occidentaux partent souvent du principe que le régime autoritaire d’Orbán piétine toutes les libertés. Si, du point de vue des droits formels, il est indéniable que les droits sociaux ont été réduits et que les citoyens sont exclus de la prise de décision politique en dehors des élections, les observateurs extérieurs ne voient souvent pas que le renforcement des réseaux informels de pouvoir permet à ceux qui sont prêts à négocier avec les détenteurs du pouvoir d’obtenir des faveurs importantes. Cela donne aux régimes autoritaires comme celui d’Orbán une grande flexibilité, tout en encourageant les citoyens à suivre la voie privée du clientélisme plutôt que les voies collectives et politiques du lobbying, de la pression et de la négociation.
On peut considérer qu’avec la Fidesz, la droite radicale et national-conservatrice est au pouvoir depuis quatorze ans en Hongrie. Quelles sont les conséquences les plus profondes, les plus graves pour le pays et la société ?
Kristóf Szombati : C’est précisément cette « informalisation » du pouvoir que je trouve la plus inquiétante, car l’une de ses conséquences est que les personnes qui n’ont pas accès aux réseaux informels de pouvoir se retrouvent marginalisées. Si, au cours des premières années, le gouvernement Fidesz a consacré beaucoup de ressources aux communautés les plus pauvres dans le cadre de son programme de travail public, ces dernières ont été fortement réduites au cours des dernières années. Le régime a essentiellement laissé les citoyens les plus pauvres et les plus marginalisés aux soins des églises chrétiennes qui, même si certaines d’entre elles font du bon travail, contribuent essentiellement à la consolidation de la marginalisation socio-économique dans la périphérie intérieure du pays. Cette décision d’abandonner les pauvres est tragique pour l’avenir du pays et laissera au régime qui lui succédera la tâche de développer la périphérie intérieure, ce qui sera très coûteux.
Mais en prenant du recul, nous voyons aussi que le modèle socio-économique du Fidesz ne repose pas seulement sur le dumping social, mais aussi sur la dévaluation délibérée de l’éducation publique, des soins de santé publics et, en fait, de tout le domaine public. Cette stratégie est censée, d’une part, servir les besoins de la compétitivité : des dépenses sociales moins élevées permettent de réduire les recettes, ce qui permet à l’État de maintenir les impôts sur le travail et les sociétés à des taux comparativement très bas. Le lent démantèlement des services publics – qui a des conséquences très réelles, comme le taux de décès élevé pendant la période du Covid, dépassant celui de la plupart des autres pays européens – fait donc partie de la stratégie économique plus large du régime, qui consiste à maintenir la main-d’œuvre hongroise à bas coût et à l’offrir aux capitaux manufacturiers étrangers. Il y a cependant un calcul politique plus cynique derrière tout cela. Il s’agit de la conviction qu’une société privatisée qui a renoncé à tout effort collectif et à tout réseau de solidarité – à l’exception de la famille sacralisée, qui est chargée de s’occuper de toutes sortes de problèmes – est plus facile à soumettre. Les dirigeants actuels de la Hongrie ne sont certainement pas les seuls à suivre ce calcul, mais ils l’ont poussé assez loin.
Tout n’est bien sûr pas transposable de la Hongrie à la France. Mais sur la base de cette expertise, vu de Hongrie, risquons-nous à faire un peu de prospective. Quels risques ferait porter un gouvernement RN pour la société française ? A quoi faudrait-il s’attendre ?
Kristóf Szombati : Je suis absolument certain qu’en France, sous un gouvernement dirigé par le RN, les choses se passeraient très différemment qu’en Hongrie. D’une part, bien que la France soit également un pays fortement centralisé, je ne pense pas qu’elle puisse être mise en coupe réglée comme un pays plus petit comme la Hongrie. D’autre part, je ne vois pas le RN acquérir une super-majorité parlementaire, comme l’a fait le Fidesz en Hongrie. Je suis à peu près certain que la société civile française opposera une plus grande résistance aux efforts visant à transformer les fondements du modèle social du pays. La gauche est moins délégitimée et beaucoup mieux ancrée socialement qu’elle ne l’était en Hongrie, et c’est une ressource sur laquelle nous n’avons pas pu compter en Hongrie.
