PROCHAINE REUNION DE L'ASSEMBLEE CITOYENNE LE VENDREDI 26 JANVIER 2018 A FABREGUES A 19 HEURES
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juin 2022

publié le 30 juin 2022

Éric Coquerel : « Je veux travailler davantage sur l’évasion fiscale »

Pauline Graulle sur www.mediapart.fr

Élu au terme d’un scrutin à suspense, le nouveau président insoumis de la commission des finances revient sur la manière dont il envisage son mandat. Il promet un changement de pratique profond.

Après ses déconvenues sur la questure, La France insoumise (LFI) a gagné, jeudi 30 juin à midi, la bataille de la présidence de la commission des finances. Au terme de plusieurs heures de suspense où se sont multipliées les suspensions de séance, le député insoumis de Seine-Saint-Denis, Éric Coquerel, a été élu à l’un des postes les plus convoités de la législature.

Attribuée, selon le règlement de l’Assemblée nationale, à « un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition », cette présidence, qui fut naguère occupée par des socialistes (comme Dominique Strauss-Kahn, Henri Emmanuelli et, quelques années plus tard, Jérôme Cahuzac), et durant la dernière législature par l’élu Les Républicains (LR), passé depuis chez Emmanuel Macron, Éric Woerth, offre en effet un pouvoir important d’investigation en matière fiscale et budgétaire.

D’où la panique qui s’est emparée de la droite, ces dernières semaines, le député LR Julien Dive craignant que la commission ne devienne « l’antichambre de Mediapart », Gilles Carrez redoutant que l’Insoumis ne s’apprête à « jeter en pâture les dossiers fiscaux de particuliers, voire d’entreprises ». Éric Coquerel se présentait notamment face au député du Rassemblement national (RN) Jean-Philippe Tanguy, qui a dénoncé une « piraterie » après sa défaite. Marine Le Pen, elle, a parlé de « nouvelle trahison » en s’attaquant à ce qu’elle qualifie d’« extrême gauche sectaire ».

À gauche, l’investiture d’Éric Coquerel comme candidat commun de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) a donné lieu à des jours de négociations dans une ambiance parfois tendue, notamment avec le Parti socialiste (PS), où Valérie Rabault, ancienne rapporteure du budget, faisait figure de personnalité taillée pour le rôle. Si celle-ci obtient comme lot de consolation la vice-présidence de l’Assemblée, Éric Coquerel emporte aujourd’hui une victoire aussi symbolique que politique. Entretien.

Vous sortez victorieux de plusieurs heures d’un scrutin à suspense. Est-ce la gauche qui gagne à travers vous ?

Éric Coquerel : Je suis ému parce que c’est une victoire importante. Pour plein de raisons. D’abord, c’est la concrétisation, de fait, du rassemblement de toutes nos formations au sein de la Nupes. Il y a eu un sans-faute et nous avons vraiment travaillé de manière solidaire avec les socialistes, les communistes et les écologistes. Ma deuxième satisfaction, cette fois pour la démocratie, c’est aussi que la majorité a joué le jeu et n’a pas participé au vote, comme c’est l’usage.

Cela aurait en effet pu faire pencher le scrutin en faveur du candidat du Rassemblement national, comme cela a été le cas, hier, pour le vote du bureau de l’Assemblée lors duquel la majorité et la droite ont participé à l’élection de deux vice-présidents du RN…

Oui, il y avait de quoi être inquiet. Le risque était aussi que quelqu’un décide de prendre la tête d’un barrage anti-LFI en espérant fédérer les voix du milieu du Rassemblement national. Mais cela ne s’est pas passé, et il a semblé qu’il y a eu, cette fois-ci, une certaine étanchéité. Par ailleurs, j’ai siégé durant les cinq dernières années au sein de la commission des finances. Peut-être que le concret a, cette fois, primé sur certaines déclarations politiques visant à discréditer ma candidature.

Comment envisagez-vous votre mandat ?

Je pense que mon rôle est d’abord de faire respecter les droits de l’Assemblée. D’autant plus au sein d’une Assemblée où il n’y a pas de majorité absolue. J’ai vu que, ces dernières années, certains calendriers ont été souvent précipités de la part du gouvernement : tout à coup, en plein milieu de la loi de finances, nous, commissaires des finances, voyions tomber un projet de loi de finances rectificative et on ne pouvait rien faire. Cela ne se déroulera plus de la même manière.

Ensuite, je compte bien utiliser ma fonction en lien avec ce que sont les préoccupations de la Nupes. Par exemple, je veux travailler davantage sur l’évasion fiscale que sur la pertinence des baisses d’impôts. Je préfère aussi travailler sur les conséquences des politiques de diminution des dépenses publiques dans les ministères, dans les différents services publics, plutôt que de mettre l’accent sur l’État trop dépensier.

Certains à droite vous ont accusé de vouloir faire sortir les secrets fiscaux…

La commission a en effet des prérogatives propres sur les questions de secret fiscal, même si c’est encore peu utilisé. Mais il est hors de question pour moi, et je vous le dis d’autant plus volontiers qu’on a dit que j’allais fournir je ne sais quelle information à Mediapart [il rit], de créer un cabinet noir. Par contre, s’en servir pour amender, mettre au jour les problématiques d’optimisation fiscale qui sont plutôt de l’évasion fiscale, ça oui. 

Vous devenez, de fait, la principale figure parlementaire de l’opposition à Emmanuel Macron ?

Oui, c’est clairement le poste le plus politique de l’Assemblée, le plus important en réalité. Et cela montre que la gauche est la principale opposition au pouvoir. Par ailleurs, je tiens à ajouter que je suis fier qu’un profil comme le mien – j’ai eu mon bac en candidat libre et j’ai passé la majeure partie de ma vie à travailler et à militer – puisse accéder à un tel poste.

 publié le 30 juin 2022

Élie Domota

Eugénie Barbezat sur www.humanite.fr

Le leader syndical guadeloupéen a été intégralement relaxé, mardi 28 juin, au terme de son procès pour « violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique sans ITT » et « refus de se soumettre aux prélèvements obligatoires ». Ces accusations avaient été portées contre lui à la suite de son arrestation musclée, le 30 décembre, lors d’une manifestation contre le passe sanitaire et son obligation sur le rond-point de Petit-Pérou, aux Abymes. Selon ses avocats, qui ont également déposé plainte pour « violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique », le porte-parole du LKP (Collectif contre l’exploitation outrancière) a lui-même été victime de violences policières. « Élie Domota apparaît clairement ciblé par la maréchaussée, il tombe dans un véritable guet-apens, il est bousculé », a expliqué à l’Agence france presse Me Sarah Aristide, son avocate. Selon elle, l’homme de 54 ans, après avoir été aspergé de gaz lacrymogène en plein visage, jeté au sol et « humilié, arrêté arbitrairement », s’est vu « coincé dans une procédure, alors qu’il en était la victime ».

La décision du tribunal de Pointe-à-Pitre semble accréditer cette thèse en rejetant les réquisitions du ministère public qui, à l’audience, avait demandé la relaxe sur le refus « de se soumettre aux forces de l’ordre », mais réclamé une condamnation pour des « violences sans ITT » à l’endroit d’un militaire, tout en requérant une 3 000 euros d’amende, pour ce délit. Pour Me Vincent Brengarth, autre avocat du prévenu, il s’agit d’un « camouflet pour le parquet ». Et peut-être d’un pas vers la fin des procédures abusives destinées à masquer les agissements des forces de l’ordre.

publié le 29 juin 2022

Grèves autour des salaires : « un niveau de conflictualité jamais atteint »

Maïa Courtois sur https://rapportsdeforce.fr

Face à l’augmentation des prix de l’énergie, du carburant et de l’alimentaire, les grèves pour des augmentations de salaires se multiplient comme une traînée de poudre dans les entreprises. Depuis la rentrée 2021, ces conflits sociaux vont en s’intensifiant, allant jusqu’à toucher des secteurs entiers, comme dans le transport. Au point de devenir un mot d’ordre inter-professionnel ?

 Au sein de la SNCF, une nouvelle date de mobilisation pour les salaires est posée : ce sera le mercredi 6 juillet, partout en France, annoncent la CGT, Sud Rail et la CFDT. « Confrontés à une inflation croissante et à l’absence d’augmentation générale depuis 2014, les cheminots subissent un recul net et fort de leur pouvoir d’achat », rappellent les organisations syndicales dans leur communiqué commun. Elles demandent des mesures de rattrapage salarial pour absorber l’inflation, un report systématique de la hausse du SMIC sur l’ensemble de la grille, et une augmentation générale des salaires. Une demande de concertation immédiate sur ces questions avait été émise par ces syndicats, aux côtés de l’UNSA. Mais la direction « a refusé de recevoir les OS dans le cadre de cette démarche, en renvoyant les échanges à des réunions bilatérales en cours », selon elles.

Comme à la SNCF, toutes les grèves en cours dans les entreprises autour des salaires mentionnent l’inflation. Celle-ci devrait s’accélérer encore pour atteindre un taux de 6,8% en septembre, selon l’INSEE. L’augmentation des prix du carburant, de l’énergie et des produits de première nécessité devient difficilement soutenable pour des franges entières de travailleurs.

Depuis la rentrée de septembre 2021, des actions se multiplient donc pour dénoncer les salaires qui ne suivent pas. « On a un niveau de conflictualité sur les salaires jamais atteint auparavant » observe Boris Plazzi, secrétaire confédéral CGT. En charge de la question des salaires depuis une dizaine d’années, il assure : « je n’ai jamais vu ça, sur une période aussi longue ».

Ces luttes émergent dans des entreprises avec un fort écho dans leurs secteurs respectifs. Très souvent, la demande d’une augmentation de 300 euros sur le salaire mensuel revient dans les revendications. C’est le cas dans l’aéronautique, avec les deux sites de la commune de Figeac (Lot) : une grève illimitée au sein de Ratier ; et des débrayages réguliers chez Figeac Aéro. Ou encore, dans la commerce : une cinquantaine de grévistes ont débrayé au Chronodrive de Basso Cambo à Toulouse le 25 juin, revendiquant des augmentations salariales pour les travailleurs souvent jeunes et précaires de ce secteur. Un appel national a été lancé aux autres Chronodrive pour une nouvelle journée de grève le 9 juillet.

 Vers des grèves pour les salaires sectorielles ? 

 SNCF, commerces, chimie, métallurgie, aéronautique, agro-alimentaire, territoriaux… Une multitude de secteurs sont donc concernés par ces grèves autour des salaires depuis la fin 2021. Quelques évolutions sont à noter, pour comprendre la séquence actuelle de ce printemps 2022. D’abord, « les revendications ne sont plus forcément catégorielles. Il y a l’idée qu’il faut augmenter les salaires de tout le monde, de l’ouvrier au cadre en passant par le technicien. Et ça, c’est de plus en plus fort depuis septembre », analyse Boris Plazzi, à partir des recensements effectués par la coordination des luttes de la CGT.

Ensuite, les grèves sortent parfois des enceintes des entreprises pour s’ancrer dans des secteurs entiers. « C’est un phénomène un peu nouveau, mais encore assez marginal », temporise Boris Plazzi. « Faire converger des luttes au sein des filières, cela demande du temps », ajoute-t-il. Certains exemples récents témoignent de cette tendance, même timide.

Dans l’énergie, par exemple. D’abord, il y a eu cette grève chez Total le 24 juin, inédite parce qu’elle regroupait tous les syndicats CGT de toutes les filiales françaises de la multinationale. « En 20 ans je n’avais jamais vu ça. Nous voulons envoyer un signal fort dans les filiales et même au-delà : dans la sous-traitance », assurait Benjamin Tange, délégué syndical central CGT à la Raffinerie des Flandres, à Rapports de Force. À partir de ce mardi 28 juin, la Fédération des mines et de l’énergie (FNME) CGT lance une nouvelle journée de grève dans l’ensemble du secteur, à peine un mois après une première mobilisation unitaire.

L’aérien, exemple symptomatique

Dans les transports, également, cette tendance à une lutte sectorielle pour les salaires est claire. Ce lundi 27 juin, les routiers ont fait parler d’eux, dans une grève portée par une intersyndicale (FO, CGT, CFDT, CFTC et CGC). « L’ensemble de la branche transport et logistique est smicardisée, ça ne peut pas continuer comme ça » martelait Patrice Clos, de FO Transport, à nos confrères de France Info.

L’aérien, enfin, est peut-être l’exemple le plus symptomatique. RyanAir, EasyJet, et d’autres compagnies low cost sont parcourues par des grèves autour des salaires (et d’autres problématiques comme le manque de personnel) dans plusieurs pays d’Europe, dont la France. À l’aéroport de Roissy, après une grève le 9 juin, les syndicats annoncent une nouvelle journée de mobilisation le 1er juillet. Toujours autour d’une hausse de 300 euros des salaires, et toujours en intersyndicale. « Chez Roissy, les salariés des entreprises sous-traitantes sont très nombreux à se mettre en grève aux côtés des salariés des donneurs d’ordre. C’est intéressant et nouveau », insiste Boris Plazzi.

 135 branches non-conformes au SMIC

L’aérien, les transports, mais aussi les commerces, sont des secteurs « où les minimas de branche sont sous le SMIC. Donc ce n’est pas par hasard que ces grèves se multiplient », décrypte Luc Mathieu, secrétaire national de la CFDT.

Prenons le cas des routiers : les négociations annuelles obligatoires (NAO) d’octobre 2021 avaient débouché sur une revalorisation des grilles salariales de 6 %. Or, les revalorisations successives du SMIC indexé sur l’inflation – quatre fois entre 2021 et 2022 -, ont, depuis, fait passer les minima en dessous de celui-ci.

À ce jour, la CFDT recense 135 branches non-conformes au SMIC. « C’est particulièrement élevé », commente Luc Mathieu. Parmi les accords de branche étudiés par son syndicat, « seulement une trentaine contiennent des clauses de revoyure ». Ce qui repousse donc, pour tous les autres, d’éventuelles augmentations aux prochaines NAO.

Le gouvernement a présenté les contours d’un projet de loi sur le pouvoir d’achat. Les organisations syndicales ont reçu les documents vendredi dernier, et sont en train de les étudier de près. « Ces mesures vont dans le bon sens. La question c’est : est-ce que le curseur est au bon niveau ? Est-ce que ce sera suffisant ? » juge avec prudence Luc Mathieu. Le gouvernement recense, lui, 120 branches avec des non-conformités au SMIC. Parmi les mesures annoncées, l’article 5 présente « la fusion administrative des branches » comme une réponse à étudier face à ce problème. Le texte sera présenté en Conseil des ministres le 6 juillet.

 Une rentrée sous le signe de la conflictualité

Au vu de la conjoncture socio-économique, « la situation va être de plus en plus conflictuelle dans les entreprises », prédit Luc Mathieu. D’autres secteurs, plus propices à se faire entendre à la rentrée que durant l’été, pourraient se mettre en mouvement en septembre.

De quoi faire monter en puissance les journées interprofessionnelles ? Pas si certain. « Là où ça se mobilise vraiment, c’est dans les entreprises. Très proche des travailleurs, très concret. Je ne pense pas que ces grèves porteront davantage des journées interprofessionnelles un peu fourre-tout », juge Luc Mathieu.

« À la rentrée, on va essayer de planter un grand mouvement de mobilisation, en intersyndicale, pour faire converger les luttes actuelles et celles à venir autour des salaires » défend de son côté Boris Plazzi. Le tout en continuant de structurer les grèves à la base, au sein même des entreprises. Car lui aussi estime qu’il faut « partir des préoccupations quotidiennes des salariés, si on veut construire un mouvement profond et ancré dans le pays ».

 publié le 29 juin 2022

Ankara accusé de
crime de guerre
par le peuple kurde

Antoine Poncet sur www.humanite.fr

Les Kurdes, peuple sans patrie qui vit entre la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie, sont plus que jamais persécutés. Depuis le 17 avril, et sous prétexte d’assurer la sécurité à leurs frontières, les autorités turques tentent d’annexer le Kurdistan irakien. La région, contrôlée par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), est le théâtre de crimes de guerre. « Nous avons reçu des images terrifiantes, filmées par des soldats turcs. On les voit décapiter les guerriers kurdes à coups de hache, avec fierté », relate Agit Polat, porte-parole du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F), la voix teintée d’émotion.

Ces images effroyables ont été publiées sur les réseaux sociaux, mais restent méconnues du grand public. Il faut dire que les autorités turques mettent tout en œuvre pour désinformer et que la diplomatie occidentale ferme les yeux face à la barbarie. Dans la région kurde du Rojava, au nord et à l’est de la Syrie, la crainte d’une occupation turque plane également. À nouveau, le gouvernement d’Erdogan revendique une opération de sécurité après de multiples incursions. « Au Rojava, les Kurdes sont à l’origine d’un mouvement révolutionnaire qui est féministe, progressiste et, je le crois, anticapitaliste », souligne Jean-Paul Lecoq, député communiste et membre de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale.

Ce projet de démocratie provoque l’ire du président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui répond par une guerre réactionnaire. Le Rojava est, de fait, le siège d’une démocratie active, où l’ensemble des questions sont débattues par la population . « Erdogan dit que la place de la femme est à la maison. Il a peur des mouvements démocratiques progressistes », dénonce Khaled Issa, représentant des territoires kurdes du nord et de l’est de la Syrie. En outre, il relève la complaisance dont a fait preuve le président turc à l’égard des terroristes de Daech, qui partageaient également une frontière avec la Turquie. À l’époque, le mot « insécurité » ne faisait pas partie du vocabulaire de Recep Tayyip Erdogan. « Notre peuple continuera de se battre pour son territoire et pour ses valeurs, malgré le sentiment d’avoir été lâché par la communauté internationale, affirme Khaled Issa. La Finlande et la Suède partagent-elles vraiment les valeurs de la Turquie ? Je ne le crois pas. »

« une puissante arme juridique» pour Erdogan

Le représentant des Kurdes de Syrie fait référence à la signature d’un accord entre les deux pays nordiques et la Turquie, au début du sommet de l’Otan à Madrid, mardi (voir ci-contre). « Cet accord immonde bafoue les valeurs de l’humanité  !» tance, quant à lui, le porte-parole du CDK-F. À l’aune de la guerre en Ukraine, Ankara réaffirme sa force diplomatique en négociant l’adhésion de la Finlande et de la Suède en échange d’une coopération contre les combattants kurdes du PKK. « Recep Tayyip Erdogan a prouvé que le chantage fonctionne. En menaçant d’activer ses réseaux terroristes et en utilisant les réfugiés comme monnaie d’échange. Il s’est doté, avec cet accord, d’une puissante arme juridique », déplore Khaled Issa.

Face aux exactions dont sont victimes les Kurdes, la communauté internationale fait preuve d’un silence assourdissant. Pour l’écrivain goncourisé Patrice Franceschi, à l’origine de nombreuses missions humanitaires, notamment au Kurdistan, un « blocage intellectuel » perdure au sein des démocraties occidentales. « On confond l’agresseur avec l’agressé. Il ne faut pas oublier que l’actuel gouvernement turc est un ennemi pour nos démocraties », soutient l’écrivain. Il va jusqu’à qualifier le président turc de « Hitler du Bosphore », rappelant que « les résistants français étaient les ennemis, du point de vue de l’Allemagne nazie », pendant la Seconde Guerre mondiale.

Pour le député communiste Jean-Paul Lecoq, la France est dans une impasse, à l’heure où sa démocratie apparaît comme « une démocratie du business ». L’État turc est effectivement un grand acheteur d’armes, en particulier auprès d’entreprises françaises. La sécurité des Français, que les marchands d’armes disent garantir, est intimement liée à la question kurde. Ce peuple était érigé en héros de la lutte antiterroriste, dans un contexte d’attaques récurrentes en Europe de l’Ouest. « Si les Kurdes tombent, l’Europe tombe aussi. Les attentats repartiront de plus belle », alerte Agit Polat. Mais, dans un futur proche, les premières victimes collatérales de la politique d’Ankara seront sans doute les membres de la diaspora. Après la signature de l’accord controversé, les Kurdes de Suède et de Finlande pourraient subir la répression.

publié le 28 juin 2022

Mouvements sociaux :
une journée pour la défense du service public

par Lucas Sarafian sur www.politis.fr

Les secteurs de la santé, de l'énergie, de l'audiovisuel ou des transports se mobilisent pour demander des augmentations de salaire et défendre leur secteur.

Cette année, la rentrée sociale a lieu plus tôt que prévu. Les différentes mobilisations n'ont pas attendu septembre pour se réveiller. Et ce jour est plus que symbolique : avec sa première séance publique, l'Assemblée nationale inaugure la XVIe législature de la Ve République. Après la grève des routiers hier, les salariés de l'audiovisuel public, qui regroupe France Télévisions, Radio France, le groupe France Médias Monde, Arte ou l'Ina, sont en grève et manifesteront à Paris ce mardi 28 juin.

En cause : la suppression de la redevance audiovisuelle prévue dans le texte de loi sur le pouvoir d'achat qui devrait être présenté en conseil des ministres le 6 juillet au profit d'un budget courant sur plusieurs années. En plus de cette menace pour le financement et l'indépendance du secteur, les syndicats craignent une fusion de plusieurs entreprises de l'audiovisuel public depuis qu'un rapport sénatorial des Républicains publié le 8 juin a émis cette hypothèse entre France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Ina.

Dans le secteur de la santé aussi, on se mobilise. Les soignants du CHU de Bordeaux, l'un des plus importants de France, sont appelés à une grève illimitée. « Point d'indice gelé », « primes aléatoires », « manque de recrutement », « fermeture des services », « externalisation galopante », « rappel illégal sur repos et congés »... Les syndicats dénoncent des conditions de travail difficiles ; ils réclament des augmentations de salaires et des embauches urgentes dans un secteur qui peine à recruter. Dans cet hôpital, l'accès aux urgences est filtré à partir de 17 heures depuis la fin du mois de mai à cause d’un manque de bras.

Cette mobilisation s'inscrit dans la vague de grèves qui touche le secteur comme celles qui affectent CHU de Toulouse depuis plusieurs semaines, ou le CHU de Grenoble-Alpes, contraint de fonctionner en mode dégradé. Elle s’étend au domaine de la psychiatrie publique qui se met en grève aujourd'hui car, selon les syndicats, elle n'est plus « en capacité d'assumer les missions de services publics qui sont les nôtres ».

En parallèle aux négociations salariales avec l'employeur, c'est une journée de mobilisation pour le secteur de l'énergie. La Fédération nationale Mines-Energie de la CGT appelle à la grève et au blocage des infrastructures gazières pour défendre les salaires et le service public de l'énergie.

Au sein de la SNCF, une grève nationale est annoncé le 6 juillet, jour d'une rencontre entre les syndicats et la direction de l'entreprise, pour la défense des salaires et du pouvoir d'achat. Comme de nombreux salariés mobilisés depuis plusieurs jours, les syndicats pointent « l'absence d'augmentation générale depuis 2014 ». Signe que les mobilisations sociales ne sont pas prêtes de s'éteindre.

 publié le 28 juin 2022

Rapport du médiateur de Pôle emploi :
ces règles qui pourrissent
la vie des chômeurs

Cécile Hautefeuille sur www.mediapart.fr

Sanctions « de plus en plus sévères et disproportionnées », « aberrations » derrière certaines mesures gouvernementales ou encore préconisations restées lettre morte : le médiateur national de Pôle emploi publie son rapport 2021, sans masquer son agacement.

Ni complaisance ni pincettes. Depuis douze ans, Jean-Louis Walter, le médiateur national de Pôle emploi, détaille par le menu les sujets mobilisant ses services. Incisifs et sans concession, ses rapports annuels dressent le bilan des saisines et mettent en lumière les problématiques rencontrées par les demandeurs et demandeuses d’emploi afin de « signaler aux décideurs ces situations qui empoisonnent l’existence des usagers ».

Son rapport 2021 est présenté mardi 28 juin 2022 en conseil d’administration de Pôle emploi. Mediapart se l’est procuré avant sa publication. Après un bilan 2020 teinté de colère, ce nouveau document laisse entrevoir l’exaspération grandissante du médiateur.

Jean-Louis Walter regrette tour à tour des préconisations non suivies d’effet, des règles d’assurance-chômage toujours plus complexes et un ministère du travail parfois dépeint comme déconnecté de la réalité voire sourd aux alertes.

Le tout, souligne le médiateur, dans un contexte de « persistance de la crise sanitaire » et d’une « évolution marquée du nombre de situations de grande détresse pour les femmes et les hommes qui sont confrontés à la précarité et à la difficulté de se réinsérer dans le monde du travail ».

Il existe actuellement dix-huit médiatrices et médiateurs régionaux dont l’action est coordonnée par le médiateur national, agissant en toute indépendance. La médiation est saisie quand une personne inscrite à Pôle emploi souhaite contester la réponse reçue à une première réclamation, formulée auprès d’une agence ou d’un service de Pôle emploi.

En 2021, 34 924 demandes de médiation ont ainsi été adressées, partout en France. Un chiffre en légère hausse (+0,6 %) par rapport à 2020 qui avait connu une augmentation plus remarquable (+12 %).

Premier fait notoire : en atteignant désormais 11 % des saisines, « les demandes liées aux radiations (recherches d’emploi insuffisantes et absence à rendez-vous) doublent par rapport à 2019 », constate le médiateur, rappelant que ces procédures avaient été suspendues une partie de l’année 2020, en raison des confinements.

Des postures excessives, encouragées par la loi

Dans un paragraphe dédié aux « choses vues par les médiateurs régionaux », Jean-Louis Walter s’attarde sur ces radiations, « sujet inépuisable de controverses ». « Les médiateurs constatent que ces sanctions deviennent de plus en plus sévères, avec un usage fréquent des radiations de six mois et, surtout, suppression définitive du revenu de remplacement », écrit-il, ajoutant que « certaines de ces sanctions semblent véritablement disproportionnées, tant dans leur gravité que dans leurs conséquences ».

Évoquant à nouveau le faible pourcentage des saisines sur le sujet (11 %), il insiste : « Plutôt que leur fréquence, c’est donc bien leur inadéquation qui les fait remarquer. »

Depuis 2013, le médiateur national de Pôle emploi plaide ardemment pour « une gradation des sanctions » et l’instauration d’un « sursis », au premier manquement aux obligations. Dans son rapport 2021, il s’en prend donc au décret de décembre 2018 qui a produit l’effet contraire : il a durci les sanctions, au lieu de les faire évoluer, par paliers.

« Dans les faits, plutôt que d’assouplir, [la loi] a rigidifié les pratiques, en les enfermant dans un barème plus sévère encore et en fournissant une légitimité nouvelle aux postures excessives », déplore Jean-Louis Walter.

Dans ses préconisations, il indique que les décisions de radiation « doivent prendre en compte la situation spécifique de la personne, pour appliquer ou non une sanction juste, fondée sur des faits et non sur l’application mécanique d’un barème », et rappelle que les radiations « sont lourdes de conséquences lorsqu’elles privent les intéressés du revenu de remplacement et d’un accompagnement au retour à l’emploi ».

Non sans agacement, je suis le témoin de toutes sortes d’interventions désordonnées sur des sujets sur lesquels nous avons alerté.

Toujours au chapitre des sanctions, le médiateur évoque brièvement le contrôle de la recherche d’emploi, intensifié en 2022, selon la volonté d’Emmanuel Macron. Au premier semestre, Pôle emploi était censé mener 25 % de contrôles supplémentaires. Objectif : 500 000 contrôles cette année. « Les demandes de médiation portent rarement sur le contrôle de la recherche d’emploi, souligne Jean-Louis Walter, ce qui tendrait à prouver que celui-ci est bien ciblé et que ses conclusions ne sont pas excessives. »

En revanche, comme les années précédentes, ce sont les demandes concernant l’indemnisation qui mobilisent le plus les services du médiateur. « Volet important de la vie des demandeurs d’emploi et des missions de Pôle emploi », elles concernent 53 % des saisines de l’année 2021. « Les changements incessants de la règlementation de l’assurance-chômage et la non-prise en compte de nos préconisations y sont pour quelque chose », regrette sèchement Jean-Louis Walter.

Le médiateur ne cache pas son irritation et dénonce une forme d’inertie face à des recommandations maintes fois répétées. « Malheureusement, notre travail n’est pas toujours apprécié à sa juste valeur. Non sans agacement, je suis le témoin de toutes sortes d’interventions désordonnées sur des sujets sur lesquels nous avons alerté et formulé des préconisations », écrit-il d’ailleurs en préambule. Et ajoute : « Force est de constater que l’année passée n’a pas changé grand-chose et que les mêmes maux et sigles continuent d’émailler les demandes de médiation. »

Dans sa ligne de mire, ce qu’il appelle « les oursins de service », sur lesquels Jean-Louis Walter a le sentiment de s’être attardé à maintes reprises, en vain. Il cite en exemple les périodes de travail non déclarées (en l’absence d’indemnisation, donc sans volonté de fraude), la demande de réexamen expresse (pour les personnes ayant épuisé leurs droits et attendant une ouverture de nouveaux droits) ou encore le délai de déchéance (pour les périodes de maladie, de maternité et de formation des demandeurs d’emploi).

L’effet collatéral d’une mesure gouvernementale 

Autant de sujets évoqués, parfois depuis de nombreuses années, et sur lesquels le médiateur continue désespérément de buter. Ses préconisations restent lettre morte mais les demandes de médiation, elles, continuent de parvenir aux médiatrices et médiateurs.

De nouvelles saisines, dont le médiateur se serait volontiers passé, viennent également s’ajouter à la liste. Jean-Louis Walter consacre ainsi sept longues pages à « l’allongement de la période d’affiliation », décidé par le gouvernement à la suite de la crise du Covid. Mediapart avait révélé, en janvier 2022, l’existence de cet « effet de bord » d’une mesure censée protéger les demandeurs d’emploi mais qui pouvait, dans certains cas, se retourner contre eux. Et faire baisser, parfois drastiquement, leur allocation-chômage mensuelle.

Annexée à la réforme de l’assurance-chômage, cette mesure entend compenser onze mois de confinements et de couvre-feux en 2020 et 2021, en allongeant automatiquement la fameuse période d’affiliation (PRA). Pour le dire plus simplement, Pôle emploi va chercher, plus loin dans le passé professionnel, des emplois et des salaires pour compenser l’éventuelle inactivité de ces onze mois. Or ce mécanisme pénalise des personnes non concernées par les confinements et qui gagnaient moins bien leur vie dans le passé.

En début d’année 2022, Jean-Louis Walter avait confié à Mediapart son exaspération face à cette règle, appliquée à toutes et tous, sans aucune distinction. Dans son rapport 2021, il ne manque pas d’épingler la mesure « louable dans ses intentions » mais très mal menée en haut lieu. Selon lui, Pôle emploi a « dès le départ identifié cet effet collatéral » et alerté la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), placée sous la tutelle du ministère du travail.

Complexité administrative et réglementaire 

« Mais cette alerte n’a pas abouti à des ajustements », constate le médiateur qui a récupéré la patate chaude et été contraint de traiter les réclamations, au cas par cas. « Au 15 mai 2022, les médiateurs régionaux ont reçu au total 1 654 demandes de médiation [sur le sujet] », détaille le rapport. « Dans certaines régions, cela représente aujourd’hui 50 % de la charge de travail […] l’examen de ces situations est très chronophage et usant pour les agences comme pour les médiateurs », développe-t-il encore.

« La logique, conclut Jean-Louis Walter, eût été d’appliquer normalement les nouvelles règles de l’assurance-chômage puis de recourir, dans un second temps, à la mesure d’allongement exceptionnel de la PRA, dans les situations qui le nécessitent et sur demande des demandeurs d’emploi auprès de leur agence. C’était le principe et l’esprit de la mesure exceptionnelle. »

Une autre mesure gouvernementale a donné du fil à retordre aux services chargés de la médiation à Pôle emploi. Il s’agit de la prime destinée aux travailleurs et travailleuses précaires, annoncée dès la fin 2020. Versée sous des conditions très précises, elle devait garantir un revenu minimum de 900 euros par mois aux personnes n’ayant pas retrouvé un niveau d’activité suffisant du fait de la crise sanitaire.

Quelques mois plus tard, c’était la pagaille : primes versées à tort ou refusées à des bénéficiaires pensant y avoir droit, cette aide d’urgence a conduit à des réclamations puis des médiations. Là encore, Jean-Louis Walter déplore une mesure qui manquait de recul et de logique. Pour bénéficier de cette prime, il fallait notamment justifier d’une durée d’activité salariée d’au moins 138 jours entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019.