L’expérience hongroise montre que le Fidesz, même dans une situation où il contrôle tous les leviers du pouvoir et une grande partie de l’espace médiatique, a été très sensible aux manifestations de grande ampleur qui touchent le cœur et les sautes d’humeur de sa base. Malgré la faiblesse générale des protestations et des pressions civiques, le gouvernement a toujours fait marche arrière lorsque les opposants – citoyens et politiques – ont été en mesure de formuler une critique d’une manière qui s’adressait à une partie significative de la base électorale du parti au pouvoir. C’est la bonne nouvelle, pour ainsi dire. La moins bonne nouvelle, c’est qu’Orbán a excellé dans l’art de proposer des politiques populaires qui lui permettent de conserver sa large base électorale interclassiste, et dans l’art d’engager des combats stratégiques avec des ennemis réels et imaginaires de manière à élaborer un récit de salut national.
Comme nous l’avons vu plus haut, il a également élaboré une stratégie économique qui convient au capital national et international. Enfin, et c’est un point que nous n’avons pas abordé, il a trouvé le moyen de maintenir la bureaucratie d’État à ses côtés et, malgré de graves tensions au sein du pouvoir judiciaire, d’établir un contrôle sur la quasi-totalité de l’appareil d’État.
Sachant à quel point certaines prédictions des sciences sociales ont échoué par le passé, je voudrais être très prudent. Disons donc que je ne serais pas très surpris si le RN, au cas où il parviendrait à s’emparer à la fois du poste de premier ministre et de la présidence, réussissait également à bâtir une hégémonie. N’oublions pas qu’une « Internationale » nationaliste radicale est quasiment en place : Le Pen a scruté de près Orbán et s’intéresse actuellement de très près à Meloni. Il s’agit donc d’un processus d’apprentissage collectif. Pour risquer un pronostic, si Bardella parvient à construire une majorité parlementaire, je m’attends à ce qu’il construise sa politique de pouvoir gouvernemental lentement et prudemment, en se concentrant sur l’équilibre entre les mesures phares du RN et celles qui sont populaires en dehors de la base du parti, en travaillant en coulisses pour construire un nouveau compromis entre le capital national et international, et en négociant avec les représentants clés de la bureaucratie d’État. Dans le cas de la France, ce dernier point semble être beaucoup plus difficile à résoudre qu’il ne le fut en Hongrie.
En parallèle de votre carrière universitaire, vous avez milité avec un parti de gauche écolo au tournant des années 2010, donc au moment même où Orbán s’emparait du pouvoir et commençait à le verrouiller. Avez-vous des conseils ou des réflexions utiles pour les militants de gauche en France ?
Kristóf Szombati : Rétrospectivement, je suis très critique à l’égard de nos efforts, par ailleurs héroïques, pour construire une alternative verte à partir de 2007. Nous avons commis une série d’erreurs stratégiques. Mais la tâche à laquelle nous étions confrontés, à savoir construire un parti vert à partir de rien, sans que la question du climat ne figure parmi les principales préoccupations des citoyens et sans pouvoir compter sur une infrastructure associative forte, sans parler de la situation politique, était très différente de celle à laquelle la gauche française et les forces écologistes sont confrontées aujourd’hui. Je trouve encourageante la volonté des différents mouvements de gauche de mettre de côté leurs différences et, en s’appuyant sur le modèle historique très important du Front populaire, de construire une alliance commune pour cette élection. J’espère que cette alliance se maintiendra après le vote des électeurs, car vu l’état du camp présidentiel, la société française ne sera probablement pas en mesure de résister à un gouvernement nationaliste radical sans une critique et une vision commune de la gauche et de l’écologie.
[i] Le Parti de la justice hongroise et de la vie, MIEP.
mise en ligne le 1er juillet 2024
La rédaction sur https://rapportsdeforce.fr/
Le premier tour des élections législatives anticipées a eu lieu ce dimanche 30 juin. Forte participation, Rassemblement national en tête, triangulaires à venir, désistements, etc… Rapports de force vous résume ce que l’on peut en retenir.
Un taux de participation proche d’une présidentielle
Avec un taux de participation de 66,71 %, le premier tour des élections législatives du 30 juin 2024 a un caractère hors norme. Surtout en considérant que les Français se sont déjà rendus aux urnes trois semaines plus tôt pour les Européennes. La participation est quatorze points au-dessus du scrutin du 9 juin 2024 qui a conduit à la dissolution de l’Assemblée nationale.