« Cette condition simple se complique par le fait que l’on raisonne en jours travaillés (5 jours par semaine) » sans tenir compte « du nombre d’heures travaillées dans la journée », écrit le médiateur. « Or, les potentiels bénéficiaires de cette aide travaillent très souvent dans des secteurs dans lesquels l’intensité horaire journalière est élevée : hôtellerie, restauration, par exemple. Il en résulte que certains [...] se voient refuser l’aide, alors que si une conversion en jour de leur nombre d’heures travaillées était appliquée, ils rempliraient les conditions d’éligibilité. »

Si les demandes de médiation « se sont atténuées d’elles-mêmes avec la reprise de l’activité économique », Jean-Louis Walter ne retient pas aujourd’hui sa critique. Il dépeint une mesure « si généreuse et louable qu’elle soit », assortie de règles d’attribution ne tenant « pas compte de la réalité du marché du travail ».

Comme chaque année, le médiateur s’attarde et alerte sur le sort des demandeurs et demandeuses d’emploi pour qui le service rendu peut, et doit, toujours être amélioré. Mais comme chaque année, il réserve aussi quelques mots aux conseillères et conseillers de Pôle emploi, à qui il rend hommage « malgré la rudesse des situations », décrites dans ses rapports « sans complaisance ».

À leur sujet, il salue, au pied de son avant-propos, des femmes et des hommes qui « se débattent au quotidien, pour trouver des solutions dans les méandres de la complexité administrative et règlementaire sans nom qui est imposée à l’institution ».

 publié le 27 juin 2022

IVG : les réacs décomplexés

par Pierre Jacquemain

L’abrogation du droit à l’IVG aux États-Unis suscite de très nombreuses réactions en France pour dénoncer le recul des droits des femmes.

  La vidéo : https://youtu.be/Xfvn6FUMvRg

L’abrogation du droit à l’IVG aux États-Unis suscite de très nombreuses réactions en France pour dénoncer le recul des droits des femmes. La Nupes et Ensemble ont d’ailleurs décidé de présenter un projet de loi pour inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution française. Alors qu’on imaginait cette proposition faire l’objet d’un large consensus – et même si l’on peut s’étonner du revirement soudain de la majorité présidentielle qui avait refusé une proposition de loi similaire venue de la gauche lors du quinquennat précédent – en réalité, l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution est loin de faire l’unanimité.

D’abord, interrogeons-nous : qu’est-ce qu’une inscription dans la Constitution changerait ? En réalité pas grand-chose. Le geste est surtout symbolique. L’inscription de l’IVG dans la Constitution enverrait un signal fort au monde entier et sécuriserait un petit peu plus ce droit. Je dis un petit peu plus parce que ce que l’on inscrit dans la Constitution – soit par référendum soit par vote des 3/5ème du Congrès, c’est-à-dire la réunion de l’Assemblée nationale et du Sénat – peut aussi être désinscrit et retiré par d’autres. Par ailleurs, si notre Constitution est évidemment un texte majeur est-il pour autant contraignant ? Regardez… La Charte de l’Environnement est un texte de valeur Constitutionnelle depuis que Jacques Chirac l’a intégrée dans le bloc de constitutionnalité du droit français en 2005. Les droits et devoirs consacrés dans cette Charte sont-ils pour autant respectés ? Hélas, non.

Alors l’inscription du droit à l’IVG est-elle une fausse bonne idée ? Non. C’est une arme symbolique. Un signal fort qui va dans le bon sens. On aimerait toutefois que le gouvernement accompagne cette décision de mesures concrètes et complémentaires, comme un soutien financier plus massif au planning familial par exemple. On aimerait aussi que le signal – aussi symbolique soit-il – ne soit pas contrarié par des décisions contradictoires : à cet égard, l’élection à la présidence du Parlement européen de la maltaise Roberta Metsola, connue pour ses positions anti-avortement, fait particulièrement tâche. D’autant plus tâche qu’elle a été soutenue par le groupe européen de la majorité présidentielle. De même, l’inaction de l’Union européenne face à l’un de ses Etats membres, la Pologne, qui restreint le droit à l’IVG, apparait de ce point de vue parfaitement incohérente.

Un débat va donc avoir lieu en France et Emmanuel Macron pourrait bien trouver sa toute première majorité. Celle qu’il peine à réunir depuis le résultat des législatives. Et si ses amis manquent d’enthousiasme sur ce texte, François Bayrou a d’ores et déjà fait savoir son désaccord, c’est la gauche qui pourrait redonner le sourire au président. Marine Le Pen, un peu embarrassée s’est contentée d’un : « Pourquoi pas ». Si elle votait pour, pas sûr qu’elle soit suivie par ses députés dont plusieurs sont proches des mouvements anti-IVG, à commencer par le député Christophe Bentz qui avait comparé l’avortement à un "génocide de masse". Glaçant !

Parce que c’est sans doute l’effet pervers de cette juste décision. Le retour des réacs. La loi sur le mariage pour tous avait fait émerger le mouvement de la Manif pour tous qui avait largement gâché la fête qu’avait pourtant suscitée la grande réforme portée par Christiane Taubira et ses nouveaux droits consacrés. « C’est la plus grande victoire du siècle pour la vie », a tweeté l’ancienne ministre de la famille Christine Boutin après la décision américaine. Pas de doute, les réacs sont de sortie. Et pas les moins cintrés.

 publié le 27 juin 2022

37 morts aux frontières européennes : L’accord Espagne-Maroc sur l’immigration tue !

par ATTAC/CADTM Maroc sur http://cadtm.org

Les tragiques évènements du 24 juin 2022 sur le frontière entre Nador et Melilla au Maroc rappellent, avec violence, l’échec des politiques migratoires sécuritaires.

Les 37 morts et les centaines de blessés du côté des migrants comme ceux du côté des forces d’ordre marocaines sont le tragique symbole de politiques européennes d’externalisation des frontières de l’Union européenne (UE), avec la complicité d’un pays du Sud, le Maroc. La mort de ces jeunes africains sur les frontières de la « forteresse européenne » alerte sur la nature mortifère de la coopération sécuritaire en matière d’immigration entre le Maroc et l’Espagne.

Les prémisses du drame de ce vendredi 24 juin ont été annoncés depuis plusieurs semaines. Les campagnes d’arrestations, de ratissages des campements, de déplacements forcés visant les personnes en migration à Nador et sa région étaient annonciatrices de ce drame écrit d’avance. La reprise de la coopération sécuritaire dans le domaine des migrations entre le Maroc et l’Espagne, en mars 2022, a eu pour conséquence directe la multiplication des actions coordonnées entre les deux pays.

Ces mesures sont marquées par des violations des droits humains des personnes en migration au nord (Nador, Tétouan et Tanger) comme au sud du Maroc (Laâyoune, Dakhla). Le drame de cette triste journée est la conséquence d’une pression planifiée contre les personnes exilées.

Depuis plus d’un an et demi, les personnes en migration à Nador sont privées d’accès aux médicaments, aux soins, voient leurs campements brûlés et leurs biens spoliés, leurs maigres denrées alimentaires détruits et même le peu d’eau potable qui est à leur disposition dans les campements, il est confisqué.

Ces expéditions punitives ont abouti à une spirale de violence des deux côtés. Une violence condamnable quel que soit ses origines, mais tout en rappelant la violence systémique que subissent les migrants à Nador depuis des années de la part des forces de l’ordre espagnoles comme marocaines. Des pratiques condamnées à de multiples reprises par des instances nationales, régionales et onusiennes.

Face à ce nouveau drame aux frontières, et compte tenu de l’ampleur du bilan humain qui sera amené, hélas, à être revu à la hausse, les organisations signataires de ce communiqué annonce ce qui suit :

Communiqué des ONG

Nous exprimons nos vives condoléances aux familles des victimes, parmi les migrants comme dans les rangs des forces de l’ordre.

Nous condamnons l’absence de prise en charge rapide des migrants blessés, qui a alourdit ce bilan. Nous exigeons qu’une prise en charge sanitaire adéquate et de qualité soit accordée à toutes les personnes hospitalisées à la suite de ce drame.

Nous exigeons que les autorités marocaines procèdent à l’identification et à la restitution des dépouilles des victimes à leurs familles, en collaboration avec les communautés des migrants.

Nous exigeons l’ouverture immédiate d’une enquête judiciaire indépendante du côté marocain comme espagnol, ainsi qu’au niveau international pour faire toute la lumière sur ce drame humain.

Nous exigeons la fin des politiques criminelles financées par l’Union européenne et ses nombreux complices, les Etats, certaines organisations internationales et plusieurs organisations de la société civile qui assurent la sous-traitance de ces politiques criminelles.

Nous appelons les représentations diplomatiques des pays africains, présentes au Maroc d’assumer pleinement leurs responsabilités en matière de protection de leurs ressortissants, au lieu d’être complices des politiques en cours.

Nous appelons les organisations et les mouvements de défense de droits humains et de défense des droits des personnes en migration à se mobiliser dans ce moment critique où le droit de la vie est plus que jamais est danger.

Le 25 juin 2022, Rabat.

SIGNATAIRES :

  • La Plateforme des Associations et Communautés Subsahariennes au Maroc (P. ASCOMS)

  • Caminando Fronteras

  • ATTAC CADTM Maroc

  • Association d’aide aux migrants en situation de vulnérabilité- Maroc (AMSV)

  • AMDH/ L’Association Marocaine des Droits Humains

 

 

 

 

 

Drame de Melilla: l’Union africaine demande une enquête, réunion du Conseil de sécurité de l’ONU

Par Agence France-Presse paru sur www.mediapart.fr

À l’initiative du Kenya, du Gabon et du Ghana, pays membres non permanents africains du Conseil de sécurité, le Conseil de sécurité tiendra lundi 27 une réunion à huis clos sur la répression violente des migrants vendredi.

Le chef de la Commission de l’Union africaine (UA), le Tchadien Moussa Faki Mahamat, a dénoncé « le traitement violent et dégradant de migrants africains » vendredi lors d’une tentative d’entrée massive dans l’enclave espagnole de Melilla et réclamé une enquête sur ce drame, qui devait faire l’objet lundi d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU.

« J’exprime ma profonde émotion et mon inquiétude face au traitement violent et dégradant de migrants africains cherchant à traverser une frontière internationale entre le Maroc et l’Espagne », a tweeté dimanche soir Moussa Faki.

« J’appelle à une enquête immédiate sur cette affaire et rappelle à tous les pays leurs obligations, aux termes de la loi internationale, à traiter tous les migrants avec dignité et à faire porter leur priorité sur leur sécurité et leurs droits humains, tout en réfrénant tout usage excessif de la force », a ajouté le chef de la commission de l’UA.

Dans un tweet, l’ambassadeur du Kenya à l’ONU, Martin Kimani, a annoncé qu’à l’initiative de son pays, du Gabon et du Ghana, les deux autres pays membres non permanents africains du Conseil de sécurité, le Conseil de sécurité tiendrait en fin de journée une réunion à huis clos sur la répression violente des migrants vendredi.

La session portera sur « la violence meurtrière à laquelle sont confrontés les migrants africains entrant » dans l’enclave espagnole de Melilla en territoire marocain, a précisé le diplomate kényan. « Les migrants sont des migrants: qu’ils viennent d’Afrique ou d’Europe, ils ne méritent pas d’être ainsi brutalisés », a souligné Martin Kimani.

Interrogé lors de son point-presse quotidien sur le drame survenu vendredi, le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, s’est borné à déclaré que l’ONU « déplorait cet évènement tragique et la perte de vies » qu’il a suscité.

L’Espagne avait au préalable salué lundi la « collaboration » de Rabat « dans la défense de (ses) frontières », alors que de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer une enquête sur les décès des migrants.

Au moins 23 migrants ont péri et 140 policiers ont été blessés, selon les autorités marocaines, lors d’une tentative d’entrée de quelque 2.000 migrants dans l’enclave espagnole de Melilla, en territoire marocain.

Ce bilan est le plus meurtrier jamais enregistré lors des nombreuses tentatives de migrants subsahariens de pénétrer à Melilla et dans l’enclave espagnole voisine de Ceuta, les seules frontières terrestres de l’Union européenne avec le continent africain.

publié le 26 juin 2022

Chez Total : grève inédite de l’ensemble des syndicats CGT

Guillaume Bernard sur https://rapportsdeforce.fr/

Ce 24 juin, tous les syndicats CGT des entreprises du groupe TotalEnergies appellent à la grève pour exiger des augmentations de salaire. Un appel inédit puisque, dans ce groupe qui compte plus de 200 filiales en France, ces syndicats entrent habituellement en conflit en ordre dispersé.

 Les luttes dans les raffineries ? On connaît. On en a parfois une image claire : celle d’ouvriers tenant un piquet de grève au bas de colossales structures métalliques. On sait aussi que leur détermination et leur capacité à tenir un mouvement dans la durée effraient souvent le patronat et les pouvoirs publics lors des grands conflits sociaux.

Mais au sein du groupe TotalEnergies – communément appelé Total – les raffineries ne sont que la face émergée de l’iceberg. La multinationale emploie 35 000 salariés en France et possède 200 filiales dans le pays. Parmi elles : la SAFT, spécialisée dans la conception de batteries à usage industriel, Hutchinson connue pour ses pneus ou encore Argedis, qui gère les stations services.

Lorsque les désaccords surviennent avec leurs directions, ces diverses filiales entrent habituellement en conflit en ordre dispersé. Mais ce 24 juin, la coordination des syndicats CGT de Total, qui regroupe l’ensemble des syndicats CGT du groupe, filiales comprises, appelle à une journée de grève. La décision a été prise le 9 juin, soit une semaine avant les élections professionnelles. « En 20 ans je n’avais jamais vu ça. Nous voulons envoyer un signal fort dans les filiales et même au-delà : dans la sous-traitance », assure Benjamin Tange, délégué syndical central CGT à la Raffinerie des Flandres. La journée

 Une grève pour l’augmentation des salaires

La cause de la grève, comme bien souvent en cette période, c’est la question des augmentations de salaires. Pour les salariés du groupe Total, les dernières négociations annuelles obligatoires (NAO) remontent à janvier 2022. L’accord entre les syndicats et les dirigeants du groupe s’était alors conclu sur 2,35 % d’augmentation générale des salaires, avec un plancher de 1000 € annuels brut.

Mais l’inflation, elle, ne s’est pas arrêtée en janvier. « 2,35% d’augmentation, ce n’est clairement pas assez. Vu l’inflation actuelle, il faudrait que nos salaires augmentent de 5,2% sur un an rien que pour ne pas perdre de pouvoir d’achat », explique Benjamin Tange de la CGT, se fiant à la dernière estimation de l’inflation calculée par l’INSEE.

Les syndicat de la coordination CGT Total exigent donc que les salaires soient réhaussés à minima de 5,2%. Ils rappellent également deux exigences. Celle de leur confédération : un SMIC à 2000€ brut. Et celle du syndicat des avitailleurs – travailleurs ravitaillant les avions en kérozène – déjà en grève à l’aéroport de Roissy et affiliés à Total, qui exigent 300€ d’augmentation de salaire.

 S’appuyer sur les luttes dans les filiales

 C’est dans ce contexte que l’appel à la grève dans les filiales françaises de la multinationale prend tout son sens. En effet, ces entreprises concentrent les salariés les plus mal payés. A la SAFT, les ouvriers, qui travaillent en 2×8, « touchent en moyenne 1500 euros net ». Chez Argedis : « 80% des salariés touchent 1350€ net en travaillant dimanche et jours fériés », rappelle le communiqué de presse de la coordination des syndicats CGT du groupe Total.

Le mouvement du 24 juin peut aussi s’appuyer sur des luttes déjà existantes dans ces filiales. Chez Hutchinson, dans les usines où la CGT est majoritaire, comme à Segré (Maine-et-Loire), des « Vendredis de la colère » sont organisés pour exiger des augmentations de salaire. Des débrayages de 30 minutes à 2 heures chaque vendredi ont lieu sur site depuis novembre 2021.

Quel sera le résultat de cette première initiative collective des syndicats CGT de Total ?  Difficile à dire pour l’instant : « Le 24 sera une première date. Ce jour-là on va se compter et voir quelle suite on donne au mouvement », programme Benjamin Tange. Les élections profe

 Une goûte d’eau au vu des bénéfices

 « Augmenter de 300 € brut tous les salariés de Total en France coûte 200 millions à Total. », chiffre Benjamin Tange. L’équivalent de quelques pièces jaunes dans le portefeuille de la multinationale, car elle cumule 4,1 milliards d’euros de bénéfices net au premier trimestre 2022 et aurait même atteint les 9 milliards de bénéfices si elle n’avait pas souffert de 4,9 milliards d’euros de dépréciation d’actifs , liés à la guerre en Ukraine. Total a également reversé 9 milliards d’euros de dividendes aux actionnaires en 2021. La CGT n’oublie pas non plus de rappeler que Patrick Pouyanné, PDG de Total, a augmenté de 52% la part variable de son salaire entre 2020 et 2022. TotalEnergies lui a ainsi versé 5,9 millions d’euros cette année, au titre de 2021.

52% d’augmentation…soit pile poil 10 fois plus que ce que les salariés de Total demandent pour que leurs payes puissent suivre l’inflation (5,2%). C’est bien sur ce sujet que la CGT prévoit d’interpeller le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, le 22 juin, lors d’un comité de groupe européen.

publié le 26 juin 2022

Agro-alimentaire : derrière les scandales sanitaires, une organisation du travail dégradée

Maïa Courtois sur https://rapportsdeforce.fr/

Bactérie E.coli dans les pizzas Buitoni de Nestlé, salmonelle dans les chocolats Kinder de Ferrero…. Les scandales sanitaires de ces dernières années concernent des géants de l’agro-alimentaire. Dans une table ronde le 21 juin, divers responsables de la CGT ont rappelé la responsabilité des employeurs dans la sécurité alimentaire. Selon eux, une dégradation progressive de l’organisation du travail, guidée par la recherche d’une meilleure rentabilité, se fait au détriment tant de la santé des travailleurs que de celle des consommateurs. 

Depuis le mois d’avril, le grand public découvre l’ampleur des révélations sur la bactérie E.coli dans les pizzas Buitoni, propriété du groupe Nestlé. Dans la foulée des premiers épisodes de l’affaire, la fédération nationale agro-alimentaire et forestière (FNAF) de la CGT a écrit aux employeurs du secteur, regroupés dans l’association nationale des industries agroalimentaires. « Nous avons pointé ces scandales sanitaires, et dénoncé la recherche de profit effrénée qui scie la branche sur laquelle on est assis, avec un manque grandissant de confiance des consommateurs », retrace Julien Huck, secrétaire général de la FNAF. À cette heure, ce courrier n’a pas reçu de réponse.

Les causes de ces récents scandales « sont à chercher dans les volontés patronales de réduction des coûts », expose Julien Huck lors d’une conférence de presse sur le sujet, le 21 juin. Dans l’agro-alimentaire, la qualité des aliments produits et les conditions de travail des ouvriers sont étroitement liées. Or, ces conditions de travail se résument souvent à un triptyque : « faiblesse des salaires, non-reconnaissance des qualifications, et pénibilité du travail ».

Ces scandales s’inscrivent en fait dans un vaste changement d’organisation du travail en cours dans le secteur. À savoir, le déploiement de la méthode du lean manufacturing. Cette méthode, inspirée du Japon mais repensée aux Etats-Unis, vise la réduction maximale des temps morts sur une ligne de production… Et la réduction du personnel. En France, elle s’est installée en premier lieu dans le secteur de l’automobile. « On en a beaucoup parlé avec France Telecom », rappelle aussi Maryse Treton, secrétaire fédérale de la FNAF CGT. Dans l’agro-alimentaire, elle est mise en oeuvre depuis près de dix ans. Avec un « problème supplémentaire : dans notre secteur, on travaille du vivant… », souligne la responsable syndicale.

« La recherche de rentabilité financière n’est pas compatible avec la sécurité alimentaire »

Au niveau des conditions de travail, cette méthode a « rogné sur les garanties sociales », estime Maryse Treton. Dans le secteur, la précarité des travailleurs reste très importante. On compte en moyenne « 25 % de salariés précaires, avec des pics à 50 % dans certaines branches, comme chez Nestlé-Lactalis », présente la secrétaire fédérale.

Avec le lean, la polyvalence est devenu le maître mot des responsables des ressources humaines et des cadres du secteur. Des métiers très spécialisés, comme les hygiénistes chargés du nettoyage, disparaissent. Conséquence : l’augmentation de « la responsabilité et la charge mentale que portent les ouvriers », observe Gaëtan Mazin, salarié depuis 20 ans dans l’industrie laitière, et syndiqué CGT. « Ceux qui partent en retraite sont remplacés par des intérimaires. On retrouve parfois, sur des lignes à responsabilité, des intérimaires qui forment des intérimaires… »

Moins de formation, donc, et moins de capacités d’auto-contrôle. Le lean, « c’est une organisation du travail rigide. Les salariés doivent se débrouiller pour bien faire leur travail, avec des consignes qui ne leur permettent pas de le faire », résume Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT. Sauf qu’en cas de problème sur la chaîne de production, la responsabilité retombe vite sur le salarié. De nombreux licenciements pour faute découlent de cette nouvelle organisation, estime le secrétaire général de la CGT.

Autre conséquence, bien sûr, la multiplication des scandales sanitaires. « La recherche de rentabilité financière n’est pas compatible avec la sécurité alimentaire », synthétise Maryse Treton. Et puis, la CGT constate une dernière conséquence, « plus perverse. Celle qui consiste à dire aux salariés : « vous voyez, vous ne savez plus faire votre boulot, on a pas les compétences… Donc, on va externaliser » », pointe Philippe Martinez.

 Réduction du temps de nettoyage

 À Buitoni, au sein du groupe Nestlé, les postes d’hygiénistes chargés du nettoyage la nuit ont été supprimés. C’est le cas partout ailleurs. La réorganisation du travail en cours rogne sur le temps de nettoyage, ainsi que sur les effectifs de salariés spécialisés sur cette compétence. Auparavant, on comptait dans les usines « deux équipes de production, une le matin et une l’après-midi. La nuit, c’était le temps du nettoyage de l’outil de production », raconte Maryse Treton.

Désormais, les hygiénistes, spécialement formés à cette tâche qui requiert un savoir-faire particulier, « ont été remplacés par les ouvriers de production, plus ou moins formés au nettoyage ; voire par des intérimaires », explique la responsable syndicale.

Les temps de nettoyage ont également fortement diminué. Le groupe Lactalis-Nestlé est un exemple en la matière. « Avant, on était sur 16h de production, pour 8h de nettoyage par les hygiénistes. Aujourd’hui, on est sur 27 heures de production, pour 5 heures de nettoyage », détaille Maryse Treton.

Le lien avec les derniers scandales sanitaires est direct, selon les syndicalistes. « Partout, c’est la réduction des temps dits improductifs. Le nettoyage est considéré comme tel, alors que c’est ce qui permet la sécurité alimentaire », fustige Julien Huck.

 Un auto-contrôle insuffisant

 Face à cette dégradation du cadre de travail, les signalements sont difficiles à porter. La disparition des comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) due aux ordonnances de l’ex-ministre du Travail Muriel Pénicaud en 2017 – par ailleurs ancienne dirigeante du géant de l’agro-alimentaire Danone – a de lourdes conséquences.

Reste les procédures d’auto-contrôle, très courantes dans l’agro-alimentaire. Celles-ci visent à vérifier le respect d’un certain nombre de normes, dans le cadre des processus de certification des produits. Des organismes privés sont en charge de ces contrôles de certification. Ils se déroulent « environ une fois par an. Un mois avant le contrôle, il y a un pré-audit, qui permet de faire des correctifs. On passe alors les audits avec succès. Mais dès le lendemain de la certification, le quotidien reprend son cours… » décrit Gaëtan Mazin, le salarié de l’industrie laitière.

Pas de quoi faire réellement avancer la sécurité des travailleurs et la qualité des aliments produits, selon lui. Pendant ce temps, en revanche, « ces organismes privés de contrôle se font un maximum d’argent », glisse-t-il.

 

 

 

La répression des fraudes déplumée

Marie Toulgoat sur www.humanite.fr

Sécurité Le transfert du contrôle des aliments au ministère de l’Agriculture fait craindre aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes une disparition de leurs compétences et une multiplication des scandales sanitaires.

La réforme a été actée à bas bruit, sans que les agents aient été informés. En juin, un décret déléguant aux services du ministère de l’Agriculture les missions de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments a été publié. Jusqu’à présent partagées avec les agents de la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), ces compétences seront bientôt gérées par une « police unique » . « C’est le scandale Lactalis (lait infantile contaminé aux salmonelles – NDLR) et le rapport de la commission d’enquête parlementaire qui ont précipité cette décision, en tranchant que la répartition des tâches n’était pas claire. C’est peut-être le cas en haut, mais ça fonctionne pourtant très bien sur le terrain », regrette David Sironneau, enquêteur et cosecrétaire de Solidaires CCRF et SCL (service commun des laboratoires).

Si le projet de transfert des missions prend racine dans de récents scandales sanitaires (des aliments des marques Buitoni et Kinder contaminés à la bactérie E. coli et à la salmonelle), la création d’une police unique n’est pas la solution, assurent les agents de la répression des fraudes. En premier lieu car le déplacement des compétences de contrôle et d‘analyse fait craindre aux professionnels de la DGCCRF une privatisation prochaine de ces missions. « Le ministère de l’Agriculture fonctionne avec énormément de délégations de service public, ce sera quasiment acté que les missions de sécurité sanitaire des aliments passeront aussi dans le privé », redoute Roland Girerd, cosecrétaire général de Solidaires CCRF et SCL. Ce sont en particulier les onze laboratoires chargés des analyses des échantillons alimentaires qui cristallisent les inquiétudes. Ce réseau de laboratoires publics dépendant de Bercy pourrait être délaissé au profit d’officines privées, signant la mort d’un service public précieux et d’une expertise rare. « Le SCL a pourtant prouvé lors du scandale Buitoni sa grande utilité. Il s’agit d’experts facilement mobilisables qui font preuve d’une grande technicité et qui accompagnent les agents sur le terrain. Il y a une nécessité pour l’État de conserver des laboratoires qui puissent être proactifs pour déceler ces problèmes », explique David Sironneau.

L’État prend-il le risque de laisser de futurs scandales sanitaires se dérouler ? Il s’expose en tout cas à affaiblir les capacités de découverte de fraudes économiques, préviennent les agents de la DGCCRF, réunis mercredi devant le ministère de l’Économie et des Finances, dont ils dépendent, pour faire entendre leur voix. Hélène, employée d’une direction départementale de la protection des populations (DDPP) présente au rassemblement, craint de se voir déposséder d’une partie de ses outils d’inspection par la création de cette instance unique de contrôle. « Je fais certes partie d’une police économique, mais les grandes fraudes commencent souvent par des manquements aux contrôles sanitaires. On va nous couper d’une part importante des informations dont on dispose aujourd’hui », explique-t-elle. David Sironneau confirme. « L’intégralité des fraudes, même sanitaires, est économique. Dans le cas de Kinder ou Buitoni, arrêter la production à la découverte de la contamination aurait coûté trop cher à l’entreprise. Or, c’est notre métier de comprendre cela, nous décelons les problèmes sanitaires mais nous savons également analyser le marché », précise-t-il.

Vente à la découpe

Le projet de création d’une police unique en charge de la sécurité des aliments s’accompagnera par ailleurs d’un transfert de 60 postes de la DGCCRF vers le ministère de l’Agriculture. La direction de l’administration a promis qu’aucun départ ne serait contraint. « Déplacer les agents au gré des scandales médiatisés ne règle pas le problème et ça crée des vides ailleurs », tempête Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT. « Ce qui se passe à la DGCCRF se retrouve chez les douaniers, qui ont eux aussi un rôle important de prévention des risques sanitaires via leurs contrôles des importations agroalimentaires. Il faut embaucher plus de fonctionnaires qualifiés et payés à la hauteur de leurs qualifications », poursuit-il. Quelques années après la privatisation des missions de contrôle de sécurité des aires de jeux, les agents de la DGCCRF, dont les effectifs sont passés de 4 000 en 2005 à moins de 2 700 aujourd’hui, craignent que ce nouveau transfert, effectif au premier trimestre 2023, n’augure le début d’une vente à la découpe de leur administration.

 publié le 25 juin 2022

Indemnités de licenciement :
le « barème Macron » jugé non conforme aux engagements internationaux
de la France

Dan Israel sur www.mediapart.fr

Selon une institution dépendant du Conseil de l’Europe, cette mesure phare des ordonnances ayant réformé le Code du travail à l’automne 2017 « pourrait encourager les licenciements illégaux ». Mais la décision n’a rien de contraignant.

L’interminable feuilleton juridique qui s’est noué depuis 2017 autour du barème encadrant les indemnités prud’homales connaît un épilogue symbolique. Le Comité européen des droits sociaux (CEDS), émanation du Conseil de l’Europe (regroupant quarante-six pays, dont les vingt-huit États membres de l’Union européenne), a jugé que la France violait ses engagements internationaux en appliquant cette mesure phare des ordonnances ayant réformé à marche forcée le droit du travail à l’automne 2017.

Pour autant, cette décision, rendue le 23 mars dernier mais dont la publication officielle n’est prévue qu’en septembre, n’aura aucune conséquence pour notre pays.

Le barème, qui corsète étroitement les sommes que les salarié·es peuvent toucher lorsque leur licenciement est jugé abusif par un tribunal, a été définitivement validé en France par la Cour de cassation, le 11 mai dernier. Une décision irrévocable, mettant un terme à l’importante controverse juridique qui s’était développée dans les tribunaux français à partir de la fin 2018 : certains conseils des prud’hommes et plusieurs cours d’appel avaient décidé de ne pas appliquer ce barème, au motif qu’il ne permet pas d’indemniser de manière adéquate dans toutes les situations les salarié·es ayant perdu leur travail.

Avant les ordonnances, une personne salariée dont le licenciement était jugé sans cause réelle et sérieuse par les prud’hommes devait toucher en réparation une somme équivalente à au moins six mois de son salaire, si elle avait passé deux ans minimum dans l’entreprise.

Au nom du combat mené par le gouvernement contre la « peur d’embaucher », ce plancher a été divisé par deux : au moins trois mois de salaire à partir de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise, et seulement un mois de salaire entre un an et deux ans d’ancienneté.

Le barème institue aussi un plafond, bien plus bas que ce qui pouvait être attribué par les prud’hommes (qui décidaient des sommes à payer par l’entreprise en fonction de la situation personnelle de la personne salariée) : le maximum autorisé ne dépasse pas l’équivalent de vingt mois de salaire, à partir de vingt-neuf ans d’ancienneté.

Le CEDS avait été saisi sur ce point par Force ouvrière en mars 2018 et par la CGT en septembre 2018. Comme l’a révélé Le Monde, et comme l’a détaillé le professeur de droit Julien Icard, l’institution a jugé « à l’unanimité » que « le droit à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée […] n’est pas garanti » par la réforme.

Cette dernière viole donc la Charte sociale européenne, ratifiée par la France en 1999 et dont le CEDS est chargé de contrôler le respect. C’est l’article 24 du texte qui est visé : il consacre le « droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ».

La Finlande et l’Italie déjà condamnées

Cette décision n’est pas une surprise totale. Même si à l’époque, l’exécutif avait rejeté ces objections, Mediapart avait signalé dès septembre et octobre 2017 que le barème prud’homal pourrait être jugé contraire à la Charte sociale européenne. En septembre 2016, la Finlande avait été condamnée par la CEDS pour avoir imposé un barème limitant à vingt-quatre mois maximum – quatre mois de plus que la France – la réparation du préjudice de salariés licenciés illégalement. En février 2020, l’Italie a été à son tour condamnée pour un dispositif similaire.

Dans le détail, le CEDS considère que les plafonds prévus par le barème prud’homal « ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et être dissuasifs pour l’employeur ». Par ailleurs, « le juge ne dispose que d’une marge de manœuvre étroite » pour évaluer le montant de l’indemnisation à accorder : si à dix ans d’ancienneté, le juge peut en effet échelonner les indemnités à verser de trois à dix mois de salaire, à trois ans d’ancienneté, il ne peut choisir qu’entre trois et trois mois et demi.

Le texte de la décision est sévère. Le comité considère que, « contrairement à ce qu’affirme le gouvernement » français, « la “prévisibilité” résultant du barème pourrait constituer une incitation pour l’employeur à licencier abusivement des salariés ». Dans certains cas, « cela pourrait encourager les licenciements illégaux », écrit-il.

Des arguments très proches de ceux qui avaient été développés le 31 mars dernier, devant la Cour de cassation par la première avocate générale de la Cour (l’équivalent d’une procureure). La magistrate avait demandé que le barème puisse être écarté, notamment au nom de la lutte contre les « discriminations indirectes », en fonction du profil des salarié·es : les femmes, les personnes plus âgées, celles et ceux qui portent un handicap… sont moins susceptibles de retrouver un travail après un licenciement.

« Ce qui me paraît extrêmement grave, c’est que pour les salariés qui ont peu d’ancienneté, il y a très peu d’intérêt à aller en justice », avait-elle souligné. La Cour de cassation ne l’avait finalement pas suivie, et avait validé en tout point la conformité du barème à la loi, y compris aux textes internationaux qui s’imposent à la France, et donc à la Charte sociale européenne.

L’argumentation de la cour reposait sur le fait que cette charte ne pouvait pas être invoquée dans un litige entre particuliers (comme un salarié et son ex-employeur), mais seulement dans une contestation visant un État.

Cette position était déjà prise par l’institution judiciaire dans un premier avis de juillet 2019, et prive donc les décisions du CEDS de toute portée concrète en France. Dans le commentaire accompagnant sa décision du mois de mai, la Cour de cassation avait d’ailleurs pris soin de le rappeler, assurant qu’une condamnation de la France n’aurait « aucun effet contraignant », et que les recommandations formulées seraient simplement « adressées au gouvernement ».

Le Conseil de l’Europe peine à imposer ses décisions en France

Cette prise de position ferme contredit une décision précédente de l’autre plus haute institution judiciaire française, mais sur le versant du droit administratif cette fois : dans un arrêt du 10 février 2014, le Conseil d’État avait précisément estimé que l’article 24 de la Charte sociale européenne pouvait « être utilement » évoqué devant les tribunaux français et que ses stipulations « ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers ». Autrement dit, qu’il pouvait être cité sans contrainte devant un juge, et qu’il devait s’appliquer.

« Un tel hiatus pourrait donner lieu, si la juridiction administrative suivait le raisonnement du comité, à traiter différemment les salariés selon que leur litige du travail relève de la juridiction judiciaire ou administrative », souligne le professeur de droit Julien Icard dans Le Monde. En d’autres termes : le feuilleton juridique n’est peut-être pas terminé.

La dernière manche se jouera sans doute devant le comité des ministres du Conseil de l’Europe. Il peut en théorie demander à la France de changer sa loi. Mais il est généralement admis que les décisions du CEDS n’ont pas de caractère contraignant. C’est ce que prouve un autre long feuilleton juridico-social qui concerne la France : en novembre, le comité a une nouvelle fois condamné notre pays, après une première décision de 2010, pour l’utilisation du « forfait jours ».

Pour le CEDS, ce mode de décompte du temps de travail, qui comptabilise le nombre de jours travaillés et non les heures, ne permet pas de garantir le respect « d’une durée raisonnable de travail ». Fait rarissime, le comité des ministres a bien demandé le 23 février dernier à la France de revoir sa législation sur ce point. Sans que cette réclamation rencontre un écho particulier dans l’Hexagone.

 publié le 25 juin 2022

Rony Brauman : « Il y a aujourd’hui une espèce de course au crime majuscule »

Vadim Kamenka et Antoine Poncet sur www.humanite.fr

Avec le retour de la guerre en Europe, Rony Brauman, l’ancien président de Médecins sans frontières, dénonce l’indignation sélective de la justice internationale qui relève les exactions en Ukraine mais reste silencieuse concernant d’autres conflits, comme en Palestine.

Après quatre mois de guerre depuis son invasion par la Russie, le 24 février, l’Ukraine bénéficie d’un large soutien international. Ces réactions, indispensables, Rony Brauman s’en réjouit, mais il constate une différence de condamnations quand l’intégrité territoriale d’autres pays est atteinte. Le peu de réaction diplomatique et d’enquêtes face à l’occupation, la colonisation et aux violations du droit international par les autorités israéliennes vis-à-vis de la Palestine l’interpelle.

Quel est votre point de vue sur la guerre en Ukraine, qui a débuté il y a quatre mois ?

Rony Brauman. En premier lieu, un sentiment de gâchis et de désespérance devant cette entreprise meurtrière, qui va se solder par des dizaines de milliers de morts. In fine, cette guerre sera gagnée par celui qui aura réussi à durer, le moins usé. De cette situation désastreuse, il n’y aura aucun vainqueur. Il y aura un « non-vaincu ». L’autre leçon immédiate, c’est le fait qu’on retrouve une guerre interétatique entre deux États voisins. Un conflit ultraclassique qui sort des interventions militaires de type corps expéditionnaire, comme en Irak, en Libye, en Afghanistan ou ailleurs. Cela nous rappelle que ce type d’affrontement ne peut pas être considéré comme révolu. Et que d’autres formes peuvent potentiellement réapparaître aussi.

Ma troisième observation porte sur les répercussions inédites de ce conflit, avec les pénuries qui en découlent. Elles peuvent apparaître encore absorbables par les pays riches, avec toutefois de fortes disparités selon le niveau de revenu, comme on peut déjà le constater. Mais, dans l’ensemble, nos économies permettent d’amortir une partie des effets. Pour un certain nombre de pays du monde, notamment en Afrique et au Proche-Orient, la situation est dramatique. L’interruption des livraisons de céréales – essentiellement de blé ukrainien et russe – amène à des conséquences extrêmement dures pour plusieurs États dépendants à 100 % de cette ressource pour l’alimentation de leur population. Il est encore très difficile d’en prévoir l’ampleur et les mécanismes de résilience collectifs. Cette crise, sans précédent, s’explique par la mondialisation presque instantanée d’un conflit pourtant local. Son impact sur l’économie mondiale s’avère considérable, notamment pour la sécurité alimentaire quotidienne de la planète. Cela explique aussi pourquoi cette guerre en Ukraine tient une place particulière.

Ce conflit apparaît aussi à part en matière de droit international. Pourquoi ?

Rony Brauman. Il s’agit d’une invasion caractérisée, d’une atteinte à la règle de droit qui fonde l’ordre international. Il est donc logique d’invoquer le droit international en réaction, comme cela a été le cas lors de l’invasion américaine de l’Irak en 2003. Je suis plus frappé par l’importance prise par les notions de droit humanitaire, à un moment où le droit est piétiné, comme toujours lors d’un conflit. Y a-t-il des crimes de guerre ? Y a-t-il des crimes contre l’humanité ? Y a-t-il des génocides ? Les deux acteurs essayent d’instrumentaliser l’ensemble de ces termes, y compris celui de « génocide ».

La description des faits, des violences, semble toujours rapportée à une qualification juridique, et l’on est invité, sous pression, à ratifier l’existence d’un génocide sous peine d’apparaître comme complaisant envers l’agresseur.

Cette espèce de course au crime majuscule est préoccupante, comme si les autres violences de masse ne pouvaient plus nous mobiliser ou nous révolter. On constate aussi que la justice internationale participe activement à la polarisation, par l’ampleur et la rapidité de son déploiement, en contraste avec d’autres situations où elle s’est montrée plus discrète. Comme si les procureurs successifs de la Cour pénale internationale (CPI) semblaient être aux ordres des États-Unis. Je ne dis pas que les faits sur lesquels ils enquêtent sont des fabrications propagandistes. Bien au contraire, ils enquêtent sur des crimes extrêmement sérieux et graves. Mais cet empressement et cette ampleur, avec 42 enquêteurs déployés, jettent à nouveau le doute sur la Cour pénale internationale, alors qu’elle fait preuve d’une prudence de chat en Israël-Palestine, en Afghanistan, en Irak, pour ne citer que des conflits dans lesquels les États-Unis sont directement impliqués. Cette justice-là est loin de l’idée que l’on se fait de la justice.

Ce sentiment d’être délaissé par la justice internationale peut-il expliquer qu’une partie importante des pays du Sud refuse de condamner la Russie, par volonté de ne pas s’aligner sur les pays occidentaux ?

Rony Brauman. Dans la mesure où la Cour pénale internationale doit enquêter sur quatre types de crimes : crime d’agression, crime de guerre, crime de génocide, crime contre l’humanité, il faut bien constater que l’Ukraine n’est pas l’unique endroit du monde où ce type de crime est commis. J’ai en tête le conflit israélo-palestinien, où les crimes de l’occupant sont commis au quotidien. L’attaque israélienne lors des funérailles de Shireen Abu Akleh, la journaliste abattue le 11 mai lors d’un reportage à Jénine, est consternante et nous en dit long sur la situation. L’assassinat de cette journaliste et l’attaque de son enterrement illustrent une forme de « poutinisation » de la société et de la politique israéliennes. Comme d’ailleurs l’acharnement des Israéliens contre l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri, emprisonné à répétition sans aucune possibilité de se défendre, à l’instar d’Alexeï Navalny en Russie. Je souligne au passage l’inertie des autorités françaises face à la persécution du citoyen français qu’est Salah Hamouri. La mollesse des réactions internationales face à ces exactions n’est évidemment pas sans conséquences sur la crédibilité des discours démocratiques.

En politique étrangère, il a toujours été question des intérêts nationaux qui organisent et configurent nos réactions à des éléments internationaux. Mais il faut être capable d’accéder à une forme de dissociation entre les crimes qui mériteraient l’occupation massive du temps des relations internationales et ceux qui semblent inexistants.

Vous avez souhaité alerter sur la situation des Palestiniens dans une tribune publiée le 31 mai dans « le Monde ». Est-ce une simple colère ?

Rony Brauman. Dans ce texte, j’ai eu envie de comparer les deux actualités : Ukraine et Palestine. Deux entités nationales qui sont envahies, occupées et maltraitées. L’une suscite une forte réaction de boycott et de sanctions internationales extrêmement rapides et déterminées. Pour les Palestiniens, il n’existe aucune condamnation ni poursuite internationale. Au contraire, ils subissent une criminalisation de toute forme de résistance digne, pacifique et citoyenne. La société civile qui tente par exemple d’organiser un mouvement de boycott (BDS) se retrouve poursuivie, et des personnalités comme Salah Hamouri, qui œuvrent à la défense des prisonniers palestiniens, sont arrêtées et incarcérées sans preuves. Ce contraste entre les deux situations m’apparaissait révoltant.

Sur le terrain, est-ce que les associations critiquent aussi ce manque d’investissement international ?

Rony Brauman. Une partie des reproches vise la CPI. Ces critiques ne sont pas nouvelles. Depuis le début, nous avons été un certain nombre à nous montrer sceptiques vis-à-vis d’une telle structure. Ces dernières années, nous connaissons une satisfaction amère de constater une forme d’échec. Pour bien des ONG, elle incarne malgré tout l’espoir d’un ordre international décent.

Le fait que l’Europe se préoccupe davantage de la guerre en Ukraine que d’autres conflits ou violences de masse dans le monde me semble en revanche défendable. Je ne partage pas l’attente de restituer à l’Europe le rôle qu’elle a perdu de pacificateur mondial. Elle peut apparaître séduisante et sympathique, mais elle incarne une forme d’impérialisme libéral qu’illustrent les fiascos de Libye, d’Afghanistan ou des pays sahéliens.

Dans le cadre de résolution des conflits, le rôle des sociétés et gouvernements voisins me semble prépondérant, essentiel. Les interventions lointaines visant à l’installation d’un ordre politique nouveau sont vouées à l’échec, voire à l’aggravation des situations que l’on prétendait améliorer. Les expériences passées le démontrent, de l’intervention soviétique en Afghanistan, dans les années 1980, à la Syrie, aujourd’hui, au sujet de laquelle on a entendu de multiples appels à l’intervention pour mettre fin au carnage. Une façon d’ignorer que ce pays souffrait déjà d’une multiplicité d’interventions et qu’une opération armée ne met généralement pas fin à une guerre. Voilà une illusion dont on aurait dû sortir depuis les échecs retentissants : Afghanistan, Irak, Libye, pour ne parler que des plus récents…

Justement, sur ces interventions, faut-il armer toujours plus l’Ukraine, au risque de nous emmener dans un conflit nucléaire ?

Rony Brauman. Il s’agit d’un jeu dangereux, mais la situation est extrêmement délicate. Car ne pas aider l’Ukraine, notamment militairement, c’est valider la prise du pays. Il est donc normal que l’Ukraine et son gouvernement réclament des armes à l’Europe. On peut aussi comprendre que l’Union européenne voisine ait réagi vigoureusement à cette invasion pour garantir la sécurité. Néanmoins, il existe plusieurs formes d’aide militaire et différentes conceptions. Celle défendue par les États-Unis, la Pologne, la Lituanie, qui souhaitent battre la Russie et même l’écraser. Et celle qui vise à rééquilibrer le rapport des forces pour conduire à une solution politique, défendue notamment par l’Allemagne, l’Italie et la France, position qui m’apparaît beaucoup plus judicieuse. Il faut donc fixer des limites de la part de l’Europe sur cette cobelligérance et ne pas souscrire à tous les appels de Volodymyr Zelensky, qui joue bien sûr son rôle. L’Ukraine mène une « guerre juste », selon les critères classiques de celle-ci, en se défendant contre une agression. Cela ne signifie pas pour autant que les buts de guerre de ce gouvernement doivent devenir l’objectif final de tous.

publié le 24 juin 2022

Loi sur le consentement sexuel : l'Espagne, un modèle à suivre

Kareen Janselme sur www.humanite.fr

Violences sexuelles. Résolument avant-gardiste, le projet de loi espagnol « Solo si es si » (seul un oui est un oui) place la parole de la femme au cœur du système juridique. Malgré des déclarations de façade, la France rechigne à lui emboîter le pas.

La condamnation, puis la remise en liberté provisoire de cinq hommes pour « abus sexuel » et non pour le viol collectif d’une adolescente, en 2016, avaient entraîné de nombreuses manifestations en Espagne. Marcelo DEL POZO/ Reuters

« Seul un oui est un oui. » Un cri plus qu’une phrase. Un cri devenu slogan en Espagne et bientôt loi. Contre les violences sexuelles et machistes, le texte législatif surnommé « Solo si es si » est révolutionnaire. Il veut imposer un changement de paradigme et édicter une nouvelle définition du consentement.

Après deux ans de consultations et d’auditions d’expertes, de batailles contre l’opposition, ce projet de loi organique pour « la garantie intégrale de la liberté sexuelle » a été voté en première lecture à l’Assemblée le 26 mai et se trouve actuellement en débat au Sénat.

« Consentement », un terme absent du Code pénal français

Cette « loi est désormais basée sur le consentement de la femme », se réjouissait la ministre espagnole en charge de l’égalité qui l’a portée, Irene Montero. Elle « rend clair le fait que le silence ou la passivité ne signifient pas consentement ou que le fait de ne pas manifester son opposition ne peut être une excuse pour agir contre la volonté de l’autre personne », précisait une porte-parole du gouvernement.

Depuis quinze ans que je défends ces dossiers, je constate que les juges et les policiers ne demandent jamais si l’accusé s’est enquis du consentement de sa partenaire. »

Élodie Tuaillon-Hibon, avocate

« Ce texte est révolutionnaire », estime l’avocate française Élodie Tuaillon-Hibon, qui défend les victimes de violences sexuelles. Car si le terme de « consentement » n’est pas présent dans le Code pénal français, il est pourtant souvent invoqué pour déterminer la différence entre une violence sexuelle et une relation sexuelle. « Ce qui a cours en France, c’est une présomption de consentement implicite de la victime, dénonce Me Tuaillon-Hibon. Les accusés disent tous “je l’ai vu dans ses yeux”, “comme elle m’invitait dans son appartement, j’ai pensé que…”. Depuis quinze ans que je défends ces dossiers, je constate que les juges et les policiers ne demandent jamais si l’accusé s’est enquis du consentement de sa partenaire. La France est empreinte de culture du viol. »

Le viol défini par la violence

Les préjugés sexistes imprègnent la société française depuis longtemps. Autant que notre conception du viol. Dès l’Ancien Régime, il est défini par la violence. La jurisprudence, construite tout au long du XIXe siècle, a été consacrée en 1980 par le Code pénal, qui a défini le viol comme : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte ou surprise. » La notion de « menace » ne sera ajoutée qu’en 1992. Et le crime étendu au rapport bucco-génital en 2021.

Mais depuis plus de trois siècles, « un vrai viol est celui qui est commis avec violence parce qu’il vainc la résistance de la victime », explique la juriste Catherine Le Magueresse, ancienne présidente de l’AVFT (l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail). « La victime doit toujours résister, sinon, on la considère consentante. L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert estimait le viol caractérisé quand “la résistance a été persévérante jusqu’à la fin”. Les juristes du XIXe siècle comparaient les femmes aux citadelles : “Il y a des attaques bien menées et des citadelles mal défendues” », contextualise la chercheuse associée à l’Institut des sciences juridiques et philosophiques de la Sorbonne Paris-I. Et le corps des femmes est considéré comme à disposition.

Aujourd’hui encore, la victime est toujours supposée consentante, sauf si l’on prouve qu’il y a violence, contrainte, menace ou surprise. « Quand bien même nous aurions la preuve que la femme a dit non, reprend Catherine Le Magueresse, ça ne suffit pas à caractériser le viol. C’est inouï. Le non des femmes en soi n’a pas de valeur, n’est pas efficace pour constituer la culpabilité de l’agresseur. On est bien sur un droit qui n’a jamais été questionné dans sa pesanteur historique. À aucun moment, on ne s’est arrêté pour dire : nous sommes en 2022, il serait temps d’interroger les présupposés sexistes entérinés dans notre droit. »

À l’homme de prouver le consentement

La France pourrait-elle franchir le fossé qui l’éloigne de l’Espagne ? Car de l’autre côté des Pyrénées, après avoir voté une loi-cadre contre les violences conjugales en 2004, le projet de loi « Solo si es si » étend son texte à toutes les femmes victimes de violences sexuelles et les écoute : ce ne sera plus à la femme de prouver qu’elle n’a pas consenti, mais à l’homme de prouver ce consentement.

Toujours prompts à réagir, les adversaires de la loi ont tenté les arguments juridiques pour s’opposer à la révolution en marche : ce texte inverserait la charge de la preuve, ce que réfute Catherine Le Magueresse. « L’Espagne, comme le Canada, la Suède et une vingtaine de pays ayant inscrit le consentement positif ont les mêmes systèmes d’exigence de charge de la preuve reposant sur l’accusation, s’en amuse la docteure en droit. Nous ne sommes pas les seuls à avoir inventé les droits de l’homme ! C’est un principe général du droit : le parquet, le procureur, doit apporter les preuves que, pour lui, la personne qui est mise en cause est coupable. On va analyser les éléments à charge ou à décharge avant de condamner la personne. Et toute personne qui n’est pas jugée coupable est présumée innocente. On va interroger l’agresseur sur quels sont les éléments qui lui ont permis de penser que madame était d’accord. »

Des policiers et des magistrats non formés

Au-delà de cette redéfinition du consentement, la force de la loi organique espagnole repose sur sa prise en charge globale, intégrant prévention, sanction, réparation. Des services publics interdisciplinaires disponibles 24 heures sur 24 sont prévus dans chaque province, ainsi que des centres spécialisés pour mineurs et une éducation sexuelle suivie à plusieurs étapes.

Les femmes étrangères sans papiers victimes de violences sexuelles auront droit à une autorisation de séjour et de travail. Le financement est garanti par la loi, sans dépendre de la volonté fluctuante des gouvernements… Depuis la création des tribunaux spécialisés contre les violences de genre en Espagne en 2004, les formations ont aussi accompagné les juges. Elles vont continuer et s’étendre à d’autres secteurs.

« Si demain nous changeons les lois en France, mais en gardant les mêmes juges, les mêmes policiers, ça n’ira pas mieux, souligne Me Marjolaine Vignola. Non formés, les policiers ne vont pas recueillir les preuves nécessaires dès le début d’un dépôt de plainte. De même que les procureurs ne seront pas capables d’analyser et interpréter les preuves à l’aune de nos connaissances en matière de psychotrauma, de sidération. Sans formation, les juges vont être aveugles aux rapports de pouvoir intrinsèques, par exemple dans une relation de travail entre un supérieur hiérarchique et sa subordonnée… »

La France n'est pas en conformité avec ses obligations

Pour de nombreuses associations féministes, la volonté politique de notre gouvernement fait défaut pour faire advenir en France une telle loi. C’est ce que proclame l’association #NousToutes quand elle appelle à manifester contre la nomination des ministres Gérald Darmanin et Damien Abad bien qu’ils soient accusés de viol par des femmes, ou que d’autres s’insurgent contre le maintien en fonction, annoncé par la toute nouvelle ministre de la Culture, du président du CNC malgré une mise en examen pour tentative de viol et agression sexuelle sur son filleul.

En France, 220 000 femmes sont victimes de violences conjugales chaque année.

« Il y a une quinzaine d’années, on entendait parler de l’Espagne comme d’un pays où une femme mourrait sous les coups de son conjoint tous les trois jours, rappelle Marjolaine Vignola. Suite à cette prise de conscience, il y a eu une volonté politique, poussée par les associations féministes et par les femmes espagnoles, qui s’est ensuite traduite en changement et modification législative. Sans volonté politique chez nous, rien ne changera. »

Catherine Le Magueresse constate également que cette lutte contre les violences sexuelles n’est pas une priorité du gouvernement français. Mais elle est plus optimiste pour la loi. « Progressivement, la France va être entourée de pays qui auront fait ce changement. Nos pénalistes sont encore très résistants à cette modification-là, mais c’est une obligation conventionnelle du Conseil de l’Europe pour tous les pays qui ont ratifié la convention d’Istanbul. Or, la France l’a ratifiée en 2014. Et l’organe qui surveille son application a souligné en 2019 que nous n’étions pas en conformité avec nos obligations. »

Parce que le pouvoir de la loi est aussi pédagogique, que 220 000 femmes sont victimes de violences conjugales chaque année, qu’il y a eu au moins 113 féminicides en 2021, il est temps de dire oui à une vraie loi contre les violences sexuelles.

publié le 24 juin 2022

A qui profite la crise ?
Voici comment « les spéculateurs de la faim » provoquent l’inflation

Augustin Langlade sur https://lareleveetlapeste.fr/.

L’opacité entretenue par « les cinq ou six compagnies » contrôlant « 80 % des transactions mondiales de céréales » et détenant « l’essentiel des stocks » provoque des « bulles spéculatives » sur les marchés mondiaux, qui anticipent une hausse continue des prix et en l’anticipant, la font advenir.

À quelques jours du prochain G7, qui se tiendra fin juin en Allemagne, deux ONG exhortent les chefs d’État à mettre fin aux « pratiques inacceptables » des « spéculateurs de la faim » qui font « grimper les prix des aliments ».

Dans un communiqué commun publié le 20 juin, Foodwatch France et le CCFD-Terre Solidaire, deux ONG luttant contre la faim dans le monde, ont appelé « les responsables des pays du G7 et de la Commission européenne » à adopter de toute urgence « une réglementation stricte » sur la spéculation alimentaire, qui menace de plonger certains pays dans une « grave crise de la faim ».

En 2021, les prix mondiaux des denrées de base avaient déjà augmenté de 28 %. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine — premier exportateur mondial d’huile de tournesol, troisième d’orge, quatrième de maïs, cinquième de blé —, le 24 février, ils ont à nouveau bondi de 20 % et s’élèvent désormais à « des niveaux historiquement jamais atteints », écrivent les ONG.

« Sur le marché mondial, le blé coûte presque 50 % de plus qu’en début d’année », précisent Foodwatch et le CCFD-Terre Solidaire, pour lesquelles le blocus des ports ukrainiens par la Russie, en mer Noire, et la crainte d’une « pénurie de blé, d’huiles végétales et d’engrais phosphatés » ne suffisent pas à expliquer l’inflation inédite des denrées alimentaires.

La « véritable cause » de cet emballement serait plutôt à rechercher dans les « fonds de placement, banques et traders » qui « se sont rués sur les principales places boursières de matières premières agricoles » et tentent de s’enrichir « en pariant sur le maïs et le blé » dont sont dépendants de nombreux pays qui n’en produisent pas suffisamment sur leur territoire, notent les deux ONG.

Cette interprétation de la crise rejoint celle du rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté, Olivier De Schutter. Le 10 juin, celui-ci expliquait que l’opacité entretenue par « les cinq ou six compagnies » contrôlant « 80 % des transactions mondiales de céréales » et détenant « l’essentiel des stocks » provoque des « bulles spéculatives » sur les marchés mondiaux, qui anticipent une hausse continue des prix et en l’anticipant, la font advenir.

Selon Olivier De Schutter, début juin, 280 millions de personnes se trouvaient en situation d’insécurité alimentaire aiguë, contre 150 millions avant le début de la guerre en Ukraine. Dans les pays déjà touchés par « des conflits, des ruptures climatiques ou une dette » tels que « l’Éthiopie, le Sud-Soudan, le Nigéria, le Yémen, l’Afghanistan, la Somalie », ajoutait le rapporteur, « le risque de famine se précise d’heure en heure ».

« Au plus fort de la crise alimentaire mondiale de 2008, le blé avait atteint 300 euros la tonne », rappelait, en mars, Benoît Biteau, député écologiste au Parlement européen, dans les colonnes de La Tribune. Le 3 juin, la tonne de blé livrable en septembre se négociait 378 euros, après un plus haut historique, mi-mai, à 438 euros.

Le risque est donc grand que des émeutes de la faim semblables à celles qui ont touché des dizaines de pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud, fin 2007-début 2008, éclatent de nouveau à travers le monde.

Les leçons de cette crise alimentaire, aggravée par la spéculation et qui ne s’est terminée que cinq ans plus tard, en 2013, ne semblent pas avoir été tirées par les États ; et « comme toujours, insiste le CCFD-Terre Solidaire, les populations les plus pauvres en paieront le plus lourd tribut. »

À l’heure où les volumes des transactions spéculatives sur les bourses de matières premières augmentent « de façon spectaculaire », « les États membres du G7 doivent prendre des mesures fortes pour empêcher ces “profiteurs de la faim” de sévir ! » abonde Jean-François Dubost, directeur du plaidoyer auprès de l’ONG catholique. « Il serait indécent qu’une poignée de spéculateurs s’enrichisse pendant que des millions de personnes tombent dans l’insécurité alimentaire. »

Afin de mobiliser les dirigeants qui se réuniront du 26 au 28 juin en Allemagne, les deux ONG ont mis en ligne une pétition demandant d’introduire, sur les marchés financiers, des « limites de position » déterminant « le nombre, le montant et le volume des contrats que les investisseurs sont autorisés à faire sur certaines matières premières ».

publié le 23 juin 2022

En Afghanistan,
le séisme aggrave
la crise humanitaire

Lina Sankari sur www.humanite.fr

Au moins un millier de personnes ont péri dans le séisme de magnitude 5,9 survenu qui a ébranlé, mercredi 22 juin, le sud-est du pays. Les talibans lancent un appel à l’aide internationale. Depuis le retrait chaotique des États-Unis et le gel des avoirs de la banque centrale afghane, les habitants sont menacés par la famine.

Les maisons en pisé n’ont pas résisté. Partout, un bâti éventré, des blessés évacués sur de simples couvertures, la désolation. Au moins un millier de personnes ont été tuées et 600 autres blessées dans le séisme de magnitude 5,9 survenu à une profondeur de 10 kilomètres qui a ébranlé le sud-est montagneux et isolé de l’Afghanistan, à la frontière avec le Pakistan, mercredi 22 juin.

Une seconde secousse de magnitude 4,5 a frappé quasiment au même endroit à la même heure, selon l’institut sismologique américain. Vers 1 h 30 du matin, les habitants des provinces de Khost et Paktika ont ainsi été surpris dans leur sommeil et le nombre de victimes pourrait encore s’accroître du fait des difficultés d’accès aux sites touchés, mercredi, par la pluie.

Des secousses ressenties jusqu’à Kaboul

Le district de Gayan revêt des airs de « fosse commune », selon le témoignage d’Haji Baqi, un travailleur social, livré au journaliste afghan Bilal Sarwary. « Les gens creusent tombes après tombes », a abondé le chef du service de l’information et de la culture de la province de Paktika, Mohammad Amin Huzaifa. Les secousses ont été ressenties jusqu’à Kaboul, la capitale, et dans le nord du Pakistan, où l’on déplore un mort et quelques maisons endommagées.

Régulièrement frappée par les séismes, la région se situe à la confluence des plaques tectoniques eurasienne et indienne. En 2015, plus de 200 personnes avaient déjà trouvé la mort dans le Nord-Est afghan et le Nord pakistanais lors d’un tremblement de terre. En 1998 et 2002, ce sont 4 500 et 1 000 personnes qui avaient péri des suites de deux puissants séismes.

23 millions d’habitants déjà menacés par la famine

« Nous appelons les agences d’aide à apporter une aide immédiate aux victimes du tremblement de terre afin d’éviter une catastrophe humanitaire », a exhorté, mercredi, le porte-parole adjoint du gouvernement Bilal Karimi sur Twitter alors que le pays est déjà en proie à une crise humanitaire et économique aggravée par la prise de pouvoir des talibans en août 2021.

Des gens vendent déjà leurs enfants et des parties de leur corps afin de nourrir leur famille. »

Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies

23 millions d’habitants sont déjà menacés par la famine et 80 % des dépenses des ménages sont consacrées à la nourriture. De nombreuses agences d’aide internationale ont quitté l’Afghanistan dans le sillage du retrait chaotique des forces américaines et de l’Otan.

Par ailleurs, la sécheresse – parmi les plus graves depuis trente ans – a anéanti les récoltes. « Des gens vendent déjà leurs enfants et des parties de leur corps afin de nourrir leur famille », s’alarmait Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, lors d’une conférence consacrée au pays au printemps.

Dans ce contexte, « le gouvernement fait au mieux de ses capacités, a expliqué Anas Haqqani, un autre haut dirigeant de l’émirat islamique. Nous espérons que la communauté internationale et les organisations humanitaires aideront aussi les gens dans cette situation terrible. »

Le plus important appel de fonds jamais lancé

Par la voix du premier ministre Shehbaz Sharif, le Pakistan a indiqué se tenir prêt à dépêcher des soutiens et l’Union européenne a également fait savoir qu’elle se tenait prête à coordonner l’aide d’urgence.

Fin mars, les Nations unies estimaient qu’environ 4,4 milliards de dollars, soit le triple du montant demandé en 2021, étaient nécessaires au soutien du pays. Cette somme devrait augmenter avec la récente catastrophe. Cet appel de fonds, le plus important jamais lancé pour un seul pays, vise à «  stimuler leur économie, soutenir leur agriculture et assurer le fonctionnement de base des services sociaux », assure Martin Griffiths, secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordinateur des secours d’urgence de l’ONU. Ce dernier estime en outre que la santé et l’éducation sont désormais « à genoux ».

Dans la foulée de leur retrait, les États-Unis ont décrété le gel de 9,5 milliards de dollars d’actifs appartenant à la banque centrale du fait de sa prise de contrôle par les talibans, placés sur la liste des individus sanctionnés par le département du Trésor.

En février, le président Biden signait un décret permettant de mettre la main sur 7 milliards de dollars qu’il entendait allouer pour moitié aux familles de victimes du 11 Septembre. « Il faut rendre l’argent disponible pour que l’économie afghane puisse respirer et que le peuple afghan puisse manger. Les pays riches et puissants ne peuvent ignorer les conséquences de leurs décisions sur les plus vulnérables », presse Antonio Guterres. Pour Martin Griffiths, l’aide « d’une importance vitale » dirigée vers l’Ukraine ne doit toutefois pas faire oublier l’Afghanistan.

 publié le 23 juin 2022

Services publics :
une priorité reléguée

par Hélène Tordjman Maîtresse de conférences à Sorbonne Paris-Nord sur www.politis.fr

Les services publics ont besoin de quelques dizaines de milliards d’euros par an : ils n’en bénéficieront pas.

Les soignants sont de nouveau en lutte pour obtenir des rémunérations et des conditions de travail décentes. Après deux ans de pandémie, qui ont rappelé le rôle central de l’hôpital public dans le système de santé et mis en lumière sa misère structurelle, rien n’a changé pour eux. Si ce n’est en pire. De nombreux lits et services sont obligés de fermer faute de personnel, les médecins et infirmières quittent le service public, les instituts de formation peinent à recruter, et les patients... patientent dans les couloirs pendant des heures. Le Ségur de la santé avait pourtant budgété une enveloppe de 19 milliards d’euros sur dix ans pour le système de santé. Une goutte d’eau dans le budget global de la santé, fourni à hauteur de 236 milliards pour 2022, qui ne permet pas d’augmenter les dépenses en personnel.