Elle est également au plus haut niveau des élections législatives de ces 25 dernières années. Pour trouver un taux de participation supérieur à ce dimanche, il faut remonter au scrutin de 1997 (68%), lorsque Jacques Chirac avait lui aussi dissous l’Assemblée. À titre de comparaison, le premier tour de la présidentielle de 2022 avait enregistré un taux de participation de 73 %.
Le Rassemblement national fait nettement plus que le plein de ses voix
L’alliance du Rassemblement national et d’une partie des Républicains autour d’Eric Ciotti arrive en tête du scrutin avec 33,15 % des suffrages exprimés et 10,6 millions de voix. Il enregistre 2,5 fois plus de votes que lors des législatives de 2022, où la participation n’avait pas atteint les 50 % et où il s’était présenté sans alliés.
Mais compte tenu du caractère particulier de ces élections législatives anticipées, dont l’enjeu ressemble à ceux d’une élection présidentielle, un comparatif avec le premier tour de la présidentielle de 2022 nous semble éclairant. Cette fois-là, le RN faisait 8 133 828 voix. Comparée à ses seules voix du 30 juin 2024 (9 377 297), sa progression est de 1,24 million de voix. En ajoutant les suffrages des ciottistes, cette progression est de quasiment 2,5 millions (+30%).
Avec de tels scores ce dimanche, l’extrême droite envoie à l’Assemblée nationale 39 candidats dès le premier tour. Une situation impensable en 2022. Par ailleurs, le RN sera présent au second tour dans 444 circonscriptions supplémentaires, et se retrouve dans 305 triangulaires et 5 quadrangulaires si l’on s’en tient aux résultats de dimanche soir, avant que ne soit connu l’étendue des désistements. Sur ces 444 circonscriptions où il reste qualifié, le Rassemblement national est en tête dans 258 d’entre elles, ce qui montre la force de sa poussée.
Nouveau Front Populaire : 32 élus, en tête dans 156 circonscriptions
Avec près de 9 millions de voix soit 27,99% des suffrages exprimés, le Nouveau Front populaire devrait pouvoir prétendre à 130 à 190 sièges. Les sondages sont toutefois à prendre avec d’immenses précautions puisqu’ils n’anticipent pas les effets des potentiels désistements du camp macroniste. Une majorité parlementaire du NFP semble cependant fortement improbable, rendant la question d’un éventuel premier ministre issu de ses rangs caduque.
Le NFP fait toutefois mieux que la Nupes en 2022 (25,78%), même si le taux de participation est différent de celui des législatives d’alors. La gauche unie emporte la première place dans 156 circonscriptions, avec 32 élus d’office. Mais elle se désiste, pour l’heure, dans 122 autres – lorsqu’elle arrive en 3e position – pour faire barrage à l’extrême droite.
Au sein de l’alliance de gauche, les Insoumis comptent d’ores et déjà 20 députés élus dès le premier tour, les socialistes 5, les écologistes 5, et les communistes 2. Le numéro un du Parti Communiste français Fabien Roussel a toutefois déjà été battu, dans sa circonscription, face à un candidat RN élu à la majorité absolue.
La coalition gouvernementale désavouée
L’échec est cuisant pour le camp présidentiel, dont le passage d’un statut de majorité à celui de minorité au sein de l’Assemblée nationale est bel et bien acté. Réunies sous la bannière Ensemble, les trois partis du camp présidentiel – Renaissance, Horizons et le Modem – agrègent péniblement 20,04 % des voix.
Seuls deux députés Ensemble ont été élus d’office au premier tour. Pour le reste, des candidats Ensemble sont qualifiés au second tour dans 319 circonscriptions, dont une soixantaine en occupant la première place. Lors des législatives en 2022, ils s’étaient qualifiés dans 417 circonscriptions. D’après les projections de sièges à l’assemblée, entre 60 et 90 sièges pourraient être obtenus… Contre 245 jusqu’ici.
Désistements en cas de triangulaire : que reste-t-il du barrage républicain ?
Du fait de la participation record à ces législatives, pas moins de 306 triangulaires et cinq quadrangulaires sont en jeu. Les candidats ont jusqu’à ce mardi 18h pour se maintenir ou se désister, au nom du barrage républicain contre le RN (voir la carte du journal Le Monde mise à jour au fil des déclarations).