De même dans les autres services publics, tous soumis à la même diète depuis des années. Ainsi les magistrats, unis dans une grande protestation, à l’automne dernier, contre leurs conditions de travail dégradées. Les enseignants et les chercheurs manifestent régulièrement pour les mêmes raisons. Et rien n’indique un changement de cap. En effet, sur les 100 milliards du plan de relance post-covid, l’Europe en a fourni 40, à condition que la France réforme son système de retraites, d’assurance-chômage et revienne à une politique d’austérité. Pourtant les sommes en jeu sont relativement faibles, si on les compare aux centaines de milliards qui ont afflué vers les entreprises depuis deux ans. Le Conseil d’orientation des retraites estime par exemple que le déficit du régime des pensions n’est « que » de 10 milliards par an. Au même moment, le « quoi qu’il en coûte » macronien conduisait à débloquer 155 milliards d’euros d’aides aux entreprises en 2020, principalement sous la forme de chômage partiel, d’exonérations de cotisations et d’impôts ainsi que de prêts garantis. Ces sommes se sont ajoutées aux 150 milliards d’aides « habituelles » (exonérations de charges, crédits d’impôts, niches fiscales diverses) (1).

Tous ces milliards ont été distribués sans conditions sociales ni environnementales : les entreprises bénéficiaires, parmi lesquelles Total, Engie, EDF, Air Liquide, etc., continuent de polluer et de licencier, le tout généreusement financé par les contribuables. De plus, cet argent ne ruisselle que dans les poches des actionnaires : le rapport « Allô Bercy ? » montre que toutes les firmes du CAC40 ont reçu des aides et qu’elles ont collectivement distribué, en 2020, 51 milliards d’euros en dividendes et rachats d’actions, soit 140 % de leurs profits. La comparaison des ordres de grandeur entre les aides respectives au public et au privé est éclairante. Les services publics ont besoin de quelques dizaines de milliards d’euros par an : ils n’en bénéficieront pas. A contrario, les grandes firmes sont soutenues à hauteur de plusieurs centaines de milliards, sans aucune condition.

(1) « Allô Bercy ? Pas d’aides publiques aux grandes entreprises sans conditions », Observatoire des multinationales, www.multinationales.org.de texte >>

publié le 22 juin 2022

L’évasion fiscale suisse des géants français du matériel électrique

Yann Philippin sur www.mediapart.fr

Les premiers distributeurs mondiaux du matériel électrique Sonepar et Rexel ont créé de discrètes sociétés suisses pour toucher de l’argent des industriels, dont Schneider et Legrand. La justice soupçonne un lien avec l’entente présumée sur les prix mise en place par ces entreprises.

Avec son porche prétentieux et son architecture fadasse, le Geneva Business Center de Lancy est un nid à multinationales typique de l’agglomération genevoise. Mais le 6 septembre 2018, le bâtiment a reçu une visite inhabituelle. La juge d’instruction française Aude Buresi, accompagnée de représentants des autorités suisses, a perquisitionné l’un des locataires : la société Sonepar International Services (SIS), filiale du groupe français Sonepar, mastodonte de la distribution de matériel électrique, qui réalise 22 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Le même jour, une série de perquisitions était menée en France dans la même affaire qui vise quatre géants français du secteur : les fabricants de matériel électrique Schneider (numéro 2 mondial) et Legrand, ainsi que leurs distributeurs Sonepar et Rexel, respectivement numéro 1 et numéro 2 mondiaux.

L’information judiciaire porte sur un vaste système présumé d’« entente illicite » sur les prix destiné à limiter la concurrence, révélé par Mediapart. Mais aussi sur d’autres délits qui avaient été signalés au parquet de Paris par l’Agence française anticorruption (AFA) : « faux et usage de faux », « abus de confiance », « abus de biens sociaux », « corruption » et « blanchiment de fraude fiscale ».

C’est justement au sujet des soupçons de fraude fiscale que la juge Buresi s’est rendue en Suisse. Sonepar et son concurrent Rexel ont en effet créé à Genève de discrètes structures destinées à éluder l’impôt de France, et qui pourraient être liées au cartel présumé, selon une enquête de Mediapart, qui a eu accès à des documents confidentiels issus du dossier judiciaire.

C’est lors d’un contrôle de routine de Sonepar que l’AFA est tombée sur sa filiale genevoise SIS. Cette petite société créée en 2002 ne comptait qu’une quinzaine de salariés en 2018 - ils sont une trentaine aujourd’hui, nous a indiqué Sonepar. SIS facture aux fabricants de matériel électrique, comme Schneider et Legrand, des études sur les ventes de leurs produits.

Un business très lucratif, puisque SIS réalise 70 millions d’euros de chiffre d’affaires par an, versés par environ 40 fournisseurs. Le mastodonte Schneider paye à lui seul 12,3 millions d’euros par an à la filiale suisse de Sonepar.

Son concurrent Rexel, deuxième distributeur mondial de matériel électrique, a fait exactement la même chose : il facture lui aussi des études de marché aux industriels dont il vend les produits, via une structure genevoise créée en 1993 et aujourd’hui nommée Rexel Strategic Suppliers Services (R3S). Selon nos informations, elle réalise un chiffre d'affaires de plusieurs dizaines de millions par an.

Selon nos informations, ces structures suisses de Sonepar et de Rexel ont négocié un « ruling », c’est-à-dire un accord fiscal qui leur a permis de bénéficier d’un taux d’imposition sur les bénéfices compris entre 11 et 14 %, soit près de trois fois moins que le taux de 33 % applicable en France jusqu’en 2021. Grâce à ce système, Sonepar a économisé plus de cent millions d’euros d’impôts, selon une estimation de Mediapart.

Pour que le système soit légal, il faudrait que les données sur les ventes de matériel électrique, que SIS facture à prix d’or aux fabricants, soient achetées aux filiales de Sonepar qui en sont propriétaires, notamment en France.

Mais lors du contrôle de l’AFA, Sonepar a été incapable de fournir le moindre contrat formalisant la vente de ces données au sein du groupe. La juge Buresi soupçonne donc que ces données sont cédées « à titre gratuit » par Sonepar à sa filiale genevoise SIS, afin d’organiser « des remontées fictives de bénéfices » vers la Suisse et « éluder l’impôt en France », écrit-elle dans sa demande d’entraide à la justice helvétique.

« Il existe des raisons sérieuses de soupçonner que les délits de fraude fiscale et de son blanchiment sont ainsi constitués », écrivait pour sa part l’AFA dans son signalement au parquet.

Sonepar a refusé de répondre à nos questions au motif qu’une enquête judiciaire est en cours, mais « conteste fermement l’ensemble des accusations qui sont portées à son encontre et rejette toute responsabilité pénale ». Rexel indique que sa filiale suisse R3S « n’est pas visée par l’information judiciaire » en cours, qu’elle « se conforme aux règles fiscales », et que « son taux d’imposition est nettement supérieur à celui » indiqué par Mediapart (lire l’intégralité des réponses dans l’onglet Prolonger).

La juge Buresi soupçonne par ailleurs que les prestations vendues par SIS aux fabricants comme Schneider et Legrand pourraient être surfacturées. Et qu’elles pourraient constituer une récompense versée à Sonepar « pour sa participation à une entente verticale », c’est-à-dire au cartel présumé révélé par Mediapart et visé par l’enquête judiciaire.

L’Agence française anticorruption écrit elle aussi que « les montants importants prévus dans ces contrats, plus de 12 millions par an pour Schneider, pourraient paraître disproportionnés au regard du service apporté d’analyse des ventes ».

Lorsque l’AFA a réclamé, lors de son contrôle, les contrats passés par SIS avec Schneider et Legrand, la patronne de Sonepar, Marie-Christine Coisne-Roquette, a obstinément refusé de les donner. Mais la justice a fini par mettre la main sur ces documents, qui contiennent des éléments troublants.

La valeur des services rendus pose en effet question. Le contrat entre SIS et Schneider prévoit qu’en plus de l’analyse des ventes, le numéro 2 mondial du matériel électrique paie pour avoir droit à des « séminaires » avec les cadres de Sonepar, destinés à « favoriser, à tous les niveaux, les échanges et la bonne compréhension entre les femmes et les hommes qui sont les acteurs des relations commerciales » (voir notre document). Alors même que la « bonne compréhension » fait partie des relations normales, et a priori gratuites, entre un industriel et le distributeur qui vend ses produits.
 

On retrouve aussi des clauses étranges dans les contrats avec Legrand, qui paie SIS à Genève pour avoir droit à des « réunions stratégiques » avec son distributeur, mais aussi pour obtenir « des informations sur l’évolution du groupe Sonepar » ou encore la « liste très détaillée des principaux contacts et points de vente des sociétés du groupe Sonepar ».

Sonepar, Rexel, Schneider et Legrand n’ont pas souhaité commenter ces points précis. Sonepar répond seulement que sa filiale suisse SIS fournit « des services d’analyse et d’étude à forte valeur ajoutée à des dizaines de partenaires stratégiques du groupe opérant aux quatre coins du monde ». Rexel indique que sa filiale genevoise R3S « réalise notamment des prestations de service de marketing international ».

Autre fait troublant : plusieurs de ces contrats sont rétroactifs. Schneider a signé son premier accord avec SIS en 2006, pour un montant de 6 millions par an à l’époque. L’avenant à cet accord pour la période 2011-2012 a été signé le 24 décembre 2011, plus d’un an après son entrée en vigueur.

Même chose pour le contrat entre SIS et le fabricant de matériel électrique Legrand pour les années 2012 et 2013. Il a été signé en personne par Gilles Schnepp, à l’époque patron de Legrand (il préside aujourd’hui le conseil d’administration de Danone), le 2 avril 2013, soit un an et demi après la date d’entrée en vigueur de l’accord. Le contrat prévoit que Legrand doit verser en Suisse jusqu’à 3,3 % du montant des ventes de ses produits réalisées par Sonepar, ce qui représente des millions d’euros par an.

Contactés à ce sujet, les protagonistes se sont refusés à tout commentaire. Schneider et Legrand se bornent à répondre qu’ils agissent « de manière éthique et responsable » et « dans le strict respect de la législation et de la réglementation en vigueur ».

 publié le 22 juin 2022

Fraude fiscale de McDonald's : à l'origine de l'amende d'1,25 milliard d'euros, il y a l'action d'un syndicat

Luis Reygada sur www.humanite.fr

La justice a validé l’accord qui clôt une enquête lancée à la suite d’une plainte de la CGT pour « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée ». Si l’amende infligée à McDonald’s représente bien une ­victoire, le syndicat ne compte pas en rester là. Récit d'une action syndicale inédite.

Un milliard deux cent quarante-cinq millions d’euros – ou 1 245 624 269 euros pour être plus précis : c’est la somme folle que McDonald’s a accepté de payer à l’État afin d’éviter d’être poursuivi au pénal pour fraude fiscale. L’affaire est sans précédent et il y avait foule, ce jeudi matin, dans la salle 2-13 du tribunal judiciaire de Paris pour écouter le juge valider l’accord conclu entre le procureur de la République et le roi du fast-food.

Un règlement qui n’implique pas la reconnaissance d’une faute, même si le président de l’audience a pris plus d’un quart d’heure pour exposer les mécanismes financiers mis en place par le leader mondial de la restauration rapide pour échapper à l’impôt sur les sociétés dans l’Hexagone.

Une « amende d’intérêt public »

Sociétés interposées, schémas de droits de licence, transferts de coûts de développement, taux de redevance de services, système de filiales et de franchises, pourcentages de bénéfices triangulés entre la Suisse, le Luxembourg et les États-Unis à partir de la France… Présentation PowerPoint à l’appui, c’est tout le « système McDo » qui est mis à nu. Il aurait ainsi permis de soustraire 469 millions d’euros de recettes au fisc.

Le numéro 1 du hamburger contourne les règles du fisc au moyen notamment de redevances reversées à sa maison mère européenne, basée au Luxembourg.

Proposée par le Parquet national financier (PNF), la procédure –une convention judiciaire d’intérêt public (Cjip) - est finalement homologuée par le juge qui confirme le montant de l’« amende d’intérêt public » et clôt ainsi une enquête lancée à la suite des actions pénales initiées fin 2015 par le CE de McDonald’s Ouest parisien et la CGT McDonald’s Île-de-France.

« C’est totalement inédit ! lance Gilles Bombard, ancien secrétaire général dudit syndicat. Cet argent que l’État va toucher, c’est l’aboutissement de notre démarche syndicale. À la CGT, nous avons toujours eu des revendications sur les salaires en nous basant sur la relocalisation des profits. Sans notre action, il n’y aurait pas eu d’enquête du PNF. »

« Il a fallu contourner le verrou de Bercy »

Retour en 2013. Alors que CGT devient majoritaire au comité d’entreprise d’une des filiales françaises de McDonald’s, ses élus réclament hausses de salaires et primes d’intéressement aux bénéfices pour les employés. « Impossible ! » rétorque alors la direction, bilans comptables à l’appui  les mauvais résultats de l’entreprise ne le permettent pas.

« Nous avons déclenché des expertises qui nous ont permis de comprendre pourquoi l’entreprise était tout le temps dans le rouge alors que le chiffre d’affaires était très bon et qu’elle continuait d’ouvrir de nouveaux restaurants  », raconte Gilles Bombard.

La raison était prévisible et c’est la publication, début 2015, d’un rapport élaboré par une coalition de syndicats européens et américains qui les met sur la voie : le numéro un du hamburger contourne les règles du fisc au moyen notamment de redevances reversées à sa maison mère européenne, basée au Luxembourg. Résultat : une non-rentabilité ­organisée aux dépens des recettes de l’État, mais aussi de ses plus de 75 000 salariés, avec un manque à gagner ­estimé à 969 euros par an pour chacun d’eux (1).

Attac calcule que la fraude aux prélèvements obligatoires s’élèverait à plus de 100 milliards d’euros par an.

« Il a fallu contourner le verrou de Bercy pour qu’il y ait une enquête, poursuit le syndicaliste. Pour court-circuiter le ministère, nous avons décidé d’agir au pénal et dénoncé des faits de “blanchiment de fraude fiscale en bande organisée”. » C’est cette action, poursuivie par le PNF, qui a permis d’aboutir à la sanction en milliard confirmée ce jeudi.

« Tout le monde est lésé par l’évitement fiscal des grands groupes, assure Anne de Haro, juriste et administratrice à l’Ugict-CGT (Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens). L’argent qui n’est pas versé par ces groupes à l’État – donc à la collectivité – est compensé par les impôts de toutes et tous. »

Pour les avocates des syndicalistes plaignants, l’ancienne magistrate anticorruption Eva Joly et sa fille Caroline Joly, la taille « colossale » de l’amende serait « dissuasive » et pourrait « changer les pratiques des grands groupes ».

Du côté d’Attac, on remarque surtout que cette affaire confirme la magnitude des sommes détournées aux dépens de l’intérêt général. « On doit en être à la dixième Cjip pour fraude fiscale, signale Vincent Drezet, membre du conseil scientifique de l’organisation. Avec Google l’amende avait déjà atteint les 500 millions d’euros. Là, on atteint le milliard. Ces chiffres révèlent l’ampleur de la fraude fiscale que nous ne cessons de dénoncer. »

Attac calcule que la fraude aux prélèvements obligatoires s’élèverait à plus de 100 milliards d’euros par an. « On voit bien que les grands groupes siphonnent les bénéfices des entités en France avec des pratiques qui n’ont rien de légal », explique l’économiste fiscaliste, avant d’avertir qu’il ne faudrait surtout pas laisser le gouvernement s’attribuer cette victoire contre McDonald’s. La réalité, c’est que les services de contrôle fiscal de l’État sont chaque fois plus faibles », affirme-t-il.

Une réparation à obtenir pour les salariés

Si l’amende infligée à McDonald’s représente bien une ­victoire, à la CGT, on ne compte pas en rester là. Impensable pour la centrale que seul l’État soit reconnu comme victime des pratiques de la firme aux 5,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France (2019). « Nous envisageons toutes les suites juridiques à apporter à cette décision afin que les salariés puissent obtenir la réparation de leur préjudice avec les nombreuses primes de participation qu’ils n’ont pu obtenir à cause de ce système frauduleux », annonce-t-elle dans un communiqué.

« Nous avons tiré la queue du tigre, sourit Anne de Haro. La financiarisation des entreprises est devenue un axe de travail important à l’Ugict-CGT et nous avons décidé d’aider nos élus avec des formations spécifiques. Nous sommes en train de concevoir un “guide sur les prix de transfert”, prévu pour l’automne.

Cette affaire prouve aussi que les salariés et les syndicats doivent s’emparer de ces questions pour que ça bouge. » Le combat sera rude, en effet. McDonald’s Europe a maintenant déménagé du Luxembourg vers le Royaume-Uni, désormais plus accommodant fiscalement. 

(1) Selon un rapport publié en avril 2017 par ReAct, Attac France et la CGT McDonald’s.

 

 

 

Fraude fiscale : McDo paye
une amende maxi best of

Khedidja Zerouali sur www.mediapart.fr

Le tribunal de grande instance de Paris a prononcé jeudi contre McDonald’s la sanction financière la plus salée de l’histoire pour fraude fiscale. 1,2 milliard d’euros sont tombés dans les poches de l’État, mais les salariés de l’entreprise, privés de participation pendant des années, n’y ont pas droit. 

L’amende la plus salée de l’histoire de la fiscalité en France. Après cinq ans de procédures, treize gardes à vue, près de quatre cents procès-verbaux, des écoutes téléphoniques, des perquisitions et une longue phase de négociation de deux ans, émaillée par près de trente-six réunions, le verdict est tombé.

McDonald’s devra signer un chèque de 1,245 milliard d’euros au Trésor public, dans le cadre d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), venue conclure une longue enquête sur les pratiques de fraude fiscale organisées par le géant du fast-food de 2009 à 2020. 

Malgré la somme, cette convention reste une porte de sortie favorable pour le géant du fast-food : dans cette justice de la négociation, aucun des dirigeants n’est inquiété et même si l’entreprise reconnaît les faits, cela ne vaut pas condamnation. 

Dans le détail, lors d’une audience jeudi 16 juin au tribunal judiciaire de Paris, le juge a validé l’amende d’intérêt public la plus élevée jamais prononcée en France : 508 millions d’euros, soit « le maximum possible », a précisé Jean-François Bohnert, le procureur national financier.

Cette somme vient s’ajouter aux quelque 737 millions que l’administration fiscale réclame au groupe pour régler l’impôt sur les sociétés qui avait été détourné par un schéma de fraude fiscale faisant atterrir au Luxembourg une partie du bénéfice de la filiale française du géant du hamburger. Le tout équivaut très exactement à 1 245 624 269 euros, que McDonald’s, renonçant à son délai de rétraction, devra payer dans les dix jours. 

Ce milliard 245 millions représente à lui seul un tiers du budget annuel de la justice, il permettrait de financer le salaire net de cinq cents magistrats.

Du côté du parquet national financier, on multiplie les comparaisons pour dire l’importance de l’amende : « Cette somme, c’est entre 2,5 et trois fois les impôts éludés », a insisté à l’audience le procureur Antoine Jocteur Monrozier, avant de se lancer dans une petite comparaison budgétaire : « Ce milliard 245 millions représente à lui seul un tiers du budget annuel de la justice, il permettrait de financer le salaire net de cinq cents magistrats pour lutter - le cas échéant - contre la fraude fiscale»

Et de continuer en citant des références moins judiciaires : l’équivalent des investissements de l’État pour les Jeux olympiques de 2024 à Paris, ou de l’ensemble de l’aide publique versée par l’État en matière d’éducation dans le monde. Une remarque qui a animé la salle 213 du tribunal de grande instance de rires narquois, sauf peut-être du côté des bancs de la défense. 

Une défense sans sel 

Les représentants de McDonald’s s’en sont tenu au strict minimum. À la barre, le directeur juridique et quelques avocats. Ces derniers s’expriment de manière très succincte, dans des styles légèrement différents. Quand le premier salue avec révérence le « rapport absolument parfait » qu’avait établi le président du tribunal, un autre se montre plus acide, se permettant de « jouer les trouble-fêtes » en assurant que si procès il y avait eu, la défense aurait disposé « d’arguments » et de « réponses aux griefs qui [leur] sont faits ».

Mais de procès il n’y aura pas, ce n’est pas cette option qu’a choisie McDonald’s. Et pour cause : la CJIP permet à l’entreprise de ne pas se soumettre à un véritable procès, plus long, plus médiatique et engageant non plus seulement la personne morale mais aussi les dirigeants eux-mêmes. 

C’est pour éviter tout cela, mais surtout une probable condamnation, que McDonald’s a préféré sortir le chéquier. Le statut de l’enquête préliminaire choisie par le parquet national financier ne permet pas non plus que des parties civiles se constituent.

Les salarié·es qui, pendant des années, n’ont pas touché d’intéressement à cause de la fraude fiscale de leur employeur, sont donc exclus du champ de l’accord. C’est pourtant la plainte des représentants d’une partie des employé·es parisien·nes, tout début 2016, qui a déclenché la machine judiciaire. Les membres du personnel se plaignaient principalement de n’avoir droit à aucune participation, du fait du déficit artificiellement affiché par les filiales qui les employaient. 

Après l’audience, au micro de nombreuses chaînes de télévision et de radio ayant fait le déplacement, l’avocat de la société, Denis Chemla, s’en est tenu aux éléments de langage, répétant sur tous les tons que le cas est « un litige technique », « une différence d’appréciation » faite d’une « matière technique, complexe ».

Insistant sur l’essence même de la convention judiciaire d’intérêt public, l’avocat ne s’est pas privé de rappeler que la sanction financière ne vaut pas condamnation. Dans un court communiqué de presse distribué à la sortie de l’audience, McDonald’s précise que sur la période étudiée par la justice, de 2009 à 2020, « l’entreprise et ses franchisés ont payé plus de 2,2 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés en France et créé près de 25 000 nouveaux emplois ».

Si l’enseigne se targue régulièrement d’être le premier employeur de jeunes de France, elle coûte cher à la collectivité.

Pour rappel, McDonald’s en France, c’est 1 500 restaurants, près de 75 000 salariés. Un mastodonte de la restauration rapide et de l’immobilier dont le dernier chiffre d’affaires annoncé dans le pays, en 2019, s’élevait à 5,4 milliards d’euros. Cela en fait le deuxième plus grand marché national pour l’entreprise, après les États-Unis. 

Si l’enseigne se targue régulièrement d’être le premier employeur de jeunes de France, elle coûte cher à la collectivité. En raison de l’évasion fiscale organisée pendant des années, mais aussi en aides publiques. Comme de nombreuses autres grandes entreprises, le roi du hamburger a profité de nombreuses subventions publiques, du CICE aux réductions de cotisations en passant par le plan de relance du gouvernement lié à la pandémie.

Par exemple, selon les calculs de l’ONG ReAct, « le ​Plan “1 jeune, 1 solution”​ pourrait avoir rapporté, en six mois, jusqu’à 45 millions d’euros d’argent public à McDonald’s, ​pour des embauches auxquelles l’enseigne aurait procédé de toute façon » (lire ici les enquêtes d’Alternatives économiques qui s’appuient sur les rapports de ReAct)

Des redevances envoyées au Luxembourg 

Retour salle 213 du tribunal de grande instance. Contrairement à ce qu’affirme McDonald’s, le schéma fiscal employé entre 2009 et 2020 n’est pas si complexe à expliquer. Le président du tribunal, Stéphane Noël, s’y est pris très simplement, point par point, diaporamas à l’appui, avec un ton pédagogue, parfois moqueur. 

Pour résumer, McDonald’s rendait ses restaurants déficitaires en France par un jeu de transferts de redevances financières entre ses filiales internationales. Le montant amassé par l’entreprise avec cette combine a été calculé par le fisc à plus de 469 millions d’euros, sur onze ans.

Le président du tribunal a rappelé qu’en France, le groupe est composé de quelques restaurants détenus directement par des filiales de l’entreprise, mais surtout d’une grande majorité de restaurants gérés par des franchisés. Une myriade de petits patrons qui administrent leurs restaurants comme des PME, comme nous l’avions déjà expliqué. Ces restaurants franchisés représentent plus de 80 % de l’ensemble des McDo de France. 

Ces restaurants font remonter une partie de leur chiffre d’affaires au groupe, par le biais d’une redevance censée financer le droit d’utiliser la marque. Et c’est là que tout se complique. Pour le fisc français, le problème est double. 

D’abord, la redevance, passée de 5 à 10 % du chiffre d’affaires à partir de 2009 paraît trop importante au vu de ce qui serait facturé pour le même service entre deux entreprises complètement distinctes. Stéphane Noël a noté que le taux de cette redevance était le plus élevé d’Europe. « Cette captation d’actifs se traduisait forcément par une diminution de l’impôt dû. C’est le cœur de la procédure. »

Deuxièmement, McDonald’s faisait atterrir ces redevances dans une filiale luxembourgeoise, où l’impôt sur cette catégorie de revenus est indolore. Les redevances passaient ensuite par la Suisse et les États-Unis, et plus particulièrement le Delaware qui est considéré comme un paradis fiscal.

« À l’époque on nous disait que c’était comme ça, qu’on ne pourrait jamais questionner la redevance. Finalement, on l’a fait », se félicite aujourd’hui l’ancien délégué syndical CGT des restaurants de l’Ouest parisien, Gilles Bombard. L’homme, qui n’est plus salarié de la chaîne depuis deux ans, s’est déplacé pour l’audience, aux côtés d’Eva Joly, ancienne magistrate et avocate des salariés à l’époque, et de quelques élu·es s’intéressant aux questions fiscales, dont l’Insoumise Manon Aubry. 

Ronald McDonald au royaume de la justice négociée 

Les sanctions financières prononcées le 16 juin sont une victoire pour le syndicaliste. Son engagement et celui de ses collègues sont aujourd’hui reconnus à l’international : « Cette énorme amende témoigne des années de campagne des syndicats et des gens ordinaires qui ont mis en lumière les pratiques douteuses de McDonald’s et forcé les gouvernements à agir », affirme Asad Rehman, directeur de l’association britannique War on Want, qui a rédigé deux importants rapports sur l’optimisation fiscale du roi du hamburger.

« L’amende historique record infligée par le gouvernement français montre que le fait de voler l’argent du public et des travailleurs peut être puni », a abondé Jan Willem Goudriaan, secrétaire général de la fédération syndicale européenne European Federation of Public Service Unions. 

En 2015, c’est l’expertise comptable demandée par les syndicats des restaurants de l’Ouest parisien qui a permis d’établir les bizarreries comptables ayant cours chez McDo. Entre la redevance obligatoire, et le loyer, également versé à la chaîne : « À peu près 25 % de notre chiffre d’affaires s’évaporait », rappelle Gilles Bombard.

Le comité d’entreprise de McDonald’s Ouest parisien a porté plainte pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale auprès du procureur de la République de Versailles, puis auprès du parquet national financier un an plus tard. Douze mois après, ce dernier ouvrait une enquête, confiée à l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF).

Les résultats présentés à l’audience sont le fruit de ce travail de plusieurs années, dont tout le monde s’est félicité au tribunal, dans une ambiance d’une grande politesse. La justice loue l’implication de McDo, l’entreprise remercie de la « gentillesse » de la remarque. Amabilités pour saluer une justice négociée, devant des salariés pour le moins dubitatifs. 

« Aujourd’hui, on reste sur notre faim. Nous sommes satisfaits de cette amende record, satisfaits d’avoir œuvré sur le plan général. Mais sur le plan personnel ce n’est pas terminé, avertit Gilles Bombard. On va réfléchir à comment les salariés vont pouvoir demander, eux aussi, réparation de leurs préjudices, puisque beaucoup n’ont pas pu toucher de primes de participation à cause de ce système considéré comme frauduleux. »

À la sortie de l’audience, ils sont nombreux à s’imaginer ferraillant contre le géant du fast-food lors de procédures civiles, pour faire valoir leur droit à l’intéressement qui leur a été soustrait pendant des années. Mais il faudra encore du temps et de l’argent. 

D’autres combats attendent les militants. Devant le tribunal, sous une chaleur harassante, une vingtaine de salarié·és, syndiqué·es à la CGT ou membres du collectif « McDroits », chantent : « Frite par frite, nugget par nugget, on reprendra le fric de McDonald’s ! » Tous racontent la violence du management, les cadences infernales, les salaires trop bas.

Le tract qu’ils distribuent « à destination des candidat·e·s aux élections législatives » détaille les violences sexistes et sexuelles vécues par les salariées, sur lesquelles Mediapart a enquêté, dénoncent « une division raciste du travail » et s’inquiètent des « atteintes régulières à la liberté syndicale »

Autant de sujets dont il n’est pas sûr que la justice soit saisie, malgré l’éclatante victoire du jour. Une fable de La Fontaine, citée par une militante présente au tribunal, le rappelle : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »

publié le 21 juin 2022

On ne lâche rien !

Christophe Prudhomme sur www.humanite.fr

Le résultat des élections n’est pas à la hauteur de nos espérances. Alors que les mesures phares de notre programme recueillent une large majorité d’opinions positives, cela n’a pas suffi pour contrecarrer l’abstention, qui reste majoritaire. Dans notre système politique sclérosé, les petits jeux politiciens ont provoqué un rejet de cette démocratie parlementaire dévoyée notamment par une Constitution qui ne correspond plus aux aspirations de la majorité de la population. Alors que les services publics, en particulier l’hôpital, sont en train de s’effondrer, nous nous retrouvons avec une majorité de députés de droite qui vont vouloir poursuivre la politique de soutien aux cliniques et aux Ehpad privés qui sont dans les mains de leurs amis, dont beaucoup sont actionnaires et qui se gavent avec l’argent de la Sécurité sociale.

Avec une extrême droite renforcée – merci, monsieur Macron, dont les amis ont refusé d’appeler à voter contre le RN –, nous allons assister à un déferlement désinhibé et violent contre les boucs émissaires que sont les étrangers qui viendraient profiter des largesses de notre système social. Malheureusement, beaucoup de nos collègues ont déjà commencé à baisser les bras et nous assistons à des démissions massives et une désertion de l’hôpital. Individuellement, je peux les comprendre, mais seront-ils vraiment plus heureux, ailleurs, en renonçant au métier dans lequel ils s’étaient engagés et qu’ils abandonnent, tristes et désabusés ? Cependant, il est utile dans cette situation de prendre une analogie médicale.

Face à la maladie, il ne faut jamais désespérer et toujours savoir rechercher la petite parcelle d’espoir qui permet de continuer à se battre. Le rassemblement de la gauche autour d’un programme de rupture a redonné de l’espoir, notamment aux plus jeunes. Un groupe renforcé sera présent à l’Assemblée nationale alors qu’en face, aucune majorité stable n’existe. Alors, il va falloir continuer à se mobiliser en répétant que les applaudissements ne suffisent pas pour les soignants, que si les élections ne mobilisent plus, il va falloir peut-être agir différemment sur le terrain. Le mouvement social, s’appuyant sur un très grand nombre de nouveaux députés qui ne sont pas des professionnels de la politique et qui pourront relayer les revendications, est un atout majeur. C’est effectivement une fierté que d’avoir des élus qui savent ce que sont ces fameux métiers de première ligne qui ont permis d’assurer la continuité des services pendant les confinements. Nous n’avons de toute façon pas d’autre choix que de réellement continuer à mettre en œuvre notre slogan « On ne lâche rien », sans oublier que celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu.

publié le 21 juin 2022

À Bruxelles, les syndicats font le plein pour des hausses de salaire

Ludovic Lamant sur www.mediapart.fr

Les trois grands syndicats du royaume ont défilé lundi dans les rues de Bruxelles, réclamant des mesures d’ampleur face à la flambée des prix. Dans leur viseur, une loi de 1996 qui freine l’évolution des salaires.

Bruxelles (Belgique)– Après une longue pandémie, puis l’irruption de la guerre en Ukraine, les syndicats belges viennent de rappeler au gouvernement fédéral l’urgence de la question sociale. Quelque 80 000 personnes selon les organisateurs (70 000 selon les forces de l’ordre) ont participé lundi 20 juin à une manifestation dans les rues de Bruxelles, dans une ambiance plutôt bon enfant, pour dénoncer le recul du pouvoir d’achat et l’inflation galopante.

« Une manifestation immense en Belgique, c’est 100 000 personnes. On savait qu’à la veille de l’été, ce serait plus compliqué. Réunir 80 000 personnes, c’est fabuleux », assure à Mediapart Thierry Bodson, président de la FGTB, la centrale socialiste. Une grève a aussi perturbé les transports et d’autres services publics dans le pays, tandis que l’aéroport de Bruxelles a été contraint de fermer ses portes pour la journée, en raison de la mobilisation du personnel de sécurité.