Du côté du Nouveau Front Populaire, le message est clair : en cohérence avec le mot d’ordre « pas une voix pour le RN », les représentants du NFP ont affirmé que leurs candidats arrivés en troisième position se désisteront « sans condition » partout où le RN est en tête. C’est le cas dans 122 circonscriptions.
Le camp présidentiel fait davantage de circonvolutions. Près de 96 candidats Ensemble sont qualifiés au second tour en troisième position. Or, les prises de parole laissent entendre des désistements au cas par cas dans les circonscriptions où le candidat de gauche investi est issu de La France Insoumise. Dans son discours dimanche soir, Gabriel Attal a appelé aux désistements en faveur de tout candidat « qui défend comme nous les valeurs de la République ». Ce lundi matin, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a également appelé aux désistements et au vote en faveur du « camp social-démocrate », en excluant la France Insoumise. Édouard Philippe (Horizons) assume lui aussi une ligne ni RN, ni LFI. On comptabilise, à l’heure où nous écrivons ces lignes, 46 désistements chez Ensemble.
Du côté de Les Républicains, un communiqué paru dimanche soir tranche la question : aucune consigne de vote, aucun désistement. Les LR renvoient dos-à-dos les « outrances d’une extrême-gauche dominée par La France Insoumise » et le « programme démagogique » du RN.
Les Républicains : après la brèche ouverte par Ciotti, un maintien fragile
C’était une première dans l’histoire des Républicains : Éric Ciotti, le patron du parti, avait initié une alliance avec le RN dans la foulée de la dissolution. 63 candidats avaient été investis dans le cadre de cette alliance, dont une vingtaine seulement déjà engagés en politique avec l’étiquette LR. La quasi-totalité – 60 – s’est qualifiée pour le second tour.
Le canal historique et majoritaire des Républicains, rejetant cette alliance, obtient 6,6 % des voix. Soit 4 % de moins qu’au premier tour des législatives 2022. Parmi les 101 circonscriptions dans lesquelles des candidats LR ou divers droite se sont qualifiés hier, seuls une trentaine y sont arrivés en tête. LR risque donc de voir son effectif de 61 parlementaires s’effriter, au vu de la force du RN et de la division créée par l’alliance Ciotti.
Après le 7 juillet : une majorité relative d’extrême-droite, une coalition centrale, ou une assemblée ingouvernable ?
Jordan Bardella martelait qu’il ne serait pas Premier ministre sans majorité absolue. Au lendemain du premier tour, décrocher les 289 sièges sur 577 nécessaires va être difficile pour le RN (mais pas impossible), au vu des désistements annoncés pour lui faire barrage. Ceci étant, après le 7 juillet, les alliances LR-RN vont être hautement stratégiques pour l’extrême-droite à l’Assemblée Nationale. Car le RN n’exclut pas de gouverner s’il « trouve des soutiens » pour construire une majorité relative, a souligné Sébastien Chenu, porte-parole du RN, réélu député hier. Reste à savoir si la ligne Ciotti peut embarquer davantage de députés LR dans son sillage.
Extrêmement affaiblie par cette dissolution et ces législatives, la minorité présidentielle commence, de son côté, à imaginer la constitution d’une nouvelle coalition centrale pour sauver les meubles. Dans son discours dimanche soir, Gabriel Attal a proposé de construire « des majorités de projets et d’idées » au sein de la nouvelle Assemblée. Mais qui pour répondre à un tel appel, à l’heure où le camp macroniste, critiqué de toutes parts, ne représentera a priori que la troisième force parlementaire ?
Il est probable, aussi, qu’aucune majorité ne puisse être obtenue par le jeu des alliances ou des coalitions. Auquel cas l’Assemblée nationale risque d’être « ingouvernable ». Pour faire passer les textes de loi de son gouvernement sans encombre, le Premier ministre doit pouvoir s’appuyer sur sa majorité au Parlement. Sans majorité claire, les oppositions parlementaires peuvent aisément adopter des motions de censure. Celles-ci provoquent le renversement du gouvernement. En outre, aucune nouvelle dissolution de l’Assemblée n’est possible avant au moins un an. Même une démission d’Emmanuel Macron suivie d’une présidentielle anticipée ne remettrait pas ce compteur à zéro.