Aux alentours de la gare du Nord, d’où le cortège s’est élancé dans la matinée, il était facile de reconnaître les troupes des trois syndicats qui ont fait front ce lundi : le rouge pour les socialistes (FGTB), le vert pour les chrétiennes (CSC, majoritaire dans le royaume) et le bleu pour les libérales (CGSLB). « Il n’y a rien de surprenant à ce que les syndicats mobilisent en cette période, étant donné la poussée des prix. Ce qui est plus rare, c’est que les libéraux se joignent à leurs homologues et réalisent un véritable front commun », observe Caroline Sägesser, du CRISP, l’un des principaux instituts d’études politiques belges. La Banque nationale de Belgique anticipe un taux d’inflation à 8,2 % sur l’année en cours, dont un pic à 9,9 % atteint en mai.

Dans la foule, on entend chanter : « De l’argent il y en a / Dans les poches du patronat. » Des syndicalistes portent des casques arborant de mini-caddies à leur sommet. Des membres du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté réclament, plutôt qu’un pouvoir d’achat en berne, le « pouvoir de vivre ». Une autre pancarte : « Début du mois = fin du mois ! » Des militant·es du PTB, le parti du travail de Belgique, formation marxiste dans l’opposition, tractent à tout-va des affiches de leur leader, Raoul Hedebouw, une pompe à essence retournée sur sa tempe, barrées du slogan : « Bloquez les prix, pas les salaires. »

Sur le podium, Marie-Hélène Ska, secrétaire générale du syndicat chrétien, reprend ce qu’elle a déclaré quelques heures plus plus tôt dans un entretien à la Libre Belgique: « L’augmentation des salaires est complètement verrouillée, mais les dividendes et rétributions versés aux grands patrons, eux, ont crû de plus de 14 %. » Le libéral Olivier Valentin exprime la même indignation: « Pour les dividendes, c’est open bar ! »

Quelques pancartes évoquent la guerre en cours en Ukraine, certaines rêvant d’un retour rapide à la paix, d’autres relayant un message plus radical : « Leurs sanctions contre Poutine ? C’est racketter le peuple pour plus de profits ! » Parmi les collectifs les plus visibles du cortège figure celui des aides ménagères. Elles se sont fait connaître, depuis le début d’année, en aspergeant de mousse des rues et des édifices, pour réclamer des aides, alors que la hausse des prix du carburant grève d’autant leurs faibles revenus. « Nous n’avons pas eu le droit cette fois d’asperger de mousse le parcours du défilé, sourit Martine, la cinquantaine, une aide ménagère venue d’une petite ville du Limbourg, dans l’est du royaume. Mais nos revendications n’ont pas bougé. »

Des divisions au sein de la coalition au pouvoir

Le mot d’ordre de la manifestation, pour la défense du pouvoir d’achat, peut sembler bien flou. Mais la plupart de celles et ceux qui battaient le pavé lundi veulent faire tomber une loi précise : un texte de 1996 qui encadre l’évolution des salaires en Belgique, révisé une première fois en 2017 sous le gouvernement du libéral Charles Michel. D’après le barème prévu par cette loi, les coûts salariaux ne peuvent grimper que de 0,4 % en 2022.

La difficulté, pour les syndicats, est que les sept partis qui forment la coalition hétéroclite qui gouverne la Belgique se sont tous engagés, Parti socialiste compris, à ne pas toucher à ce texte de 1996, dans leur accord de gouvernement en 2020. Lorsqu’on le signale à Thierry Bodson, de la FGTB, il réplique : « Un gouvernement, ça doit être autre chose qu’un clerc de notaire qui exécute un accord de gouvernement. D’autant qu’il y a une guerre à 2 000 kilomètres de nos frontières, que les prix de l’énergie et de l’alimentation explosent et que de plus en plus de personnes ne savent plus terminer leurs fins de mois. Je vous rappelle qu’on a adopté, par décret, du jour au lendemain, le principe d’un couvre-feu, pendant la pandémie. Donc on sait s’adapter. »

Autour de cette revendication - faire tomber la loi de 1996 - se sont fait entendre d’autres exigences, dans les rues de la capitale belge. Maximilien Herry, syndicaliste FGTB de 50 ans, arbore un slogan brodé au fil blanc sur le col de son polo rouge : « Repartir à l’offensive ». Résidant non loin de Louvain-La-Neuve, il a monté avec d’autres le collectif « Culture en lutte » qui s’oppose à la réforme en cours du statut de l’artiste. « Le gouvernement doit reconnaître le cas très spécifique des artistes précaires, en particulier pour leurs droits à la sécurité sociale. Mais cela n’en prend pas le chemin », regrette-t-il. Des revendications déjà portées par un autre collectif, Still standing for culture, qui avait décidé l’ouverture de lieux de culture - cinémas, théâtres - malgré les interdictions officielles prononcées en plein confinement.

Plus loin dans le cortège, Charlotte Renouprez est membre d’un mouvement d’éducation populaire dans la capitale belge, Les équipes populaires. Elle s’est jointe à la manif pour porter, entre autres dossiers chauds, celui du logement. L’activiste de 33 ans réclame, pas tant une augmentation des salaires comme beaucoup d’autres croisés dans le défilé, mais plutôt une baisse des loyers, doublée d’un gel de l’indexation des loyers, face au risque de voir les loyers grimper à chaque renouvellement de bail.

« Ce mécanisme dans l’immobilier locatif n’est pas un système juste, mais totalement inflationniste, avance celle qui est aussi militante au sein du collectif Action Logement Bruxelles. Ce que nous mettons en avant, ce n’est pas nécessairement l’idée d’augmenter le pouvoir d’achat, mais plutôt d’encadrer les prix. » Même approche sur le front énergétique : « C’est très bien d’avoir des aides individuelles au profit des consommateurs qui n’arrivent pas à payer leurs factures. Mais il faut des mesures structurelles d’encadrement du marché. La libéralisation ne fonctionne pas. Nous voulons un fournisseur public d’énergie. Les multinationales ne peuvent plus se faire des profits sur notre dos. »

Dimanche, le chef du gouvernement, Alexander De Croo, avait répondu par avance aux manifestant·es : « J’appelle surtout à ne pas ajouter de l’agitation à une situation qui est déjà très instable », en référence au Covid et à la guerre en Ukraine. Cette sortie n’est pas sans rappeler le ton très critique de certains éditorialistes, à l’instar du rédacteur en chef du quotidien économique L’Écho, écrivant samedi : « Perturber le fonctionnement d’un pays “parce que la vie est de plus en plus chère”, est-ce vraiment le moyen le plus [...] constructif de faire changer les choses ? Certains diront qu’à tout prendre, un mouvement organisé comme celui-là vaut mieux que des “gilets jaunes” en ordre dispersé. »

Mais le premier ministre Alexander De Croo s’est aussi défendu sur le fond. L’exécutif a décidé samedi de prolonger les mesures exceptionnelles de soutien aux ménages - censées prendre fin en septembre - jusqu’à la fin de l’année, dont une TVA à 6 % sur le gaz et l’électricité, ou encore la baisse de certaines taxes sur le carburant. Il a aussi rappelé l’existence en Belgique d’un mécanisme quasiment unique en Europe : « Selon les experts, notre pays bénéficie de la meilleure protection du pouvoir d’achat de toute l’Europe, grâce à l’indexation automatique des salaires [sur les prix - ndlr]. »

Ce système prévoit, dès que les prix d’un panier de produits dépasse un certain plafond, que les rémunérations du secteur public, mais aussi les allocations sociales, sont relevées mécaniquement, puis, dans un second temps, après négociations, les salaires du privé. Pour les syndicats, ce mécanisme controversé, s’il a servi d’amortisseur face à la dureté de la crise, ne suffit plus. Au sein de la coalition, les écologistes ont pris leur distance avec le libéral De Croo, se déclarant favorables à des « revalorisations salariales » : « Il faut permettre une négociation au niveau des secteurs, ceux qui ont fait des bénéfices pendant la crise comme le pharma, les banques, le secteur de l’énergie », a affirmé lundi le co-président des écologistes, Jean-Marc Nollet.

L’affaire est d’autant plus sensible qu’au même moment, l’exécutif vient de trouver un compromis, à l’approche du sommet de l’Otan à Madrid fin juin, sur la nécessité d’augmenter ses dépenses militaires jusqu’à 2 % du PIB d’ici 2035 - contre 1,07 % en 2021. Privilégier la défense aux dépens du social ? Ce fut, comme le nucléaire il y a quelques mois, un sujet d’intenses frictions au sein de l’exécutif fédéral, qui rassemble des écologistes, des socialistes mais aussi des libéraux et des conservateurs.

« Le gouvernement n’avance plus dans toute une série de dossiers, dont la réforme fiscale ou la réforme des retraites, observe Caroline Sägesser, du CRISP. L’échéance électorale de mai 2024 semble déjà très présente à l’horizon. Les partis essaient de rappeler au maximum leur ADN et leurs revendications. Ils n’hésitent pas à contester le travail du gouvernement auquel ils participent. Cela augure mal de la suite. »

publié le 20 juin 2022

Keke, députée, à l’Assemblée !

par Cyril Pocréaux 20/06/2022 paru dans le Fakir n°(100)

Il y a quelques mois, on vous racontait la lutte victorieuse de Rachel Kéké, qui vient ce dimanche d’être élue députée, et de ses copines. C’est que des femmes de chambres contre le 6e groupe hôtelier mondial, c’était pas gagné d’avance. Alors, imaginez ce qu’elle pourra faire à l’Assemblée, Rachel !

«  ‘‘Fermez vos gueules ! Fermez vos gueules’’, ils nous criaient. Et même, parfois, ils nous balançaient des trucs sur la tête depuis leurs fenêtres, de l’eau ou des canettes… » Rachel, la femme de chambre, secoue la tête : « Mais plus ils faisaient ça et plus ça nous donnait de la force. » C’est qu’ils étaient contrariés, les clients de l’Ibis Batignolles, à la lisière nord de Paris : pendant huit mois, Rachel et ses copines ont tenu le piquet de grève devant leur hôtel. Un conflit qui aura duré près de deux années.

On rembobine le film : juillet 2019, ces femmes de chambre de l’Ibis, employées de la STN, n’en peuvent plus. Marre des cadences, d’être payées à la chambre, de ne pas bénéficier d’une prime de panier pour manger le midi. « Les mutations pour les salariées en arrêt-maladie, ça a été la goutte d’eau, se souvient Sylvie. Le médecin du travail avait exigé que leur rythme passe de 20 à 10 chambres par jour. Alors, la direction les a mutées ! » Rachel poursuit : « Parce que, faut comprendre, c’est un métier qui détruit le corps, vraiment : on a des tendinites, des douleurs aux genoux. Ça rend malade. »

Le petit groupe identifie vite les responsables. « On est salariées de la sous-traitance, mais c’est Accor qui donne les ordres, non ? Mais ils nous ballottaient comme un ballon de rugby. On a compris que le seul langage possible, ce serait la grève. » Certaines se découragent : elles étaient 34 filles au début, une vingtaine rapidement. C’est là que Claude et Tiziri, de la CGT-HPE, se pointent sur place. « Quand il a vu ça, le patron de la STN nous a dit de ne surtout pas rester avec eux », rigole Sylvie. Raté : au bout d’une semaine, tout le monde est syndiqué.
Reste que « c’est dur, la grève dehors, surtout dans le froid, la pluie, la neige ». La lutte a débordé sur l’hiver. « Parfois, on n’en pouvait plus. Nos familles s’inquiétaient pour nous, moi mes enfants me disaient d’arrêter. »
Des caisses de grève se mettent en place. Elles vont récolter, au final, 280 000 euros – dont 15 000 des postiers grévistes de Sud 92 ! Une fois réglés les frais d’avocats, de quoi tenir ces deux années.

Car en face, Accor réagit : le groupe, quatre mille salariés, fait venir d’autres salariées pour compenser les débrayages. Alors, il faut faire du bruit, plus de bruit, devant le siège du groupe, dans d’autres hôtels, avec des politiques et de la presse.
Et Accor comme STN finissent par céder, lors d’une ultime médiation, en mai dernier. « Leur image en souffrait, tellement elle était salie, analyse Rachel. On a saisi la cravate de Sébastien Bazin, le PDG d’Accor, on lui a serré encore un peu plus, on lui a donné nos conditions et il les a acceptées à 99 %. »

Car elles gagnent sur quasi tout, au final : 7,30 euros de panier repas, travail à la pointeuse et non plus à la chambre, 20 minutes de pause le midi, annulation des mutations, grévistes licenciées réintégrées. « Quand j’ai vu ma fiche de paye, ça a changé, aussi ! » En moyenne, entre 250 et 500 euros de plus par mois.
« On a sorti la tête de l’eau comme la sardine sort de sa boîte. Avoir résisté au 6e groupe mondial, c’est une fierté. » En fait, « il manque juste l’internalisation, mais ça va venir », prévient Rachel. La cravate de Bazin a du souci à se faire : l’appétit vient en gagnant.

D’ailleurs, c’est maintenant à une députée qu’il s’adressera, la prochaine fois qu’il devra parler à Rachel !

publié le 20 juin 2022

Colombie : 
victoire historique de la gauche

Par Sergio Coronado sur www.regards.fr

Ce dimanche 19 juin les Colombiens ont élu Gustavo Petro et Francia Marquez, respectivement à la présidence et à la vice-présidence du pays. Un séisme démocratique que nous analyse Sergio Coronado.

Deux siècles d’histoire républicaine pendant lesquelles la gauche avait été tenue à l’écart de la présidence de la République colombienne, parfois au prix des armes et de la violence, viennent de prendre fin. Ce 19 juin, Gustavo Petro obtient 50,44% des suffrages et 11.281.002 voix, contre 47,31% et 10.580.399 voix pour son adversaire Rodolfo Hernandez.

 Favori des enquêtes d’opinion depuis des mois, Gustavo Petro avait survolé le premier tour hissant la gauche à plus de 40%, laissant loin derrière le candidat de la coalition gouvernementale d’extrême droite, Federico Gutierrez – dit Fico – qui était son adversaire désigné.

La qualification au second tour du millionnaire Rodolfo Hernandez, ancien maire de Bucaramanga, avait cependant crée la surprise. La présence inattendue d’un personnage atypique, hors normes, faisant l’objet de poursuites judiciaires pour des affaires financières, avait rendu le second tour des plus incertains.

Au soir du premier tour, la joie de résultats avait laissé place à une grande crainte. Rodolfo Hernandez avait de grandes réserves de voix, notamment chez les électeurs uribistes furieusement anti-pétristes, et même si son comportement erratique et ses déclarations à l’emporte-pièce jouaient en sa défaveur, il n’était pas le candidat d’extrême droite que la gauche attendait, ni même n’avait souhaitait. Il représentait dans la campagne une forme d’aspiration au changement aux accents populistes et parfois réactionnaires. Son refus de débattre, sa campagne modeste sans réunions publiques, ses prises de positions contradictoires, avaient rendu le second tour incertain.

Gustavo Petro avait finalement dû ajuster sa stratégie de campagne. Celui dont l’engagement militant commença dans le choix des armes s’est transformé en meilleur défenseur des institutions et de la stabilité du pays. L’ancien maire de Bogota, le brillant sénateur s’est montré rassurant, pris des engagements fermes de ne pas toucher à la constitution, à la propriété privée et de ne pas chercher la réélection.

Après une semaine de flottement, Petro a invité le pays à un accord national basé sur un changement profond mais tranquille, tournant le dos aux haines qui expliquent que la politique colombienne demeure une activité à hauts risques.

Le soutien d’une partie des élites universitaires et intellectuelles du pays, même conservatrices, a donné à ce discours non seulement une grande consistance mais une réalité palpable.

L’incapacité d’Hernandez à faire campagne, à expliquer comment il entendait gouverner, et avec quelles forces politiques, avec l’annonce du recours à un état d’exception (« estado de conmoción interior ») ont fini de fragiliser sa candidature qui bénéficiait de la bienveillance des medias dans un pays au légalisme affiché.

La victoire de Petro est nette. Il est en effet le président le mieux élu de l’histoire du pays. Son adversaire reconnut sa défaite sans aucune réserve dès l’annonce des résultats. Il n’est pas certain que celui à qui la constitution offre le rôle de premier opposant décide faire faux bond et se déclarer finalement indépendant, montrant ainsi qu’il n’était pas le candidat d’extrême-droite tant de fois dépeint. La construction de la coalition « Pacte historique » était un avant-goût de ce qui attend le premier président de gauche du pays dans la recherche d’une majorité gouvernementale.

Après le rejet des accords de paix par voie référendaire en 2016, ce vote marque un soutien clair au processus de paix, que le gouvernement précédent a mis en miettes. En élisant un ancien guérillero, le pays a exprimé sa volonté de tourner la page de la guerre.

Gouverner ne sera pas simple

Il n’en reste pas moins que l’uribisme qui a tenu le pays pendant des décennies, souvent par la terreur et la violence, sort très affaibli de cette élection. Petro bénéficie d’un socle solide. La présence de Francia Marquez à ses côtés a été un atout de poids. Elle a réconcilié le candidat parfois chahuté avec les mouvements féministes, indigènes, afro-descendants, minoritaires, les jeunes. Francia est une militante d’une écologie populaire, aux engagements connus et salués contre l’extractivisme et pour la défense de l’environnement. Elle avait créé la surprise lors des primaires ouvertes en mars dernier, recueillant plus de 800.000 voix.

Dans un continent où les expériences de gauche ont parfois construit leur modèle économique sur la destruction du vivant et l’extrativisme, elle est un gage d’une autre politique.

La victoire de la gauche à la présidentielle colombienne marque une forme de normalisation de la vie politique dans le pays : celle d’une démocratie, certes très imparfaite avec des insuffisances tragiques parfois, mais où l’alternance est possible.

Elle ouvre aussi une période de redéfinition des relations avec les États-Unis, dont le pays est le principal allié sur le continent et une base arrière militaire. Elle marque enfin le retour des gauches au pouvoir sur le continent, après l’Argentine, le Mexique, le Pérou, le Honduras, le Chili.

publié le 19 juin 2022

Le second tour ébranle la Macronie et la Vè République

 Sur www.humanite.fr dimanche 19 juin à 20h50

Selon les estimations de 20 heures, la gauche obtiendrait de 150 à 180 sièges et bouscule le camp présidentiel. L’extrême droite marque aussi des points avec un groupe de 80 à 100 élus.

Un véritable séisme politique. Le second tour des élections législatives bouleverse le paysage politique : la Macronie devrait se voir priver d’une majorité absolue tandis que la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) occupera une grande partie de l’Hémicycle. Mais l’extrême droite vient assombrir le tableau, avec un Rassemblement national qui devrait être doté d’un groupe bien plus puissant qu’attendu.

D’une soixantaine de sièges occupés par la gauche pendant le précédent quinquennat, les projections de l’Ifop disponibles à 20 heures lui en promettent de 150 à 180 (lire page 7). Qui l’aurait parié il y a seulement quelques mois, quand la gauche apparaissait divisée et marginalisée ? Mais cette percée, permise par l’union, n’a pas suffi à contrarier les institutions de la Ve République, qui confèrent l’avantage au président, en particulier depuis le quinquennat et l’inversion du calendrier. « Quoi qu’il arrive, il se sera exprimé une très forte aspiration au changement et à la justice sociale. Il sera contraint d’en tenir compte », prévenait cependant le porte-parole du PCF, Ian Brossat, peu avant le vote.

Car, après un second tour aux allures de sévère revers, le chef de l’État sort extrêmement fragilisé de ce scrutin. Au moins une de ses ministres, Justine Benin, est battue en Guadeloupe (lire page 4). De 210 à 250 députés devraient composer sa majorité. Ainsi, les premières estimations de l’Ifop lui promettent qu’elle serait relative (lire page 9). Pourtant, le président a mouillé la chemise pour éviter d’avoir à composer avec d’autres forces. Bafouant la tradition républicaine, il ne s’est pas privé d’intervenir depuis l’Ukraine dans la campagne des législatives. « Je veux que nous mesurions le moment où nous avons à faire ce choix démocratique : à deux heures et demie d’avion de Paris, il y a la guerre », a-t-il martelé lors de son entretien diffusé à trois jours du scrutin sur TF1, renouvelant son vœu d’obtenir une majorité face au risque de « désordre ». En écho à cette OPA sur la République, ses lieutenants ont poursuivi la diabolisation, entamée dès avant le premier tour, des candidats de la gauche. Des « anarchistes d’extrême gauche », selon la ministre Amélie de Montchalin, inquiétée dans l’Essonne par le ­socialiste Jérôme Guedj. Avec un « projet de ruine économique du pays », selon son collègue au gouvernement Gabriel Attal (lire notre récit page 8).

Aucune figure de la Macronie n’a manqué de monter au front. Et pour cause : le rapport de forces est tel que le président doit se mettre en quête de nouvelles alliances. Malgré la perte de nombre de ses 100 députés (lire page 10), avec 60 à 70 élus, selon les projections de l’Ifop, LR pourrait bien devenir indispensable à Emmanuel Macron pour valider sa réforme des retraites ou pour contraindre les allocataires du RSA à des heures de travail gratuit. Des mesures pour lesquelles la droite classique n’aura pas trop à forcer sa nature. Mais même son renfort pourrait ne pas suffire. Et « Les Républicains » pourraient bien être tentés de pousser l’avantage. « Pour voter des textes, il faut que l’opposition soit considérée. Si le Parlement est bloqué, comment fait-on ? Au fur et à mesure des textes, si nos propositions sont retenues, nous voulons les voter », a prévenu, jeudi, le président du parti de droite, Christian Jacob.

L’autre fait majeur de la soirée est l’obtention d’un groupe à l’Assemblée nationale par l’extrême droite bien plus important qu’attendu (lire page 9). De surcroît, le premier depuis 1986, où elle avait bénéficié de la proportionnelle. Le Rassemblement national devrait pouvoir compter, selon les premières estimations, sur 80 à 100 sièges au Palais Bourbon sur 208 candidats restés en lice. Une ampleur mésestimée par les sondages d’entre deux tours et un signal des plus inquiétant après la qualification à la présidentielle pour la seconde fois de Marine Le Pen en avril dernier.

Le parti d’extrême droite peut remercier la Macronie. Avec des appels au barrage « au cas par cas », elle a fissuré encore davantage le front républicain, sur lequel elle a – à juste titre – pu compter au second tour de l’élection présidentielle. « Je sais très bien que nous avons des idées différentes et des valeurs communes », avait pourtant assuré, le 12 avril, à la gauche le désormais ex-président de l’Assemblée, Richard Ferrand, battu dimanche soir par la Nupes. Cette fois, outre les membres du gouvernement, nombre de candidats Ensemble ! défaits au premier tour ont jugé opportun de ne pas livrer de consigne de vote. Ou pire, de renvoyer dos à dos gauche et extrême droite. C’est le cas de l’ex-ministre Jean-Michel Blanquer, qui, battu dans le Loiret, au lieu d’inviter à soutenir le communiste Bruno Nottin face à son adversaire RN, a estimé que « l’extrême gauche est un danger aussi important que l’extrême droite » (lire notre reportage page 6).

De basses manœuvres pour tenter de compenser le vote anti-Macron, qui devait largement jouer en défaveur du camp présidentiel lors des plus de 270 duels Nupes-Ensemble !. Selon un sondage Opinion Way réalisé en amont du scrutin, 40 % des électeurs RN du premier tour étaient prêts à choisir le bulletin de la gauche, contre 11 % celui de la majorité présidentielle. Les fameux électeurs « fâchés pas fachos » que le chef de file de la Nupes, Jean-Luc Mélenchon, avait appelé à faire le bon choix dimanche.

En revanche, la dynamique en faveur de la gauche n’aura pas permis de mobiliser suffisamment parmi les abstentionnistes. 54 % des électeurs ne se seraient pas rendus aux urnes dimanche, selon les estimations disponibles à 20 heures. Plus que la semaine précédente, où la non-participation s’est élevée à 52,49 %. Un record depuis 2017, où, entre les deux tours, l’abstention avait encore bondi de 6 points, passant de 51,3 % à 57,36 %.

La gauche a toutefois construit de solides bases pour aborder le quinquennat. Elle réoccupe le devant de la scène politique et pourrait entraver les plans d’Emmanuel Macron en comptant sur le renfort du mouvement social et climatique, plus que jamais décisif. À la gauche désormais de jouer de ses tout nouveaux atouts pour imposer les questions qui préoccupent vraiment les Français, pouvoir d’achat en tête.


 


 

Et sur www.mediapart.fr


 

Jean-Luc Mélenchon pointe la « déroute totale » de la majorité

Devant ses militants, à l’issue du deuxième tour des législatives, Jean-Luc Mélenchon s’est réjoui de la « déroute totale » du parti présidentiel, évoquant une « situation totalement inattendue, absolument inouïe ». « Nous avons réussi l’objectif politique que nous nous étions donné, en moins d’un mois de faire tomber celui qui avec autant d’arrogance avait tordu le bras de tout le monde pour être élu sans qu’on sache pour quoi faire », a-t-il déclaré. « C’est avant tout l’échec électoral de la Macronie, l’échec, plus grave, moral de ces gens qui donnaient des leçons à tout le monde de morale et qui se prétendaient le barrage à l’extrême droite et qui auront eu comme principal résultat d’en avoir renforcé les rangs », a-t-il insisté tout en regrettant le niveau élevé de l’abstention.

À ses troupes, et notamment à la jeune génération, il a adressé un « message de combat », évoquant les « opportunités incroyables » s’offrant à elle pour faire face « au changement climatique et à la grande crise financière ». « Vous disposez d’un magnifique outil de combat : la Nupes, ce sont ses parlementaire, ouvriers, ouvrières, salariés de tous ordres, de toutes les régions de France, arrivant par dizaines sur les bancs de l’Assemblée nationale », a-t-il lancé.

« Toutes les possibilités sont dans vos mains. Quant à moi je change de poste de combat, mais mon engagement est et demeurera dans les premiers de vos rangs, si vous le voulez bien », a-t-il affirmé. « Le grand jaillissement de l’histoire du plus profond de ce qu’est la France des rébellions et des révolutions a le visage de notre collectif, celui de l’union populaire », a-t-il martelé. Face à ce « monde finissant », a-t-il affirmé, « il faudra apporter des réponses fulgurantes. » « Pas un instant, a-t-il conclu, nous ne renonçons à l’ambition d’être ceux qui gouverneront ce pays et qui l’amène à un autre horizon. »

publié le 18 juin 2022

Le 19 juin, élisons
des députés de combat

Fabien Gay sur www.humanite.fr

Qui aurait pu imaginer un seul instant, au soir du premier tour de l’élection présidentielle le 10 avril dernier qui voyait une nouvelle fois la gauche éliminée du second tour, que, deux mois plus tard, une large coalition de la gauche et des écologistes, la Nupes, serait au coude-à-coude avec l’arc de rassemblement de la majorité présidentielle ? Et pourtant, c’est un fait, et la Nupes a déjà remporté son premier pari. En deux mois, elle a réussi à remobiliser, à redonner l’espoir qu’une autre majorité était possible, et que la retraite à 65 ans, le RSA conditionné au travail gratuit, les salaires bloqués et l’inflation ou plutôt la spéculation rampante n’étaient pas une fatalité.

Même si la gauche progresse de « seulement » 63 889 voix par rapport à 2017, son unité et son rassemblement lui permettent d’être présente au second tour dans quelque 400 circonscriptions (hors outre-mer), d’être en tête dans 194 d’entre elles, et d’avoir déjà quatre députés élus dès le premier tour. La Nupes sera même présente dans 61 circonscriptions face au Rassemblement national. Dès lors, il appartient à tous les démocrates, républicains et à la majorité présidentielle de parler haut et clair, comme la gauche a su le faire pour le second tour de la présidentielle, et de battre largement le RN, qui progresse de 1,3 million de voix par rapport à 2017. Loin d’être vaincue, l’extrême droite reste vivace et ses idées s’enracinent dans la société.

Ce premier tour est un camouflet pour Emmanuel Macron. Pour la première fois depuis l’instauration de la Ve République et alors que les institutions sont conçues pour confier au président élu une large majorité, il se pourrait que les électrices et les électeurs décident de ne pas confier cette majorité absolue, ni même relative, au chef de l’État. Ce serait inédit ! Si tel était le cas, il est possible et probable que le président se retrouve en difficulté pour imposer ses réformes libérales.

Après avoir fait le choix d’un non-débat lors de la campagne de l’élection présidentielle, c’est celui d’une campagne sous anesthésie qui a été retenu pour les législatives. En somme, Emmanuel Macron a pensé que, par le simple jeu des institutions malades de la Ve République, la majorité, à défaut d’exister dans les idées, serait du moins au rendez-vous des urnes.

Ce pari nauséeux – et bien peu démocratique – est raté. Et l’abstention très forte, qui a battu un nouveau record, devrait être entendue à l’Élysée comme un signal très politique. Elle traduit une non-adhésion au projet présidentiel ; et une majorité du peuple ne pense pas que la Macronie aura les réponses à la crise du pouvoir d’achat, à la crise climatique, à la crise du service public, dont l’hôpital et l’éducation sont les plus criantes illustrations, nécessitant d’urgentes solutions.

Les Français et Françaises veulent des réponses politiques à ces problématiques, auxquelles s’ajoute celle de la paix au niveau international. Voici donc le dernier défi des candidats et candidates de la Nupes pour le 19 juin : mobiliser les abstentionnistes par millions, pour être le plus nombreux possible dans la prochaine Assemblée, avec des députés de combat pour défendre l’augmentation des salaires, revenir à la retraite à 60 ans et répondre à l’urgence sociale et climatique.

publié le 18 juin 2022

Législatives :
les enjeux du second tour

Lucie Delaporte, Pauline Graulle et Ilyes Ramdani sur www.mediapart.fr

Renaissance de la gauche, affaiblissement de Macron, place de l’extrême droite… À la veille du second tour des législatives, Mediapart passe en revue les principales questions que pose le scrutin.

Une élection « extra-ordinaire », au sens propre. Boudé par plus de la moitié des inscrits (un peu moins de 48 % des électeurs se sont rendus aux urnes le 12 juin), le premier tour des législatives n’en a pas moins bousculé l’ensemble du paysage politique. Remettant au centre du jeu une gauche unie et conquérante, ce scrutin que tout le monde aurait cru joué d’avance a, pour une fois, ouvert le champ des possibles. 

À l’évidence, et par un saisissant contraste avec la campagne d’entre-deux-tours de la Macronie, incapable d’appeler au front républicain contre l’extrême droite, c’est la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) qui devrait tirer, dimanche, son épingle du jeu.

Quoi qu’il arrive, la gauche coalisée a ainsi réussi l’exploit de faire vaciller les certitudes du pouvoir. Réélu à la présidence de la République sans projet ni dynamique, Emmanuel Macron pourrait se retrouver, lundi, dans l’impossibilité de s’appuyer sur une majorité suffisamment large et stable pour gouverner à sa guise. Si elle advenait, cette situation, jamais vue depuis 30 ans, porte en elle une promesse : celle d’une revitalisation – par la voie parlementaire – de cette VRépublique à bout de souffle.

Une « folie » pour la droite ; une aubaine pour la gauche qui compte bien pousser son avantage, à l’heure de la réforme des retraites, à l’orée du péril climatique, et alors que la guerre en Ukraine s’enlise et bouleverse les rapports internationaux.

Mélenchon à Matignon : rêve ou possible réalité ?  

Le pari de Jean-Luc Mélenchon, tenant en haleine ses troupes en leur promettant qu’« un autre premier ministre est possible », aura-t-il permis le sursaut de participation indispensable à une possible victoire au second tour ?

Deux jours avant le scrutin, sur les bords du canal Saint-Martin où il avait convié la presse pour une dernière déclaration avant le week-end, le troisième homme de la présidentielle réaffirmait qu’il visait « la majorité absolue ». Quelques heures plus tôt sur BFMTV, il faisait d’ailleurs mine d’imaginer son lundi 20 juin au matin : « Je serai chez moi, j’attendrai le coup de téléphone du président de la République pour former le gouvernement. »

Mais les chances du leader de La France insoumise d’obtenir une majorité à même de le propulser à Matignon sont minces. « Tout peut arriver en théorie, mais il faudrait qu’il y ait une surmobilisation électorale entre les deux tours comme cela s’est produit aux législatives de 1988 et de 1997, explique Mathieu Gallard, directeur de recherche à l’institut Ipsos, qui envisage plutôt une stabilité du niveau de l’abstention dimanche. Mais quand cela arrive, c’est que les enjeux sont à la fois très forts et faciles à comprendre, ce qui n’est pas vraiment le cas de ce second tour. »

Autre problème : les reports de voix dans les quelque 400 circonscriptions où la Nupes s’est qualifiée la semaine dernière. Or, ajoute Mathieu Gallard, « autant Ensemble peut compter sur l’électorat Les Républicains », autant la gauche, partie unie dès le premier tour, ne peut pas espérer une réorientation massive de l’électorat au second, dans les 270 circonscriptions où elle affronte la majorité. Et si les électeurs du Rassemblement national (RN) font, sur le papier, figure d’arbitres du scrutin, une bonne partie d’entre eux devraient se réfugier dans l’abstention.