C’est un match dans le match qui s’est joué en terre insoumise à l’occasion de ces élections législatives. Plusieurs contestataires de la ligne imprimée par Jean-Luc Mélenchon avaient été débarqués des investitures de La France insoumise, malgré que l’accord express conclu entre les formations du Nouveau Front populaire ait prévu de reconduire les députés sortants. Mais Alexis Corbière, Raquel Garrido, Hendrik Davi et Danielle Simonnet se sont maintenus dans leur circonscription, face à des candidat.e.s nouvellement inverti.e.s par LFI.
Trois d’entre eux s’imposent au sortir du premier tour. Alexis Corbière devance Sabrina Ali Benali de presque quatre points en Seine-Saint-Denis, pendant qu’Hendrik Davi bascule juste devant Allan Popelard avec seulement 565 voix d’écart. Par contre, le résultat est sans appel dans la 15e circonscription de Paris. Danielle Simonet (41,87%) écrase Céline Verzeletti (22,87%) qui avait dû démissionner de ses mandats confédéraux de la CGT pour mener la bataille fratricide pilotée par la direction de LFI. Seule Raquel Garrido est largement battue par le candidat officiel LFI Aly Diouara en Seine-Saint-Denis : 23,65 % contre 33,11 %.
Quant à François Ruffin qui s’est écarté publiquement, avec fracas, de la ligne Mélenchon et pourrait faire les frais d’une défaite dans sa circonscription de la Somme : il est en ballottage défavorable face au Rassemblement national. Arrivé second et en recul par rapport à 2022, il bénéficiera cependant du désistement de la candidate Renaissance arrivée en troisième position. La seconde mi-temps commence donc.
Signe que les électeurs d’extrême droite imaginent la victoire de leur camp possible pour la première fois depuis 1945, le « vote utile » a joué à plein dans leurs rangs, à l’occasion de ce premier tour des législatives. Le parti d’Eric Zemmour n’enregistre que 240 000 voix (0,75%) dans 330 circonscriptions (sur 577) dans lesquelles il a présenté un candidat.
Lors des législatives de 2022, malgré une participation nettement inférieure, le parti d’Eric Zemmour cumulait quatre fois plus de voix : 964 775 (4,24%). Il y a encore trois semaines lors des élections européennes, Reconquête affichait 1,35 million de suffrages, malgré une assez faible participation à 51,5 %.
Raphaël Arnault et Philippe Poutou au second tour
Raphaël Arnault et Philippe Poutou, investis par la France insoumise sous la bannière du Nouveau Front Populaire, ont été utilisés comme des épouvantails par une grande partie de la classe politique lors de ces trois semaines de campagne. Le premier pour une supposée fiche S, liée à son activité de porte-parole au sein de l’organisation antifasciste Jeune garde.
Le second pour les positions de son parti le Nouveau Parti Anticapitaliste sur la situation en Palestine et les attaques du 7 octobre. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, est même allé jusqu’à propager le mensonge selon lequel Phillipe Poutou aurait été condamné pour apologie du terrorisme.
Dans leurs circonscriptions, ces candidats ont tous deux eu à faire face à des candidatures dissidentes de gauche. Ils sont pourtant parvenus à se qualifier pour le second tour. Pour Philippe Poutou, la bataille sera rude. « Mais comme on est un peu dingos on y croit », sourit-il sur ses réseaux sociaux. Ayant réuni 18,7% des suffrages, le candidat se retrouve opposé au député RN sortant, Christophe Barthès, qui a frôlé la majorité absolue au 1er tour (49,3%). Le candidat dissident de gauche est éliminé avec 12,7%, tout comme le macroniste (16,8%).
Pour Raphaël Arnault, la partie est mieux engagée. Dans la première circonscription du Vaucluse, le RN caracole en tête à 34,6%. Mais le porte-parole de la jeune Garde a réuni 24,7% des suffrages et pourra profiter du report des voix du candidat socialiste dissident qui avait réuni 18,2% des voix au 1er tour.
mise en ligne le 1er juillet 2024
Khedidja Zerouali sur www.mediapart.fr
Les élus du Rassemblement national ont beau prétendre défendre la classe ouvrière, à l’Assemblée nationale comme au Parlement européen, ils ont voté ces dernières années comme les partis les plus libéraux, contre l’intérêt des salariés.