Reste désormais à savoir si la campagne de l’entre-deux-tours, lors de laquelle Jean-Luc Mélenchon a multiplié les appels du pied à la jeunesse et répété que la victoire était à portée de main, pourra déjouer les pronostics.

À quoi ressemblerait une Assemblée avec 150 ou 200 députés de gauche ?

En 2017, l’arrivée en masse d’une centaine de primo-élus La République en marche (LREM) – ces fameux « novices » décrits par le sociologue Étienne Ollion – n’avait finalement pas transformé en profondeur le rôle et la pratique parlementaires.

Cette fois, il faudra regarder du côté gauche de l’hémicycle pour sentir peut-être un vent de renouveau se lever sur l’Assemblée nationale. Si la Nupes parvient, comme elle l’espère, à faire élire au moins 150 députés, pléthore de nouvelles têtes feront, la semaine prochaine, leur entrée au Palais-Bourbon. « L’enjeu, c’est la représentation citoyenne, soulignait, lors de son dernier meeting de campagne à Paris, l’écologiste Julien Bayou. Imaginez : des punks à l’Assemblée, des activistes climat, des Rachel Keke ! »

Autant de profils politiques et sociologiques variés – boulanger, femme de chambre, trentenaires… – qui promettent de donner un sérieux un coup de jeune à l’Assemblée, où les écologistes feront aussi leur grand retour après cinq ans d’absence.

Au-delà des questions de casting, la gauche, qui sera répartie en quatre groupes (insoumis, socialiste, communiste, écologiste) « très actifs », comme l’a promis Mélenchon, a toutes les chances de devenir la première force d’opposition – une place occupée par le groupe Les Républicains (LR) durant les deux précédentes législatures. Ce qui lui ouvrirait de nouveaux droits, à commencer par l’obtention de postes stratégiques, comme la très en vue présidence de la commission des finances, la questure, deux ou trois vice-présidences de l’Assemblée…

À la clef, un temps de parole démultiplié, une présence renforcée dans les commissions où sont écrits les textes de loi, et une bataille politique et médiatique avec l’exécutif qui s’annonce homérique. Surtout si la gauche applique les méthodes des Insoumis qui, à seulement 17 députés, ont réussi à transformer l’Assemblée en caisse de résonance durant le dernier quinquennat.

Afin d’éviter la crise de croissance, la gauche parlementaire devra néanmoins se réinventer. Cette législature « sera un test déterminant pour voir si les Insoumis ont véritablement une culture parlementaire, ce qu’ils revendiquent dans leur programme », soulignait, fin mai, le spécialiste de la vie parlementaire, Olivier Rozenberg, dans nos colonnes.

Sans majorité absolue, le pays va-t-il devenir « ingouvernable » ?

Dans Le Figaro cette semaine, Édouard Philippe a feint de s’interroger : « Que ferait le pays si, dimanche 19 juin, une majorité relative nous empêchait largement d’agir ? » L’ancien premier ministre a agité le spectre d’une « France ingouvernable », promettant un « désordre politique », « une folie » et « une aventure ». La surenchère verbale du maire du Havre (Seine-Maritime) traduit, plus qu’une réalité, l’état d’inquiétude du camp présidentiel avant le scrutin.

Pourtant, l’hypothèse de voir les macronistes disposer d’une majorité relative à l’Assemblée nationale n’a rien d’extravagant. Elle a déjà pris forme en France, sous la présidence de François Mitterrand entre 1988 et 1993. Surtout, c’est la norme chez nos voisins allemands ou espagnols : en 16 ans à la tête du pays, Angela Merkel et la CDU-CSU, son parti, n’ont jamais bénéficié d’une majorité absolue.

En revanche, ce scénario viendrait bouleverser la pratique du pouvoir d’Emmanuel Macron et replacer le Parlement au cœur de la vie politique française. Il pourrait aussi avoir de sérieuses conséquences sur le fond de la politique gouvernementale. Quelle que soit l’option qu’il retient pour faire voter ses lois (lire ci-dessous), le chef de l’État devra faire des concessions et infléchir, dans un sens ou dans l’autre, certaines de ses orientations programmatiques. 

Au sein même de la majorité, ce cas de figure viendrait briser le scénario échafaudé à l’Élysée d’un parti présidentiel quasiment hégémonique. Jugé fin mai comme le grand perdant de la répartition des investitures, Édouard Philippe, l’ancien premier ministre, verrait le poids politique de son parti, Horizons, considérablement renforcé par un tel résultat. Avec le MoDem de François Bayrou, la formation de droite macroniste pourrait s’avérer indispensable pour le gouvernement ; en mesure, donc, de peser sur les choix de l’exécutif.

Que fera Macron en cas de majorité relative ?

L’hypothèse selon laquelle la confédération présidentielle remporterait le plus grand nombre de sièges au Palais-Bourbon sans obtenir la majorité absolue placerait Emmanuel Macron face à une véritable équation politique et institutionnelle.

Lorsque celle-ci s’était posée aux gouvernements socialistes de François Mitterrand, ils y avaient répondu par la parade du « 49-3 ». Entre 1988 et 1993, Michel Rocard, Édith Cresson et Pierre Bérégovoy ont utilisé 39 fois cet article de la Constitution qui permet d’adopter une loi sans votes. Sauf qu’une réforme constitutionnelle est passée par là, en 2008, restreignant l’usage du « 49-3 » : celui-ci n’est désormais possible qu’une fois par session parlementaire, hors lois de finances.

Reste la solution politique. Selon le nombre de sièges qui lui manquent pour atteindre la barre des 289, le chef de l’État a plusieurs options : il peut débaucher des élu·es jugé·es compatibles, passer un pacte de coalition avec le parti Les Républicains (LR) ou encore décider de gouverner sans toucher aux équilibres parlementaires, composant des majorités au gré des textes. Autant d’options prévues par la Constitution, loin de la « folie » décrite par Édouard Philippe.

Il n’empêche que ce serait, pour la Macronie, un véritable tournant politique : après cinq ans de centralisme, le camp du chef de l’État serait contraint de repenser sa méthode de gouvernance et sa pratique politique. Une hypothèse que raillait Jean-Luc Mélenchon vendredi lors d’un point presse, renvoyant à la droite ses arguments catastrophistes. « Si Macron l’emporte, ça sera la IVRépublique dans la VRépublique, puisqu’il y aura six partis sans accord entre eux, a lancé le chef de file de la Nupes. Si nous sommes élus, c’est l’ordre, la cohérence ; et eux, la pagaille permanente. »

Le RN : l’autre gagnant du scrutin ?

Dimanche, le Rassemblement national devrait, sauf surprise, dépasser le seuil symbolique des quinze députés pour pouvoir constituer un groupe à l’Assemblée nationale. Une première depuis l’instauration du scrutin majoritaire à deux tours en 1988, qui a fait disparaître l’extrême droite de l’hémicycle malgré sa constante progression dans les urnes.

Au lendemain du second tour de l’élection présidentielle de 2017, à laquelle Marine Le Pen avait recueilli près de 11 millions de voix, le FN n’avait pu faire entrer au Palais-Bourbon que huit députés, disposant de très peu de leviers pour peser dans les débats.

Cinq ans plus tard, après une campagne présentée comme perdue d’avance par Marine Le Pen (la logique des institutions devait offrir une majorité à Emmanuel Macron, expliquait-elle avant le 1er tour), la progression de l’extrême droite s’est à nouveau confirmée au premier tour où le parti a engrangé plus de 1,2 million de voix supplémentaires qu’en 2017 et ce, malgré une abstention record. Le RN est présent au second tour dans 208 circonscriptions, contre 119 en 2017.

Toujours plus fort dans ses bastions traditionnels, notamment dans le Nord et le Pas-de-Calais, le RN a réussi à s’inviter sur des territoires nouveaux comme la Gironde ou la Guadeloupe. Preuve que le parti, malgré la grande faiblesse de certains de ses candidats, est en train d’enfoncer le verrou institutionnel qui a longtemps invisibilisé son inscription dans le paysage politique malgré un socle électoral de plus en plus large.

Lundi, lors d’une conférence de presse, le président par intérim du parti, Jordan Bardella, a affirmé que le score du premier tour devrait permettre « la multiplication par cinq du nombre de nos députés », soit une quarantaine. Un pari loin d’être irréaliste, qui marquerait une percée historique pour le RN.

 publié le 17 juin 2022

Dimanche, un scrutin où
tout peut basculer

Cyprien Caddeo et Diego Chauvet sur www.humanite.fr

Législatives Le second tour des élections, le 19 juin, déterminera le sens du quinquennat Macron. La Nupes peut-elle obtenir une majorité de députés, fût-elle relative, ou au moins en priver la Macronie ? On fait le tour des hypothèses.

Opportuniste, Macron à Kiev ? Le déplacement du président en Ukraine, assorti d’un passage au 20 heures de TF1 (lire page 6), à trois jours du second tour des législatives, a tout du fait de campagne déguisé. D’autant qu’Emmanuel Macron n’en est pas à son coup d’essai : le 14 juin, avant de s’envoler pour la Roumanie, il demandait à  « ce qu’aucune voix ne manque à la République ». Sous-entendu, à Ensemble !, sa coalition. La République, c’est eux  ? La gauche ne l’entend pas de cette oreille. Le second tour, dimanche 19 juin, constitue une occasion historique de renverser la table et de faire « bifurquer » le quinquennat vers une politique plus sociale et écologique. Au premier tour, la Nupes et Ensemble ! ont joué des coudes, l’union de la gauche arrivant d’un cheveu en tête (25,85 %, contre 25,78 %). « Ce second tour est un référendum entre les néolibéraux macronistes et les solidaristes de la Nupes », résume Jean-Luc Mélenchon. Dimanche, quatre scénarios se profilent : une majorité relative macroniste, une majorité absolue pour le chef de l’État, une majorité relative pour la Nupes, ou une majorité absolue, donc une cohabitation de gauche.

1. Macron en tête, mais sans majorité absolue

Dans ce scénario, Ensemble ! arrive en tête en nombre de sièges mais n’en glane pas suffisamment pour atteindre le seuil des 289 députés nécessaires pour la majorité absolue. Puisqu’il y a essentiellement des duels Nupes-Ensemble ! au second tour, cela veut dire aussi que la Nupes aurait autour de 200 sièges, au moins. Autrement dit, le chef de l’État n’aurait pas tout à fait les mains libres pour gouverner : sa majorité ne pourrait user du 49-3, sur les retraites par exemple (comme en 2020), car celui-ci engage la responsabilité du gouvernement devant le Parlement. Or, avec moins que la majorité absolue, la Macronie serait bien plus exposée aux motions de censure de l’opposition, et l’exécutif pourrait être renversé. « Quoi qu’il arrive, si cette hypothèse advenait, Macron serait plus faible que jamais, analyse Ian Brossat, porte-parole du PCF. Se serait exprimée une très forte aspiration au changement et à la justice sociale. Il sera contraint de tenir compte de tout ça. » Les macronistes devront aussi chercher des appuis en dehors de leur camp. À en juger par leurs réactions paniquées, ils ne sont pas prêts. « Une majorité relative serait une folie, s’affole l’ex-premier ministre Édouard Philippe dans le Figaro. Ce serait un désordre politique qui viendrait s’ajouter à l’instabilité et aux dangers du monde actuel. » Rien que ça. « Avec qui voudront-ils gouverner ? Y aura-t-il une convergence des droites ? » s’interroge, plus rationnel, le cadre socialiste Maxime des Gayets. Dans ce cas de figure, LR deviendrait un arbitre privilégié des réformes de la Macronie et serait en position de force dans les futures négociations (tout en ayant, paradoxe, perdu quasiment la moitié de ses effectifs de députés). À moins qu’Ensemble ! ne tente de débaucher chez les quelques députés régionalistes ou divers gauche.

Et la Nupes, alors ? Battue, elle resterait néanmoins, et de loin, la première force d’opposition à l’Assemblée. Elle obtiendrait la présidence, très stratégique, de la commission des Finances, traditionnellement dévolue au premier groupe d’opposition – à condition que la Macronie ne s’asseye pas sur la coutume. « Ce qui nous était inaccessible, tels que les référendums d’initiative partagée, les motions de censure, les commissions d’enquête parlementaire, c’est-à-dire un véritable contrôle de l’action du gouvernement, deviendrait envisageable », rappelle Julien Bayou, numéro un d’EELV.

2. Majorité macroniste, le scénario du pire

C’est la plus mauvaise hypothèse pour la Nupes, et la seule qui contenterait Emmanuel Macron. Avec 289 députés ou plus, Jupiter atteindrait son objectif d’avoir « une majorité solide » pour passer ses réformes a priori sans contrainte parlementaire : retraite à 65 ans, RSA conditionnés à 15 à 20 heures de travail hebdomadaire, marchandisation de l’école… En tout cas, il n’aurait pas à faire ce qu’il redoute le plus : devoir discuter avec d’autres forces politiques que la sienne, fût-ce « Les Républicains ». On connaît le mépris du chef de l’État pour le Parlement, pas assez rapide à son goût, et sa propension à abuser d’ordonnances et de décrets, quand il ne s’appuie pas tout simplement sur un conseil de défense. La création d’un « conseil national de la refondation », annoncé pour le 22 juin et où seront « discutées les réformes », est déjà une tentative évidente de contourner l’Assemblée en inventant une nouvelle institution ex nihilo.

En cas de victoire complète, les macronistes se réjouiront sans doute que les Français aient fait le choix de la « stabilité ». « Je ne suis pas certain qu’en cas de victoire de Macron, il y ait beaucoup plus de clarté », rétorque Maxime des Gayets, qui estime que la majorité sortante a « esquivé la confrontation démocratique » pour « éviter que certains débats ne soient tranchés par cette élection ». Reste que, malgré l’échec pour la Nupes, qui a fait campagne dans l’optique de remporter la victoire, la gauche augmenterait son nombre de députés. Elle se consolerait avec les prérogatives que lui offrent ces nouveaux élus (voir premier point). L’insoumise Clémence Guetté se veut optimiste, même dans ce scénario du pire : « On peut gagner, on fera tout pour. Mais dans ce cas-là, on a vu dans le mandat précédent que sa majorité a pu se fissurer. Et parfois, ça pouvait être très juste au niveau des votes. Alors qu’à gauche, nous n’étions qu’une soixantaine. La configuration sera différente, et on pourra bloquer. »

3. La Nupes a un pied à Matignon

La Nupes est en tête… mais faute d’atteindre le seuil des 289 députés, sa majorité n’est que relative. Ce serait une victoire politique évidente pour la gauche rassemblée et une déroute historique pour la majorité sortante. La gauche pourrait légitimement réclamer le gouvernement en tant que première force, mais une coalition LR-LaREM pourrait refuser de lui voter la confiance. Macron, d’un autre côté, serait privé de légitimité politique pour passer ses réformes de casse sociale. La France serait-elle alors ingouvernable, comme le martèle le président ? Le scénario n’est pas inédit : il a d’ailleurs déjà eu lieu en 1988. Le PS de Mitterrand n’avait glané que la majorité relative et a composé jusqu’en 1993 avec les communistes et le centre droit. « Ça créerait une situation inédite dans laquelle il est très difficile de se projeter, concède toutefois Clémence Guetté. Macron risquerait d’être à l’offensive sur la formation du gouvernement. » Mais la Nupes aurait une marge de manœuvre pour lui opposer des motions de censure (58 députés sont nécessaires pour en déposer, et il en faut 289 pour que l’exécutif soit renversé).

Il faudrait en tout cas que la gauche rassemblée se trouve des alliés pour passer ses propositions de loi comme l’augmentation du Smic ou la retraite à 60 ans . « On trouvera bien quelques renégats de LaREM, issus de la gauche, pour nous prêter main-forte, veut croire le communiste Ian Brossat, railleur . L’avantage des opportunistes, c’est qu’ils peuvent retourner leur veste dans les deux sens. » Ce « scénario à l’allemande » (en référence à la culture de la coalition outre-Rhin) signerait le retour d’un parlementarisme fort, où les groupes échangent et négocient, loin de la parodie qu’en a fait Macron.

4. La gauche s’assure une cohabitation

C’est l’objectif de la Nupes : obtenir une majorité absolue avec au moins 289 députés à l’Assemblée. Jouable, même si la marche est haute : il faudra un gros sursaut de mobilisation, notamment chez les 18-24 ans (69 % d’abstention au premier tour, selon Ipsos). Dans ce cas, la vie politique telle qu’on la connaissait depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir en 2017 basculerait. Le président de la République en a bien conscience, et c’est pour discréditer ce scénario qu’il a souligné durant la campagne que personne ne pourrait lui imposer le nom d’un premier ministre. « Macron ne pourra pas faire abstraction de la Constitution de notre pays et des rapports de forces politiques, lui rétorque l’insoumise Clémence Guetté. S’il ne nommait pas Mélenchon premier ministre, je rappelle qu’il y a tout de même un vote de confiance… »

La gauche deviendrait la première force politique du pays et, avec une majorité absolue, serait en mesure d’emporter le bras de fer contre l’Élysée. Un gouvernement issu de ses rangs serait alors nommé, avec Jean-Luc Mélenchon premier ministre, et c’est bien son programme qui commencerait à s’appliquer : Smic à 1 500 euros, revenu de 1 063 euros pour les jeunes, retraite à 60 ans, démarrage d’un vaste chantier de transition écologique… Bien entendu, celui-ci ne se mettrait pas en place sans rencontrer de fortes résistances. « La gauche au gouvernement a toujours rencontré des difficultés, rappelle le socialiste Maxime des Gayets. Et ce sont les mobilisations sociales » qui lui apporteront un appui décisif, selon lui. « Il faudra de toute façon construire des coalitions, partisanes mais aussi sociales, ajoute-t-il. C’est le principal enjeu. »

publié le 17 juin 2022

Le péril jeune met
la Macronie sous pression

Mathieu Dejean sur www.mediapart.fr

Les candidats de la Nupes Salomé Robin, Louis Boyard et Noé Gauchard ont entre 19 et 22 ans. Et ils défient des ténors de la majorité présidentielle au second tour. Avec des styles différents, ils font entendre la voix d’une génération en demande de radicalité.

Grenoble (Isère), Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), Vire (Calvados).– En plein porte-à-porte, mardi 14 juin, dans le quartier de l’Abbaye, à Grenoble, Salomé Robin se met en retrait pour pianoter sur son téléphone. Pendant quelques minutes, la candidate de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) rédige un long message explicatif à destination du canal Telegram de son équipe militante.

France 3 Rhône-Alpes vient de publier un article annonçant son refus de débattre avec le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, Olivier Véran, son adversaire dans la première circonscription de l’Isère. Avant le premier tour, celui-ci n’avait pas daigné participer au débat organisé par TéléGrenoble. Pourquoi lui faire ce plaisir maintenant ? La jeune militante à La France insoumise (LFI) dit préférer labourer le terrain pour convaincre, loin des aléas du direct.

Lors du précédent débat, le 3 juin, sa réponse confuse sur le financement du programme économique de la Nupes avait été isolée et rediffusée par Quotidien et C à vous. « C’est juste de l’humiliation », regrette Salomé Robin qui, à 19 ans, découvre les affres de l’exposition médiatique et de la « politique spectacle »

Cette fragilité n’empêche pas la plus jeune candidate de la Nupes d’être un sérieux caillou dans la chaussure de l’ancien ministre de la santé. « Moi je n’ai rien à perdre, mais lui, il joue sa carrière », constate-t-elle. Comme pour confirmer ses propos, elle reçoit un SMS du maire écologiste de Grenoble, Éric Piolle, qui vient de tenter de la joindre. Quelques mots qui font du bien : « Ça panique sec en face ! »

Le judo politique de Salomé Robin

Le 12 juin, contre toute attente, Salomé Robin a réuni 36,86 % des suffrages exprimés, contre 40,5 % pour le candidat-ministre, soit seulement 1 758 électeurs de différence. De quoi inquiéter le macroniste, largement distancié dans la partie grenobloise de la circonscription – même si la sociologie des communes périphériques de Biviers, Corenc, Saint-Ismier, plus aisées et âgées, devrait jouer en sa faveur.

Ce même jour, l’ancien ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, était sèchement éliminé. Tout un symbole pour la candidate : « C’était très jouissif, car quelque part c’est grâce à lui que je me suis politisée », ironise l’ancienne syndicaliste à l’Union nationale lycéenne (UNL) dans un sourire sardonique, comme si cette chute en annonçait d’autres dans la majorité présidentielle.

Le combat de David contre Goliath ne lui fait pas si peur que ça. Comme Jean-Luc Mélenchon, elle croit à la stratégie du judo politique, qui consiste à retourner le poids de l’adversaire contre lui. « On alerte depuis des années sur le changement climatique, mais rien n’est fait. Jai l’occasion d’avoir face à moi un ministre d’un gouvernement condamné deux fois pour inaction climatique. En tant que citoyenne, j’ai des choses à lui dire », lance celle qui se revendique de la « génération Greta Thunberg ».

Ces jeunes formés par des années de luttes émergent par eux-mêmes et s’imposent par leurs qualités de militants.

Sur Instagram, l’étudiante en sciences sociales a été à bonne école. Les « influenceurs » qu’elle suit ont pour nom Camille Étienne (@graine_de_possible), la militante écologiste qui s’est notamment fait connaître avec sa vidéo « Réveillons-nous », mais aussi Adrien Quatennens et Mathilde Panot, deux figures de LFI dans la précédente législature. Le premier avait fait une entrée fracassante à l’Assemblée nationale en 2017, en apostrophant la ministre du travail Muriel Pénicaud. Il avait 27 ans – à peu près comme Mathilde Panot (devenue présidente du groupe insoumis au Palais-Bourbon) et le député du Nord, Ugo Bernalicis.

« Écouter leurs interventions à l’Assemblée nationale m’a confortée dans mes choix, dit-elle. Ils ont en quelque sorte déprivatisé l’hémicycle en l’ouvrant sur la société. » C’est une particularité de LFI, dans sa courte existence, que d’avoir fait émerger des porte-parole jeunes, à un moment où les organisations de jeunesse des partis politiques sont exsangues. Un membre du premier cercle de Jean-Luc Mélenchon dit ainsi de lui qu’il a « un rapport générationnel à la politique ».

« Pendant la présidentielle, qui arrive après cinq ans de marches pour le climat, de mouvement #MeToo et de manifestations antiracistes, on a vu une génération ultra-conscientisée prendre sa place. Aujourd’hui, ces jeunes formés par des années de luttes émergent par eux-mêmes et s’imposent par leurs qualités de militants », nuance l’eurodéputé insoumis Younous Omarjee.

Ces élections législatives le confirment : la cohorte des trentenaires et même des vingtenaires va s’agrandir dans le prochain groupe parlementaire de l’Union populaire (UP) avec l’arrivée possible de Clémence Guetté, Antoine Léaument, Louis Boyard, Claire Lejeune, Damien Maudet, Emma Fourreau ou encore Alma Dufour – sans compter Sarah Legrain, élue dès le premier tour.

Cette représentation se veut à l’image d’un des bastions sociologiques du mouvement, soutenu massivement par les plus jeunes (30 % des 18-34 ans ont voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle). « L’UP capitalise beaucoup sur la jeunesse dans l’électorat, notamment les jeunes des quartiers populaires : c’est une grande force qu’on veut conserver pour les années qui viennent », confirme Alma Dufour, 31 ans, candidate en Seine-Maritime. 

Partant de ce « gap de classe et de génération » qui caractérise l’électorat mélenchoniste, le mouvement tente donc de convertir l’essai. Une tâche ardue, alors que les nouvelles générations entretiennent un rapport distant aux élections – qui n’est pas un rapport apolitique au monde, comme l’ont montré les sociologues Laurent Lardeux et Vincent Tiberj dans Générations désenchantées ? Jeunes et démocratie (La documentation française, 2021).

C’est la raison pour laquelle Jean-Luc Mélenchon multiplie les appels du pied à destination de cette classe d’âge pour qui le vote n’est plus automatique. Dans son discours du 12 juin, c’est « d’abord la jeunesse » qu’il a appelée à « déferler » au second tour des élections législatives. Le soir du premier tour de la présidentielle aussi, son injonction à « faire mieux » se voulait un défi à destination des jeunes générations.

C’est en tout cas ainsi que Salomé Robin l’a reçue : « Ce soir-là, je me suis dit que tout était foutu, jai pensé aux rapports du Giec, et puis Mélenchon a lancé : “Faites mieux”, et ça m’a redonné de l’espoir », raconte-t-elle, à l’instar de nombreux membres de la « génération Mélenchon », selon l’expression d’Adrien Quatennens.

Pour l’Insoumise grenobloise Élisa Martin, sur le point d’être élue dans une circonscription voisine de celle de Salomé Robin, l’existence de cette génération politique est logique : « Tout est lié : la radicalité relative de notre programme est liée à l’état du pays et du monde, et une partie de la jeunesse attendait cette expression de radicalité, il y a donc des jeunes dans notre mouvement. »

Louis Boyard boxe avec les mots

Louis Boyard est le pur produit de cette conjoncture. Ce 19 juin, l’ancien président de l’Union nationale lycéenne (UNL), âgé de 21 ans, pourrait faire tomber une autre figure de la Macronie : le rapporteur du budget à l’Assemblée nationale, Laurent Saint-Martin. Dans sa circonscription de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), où il a grandi, l’étudiant en droit a obtenu 31,5 % des suffrages exprimés, contre 25,5 % pour son adversaire.

Mercredi 15 juin, dans la cité Sellier, un grand ensemble datant de l’époque où la ville était encore un bastion cheminot, le jeune homme au look de rockeur anglais (il est pourtant fan de Childish Gambino) est à pied d’œuvre pour convertir l’essai. Autour d’un barbecue qu’il organise, des dizaines de jeunes engagent la conversation avec lui, sous le regard scrutateur d’une voiture de police qui passe tout près au ralenti.

Ils parlent de leur quotidien, entre galères et violences policières. Le climat de défiance vis-à-vis de la politique est total. Louis Boyard écoute, raconte sa lutte victorieuse contre l’amiante au lycée Georges-Brassens en 2017 et enchaîne : « Je suis arrivé devant un mec important de l’équipe de Macron au premier tour. Il ne fait campagne que chez les riches. Si on a plus de députés que lui, on gouverne la France, mais j’ai besoin de vous. » Il a un avantage : ici, Mélenchon a la cote.

Mais la réplique fuse : « Qui me dit que tu ne vas pas retourner ta veste ? Peut-être que le candidat de Macron était aussi déter’ que toi il y a cinq ans. » Boyard répond du tac au tac : « À moi aussi on a menti, je ne vais pas me braquer parce que les jeunes n’ont pas confiance. Mais on a assez douillé pendant cinq ans avec Macron. Je n’ai rien à promettre, je n’ai qu’un programme. »

Les paroles du morceau Nique les clones de Nekfeu s’échappent des enceintes. Elles semblent évoquer l’assemblée de « Playmobils » si critiquée par les Insoumis pendant cinq ans. L’humeur dégagiste a l’air de faire effet sur le petit groupe. « Il ne bégaye pas quand il parle d’injustices sociales, contrairement à la vieille génération de gauche, qui a tendance à donner des gages à la droite dès qu’elle discute avec elle », juge Aboubakar, 31 ans, ancien agent à la Ville.

Louis Boyard, très à l’aise dans les médias – ce qui lui a aussi joué des tours, comme lorsqu’il a confié avoir dealé dans « Touche pas à mon poste » –, assume de parler cru. « Ma génération a un rapport concret à la politique, parce qu’elle est marquée par des faits générationnels forts : #MeToo, Adama, les marches pour le climat. Il y a un clivage générationnel qui recoupe désormais un clivage social », estime-t-il.

On touche la victoire du doigt, ça me rend euphorique.

Quelques minutes plus tard, le jeune homme au visage poupin ferraille dans une salle municipale face à Laurent Saint-Martin en personne, avec une assurance déconcertante. Le public, houleux, se scinde en deux. Louis Boyard défend le programme de la Nupes pied à pied. Il parle des « gilets jaunes », du mouvement climat, des étudiant·es qui ont besoin d’une aide alimentaire.

« Quand on est une personne de ma génération, on se pose la question de quel monde on va laisser à ses enfants », dit-il. « Je ne suis pas beaucoup plus vieux que vous, Monsieur Boyard. Je suis sorti de mes études en 2008. Votre génération a des formations, un taux de chômage bas. La jeune génération qui a connu le chômage après la crise, c’est la mienne, c’est pas la vôtre ! », assène le député sortant.

Autre sujet, autre passe d’armes. « Je suis d’une génération qui a vu des lycéens forcés de se mettre à genoux, les mains derrière la tête, par des policiers qui leur disaient : “Voilà une classe qui se tient sage.” Reconnaissez qu’à Mantes-la-Jolie, Monsieur Saint-Martin, il y a eu violence policière », lance Louis Boyard. « Non, il y a des policiers qui font des fautes. Ils sont condamnés s’ils font des fautes. Notre police protège », balaye Laurent Saint-Martin.

Le clivage idéologique, lui, n’a pas pris une ride. Pas de quoi faire trembler le jeune Insoumis : « On touche la victoire du doigt, ça me rend euphorique », confie-t-il. 

Noé Gauchard et l’insoutenable légèreté d’Élisabeth Borne

Dans la Salle du Vaudeville, à Vire (Calvados), le 16 juin, le candidat de la Nupes Noé Gauchard est loin de partager ce sentiment. Le jeune homme de 22 ans, en costume sans cravate, tient son dernier meeting de campagne en présence de l’écologiste Sandrine Rousseau et de l’eurodéputé insoumis Younous Omarjee, et il fulmine. Le lendemain, il devait débattre avec son adversaire : Élisabeth Borne, parachutée dans une circonscription « parfaitement acquise à la cause macroniste ». Mais la première ministre s’est défilée : son suppléant ira à sa place.

« Est-ce qu’elle aurait peur ? Peur qu’on lui confronte tout son bilan et qu’elle ne sache pas quoi répondre ? », harangue-t-il devant quelque 200 soutiens. Sur le papier, la candidate de la majorité présidentielle bénéficie d’une avance confortable au premier tour (32,32 %, contre 24,53 % pour Noé Gauchard). Mais l’agitation politique de son rival, qui préfère n’y voir que « 5 000 voix » de retard, la met dans une position embarrassante.

« La victoire est déjà là : c’est leur fébrilité, c’est le refus de débattre de Borne. Ils se planquent d’autant plus qu’il y a eu un petit électrochoc chez les jeunes dans l’entre-deux-tours, et qu’ils ne croient plus du tout dans ce système », estime Sandrine Rousseau, elle-même en campagne dans le XIIIarrondissement de Paris.

Le fait qu’Élisabeth Borne ait réalisé le plus faible score jamais enregistré pour un chef de gouvernement au premier tour des législatives est aussi symptomatique d’un air du temps incertain. « Les gens en ont tellement marre de la vieille politique technocratique, ils détestent tellement LREM [La République en marche], qu’ils se disent que des jeunes feront sûrement mieux », défend Noé Gauchard, en marge de son meeting.

L’ancien militant de Youth for Climate, qui vient d’être diplômé en sciences politiques, témoigne aussi d’un passage de relais entre le mouvement climat – caractérisé par sa jeunesse – et la gauche écologiste incarnée par la Nupes – ce qui n’était qu’embryonnaire pendant la présidentielle. Alma Dufour (31 ans) en Seine-Maritime, Claire Lejeune (27 ans) dans l’Essonne, Marie Pochon (32 ans) dans la Drôme, Lumir Lapray (29 ans) dans l’Ain ou encore Emma Fourreau (22 ans) dans le Calvados en sont issues. Et elles sont toutes présentes au second tour.

Quoi qu’il arrive le 19 juin, aux yeux du militant normand, l’avenir politique n’est donc plus aussi sombre : « Les animateurs de l’Union populaire puis de la Nupes ont créé quelque chose d’énorme qui va rester : des militants aux cultures politiques différentes se parlent et ancrent les luttes dans les territoires. »

Emmanuel Macron, plus jeune président de la République française, se targuait en 2017 d’achever un « vieux monde » à l’agonie. Le dépassement du clivage gauche-droite était son arme fatale. Cinq ans plus tard, les frondaisons du monde qu’il a bâti s’effeuillent déjà. Élu dans un sursaut antifasciste de l’électorat contre Marine Le Pen, il pourrait n’avoir qu’une majorité relative le 19 juin, face à une coalition inopinée qui ressuscite le clivage honni. Comme un symbole, celles et ceux qui sont aux avant-postes du sabotage de la « start-up nation » ont à peine vingt ans.

publié le 16 juin 2022

Les mesures que la Nupes portera à l’Assemblée expliquées par les candidats

sur www.humanite.fr

Le 19 juin aura lieu le second tour des élections législatives. Et une nouvelle force peut s’imposer, celle des formations de gauche et écologistes unies sous la bannière de la Nupes. Au contraire de la majorité présidentielle, elle propose de porter immédiatement le Smic à 1 500 euros, de revenir à la retraite à 60 ans, de nationaliser EDF et Engie pour créer un grand service public de l’énergie, et de redonner vie, sens et moyens à tous les services publics de fonctionner sur tout le territoire pour assurer l’égalité républicaine. L’espoir est là, comme le démontrent des responsables et des candidats des différentes formations que nous avons interrogés.

Forte d'un programme commun, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale est qualifiée pour le second tour dans près de 400 circonscriptions.

 

« Nous prendrons l’argent là où il se trouve »

Olivier Faure, premier secrétaire du PS et candidat en Seine-et-Marne

« Il n’y a pas d’argent magique”, mais il y a des prestidigitateurs. Ceux-là savent faire oublier leur immense fortune pour se soustraire à l’impôt. Ils disposent à l’Élysée d’un complice. Le président s’était engagé à revenir sur ces cadeaux si aucun “ruissellement” n’était constaté, mais rien n’ébranle sa foi libérale. Le problème, c’est que, quand ce ne sont pas les plus riches qui paient, ce sont tous les autres à qui est présentée la facture ! La retraite à 65 ans n’a ainsi pas vocation à financer nos retraites. Elles le sont déjà. Le but est ailleurs.

Le gouvernement s’est engagé auprès de Bruxelles à honorer les 3 % de déficit du pacte de stabilité, qui a pourtant volé en éclats avec la crise sanitaire. Ce choix suppose une réduction annuelle de 80 milliards sur le budget de l’État. Comment le financer ? Pas par une fiscalisation des hauts revenus et des entreprises puisque c’est la promesse faite à ses soutiens. Quel plan caché ? La hausse de la TVA. Et si le gouvernement y renonçait parce qu’elle pourrait s’avérer coûteuse politiquement ? Il ne restera alors qu’à laisser se dégrader nos services publics.

La Nupes propose à l’inverse de prendre l’argent là où il se trouve. Alors, oui, nous rétablirons l’ISF et l’exit tax. Nous abrogerons la flat tax. Nous prélèverons sur les profits exceptionnels. Nous imposerons les bénéfices réalisés sur notre sol par les entreprises qui exfiltrent leurs profits pour échapper à la contribution au bien commun. »

Au programme de la Nupes 8 grands thèmes dont : Revenir sur les privatisations et défendre notre outil industriel 


« Faisons de la santé un bien commun »

Mathilde Panot, présidente du groupe FI à l’Assemblée et candidate dans le Val-de-Marne

La crise du Covid-19 a servi de révélateur à une situation déjà critique : dans le Val-de-Marne, à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, en octobre 2021, 5 enfants en situation d’urgence vitale n’ont pas pu être admis aux urgences pédiatriques faute de lits et de soignants. À l’hôpital gériatrique d’Ivry-sur-Seine, ce sont 100 lits fermés et 1 infirmière pour 82 patients. La Macronie est comptable de ce bilan : 4 milliards d’euros d’économie ont été imposés à l’hôpital public, les soignants sont épuisés et fuient la profession, 17 500 lits ont été fermés, dont 5 700 en plein Covid.

Partout où les services publics deviennent un décalque de l’entreprise, ils échouent à leur mission première d’intérêt général. Il nous faut sortir de la tarification à l’activité et instaurer le remboursement à 100 % des soins prescrits. La santé comme droit exige de rouvrir des maternités, des Ehpad à but non lucratif et des services d’urgence partout sur le territoire, et de lutter contre les déserts médicaux. Elle impose d’enclencher un plan massif de recrutement de soignants et de revalorisation des salaires. Elle exige de reconstruire le service public de la psychiatrie, d’augmenter les financements publics de la recherche et de développer la santé environnementale.

Mettre fin à la mainmise du marché dans la santé, c’est la consacrer comme bien commun. Telle est l’ambition humaniste que se donne la Nouvelle Union populaire écologique et sociale ! »

Au programme de la Nupes 8 grands thèmes dont : Faire passer la santé d’abord et reconstruire les établissements de santé publics


« Augmenter les salaires, c’est une urgence »

Fabien Roussel, secrétaire national du PCF et candidat dans le Nord

L’explosion des prix, dans de nombreux secteurs, impose d’augmenter au plus vite les salaires. Des millions de Français sont contraints de devoir choisir entre se nourrir, payer le loyer ou les factures de gaz et d’électricité. Pour d’autres, ce sont les sorties, les vacances qui passent à la trappe.

Il faut en finir avec cette politique de bas salaires imposée depuis des années par le Medef et les gouvernements successifs. C’est une urgence. Ni Macron ni Le Pen ne proposent d’augmenter les salaires ! Nous, nous proposons de revaloriser immédiatement le Smic à 1 923 euros brut (1 500 net). Dans la foulée, nous demanderons aux différentes branches professionnelles d’augmenter l’ensemble des salaires en revoyant les conventions. Dans le secteur public, c’est l’État qui décide : nous proposons d’augmenter de 10 % le point d’indice dès le 1er juillet, puis de 20 % dans les cinq prochaines années.

Les grands groupes qui distribuent des dividendes ont les moyens de prendre en charge ces hausses. Pour aider les petites et moyennes entreprises, nous proposons de baisser les charges financières, d’assurances et d’énergie. Elles doivent aussi pouvoir bénéficier de crédits bancaires à taux bonifié. L’État doit les accompagner en conditionnant les aides aux entreprises à leur politique en matière de salaires.

C’est non seulement une question de dignité et de justice pour les salariés, mais aussi une condition pour sortir de la crise actuelle. »

Au programme de la Nupes 8 grands thèmes dont : Augmenter les salaires et réduire les inégalités salariales dans l’entreprise


« La retraite à 60 ans, une victoire pour les précaires »

Gabriel Blasco, candidat Nupes-PCF dans l’Hérault

« Le bilan de Macron est déjà désastreux pour nos aîné-e-s, entre la loi grand âge abandonnée et la dégradation des conditions de vie des personnes âgées dans les Ehpad. Maintenant, c’est notre système de retraite qui se trouve dans le viseur de la droite, de Macron à Le Pen. Ils veulent, par dogmatisme, nous faire travailler plus longtemps et supprimer les régimes spéciaux. Nous, nous proposons de garantir une retraite digne : c’est un choix politique. “Il faut faire de la retraite non plus l’antichambre de la mort mais une nouvelle étape de la vie”, disait Ambroise Croizat. Ce droit à la retraite à 60 ans sera une victoire pour les plus bas salaires et les plus précaires. Avec une retraite à 60 ans à taux plein, après quarante annuités de cotisation et une attention particulière pour les carrières longues, discontinues et les métiers pénibles. Avec une retraite portée au minimum au niveau du Smic, des pensions revalorisées pour une carrière complète, et un minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté. »

Au programme de la Nupes 8 grands thèmes dont : Garantir une retraite digne


« L’inflation n’est plus vivable, bloquons les prix »

Rachel Kéké, candidate Nupes-FI dans le Val-de-Marne

« Je suis gouvernante dans l’hôtellerie à Paris, où, avec mes collègues, j’ai mené une lutte de vingt-deux mois pour améliorer nos conditions de travail. Nous avons fini par gagner ! Aux législatives, je suis face à une candidate de la majorité, Roxana Maracineanu, mais ils ne connaissent pas la vie des gens. Ils ne savent pas ce que c’est que de vivre avec un Smic pour nourrir une famille. À l’Assemblée, je ferai entendre la voix des travailleurs essentiels.

Avec une inflation de plus de 5 % depuis le début de l’année, ce n’est plus vivable. Je rencontre des parents qui n’arrivent plus à remplir leur chariot. Je rencontre des salariés de la grande distribution qui ne peuvent même plus faire leurs courses dans le magasin où ils travaillent. Pour d’autres, c’est le plein d’essence qui ampute leur salaire.

Nous nous battrons pour bloquer les prix de l’essence à 1,4 euro et pour garantir l’accès à un panier de produits, en particulier à cinq fruits et légumes de saison à prix bloqués. Nous maîtriserons aussi le prix des premières unités d’énergie pour que chacun puisse se chauffer décemment. »

Au programme de la Nupes 8 grands thèmes dont : Éradiquer la pauvreté


« En finir avec le mépris dans l’éducation »

Mélanie Thomin, candidate Nupes-PS dans le Finistère

Il faut d’urgence s’attaquer aux inégalités dans le système éducatif et reconstruire une école émancipatrice. Cela commence par la prise en charge des frais – manuels, fournitures, cantine et transport scolaire – qui pèsent sur les familles les plus modestes. Près d’un million d’enseignants ont aussi été méprisés par le président sortant avec une politique verticale et autoritaire portée par Jean-Michel Blanquer. Il est temps de revaloriser ces personnels et de renforcer les moyens pour les établissements. Le recrutement d’enseignants, d’assistants d’éducation, d’assistants pédagogiques, de psychologues scolaires et d’AESH renforcera un modèle éducatif inclusif. De même, Parcoursup doit disparaître pour laisser la place à un service public national de l’orientation qui associera les régions. La société se construit avec les enfants et les jeunes d’aujourd’hui. Faisons toutes et tous en sorte que notre jeunesse soit au cœur des politiques de demain. »

Au programme de la Nupes 8 grands thèmes dont : Reconstruire une école globale pour l’égalité et l’émancipation


« Une transition pour le climat et le pouvoir d’achat »

Julien Bayou, secrétaire national d’EELV et candidat à Paris

Emmanuel Macron est le champion de l’inaction climatique. Il a été condamné deux fois pour cela. Il a réintroduit les néonicotinoïdes, alors qu’il disait vouloir interdire le glyphosate. Il promettait 80 000 rénovations thermiques, qui auraient permis d’avoir moins chaud en été et de se chauffer correctement en hiver, tout en étant bénéfiques pour le climat. Il en a fait environ 2 500, soit 30 fois moins. La France est aussi le seul pays en Europe à ne pas avoir respecté ses objectifs de développement des énergies renouvelables.

Nous, nous prenons tout ça au sérieux. Notre programme prévoit de diminuer de 65 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Nous proposons un plan massif de rénovation thermique – sans avance et zéro reste à charge –, qui permettra d’agir en faveur du climat, mais aussi de l’emploi, de la santé et du pouvoir d’achat. Cela représente de 70 à 100 euros d’économies par mois, c’est-à-dire un treizième mois écolo. Faire la transition écologique, c’est pour demain, pour nos enfants. Mais c’est aussi pour aujourd’hui : si on était déjà passé à l’action, on serait moins dépendant du gaz russe, on souffrirait moins de la canicule. Si nous sommes dans la décennie pour le climat, cela ne signifie pas que l’on doit attendre dix ans pour agir. Pour la rénovation thermique, par exemple, il faut former des dizaines de milliers de personnes. Cela représente l’équivalent du grand plan lancé par Roosevelt aux États-Unis dans les années 1930. »

Au programme de la Nupes 8 grands thèmes dont : Instaurer la souveraineté alimentaire par l’agriculture écologique et paysanne


« La sûreté doit être un droit garanti à tous »

Alice Assier Candidate Nupes-Génération·s en Haute-Garonne

Les gouvernements libéraux successifs ont organisé le démantèlement des missions de service public de la police. Avec la gauche, l’impunité ne vaudra pour personne. Et nous disons bien : pour personne. La sûreté doit être un droit garanti à toutes et tous. Le renforcement des moyens et de la formation de la police sera donc prioritaire. Nous rétablirons la police de proximité et arrêterons la contre-productive “politique du chiffre”. Le droit de manifester doit être garanti et donc la doctrine de maintien de l’ordre révisée. Mais la sécurité est une question globale, qui ne se résume pas à ce qu’en fait la droite. C’est pourquoi nous renforcerons les polices de l’environnement et de l’eau, pour garantir que nos biens communs soient protégés. » 

Au programme de la Nupes 8 grands thèmes dont : Refonder la police pour garantir le droit à la sûreté


 


 


 

Législatives. Mélenchon à Toulouse : « Macron,
c’est le chaos économique »

Bruno Vincens sur www.humanite.fr

Face au président qui promet un « désordre français » en cas de victoire de la gauche, Jean-Luc Mélenchon et la Nupes, en meeting à Toulouse, mardi, ont riposté, déroulant leur projet de justice sociale et climatique. Avec un impératif : ramener aux urnes, dimanche, les jeunes et les classes populaires.

Toulouse (Haute-Garonne), correspondance.

Primature : nom féminin désignant les fonctions du premier ministre. Mardi soir, lors de son meeting à Toulouse, Jean-Luc Mélenchon a usé de ce mot et élargi son acception, y incluant aussi le gouvernement et la politique bientôt à l’œuvre si la gauche unie gagne les élections législatives. « Le 19 juin, ce sera un référendum entre les néolibéraux macronistes et les solidaristes de la Nupes », annonce-t-il. Très vite, le candidat à Matignon vise Emmanuel Macron. Celui-ci, depuis le tarmac ­d’Orly d’où il s’envolait pour visiter les troupes françaises en Roumanie, avait, un peu plus tôt, mélangé ses casquettes de chef des armées et de chef de la coalition libérale, appelant à « ne pas ajouter un ­désordre français à un désordre mondial ».

La réponse de Jean-Luc Mélenchon est d’abord ironique : « Son bateau coule, Macron prend l’avion. » Puis, plus sérieuse : « La stabilité programmatique est chez nous. Nous savons où nous allons. Macron, c’est le chaos économique et aussi politique. Il ne peut pas se représenter en 2027, donc la guerre de succession dans son camp va commencer dès maintenant. » Et il soupçonne le président de la République d’avoir considéré ces législatives comme une simple formalité, d’où ce voyage à l’étranger programmé entre les deux tours.

« Le changement climatique provoque des destructions de masse »

Jean-Luc Mélenchon le souligne : « C’est la première fois dans l’histoire de notre pays que la gauche présente au premier tour des candidats communs. » Il se dit « fier de ce que nous avons réussi en si peu de temps ». Et pose cette question : « Si les macronistes ne peuvent pas avoir la majorité absolue, c’est à cause de qui ? » « De la Nupes ! » répondent en chœur les presque deux mille personnes qui remplissent la salle Mermoz.

Si l’ambiance est chaude pour ce meeting toulousain, on ne le doit pas seulement au thermomètre qui affiche 37 °C, mais aussi à l’espoir que suscite la Nupes. « On est là ! On est là ! » entonne spontanément la foule. « Empêcher Macron de mener sa politique, c’est indispensable, c’est l’urgence absolue », explique Samuel, 28 ans. Parmi les mesures qu’il espère voir appliquées par la coalition de gauche, il cite en premier la retraite à 60 ans. Quant à Floriane, 27 ans, ingénieure dans l’aéronautique, elle attend de la Nupes « un progrès social et écologique, des investissements dans la transition énergétique ». Un programme réaliste ? « Oui, c’est une question de volonté politique. » De son côté, Mathieu, 42 ans, espère qu’une victoire signifiera « une clarification politique à gauche contre le libéralisme économique et une transition vers une société débarrassée des blocages du capitalisme ». Pour lui, le niveau de la participation au second tour sera « crucial ».

À la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a frôlé les 26 % en Haute-Garonne et les 37 % à Toulouse. Il se trouve ici en terrain favorable et sa venue a pour but de pousser l’avantage acquis le 12 juin : les candidats de la Nupes sont qualifiés pour le ­second tour dans les dix circonscriptions de la Haute-Garonne. La Nupes espérait ici quatre ou cinq députés, elle brigue désormais deux élus supplémentaires.

La dynamique est clairement de ce côté. Pour que l’essai soit transformé, il lui reste à convaincre les jeunes et les habitants des quartiers populaires de se rendre aux urnes. « Si les jeunes votent dimanche, la Nupes sera majoritaire ! » s’écrie la candidate Alice Assier, 25 ans, arrivée en tête dans la 10e circonscription. Dans un message vidéo, le responsable du PCF Pierre Lacaze, présent également dans la salle, exprime l’espoir des communistes de « mettre fin à la­ politique du président des riches » et de voir « la France entrer à nouveau, dimanche prochain, dans l’histoire du progrès ­social ». Pour y parvenir, « la question est de savoir combien de personnes vous allez mener au vote dimanche ! » lance Jean-Luc Mélenchon à l’adresse des militants présents.

Parmi les mesures de la coalition de gauche les plus attendues : la retraite à 60 ans.

Dans une vibrante allocution de près d’une heure et demie, le chef de file de la Nupes aborde les questions environnementales. « Le néolibéralisme est un système dangereux, incapable de se corriger de ses ­erreurs car, quand il en commet, il s’enrichit. Mais nous sommes en grand danger, prévient-il, le changement climatique provoque des destructions de masse. » L’insoumis embraye aussi sur un autre des grands enjeux qui opposent la Nupes à la Macronie et son « travailler plus ». « La retraite à 60 ans libère 830 000 postes de travail ! » martèle-t-il, refusant de voir se perpétuer des pensions de retraite inférieures à 80 % du Smic. « Il ne faut pas dire qu’il n’y a pas d’argent en France, il y en a beaucoup. » À l’approche d’un second tour décisif, Jean-Luc Mélenchon insiste sur le message que la gauche unie adresse à la société : « On va tout changer et on va le faire ensemble. »

publié le 16 juin 2022

le site 100-paroles.fr a reçu ce communiqué :


 

LETTRE OUVERTE  

Des associations membres du Comité Palestine 34 soussignées

Aux élu.e.s  de :

Ville de Montpellier,  Montpellier Méditerranée Métropole, Département de l’Hérault, Région Occitanie Pyrénées-Méditerranée


 

Soutien à la

« Journée de Jérusalem »,
ça suffit !


 

 Mesdames et Messieurs les élu.e.s, 

 

Cette année encore, le Centre Culturel Juif Simone Veil (CCJ) organisera le dimanche 26 juin 2022 sa "Journée de Jérusalem" au Domaine municipal de Grammont à Montpellier.

 

Lors des précédentes éditions, les organisateurs se sont attachés à démontrer que Jérusalem est la capitale éternelle d'Israël, déniant ainsi le droit reconnu aux Palestiniens sur Jérusalem Est en faisant fi du droit international sur cette question.

 

Se présentant comme une simple manifestation culturelle, cette Journée est, en réalité, hautement politique. Son objet est bien de célébrer l'illégale annexion et colonisation de Jérusalem-Est.

 

 Cette Journée ne laisse à aucun moment entendre que Jérusalem-Est est occupée militairement et que son annexion illégale a été déclarée nulle et non avenue par les résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU (n° 476 et 478). Au contraire, les organisateurs s’emploient à nier la présence des Palestiniens à Jérusalem en 1967, à nier la colonisation accélérée des quartiers palestiniens, la destruction des maisons palestiniennes, les transferts forcés. Ils ne veulent pas savoir que les Palestiniens de Jérusalem Est, séparés physiquement et juridiquement des autres Palestiniens, n’ont qu’un statut de « résident », statut révocable et conditionné à une obligation d’allégeance.

 

Tous ces faits de discrimination, d’oppression, de dépossession sont autant de pratiques systématiques qui relèvent d’un régime d’apartheid, tel que défini par le statut de Rome de 1998.

 

Si le CCJ veut entretenir le déni des réalités auprès de ses adhérents, cela lui appartient.

 

En revanche les élu-e-s doivent avoir un point de vue éclairé et fondé sur des données vérifiées et rationnelles. Nous vous invitons à consulter les différents rapports établis, par les ONG engagées dans la défense des droits humains - Amnesty International, B'Tselem, Human Rights Watch - et par le Conseil des Droits de l'Homme de l'ONU, et qui ont qualifié la politique du gouvernement israélien à l’encontre du peuple palestinien d’apartheid, c'est-à-dire de crime contre l’humanité.

 

Comme nous vous l’avons signifié les années précédentes, nous considérons que la présence d’un.e représentant.e de votre institution à cette manifestation cautionnera cette vision colonialiste et discriminatoire contraire au droit international, elle cautionnera les thèses de l’extrême droite israélienne soutenues par les organisateurs.

 

En tant que représentant.e des citoyen.e.s  français.es, soutenir une telle manifestation vous mettrait en opposition à la politique de la France sur le sujet et contreviendrait au principe de neutralité. 

 

Vous, ou votre représentant.e, ferez la preuve d’une contradiction totale avec le discours politique consensuel en faveur d’une solution de paix pour la région. Celle-ci, nous ne cesserons de l’affirmer, ne peut être basée que sur le droit international.

A Montpellier, le 9 juin 2022

 


 

ORGANISATIONS SIGNATAIRES du Collectif Palestine 34 :

  • Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT 34),

  • Association France Palestine Solidarité (AFPS 34),

  • Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF 34),

  • CCFD-Terre Solidaire 34, Centre de Documentation Tiers Monde 34,

  • Chrétiens de la Méditerranée,

  • Les amis de Sabeel,

  • Ligue des droits de l’Homme Montpellier,

  • Mouvement pour le Désarmement, la Paix et la Liberté (MDPL 34),

  • Pax Christi France,

  • Secours Catholique-Caritas France Hérault

 publié le 15 juin 2022

Non à l’économie de guerre proposée par E. Macron lors du salon mondial des ventes d’armements Eurosatory

Communiqué de presse sur www.mvtpaix.org

Le président Macron multiplie les décisions politiques qui engagent la France dans une logique de guerre permanente.

Au salon mondial des ventes d’armement Eurosatory, le lundi 13 juin 2022, le président Macron a déclaré vouloir « engager la France dans une économie de guerre qui doit s’installer sur le long terme ». Le même jour, un arrêté préfectoral interdisait tout rassemblement aux alentours du salon des ventes d’armes avec l’objectif clair d’interdire au Mouvement de la Paix et à l’association « Stop fuelling war » de déployer une banderole condamnant le commerce des armes. Interdiction immédiatement mise en œuvre par les forces de police, alors que l’interdiction n’avait pas été signifiée aux deux organisations qui avaient informé légalement les autorités préfectorales de la tenue de cette action.

Ces décisions sont graves.

Le président Macron non seulement porte atteinte au droit de manifester, mais surtout multiplie les décisions politiques qui engagent la France dans une logique de guerre permanente qui s’exprime plus particulièrement par :

  • La mise en œuvre d’une loi de programmation militaire engageant la France dans le doublement des crédits consacrés aux armes nucléaires, en faisant passer ce budget de 3,7 à 7 milliards d’euros par an, soit sur 15 ans 100 milliards d’euros pour de nouvelles armes atomiques, alors que le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires est entré en vigueur le 22 janvier 2021.

  • Par décret du 17 avril 2022, il vient de supprimer le corps diplomatique qui était un outil indispensable pour pérenniser un corps de diplomates compétents susceptibles d’agir pour la paix aux quatre coins du monde. (voir notre communiqué)

  • Hier, il a validé par sa présence un commerce mortifère dans lequel la France occupe la troisième ou quatrième place selon les années au plan mondial et contribue à semer la mort au Yémen, en Égypte et ailleurs, en violation du droit européen qui interdit les ventes d’armes à des Etats en guerre, ou susceptibles d’utiliser ces armes contre leur population.

  • Aujourd’hui, il franchit un nouveau pas extrêmement dangereux, en affirmant qu’il est nécessaire d’engager la France dans une économie de guerre faite pour durer. (lien 1, lien 2, lien 3)

Le Mouvement de la paix a condamné avec fermeté l’agression de la Russie contre l’Ukraine et demandé que la France agisse pour un cessez-le-feu immédiat et une solution diplomatique négociée, et par courrier du 28 février adressé au Président de la République, il a fait une série de propositions pour stopper la guerre en Ukraine tout en demandant au président de la République de ne pas s’installer dans la guerre.

La France, au contraire, doit prendre des initiatives au plan Européen et mondial pour un cessez-le-feu immédiat en Ukraine et pour une solution négociée évitant des milliers de morts. La réponse aux grands problèmes sociaux et écologiques auxquels l’humanité toute entière est confrontée exige une économie de paix portant des politiques économiques, sociales, culturelles et environnementales au plan national et international pour construire une sécurité humaine et écologique ayant pour objectif la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), c’est-à-dire la construction d’un monde de justice sociale et écologique, de solidarité et de paix.

Plus que jamais, la mobilisation de l’opinion publique, pour la défense de la paix et la promotion d’une culture de la paix est nécessaire, c’est pourquoi le Mouvement de la Paix appelle ses comités, ses militants, la population à se mobiliser :

  • Pour un cessez-le-feu immédiat en Ukraine et une solution diplomatique négociée ;

  • Pour que la France signe le traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) entré en vigueur le 21 janvier 2021, alors que les 86 états signataires de ce traité se réunissent du 21 au 23 juin à Vienne pour avancer dans la mise en œuvre de celui-ci. (voir notre pétition)

  • En signant la pétition demandant la levée du secret sur les ventes d’armes en France ;

  • En exigeant que le président de la République revienne sur sa décision de supprimer le corps diplomatique ;

  • Appelle à des délégations unitaires auprès des autorités pour faire connaître ces exigences dans les deux semaines à venir ;

  • Appelle tous ses ami·e·s à rejoindre le Mouvement de la Paix soit en adressant une lettre ou un mail demandant à être membre du Mouvement de la Paix à national@mvtpaix.org, soit en adhérant en ligne (cotisation minimale 2022 fixée à 5 euros) ;

  • Appelle à créer dans toutes les communes, les universités, les lycées, les hôpitaux et les entreprises, des comités de paix pour aider au rassemblement et à l’action pour construire un monde de paix et une France de paix.


Pour son avenir,
l’humanité n’a d’autre chemin que la Paix

 

Le Mouvement de la Paix
Saint-Ouen, le 14 juin 20
22

publié le 15 juin 2022

Le 19 juin, votez pour des député·es qui pèseront sur les choix en santé !

Tribune collective sur www.politis.fr

Le programme de Macron sur les questions de santé n'est pas seulement très sommaire. Il prépare une aggravation des dérives constatées depuis 2017, alerte un groupe de médecins davantage séduits par le programme de la Nupes.

Les législatives ne concernent pas seulement nos choix individuels mais nous engagent collectivement. La prochaine assemblée nationale peut devenir un lieu d’arbitrages pour que les politiques de santé retrouvent leur vocation, celle d'un service public dédié au bien-être des personnes.

Nous sommes témoins de l’accélération historique des inégalités, de la destruction de nos environnements et de nos services publics sans oublier l’aggravation de la souffrance au travail. Nous sommes pris au piège d’une société dirigée par les forces de l’argent-roi. Celles-ci sont résolues à accélérer leurs projets avides et destructeurs, y compris sur notre santé.

Le premier mandat Macron a montré en cinq ans d’exercice ce qu’il sait faire : accélérer la réduction des moyens publics d’un bien pourtant proclamé commun. Dans les hôpitaux publics, la tarification à l’activité (T2A) est toujours là. La réduction puis la saignée des effectifs atteint le stade que nous savons (urgences débordées, pénuries de médicaments essentiels…). L’inégale répartition de l’offre de soins de ville reste la première cause « des déserts médicaux ». L’autoritarisme a prévalu dans les mesures d’une santé publique invoquée depuis le début de la pandémie de Covid. La prévention est de plus en plus focalisée sur les comportements des individus, que l'on culpabilise. Le Ségur de la santé n’a proposé que des demi-mesures. Sans parler des manquements graves à la solidarité avec les pays les plus démunis en matière de vaccins et autres équipements de protection. Or le programme affiché du président réélu, sur les questions de santé, est non seulement très sommaire mais il prépare une aggravation des dérives constatées depuis 2017 : recours aux partenariats public-privé dont on sait combien ils menacent l'intérêt public, pseudo-solutions pour les quartiers populaires et les zones éloignées des services (assistants médicaux, internes de 4e année, télémédecine déshumanisée…).

Les programmes de La France insoumise et de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), eux, sont bien plus explicites et séduisants.

Nous nous y retrouvons largement notamment dans leur logique de renforcement du service public et leur prise en compte des questions environnementales (lutte résolue contre les causes des inégalités sociales, amélioration du pouvoir d’achat, de la sécurité et de l’accès à une alimentation saine, souci d’éloigner les risques du nucléaire, préservation des ressources naturelles…). Elles renouent avec la dimension de « création de milieux favorables à la santé », pilier d’une ambitieuse approche de promotion de la santé visant le bien-être global des individus et de la société, telle que la prônait déjà en 1986 la Charte d’Ottawa. Ces propositions ouvrent la voie à une transition progressive et progressiste vers la refonte de notre système de soins et de santé à laquelle aspirent tant d’actrices et d'acteurs concerné·es. Outre les enjeux fondamentaux que représentent la prévention et la promotion de la santé, nous souhaitons insister sur la restructuration de l’offre de soins :

  • la réhabilitation des soins essentiels de première ligne car l’hôpital public doit être soulagé de la pression des soins et des urgences de premier recours ;

  • l’offre de soins n’a pas besoin de "plus de soins et d’examens", mais de soins appropriés ce qui implique une maîtrise des dérives de sur-diagnostics et de sur-prescriptions. La sur-médicalisation, tout autant que la sous-médicalisation, est ruineuse pour nos systèmes de protection sociale solidaires ;

  • la valorisation significative des professions paramédicales, en premier lieu pour les infirmier·es, aide-soignant·es et médecins généralistes qui travaillent au sein d’équipes pluri-professionnelles de proximité. Les centres de santé ainsi que les maisons médicales et de santé doivent devenir la porte d’entrée et de régulation des autres niveaux de soins. Intégrés au sein d’un réseau revalorisé, ils donneraient un nouvel élan à la Protection maternelle et infantile (PMI), à la santé scolaire, à la médecine du travail et aux Maisons des adolescents ;

  • la promotion du salariat et d’autres formes d’exercice en équipe. La mainmise des soins ambulatoires par « la médecine libérale à tarif libre » et l’exercice en solo, depuis les années 1927-1947, doivent être réexaminés.

  • le réseau hospitalier public, en aval de cette première ligne, doit non seulement être renforcé par plus de moyens mais surtout rompre avec la T2A et les concepts purement gestionnaires (Lean management, etc.) et du "tout virtuel". Avec l'appui des établissements privés sur la base d’un conventionnement de missions de service public.

  • la réhabilitation d’un pôle public du médicament promouvant une liste prioritaire (ou nomenclature) des médicaments jugés essentiels, comme en Suède et dans les pays qui ont suivi les préconisations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Des politiques ambitionnant des soins de qualité pour tout·es, et une prévention prenant en comptes les conditions de vie et de travail, ainsi que le contexte environnemental : la possibilité s'ouvre enfin aujourd'hui avec la perspective de voir la Nupes peser sur les politiques publiques. Des espoirs sont permis. Ils sont à portée de nos bulletins le 19 juin prochains. Le temps est au choix : soit celui de l’acceptation du monde tel qu’il est, soit celui d’un avenir autre pour nos enfants et nos sociétés.

Signataires :

Dr Omar Brixi, médecin et enseignant de santé publique

Dr Marc Schoene, médecin de santé publique

Dr Georges Picherot, pédiatre hospitalier

Dr Patrick Lamour, médecin de médecine générale libéral

Dr Didier Febvrel, médecin de santé publique, ancien membre HCSP

Dr Michel Thomas, professeur honoraire de médecine interne


 


 

 


 

Le Gosplan climatique
des libéraux

Par Geneviève Azam Membre d’Attac, sur www.politis.fr

Ce n’est pas la prétendue « science économique » qui nous sortira du marasme environnemental, car elle est incapable de faire place à l’imprévisible, au non-maîtrisable et au non-quantifiable.

La « science économique » officielle, après avoir disparu des écrans, retrouve sa mission et entre résolument en campagne électorale. Elle a son mot à dire sur la planification écologique. Soyons charitables, l’écologie n’a jamais été son fort. Au mieux, quand il en est question, les pollutions et les dégradations ne sont que de vagues « externalités » à traiter comme les autres. La « crise » écologique tient des insuffisances d’un marché à perfectionner. Mais cette fois une opportunité se fait jour. Tous ces désordres pourraient donner une nouvelle impulsion, sinon à une pensée déjà achevée, du moins au projet inachevé de formatage économique du monde. Un monde dessiné de pseudo-concepts répétés en boucle, comme « immunisés contre la contradiction », selon l’expression heureuse de Marcuse, du développement durable à la croissance verte et inclusive, de l’atome pacifique au charbon propre, de la transition à la résilience.