Dans l’espoir d’attirer le vote des travailleuses et des travailleurs, le Rassemblement national (RN) a souvent tenté de se positionner en défenseur de la classe laborieuse. Mais dans les faits, les votes de ses représentant·es à l’Assemblée nationale ou au Parlement européen se sont souvent positionnés contre les intérêts des salarié·es.
Contre l’augmentation du Smic
Dans son discours de lancement de campagne pour les élections européennes, Jordan Bardella, président du parti, a dit : « Une bonne économie, ce sont des bons salaires, c’est une juste rémunération et les salaires sont trop bas aujourd’hui dans notre pays. » Mais dans les faits, le RN vote contre l’augmentation du Smic.
En juillet 2022, la Nouvelle Union populaire économique et sociale (Nupes) proposait l’augmentation du Smic à 1 500 euros nets. Il était alors de 1 329 euros net. Le Smic est indexé sur l’inflation, c’est une disposition du Code du travail, mais la Nupes proposait d’ajouter à cette indexation un coup de pouce supplémentaire. Les députés RN ont voté contre.
« Si vous passez votre temps à augmenter seulement le Smic, vous avez les classes moyennes qui voient leur pouvoir d’achat stagner depuis dix à quinze ans », justifiait Jean-Philippe Tanguy, arguant de la « boucle inflationniste » qui voudrait que plus les salaires sont hauts, plus les prix augmentent. Une théorie qui ne s’est pas vérifiée en 2023-2024 et que Mediapart a déjà déconstruite. En 2022, même le FMI a confirmé que la « boucle prix-salaires » est un récit conservateur.
Contre l’indexation des salaires sur l’inflation
Dans son programme, le RN promet des « textes d’urgence » pour le « pouvoir d’achat ». Dans les faits, il a voté contre l’indexation des salaires sur l’inflation. Le système visant à faire automatiquement augmenter les salaires au fur et à mesure que les prix augmentent n’est pas une chimère : ce système instauré en 1952 a été supprimé en 1983 au moment du tournant de la rigueur du gouvernement socialiste de Pierre Mauroy. En novembre 2023, La France insoumise (LFI) a tenté de déterrer ce système et a mis au vote une proposition allant dans ce sens.
En commission des affaires sociales le 22 novembre 2023, LFI a défendu la mesure, face à un gouvernement, une droite et une extrême droite unis. Victor Catteau, député RN, a justifié ainsi son vote de refus : « La proposition actuelle, bien qu’audacieuse, risque de nous mener vers un cercle perpétuel de hausse des salaires, de hausse des prix, et d’inflation. »
Pour forcer les salariés en CDD à accepter un CDI
Dans leur programme, les responsables RN promettent une conférence sociale sur les salaires et les conditions de travail. Dans leurs discours, ils assurent être le parti des « travailleurs français ». Dans les faits, le parti a voulu doubler le gouvernement sur le thème de la précarisation des travailleurs, en proposant de forcer les salarié·es en CDD à accepter les CDI qui leur sont proposés.
Fin 2022, le gouvernement a présenté une nouvelle réforme de l’assurance-chômage, dont le but même pas masqué était de mettre encore plus sous pression les chômeurs et les chômeuses. L’extrême droite y a participé avec entrain. Marine Le Pen elle-même a déposé un amendement pour contraindre les salarié·es en CDD à accepter tout CDI proposé en fin de mission, sans quoi ils pourraient perdre leur droit à l’assurance-chômage. L’amendement a été rejeté le 5 octobre 2022.
Surfant, comme ses alliés libéraux, sur le mythe du chômeur qui ne veut pas travailler, le RN a présenté cet amendement en assurant que « certains salariés utilisent le système de l’assurance-chômage pour s’assurer des revenus entre deux CDD ». Pour rappel, il y a beaucoup plus de chômeurs que de postes vacants : moins de 348 000 postes vacants et 5,1 millions de demandeurs et demandeuses d’emploi… dont à peine plus de 40 % touchent une indemnisation.
Contre l’instauration de salaires minimum en Europe
Dans son programme, le RN promet la revalorisation des « revenus du travail par une incitation forte à l’augmentation des salaires ». Dans les faits, le parti a voté contre l’instauration de salaires minimum en Europe.
Les élu·es d’extrême droite ne se contentent pas d’attaquer les droits sociaux en France, ils le font aussi depuis leurs sièges de député·es européen·nes. En 2022, le Parlement européen votait une directive visant à assurer un salaire « suffisant pour un niveau de vie décent » aux travailleurs d’Europe. Cette mesure était présentée comme un outil permettant de relever les salaires de 25 millions d’européen·nes, notamment dans les pays de l’Est, réduisant l’effet de « dumping social » au sein de l’Union. Un vœu certes largement pieux étant donné que la fixation de salaires minimum reste une compétence nationale.
La directive a été adoptée sans les voix du RN, qui se sert pourtant régulièrement du thème du « dumping social » pour diviser les travailleurs. Pour se justifier, l’eurodéputée RN Dominique Bilde a publié un communiqué refusant que le Parlement européen se mêle des politiques sociales des États. Et a même promis plus de cadeaux aux patrons : « Nous défendons la mise en place de contrats d’entreprise, qui permettront aux employeurs d’être exonérés de la hausse des cotisations patronales en cas d’augmentation de 10 % de tous les salaires, jusqu’à 3 Smic. »
C’est aussi la proposition portée par Jordan Bardella dans cette campagne des législatives. Comme si les macronistes n’avaient pas déjà abusé du « quoi qu’il en coûte ». Rien qu’en France, les aides publiques accordées aux entreprises – en comptant les exonérations de cotisations sociales sur les salaires – s’élèvent à des sommes exponentielles, entre 160 et 200 milliards par an. Un « pognon de dingue » a déjà été offert aux entreprises sous diverses formes sans que cela n’ait d’impact réel sur le nombre d’emplois, ni sur les salaires.
Contre l’égalité salariale entre les femmes et les hommes
Dans son discours, Jordan Bardella se fait défenseur des femmes et adresse même une lettre numérique à « toutes les femmes du pays ». Il promet que « l’égalité hommes-femmes » est, pour son parti, un « principe non négociable ». Dans les faits, au Parlement européen, quand il y a des votes sur l’égalité salariale femmes-hommes, le RN s’abstient ou vote contre.
En 2020, les eurodéputé·es RN ont voté contre les mesures visant à faire reculer les inégalités femmes-hommes. Deux ans plus tard, quand le Parlement européen vote une directive visant l’instauration d’un cadre minimal pour rendre effectif le principe d’égalité des rémunérations entre les sexes, le RN s’abstient.
Pour justifier cette abstention, le RN, par le biais de l’eurodéputée Annika Bruna, a considéré qu’il n’était pas souhaitable de « conditionner la quasi-totalité des aides à l’UE à des actions favorisant l’égalité hommes-femmes ». Et de déplorer, chez nos confrères du Monde, que « la maîtrise de la démographie et des migrations » et la montée de l’islam ne soient pas évoquées davantage alors qu’ils sont, pour elle, « une menace forte pour les femmes ».
Contre le gel des loyers
Dans son programme, sur la question urgente de l’accès au logement, le RN ne dit… pas grand-chose. Le parti ne propose que deux mesures. La première est la priorité dans l’accès au logement social « pour les travailleurs des secteurs prioritaires ». La deuxième permettra aux propriétaires de louer ou vendre des passoires thermiques, en supprimant les interdictions liées au diagnostic de performance énergétique (DPE).
Et au Parlement, le RN a voté contre un amendement de gauche proposant le gel des loyers. En pleine crise inflationniste, à l’été 2022, le gouvernement a fait voter le principe de plafonnement des hausses de loyers. Pour les propriétaires, le message est clair : ils peuvent continuer à les augmenter, mais pas trop. Un an plus tard, en juin 2023, le gouvernement a fait voter le prolongement du « bouclier », qui plafonne à 3,5 % la hausse de l’indice de référence des loyers.
Ce « bouclier » proposé a été voté avec le soutien de la droite et de l’extrême droite, formant une coalition contre la gauche qui estimait que cela entérinait l’autorisation faite aux propriétaires d’appliquer de nouvelles hausses. Plus ambitieuse, la gauche a présenté à l’Assemblée nationale comme au Sénat des amendements visant à geler les loyers des particuliers mais aussi des petites et moyennes entreprises. La majorité présidentielle, la droite et le RN ont voté contre.