Après avoir renvoyé la planification économique au feu Gosplan du capitalisme étatique, voilà ces « scientifiques » qui empruntent les voies d’un plan écologique qui s’apparente à un Gosplan de marché, à un art de gouverner économique avec un État sous surveillance des marchés. Un « style économique » cher aux ordolibéraux (1), qui rangeaient le rapport Beveridge et le New Deal de Roosevelt dans les ferments d’un totalitarisme de type allemand.

Les désastres écologiques, imputés à des défauts de la rationalité humaine, se poursuivront.

Ces « scientifiques » ont imputé l’échec du Gosplan soviétique à l’État. Alors, au lieu des États soviétiques, guidés par une idéologie, c’est le marché qui doit organiser, veiller et corriger, selon les principes d’une « science » économique neutre dont ils sont les dépositaires et les missionnaires. Et voilà rejouée la scène d’une opposition entre État et marché, dont une des vertus est de masquer toute l’ingénierie, la planification et la bureaucratie nécessaires au fonctionnement du marché, sans compter le pouvoir répressif quand l’aspiration démocratique devient un obstacle à la réalisation du plan. Il est vrai, les économistes officiels ne peuvent imputer la faillite des Gosplan à la concentration des pouvoirs économiques ou à la confusion des pouvoirs économiques, « scientifiques » et politiques, tant ce monde est le leur.

Ainsi, le Gosplan néolibéral entend bien mettre le climat sous surveillance du marché. Nous savons que pour les plans soviétiques, précisément chiffrés, leur réalisation quantitative était devenue la finalité, l’impératif, quelle que soit la distance vis-à-vis du réel, qui devait s’adapter aux chiffres. Le plan pouvait inverser le sens du courant d’un fleuve si les besoins d’irrigation, chiffrés et planifiés, l’exigeaient. Ce sont les mêmes aberrations en matière de climat que nous promet le Gosplan néolibéral. L’objectif affiché est la neutralité carbone en 2050. Sans entrer dans la discussion sur cette neutralité, selon laquelle nous pouvons continuer à émettre à condition de compenser, la focalisation sur un objectif, avec une variable – la tonne de carbone émise ou « évitée » –, engage à une planification guidée par des montagnes de calculs, par une ingénierie statistique dépouillant le réel de sa complexité, des multiples interdépendances et de sa part non maîtrisable, extérieure aux plans humains. Il en découle l’énoncé de solutions comptables qui, mises bout à bout, devraient faire le compte pour 2050 mais aussi pour les échéances intermédiaires. Le plan sera réalisé, l’idéologie économique validée, et les désastres écologiques, imputés à des défauts de la rationalité humaine, se poursuivront.

Si nous avons besoin aujourd’hui d’une planification, c’est pour dessiner un horizon de sortie du désastre déjà en cours, pour organiser, avec des politiques publiques, la retraite au lieu de la fuite en avant, pour appuyer et faire grandir les résistances et les dissidences. Il ne s’agit pas d’opposer au plan du marché un simple contre-plan étatique, et de rejouer la scène de l’opposition État/marché avec les mêmes acteurs dans des rôles permutables. D’autant qu’il s’agit aussi de faire place à l’imprévisible, au non-maîtrisable et au non-quantifiable. Le vivant n’est pas planifiable. C’est l’enseignement des sciences du vivant, c’est l’expérience quotidienne de communautés qui affrontent les monstres écologiques et politiques accouchés du capitalisme, d’État ou de marché, et qui prolifèrent.

(1) Naissance de la biopolitique, Michel Foucault, Gallimard, 2004, p. 107-109.

publié le 14 juin 2022

La France peut-elle assurer
la sécurité des JO de 2024 ?

Pierre Chaillan sur www.humanite.fr

Après la finale de la Ligue des champions de football, le 28 mai, au Stade de France, le doute s’installe concernant les capacités de notre pays à accueillir les grandes manifestations sportives.


 

Depuis 2018, la doctrine privilégie la nasse. Sans un recrutement de personnel et un changement de logique, l’organisation des Jeux est sujette à question.

Nicolas Bonnet-Oulaldj Président du groupe PCF au Conseil de Paris

Catastrophe, échec, désastre : si vous avez suivi la finale de la Ligue des champions, vous savez que ces qualificatifs ne décrivent pas le match mais l’organisation de la sécurité autour de cet événement international. Le résultat, nous le connaissons : des débordements au Stade de France, des policiers dépassés, des touristes et des enfants gazés et brutalisés. Un véritable fiasco international pour la France et Paris. Pourtant, la France était connue pour son savoir dans l’accueil des grands événements internationaux. Pour preuve, en 2016, avec l’organisation de l’Euro de football qui avait rassemblé plus de 90 000 personnes sur le Champ-de-Mars.

Mais, depuis 2018, un changement de la doctrine qui consiste à aller vers des logiques de nasse plutôt que de dés­escalade, et une absence de respect des partenaires et de la coopération ont conduit à la situation que nous connaissons aujourd’hui. En 2024, plus de 10 millions de personnes sont attendues à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). Et la cérémonie d’ouverture aura lieu sur la Seine, en plein cœur de Paris, nécessitant un dispositif de sécurité exceptionnel.

Or, aujourd’hui, plusieurs conditions ne sont pas réunies. D’abord, en plus des forces de police nationale et de gendarmerie, plus de 30 000 agents de sécurité seraient nécessaires pour organiser la sécurisation des différents événements, selon les propos du préfet Cadot. Nous n’avons pas ces forces. Si les JOP avaient lieu demain, moins de la moitié de ces agents pourraient être pourvus par les sociétés de sécurité privée. Une difficulté s’ajoute à cette situation : une grande partie de ces agents doivent être des femmes, difficiles à recruter dans ce secteur. Face à ce problème, le gouvernement propose de lancer une formation spéciale accélérée comprenant beaucoup moins d’heures que la formation initiale. Cette proposition ne répond ni aux exigences de compétences en termes de sécurité, ni à l’exigence d’attractivité de l’emploi. C’est le rôle du service public d’assurer ces exigences et non celui de sociétés privées.

Ensuite, la doctrine du maintien de l’ordre organisée par le préfet Lallement et le ministre de l’Intérieur ne permet pas aujourd’hui d’envisager l’organisation d’un grand événement dans la sérénité. Le choix de la violence, de la répression et de l’utilisation d’outils tels que le gaz lacrymogène, les lanceurs de balles ou la bombe au poivre n’est pas en adéquation avec l’image que nous souhaitons transmettre au niveau international.

Si nous souhaitons assurer la sécurité des JOP 2024, ces deux problématiques doivent être résolues. Il existe des solutions : la première doit être celle d’un changement radical de la doctrine du maintien de l’ordre dans la capitale. La seconde est celle des parcours d’insertion en lien avec les métiers des jeux Olympiques : ils doivent être lancés dans tous les territoires concernés par les JOP, en partenariat avec les associations sportives et les collectivités.

Le rapport « La violence et le sport. Le sport contre la violence » sur   Rapport final violence.doc (vie-publique.fr)


 

Le traitement réservé aux supporters de Liverpool est un mauvais signal. Il correspond à une vision d’un contrôle rigide de masses dangereuses.

Patrick Mignon Sociologue, chercheur à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep)

Les événements qui se sont déroulés au Stade de France, le 28 mai, ont fait naître des doutes quant à la capacité de la France à organiser des grandes manifestations sportives.

Pourtant, elle a déjà accueilli plusieurs grandes compétitions internationales dans différentes disciplines. Certes, les jeux Olympiques constituent un défi plus grand que d’autres en termes de nombre de personnes susceptibles de prendre part aux multiples manifestations, sportives et culturelles, prévues ; des foules où se mêleront amateurs des différents sports, touristes et badauds.

On imagine mal les forces de l’ordre intervenant de la manière dont elles ont agi au Stade de France pour rétablir la sécurité mise en danger par quelques supporters ne comprenant pas pourquoi ils ne pouvaient pas rentrer dans le stade alors qu’ils avaient leur billet.

La manière dont ont été traités les supporters de l’équipe de Liverpool est un mauvais message envoyé aux prochains visiteurs. Elle est aussi problématique pour les objectifs et les effets positifs attribués à l’organisation d’un grand événement sportif.

La Coupe du monde de football 1998 avait soulevé de grands espoirs : un monument sportif au milieu d’un département populaire et déshérité, une issue sportive heureuse, des manifestations d’unité dans la nuit du résultat et les jours qui ont suivi la victoire des Bleus, et la célébration de la France Black-Blanc-Beur. Mais ils ont été déçus, par manque d’anticipation et par manque de volonté politique.

Les désordres et incidents constatés à la suite de la finale de la Ligue des champions UEFA, et les commentaires qui les ont accompagnés, renvoient à la continuité entre la façon dont ont été considérés les supporters anglais, avec les tirs de gaz lacrymogène ou les propos tenus à leur égard par le ministre de l’Intérieur, et celle qui a présidé au traitement des manifestations des gilets jaunes, tout comme à l’attitude déjà enregistrée, à Saint-Denis, vis-à-vis des supporters sénégalais manifestant leur joie lors de la finale de la Coupe d’Afrique des nations.

Comme si la sécurité se limitait au contrôle rigide d’une masse en soi dangereuse, des supporters venus en trop grand nombre, et comprenant des individus dotés de mauvaises intentions, faux monnayeurs et pickpockets.

Les événements du Stade de France du 28 mai ont été analysés en termes de sécurité, entendue comme maintien de l’ordre public obligeant à la mise en œuvre de la force et à l’utilisation des armes mises à la disposition des forces de l’ordre en cas de nécessité.

Sans doute parce que, dans les représentations des acteurs de la sécurité, les foules du football sont celles qui se rapprochent le plus des foules dangereuses. Celles du rugby ou des amateurs d’athlétisme attendront de la communication, de la compréhension, en un mot, un accueil.

La Passion du football, de Patrick Mignon, éditions Odile Jacob, 1998.

publié le 14 juin 2022

Génération NUPES:
« On a une vraie chance de faire bouger les choses »

Jean-Jacques Régibier et Ludovic Finez sur www.humanite.fr

Législatives La gauche, avec ses candidats rassemblés sous la bannière Nupes, a largement devancé ses adversaires chez les moins de 35 ans. Reste à contrecarrer l’abstention massive.

Il semble loin, le temps où Emmanuel Macron et Marine Le Pen disputaient à la gauche la première place chez les jeunes. Les scores obtenus par la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) parmi les 18-24 ans (42 %) et les 25-34 ans (38 %) lors du premier tour des législatives laissent ses adversaires loin derrière. Le RN y a obtenu 18 %, tandis qu’Ensemble! (LaREM et ses alliés) a recueilli 19 % parmi les 25-34 ans et seulement 13 % chez les plus jeunes, selon une enquête Ipsos. Il faut dire que la coalition de gauche prend leur avenir au sérieux : elle a présenté un « plan d’urgence pour la jeunesse » début juin, comprenant notamment une « allocation d’autonomie » de 1 063 euros.

Climat, éducation, féminisme, lutte contre les discriminations, contre la précarité… parmi les jeunes rencontrés à Lille, Saint-Denis et Strasbourg, beaucoup ont ces préoccupations en commun avec la Nupes. Mais pour la gauche, le défi n’en est pas moins immense : autour de 70 % des moins de 35 ans n’ont pas voté dimanche dernier.

Lille L’Union dope le vote de gauche

« Je viens d’une famille qui vote à droite, voire à l’extrême droite. Je détonnais déjà et puis, je suis allée de plus en plus à ga uche. » Lucie (prénom modifié), qui habite le quartier populaire de Wazemmes, à Lille, a voté dimanche pour Adrien Quatennens (FI), tout comme son compagnon, Antoine.

Dans cette première circonscription du Nord, le candidat de la Nupes a engrangé plus de 52 % des voix, avec une abstention de 54 %. Il sera opposé au deuxième tour à la candidate d’Ensemble !, Vanessa Duhamel (21 % des voix). « Mes études supérieures (en urbanisme, à Lille – NDLR) m’ont permis de me détacher des valeurs familiales, de me confronter à d’autres avis politiques », explique Lucie. « J’étais attristée que le soufflé de la primaire populaire soit retombé. Le fait qu’il n’y ait pas eu d’alliance présidentielle à gauche nous a desservis », estime de son côté Antoine, qui se félicite de la constitution de la Nupes.

Le couple témoigne d’une même priorité : « L’urgence climatique devrait être la question prépondérante, et non l’augmentation du budget de l’armée ou de la police ! » Antoine y ajoute « la justice sociale », car « il ne peut y avoir de transition dans l’énergie, les transports et le logement sans transition sociale ». Vito et Alice, 18 ans, étudiants en sciences politiques à l’université, mentionnent, en plus, le souci de « renouveau démocratique ». « La Nupes est une union sur un programme, se félicite Antoine, car s’il s’agissait juste de conserver des sièges, ce ne serait pas intéressant. » L’accord « clarifie la position du PS vis-à-vis de Macron », note Vito, tandis que pour sa compagne, Alice, « ça redonnera une vie au Parlement, plutôt que des Playmobil (les députés de l’actuelle majorité présidentielle – NDLR) qui votent comme un troupeau ».

À Wazemmes, chez les jeunes qui ont voté Nupes, dimanche, la proposition d’allocation autonomie de 1 063 euros est souvent mise en avant. Même si certains ou certaines, comme Hema Achab, étudiante en communication de 19 ans, se demandent « si c’est réalisable ». Pour Garance Jacob, qui attend les résultats définitifs de Parcoursup, l’urgence est là. Parmi les vœux de la lycéenne de 18 ans, une « prépa » en droit à Montpellier. « Mais je sais que ça voudrait dire la galère (financière), précise la Lilloise. Mes parents m’ont dit qu’ils feraient en sorte que je puisse faire ce que je veux, mais sans me cacher que les fins de mois seraient difficiles. C’est dur de se projeter. »

Saint-Denis Les plus jeunes loin des urnes

Dans l’effervescence et la chaleur de la rue de la République, une voie piétonne et commerçante du centre de Saint-Denis, personne n’a la tête aux élections législatives. Sur un pan de mur, à côté d’une affiche de la Pride des banlieues, seules les affiches de Stéphane Peu laissent une trace du scrutin du 12 juin. Le député PCF sortant de la 2e circonscription de Seine-Saint-Denis, qui se présentait sous les couleurs de la Nupes, a obtenu, au premier tour, 62,85 %. Il n’est pourtant pas encore élu : avec 67,21 % d’abstention, il a rassemblé moins de 25 % des inscrits et devra affronter, au second tour, la candidate d’Ensemble !, Anaïs Brood (9,05 %).

« Je n’étais pas présente ce dimanche et je n’ai pas eu le temps de faire une procuration », regrette Océane, 32 ans. Beaucoup ne savaient même pas qu’il y avait des élections dimanche dernier. « J’ai oublié », sourit Asma, 20 ans. Cette étudiante en sciences de l’éducation à Nanterre a pourtant voté au premier tour de l’élection présidentielle. « J’étais déçue du résultat, je voulais que Jean-Luc Mélenchon gagne. Il avait un bon programme pour les étudiants, il voulait augmenter les salaires des professeurs et faire de l’éducation une priorité, explique-t-elle. Je pourrais peut-être voter si je connaissais les candidats, les programmes. »

Mariam, 22 ans, animatrice en centre de loisirs, a voté aussi pour Jean-Luc Mélenchon le 10 avril, « parce qu’il est à l’écoute des jeunes des quartiers, contrairement aux autres ». « On espère mais, au final, rien », glisse-t-elle. Elle ne sait pas à quoi servent les élections législatives, elle ne connaît pas les couleurs politiques et les noms des candidats en lice. « Avec l’inversion du calendrier électoral, la présidentielle est beaucoup plus visible que les législatives. Avec Macron élu, les jeunes pensent que c’est fini. Nous leur expliquons qu’on peut le battre et gagner une majorité et un gouvernement de gauche. On n’est pas condamnés à sa politique pour les cinq prochaines années », confie Stéphane Peu, qui perçoit une « remobilisation pour le second tour ». Le candidat Nupes en est certain : « À gauche, les réserves de voix sont chez les jeunes et les abstentionnistes. »

Achille et Hadrien, la trentaine, sont professeurs d’économie. Ils ont voté Stéphane Peu au premier tour. « Derrière la Nupes, il y a un programme qui a été pensé et construit avec des valeurs et une vision du monde », explique le second.

Strasbourg L’espoir de tout changer

Si elle constate que beaucoup de ses amis ne sont pas allés voter pour les législatives « plus par désintérêt que par opinion », et qu’ils se sont « plus abstenus pour les législatives que pour les présidentielles », Julie, étudiante en droit de 20 ans, explique que son petit groupe de proches est, lui, comme les deux jeunes professeurs dyonisiens, très intéressé. Elle, a voté pour la Nupes dans le quartier du Neudorf à Strasbourg, où Emmanuel Fernandes, le représentant de la coalition, est arrivé en tête du premier tour (36,8 %), offrant une bonne chance à la gauche de conquérir cette 2e circonscription du Bas-Rhin détenue par un candidat d’Ensemble !. « Le principal enseignement, c’est que, quand la gauche s’unit, elle peut gagner. On a une vraie chance de faire bouger les choses, ça fait plaisir », explique Julie. Pour elle, l’enjeu climatique est au premier plan : «  Quand on voit qu’il y a une canicule cette semaine – il va faire 30°C à Strasbourg – et que personne ne réagit, je ne suis pas en phase avec la politique actuelle. »

Son espoir est partagé par Sarah, qui travaille en indépendante dans le domaine du marketing : « On veut que les choses bougent et ce n’est pas en taisant notre voix que ça va changer, parce que, du coup, on laisse la parole à ceux qui se contentent de ce qu’ils ont. On aimerait tout reconstruire, tout changer. »

De son côté, Rebecca, 31 ans, travaille dans le domaine de la communication, mais en Indonésie. Bien qu’expatriée, elle affirme que « le vote, il faut y passer », en raison « des droits qu’on est en train de nous enlever » et de « tout ce qui se dégrade en France ». « Les candidats Nupes, ce sont les seuls qui ont su parler d’écologie ou du droit des femmes, c’est important dans mon travail et dans mon quotidien. Il faudrait qu’on arrive à déconstruire ce modèle de société, totalement capitaliste, et à en reconstruire un autre », affirme-t-elle.

Une autre Julie, également étudiante strasbourgeoise et qui a aussi voté à gauche, pointe le fait que nombre de jeunes « ne sont pas allés voter parce qu’ils ne sont plus d’accord avec la politique proposée aujourd’hui et qu’ils en ont marre d’être déçus des résultats qui suivent ». « Avoir des jeunes qui représentent des jeunes, je trouve que c’est quelque chose qui nous manque », ajoute-t-elle. Mais, « même si c’est un petit pas », pour la jeune femme, le résultat du premier tour de ces législatives – à propos desquelles « beaucoup de gens postent sur les réseaux que c’est un moment important » –, « ça donne de l’espoir après la grosse déception qu’on a eue pour la présidentielle ».

Au deuxième tour, la Nupes espère bien démultiplier ces voix. Jean-Luc Mélenchon leur a d’ailleurs réservé un mot, lundi soir, sur France 2 : « Ce n’est pas la peine de venir râler sur Parcoursup pour finalement ne pas voter pour ceux qui veulent l’abolir. Et puisque nous partageons le souci de la planète, c’est le moment d’envoyer des gens à l’Assemblée nationale qui vont s’y prendre pour de bon et pour de vrai. »

 

 

 

 

« La gauche a
l’avenir devant elle »

Emilio Meslet sur www.humanite.fr

Au premier tour, 40 % des jeunes ayant voté l’ont fait pour la Nupes. Pour le sociologue Vincent Tiberj, cette préférence pour le camp du progrès est amenée à perdurer, car liée à un phénomène générationnel.

Vincent Tiberj Sociologue et professeur à Sciences-Po Bordeaux

Si les jeunes votent peu, ce n’est pas parce qu’ils sont jeunes. Mais car ils appartiennent à une génération qui s’engage autrement que par le vote. Et si les jeunes votent d’abord à gauche, ce n’est pas parce qu’ils sont jeunes. Mais parce que cette génération porte intrinsèquement le combat social et écologique. Voilà ce qui explique, selon le sociologue Vincent Tiberj, le score de la gauche dans la jeunesse : 40 % des électeurs ayant entre 18 et 34 ans ont voté Nupes.

Au premier tour des législatives, 70 % des 18-34 ans n’ont pas voté. Comment l’expliquez-vous ?

Vincent Tiberj : Pour eux, le vote n’est plus automatique, il se construit. Et ce n’est pas lié au fait d’être jeune, mais c’est une question de génération. Comparons ce qui se passe dans la jeunesse actuelle et parmi les 60-70 ans : ces derniers appartiennent à une génération très connectée au vote dans lequel ils voient un devoir ou un intérêt. Chez les jeunes, il y a une abstention d’incompréhension ou la montée en puissance d’une culture qui dit que le vote ne suffit plus. Pendant longtemps, on a pensé qu’ils étaient des citoyens en devenir. Or, on constate que plus une génération est récente, plus elle compte de votants intermittents. Ils ne sont pas pour autant dépolitisés, mais considèrent qu’il y a d’autres moyens pour être plus efficaces et plus utiles : les mouvements sociaux, les mobilisations contre les violences policières ou pour l’environnement, le boycott, dans le milieu associatif… Cela traduit un rejet de la politique institutionnelle.

Parmi les jeunes ayant voté, la plupart ont fait le choix de la Nupes. Pourquoi la jeunesse penche-t-elle à gauche ?

Vincent Tiberj : La jeunesse n’est pas un bloc homogène : ce n’est pas parce que vous avez 18 ans en Ardèche, à Clichy-sous-Bois ou à Paris centre que vous avez la même réalité. Il y a les silencieux qui ne votent pas, sont peu diplômés et précaires. Ceux-là, trente ans plus tôt, auraient été socialisés par les groupes de travail ou les syndicats mais plus maintenant où personne ne les considère. Il y a la jeunesse qui va bien et vote Macron et celle qui est à rebours de sa génération qui vote RN. Et puis, il y a les jeunes qui votent Mélenchon, dont la force est de pouvoir s’adresser à la jeunesse écologique et à celle des quartiers. Et elles ont bien des raisons de pencher à gauche. Sur le climat, le social ou les discriminations, où sont les propositions ? La Nupes leur parle. À ceci près qu’il est probable que la jeunesse des quartiers ne se soit pas déplacée aux législatives, alors qu’elle pourrait peser fortement et éviter de se retrouver avec des représentants qui vont contre ses intérêts.

Les jeunes qui se sont abstenus voteraient-ils eux aussi davantage pour la gauche que leurs aînés ?

Vincent Tiberj : Plus la participation est faible, plus les inégalités sociales de participation sont fortes, et donc les inégalités politiques qui vont avec. Aux législatives, les seniors, les cadres et les riches pèsent. Si les jeunes avaient plus voté, ça aurait pu profiter un peu au RN, mais surtout renforcer la Nupes.

Pourquoi la gauche n’a-t-elle pas réussi à mobiliser les jeunes autant qu’espéré ?

Vincent Tiberj : Les partis d’aujourd’hui ne sont plus des partis de masse, des machines à mobiliser comme pouvait l’être le PCF dans les années 1970. Ils ont, tout au plus, quelques dizaines de milliers de militants. Ce n’est pas suffisant pour mobiliser par le bas. Pour être perçu comme crédible par ces jeunes, il faut être présent partout, tout le temps. Mais la Nupes, en faisant campagne, a, elle, fait le boulot. Il n’y a en revanche pas eu d’effervescence par le haut, avec des médias qui ont laissé peu de place aux législatives.

Si la plupart des jeunes électeurs votent à gauche et que c’est un phénomène lié à la génération plus qu’à l’âge, cela veut-il dire que la gauche a un bel avenir devant elle ?

Vincent Tiberj : La droite et le centre font leurs meilleurs scores dans les générations nées avant-guerre ou dans l’immédiat après-guerre, mais ces vieux boomers sont en train de quitter la scène. Et celles qui suivent sont beaucoup moins alignées sur la droite traditionnelle. La gauche a donc l’avenir devant elle, à condition qu’elle parvienne à mobiliser ses électeurs. Le renouvellement générationnel lui est favorable, mais il va prendre du temps. En nombre, les électeurs de gauche sont de plus en plus nombreux, mais cela ne se traduit pas forcément en termes de voix exprimées. C’est son drame. Avant que cela ne se transforme politiquement, la gauche peut cumuler les échecs. Elle a un espace, mais il est compliqué de s’appuyer sur des générations de votants intermittents.


 


 

Emmanuel Macron
face au péril jeune

Stéphane Sahuc sur www.humanite.fr

Il est des actes qui prennent figure de symboles. Ils dépassent le sens que leur auteur aurait voulu leur donner. Un président de la République qui rabroue un jeune chômeur et le somme de « traverser la rue » pour trouver du travail. Des gendarmes qui interviennent dans un lycée pour interroger une jeune fille parce qu’elle a interpellé ce même président de la République sur les violences faites aux femmes. Un ministre de ce toujours même président qui soutient des policiers ayant tué une jeune femme de 21 ans en ouvrant le feu sur un véhicule. Ces lycéens, encore, appréhendés par la police, à genoux et mains sur la tête. Autant de faits qui résument symboliquement le sort fait aux jeunes par le pouvoir et la société macronistes. Le président élu a beau être le plus jeune de la Ve République, son projet de société ne fait pas des jeunes une priorité, loin de là. Ces derniers s’en sont rendu compte, ces cinq dernières années.

Ce n’est pas pour rien que 42 % des 18-24 ans et 38 % des 25-34 ans qui se sont déplacés aux urnes, dimanche, ont décidé de voter pour la Nupes, selon un sondage Ipsos et Sopra-Steria. Dans les propositions de la gauche unie, ces jeunes retrouvent les aspirations qui sont les leurs autour des problématiques de l’emploi, du climat, du féminisme, de l’antiracisme, comme le prouve une récente enquête de l’Humanité magazine. Ce soutien clair et net des jeunes à la Nupes fait d’autant plus ressortir celui des plus âgés au parti du président. Ce dernier rassemble 38 % des votants de 70 ans et plus. Pour le chef de l’état, l’enjeu est donc d’éviter que les jeunes s’emparent du second tour. Pour lui, le taux d’abstention des 18-24 ans et des 25-34 ans, respectivement à 69 % et 71 %, est une bonne nouvelle.

Ces jeunes peuvent faire la décision, dimanche. Ce sont eux qu’il faut convaincre de mettre en adéquation leurs aspirations avec leurs bulletins de vote. Le plan d’urgence pour la jeunesse de la Nupes propose notamment une garantie d’autonomie de 1 063 euros par mois pour chaque jeune, pour en finir avec l’ultraprécarité. Alors que la Macronie veut, à l’inverse, leur maintenir la tête sous l’eau encore plus longtemps, inventant les jobs payés au RSA.

publié le 13 juin 2022

« Macron ment », la preuve

Christophe Prudhomme sur ww.humanite.fr

Vous allez dire que je me répète mais nous sommes effectivement à un point de rupture pour notre système de santé et de protection sociale. De quel côté va pencher la balance ? Du côté du service public et de la Sécurité sociale à 100 % ou du côté des services marchands et des assurances privées, bref d’un système à l’américaine? La crise du Covid a été le révélateur de l’ampleur de la dégradation de nos hôpitaux et d’une médecine de ville exsangue.

Les cinq ans de gouvernement Macron ont accéléré les choses avec son capitalisme débridé où tout peut devenir une marchandise source de profit. Nous l’avons vu dans les Ehpad avec Orpea, pour les vaccins avec Pfizer, mais aussi avec nos données de santé qui risquent d’être offertes à Google, Amazon et consorts. Une de leurs marques de fabrique est une désinhibition totale par rapport aux valeurs qui fondent une vie en société.

Or, sans humanisme, sans empathie, sans solidarité, il est impossible d’imaginer un système de santé qui soit capable de gérer efficacement les grands défis de santé publique. Mais, me direz-vous, la Sécurité sociale est en déficit et il n’est pas possible d’augmenter la fameuse dette que nous laisserons à nos enfants. Il est salutaire que le débat économique se soit invité dans les derniers jours de campagne avec des économistes qui contestent ces arguments. Les mots sont forts dans la bouche d’un des plus célèbres d’entre eux, Thomas Piketty : « Macron ment aux Français. » Il valide les arguments que les syndicalistes répètent depuis de nombreuses années.

Il faut aller chercher l’argent par l’impôt là où il est pour arrêter d’augmenter la dette, notamment celle liée au Covid, soit 70 milliards qui devront être remboursés par les assurés sociaux pendant les dix ans à venir, ce qui fera autant d’argent en moins dans les caisses de la Sécurité sociale.

Dans le même temps, il indique que les 500 plus grandes fortunes de France ont vu leur richesse passer de 200 à 1 000 milliards entre 2010 et 2022, c’est-à-dire de 10 % à 40 % du PIB ! La solution est bien là pour pouvoir mieux payer les personnels, en embaucher 100 000 dans les hôpitaux et 200 000 dans les Ehpad, former massivement des personnels avec des contrats d’études, maintenir les hôpitaux de proximité et rouvrir des lits. Un pourcent de PIB supplémentaire nous suffirait dans un premier temps.

Alors, il vous faut bien réfléchir le 19 juin. Cinq ans de plus avec Macron, et c’est l’effondrement. Ou alors, avec une majorité de la Nupes, il est possible de mettre en œuvre une autre politique immédiatement. C’est une urgence pour éviter une catastrophe cet été qui ne sera que le début d’une crise sanitaire sans précédent pour l’hiver, l’été prochain et les années à venir.

 publié le 13 juin 2022

Législatives 2022 :
six enseignements sur
les résultats du 1er tour

Stéphane Ortega sur https://rapportsdeforce.fr

Comme en 2017, l’abstention reste le premier parti de France. Elle bat même un nouveau record, avec pour conséquence de n’ouvrir quasiment que des duels, pour le second tour des législatives 2022, le 19 juin prochain. Et donc de polariser davantage l’opposition entre Ensemble (majorité présidentielle) et la Nupes (alliance de gauche) qui finissent au coude à coude au premier tour.

 Le premier enseignement du premier tour des législatives est une confirmation. Celle de l’existence de trois blocs dominant le paysage politique. Avec respectivement 25,75 %, 25,66 % et 18,68 %, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, la majorité présidentielle, la Nupes et le Rassemblement national réitèrent sensiblement les scores d’Emmanuel Macron, de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen du premier tour de la présidentielle. Seules différences : cette fois-ci, la gauche devance le RN et Les Républicains résistent mieux en dépassant de peu la barre des 10 % confirmant leur implantation territoriale.

 Abstention : le grand désintérêt

 Ce sont 25,7 millions d’inscrits sur les listes électorales qui ne se sont pas déplacés ce dimanche pour élire les députés pour les cinq ans à venir. Et un demi-million de plus qui ont voté blanc ou nul. Soit moins d’un électeur sur deux puisque seulement 23,25 millions de Français (47,5%) se sont rendus aux urnes. Encore moins qu’en 2017 où, pour la première fois, la participation à une élection législative avait été inférieure à 50 % (48,7%) .

Avec pour conséquence, un moindre nombre de candidats qualifiés pour le second tour, dans la mesure où, outre les deux premiers, toute autre qualification nécessitait 12,5 % des inscrits. Soit cette fois-ci : plus de 25 % des suffrages exprimés. Avec un tel seuil, le nombre de triangulaires se limite à 8 sur 577 circonscriptions, ce qui accentue le face-à-face entre la Nupes et la majorité présidentielle qui arrivent en tête à l’échelle nationale. Et leur donne un bonus pour le nombre de sièges dimanche prochain. Au second tour, ces deux listes se feront face dans 272 circonscriptions.

 La majorité présidentielle en difficulté

Ensemble qui regroupe En Marche (nouvellement Renaissance), le Modem et Horizon fait moins bien qu’en 2017. Et même nettement moins bien puisque l’alliance présidentielle récolte 5,86 millions de voix dimanche, contre 7,3 millions de suffrages il y a cinq ans. Une chute de près d’un million et demi de voix. La comparaison est même plus sévère encore pour le résultat de dimanche au regard du score d’Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle le mois dernier : 9,78 millions de voix. Soit presque 4 millions de suffrages en moins.

Symbole de ce recul significatif : l’élimination au premier tour de Jean-Michel Blanquer dans le Loiret. Mais aussi le ballottage défavorable des ministres Amélie de Montchalin, Stanislas Guerini et Clément Beaune, menacés tous les trois de devoir quitter le gouvernement en cas d’échec dimanche prochain. Pour autant, en étant présente au second tour dans 420 circonscriptions, et arrivée en tête dans 203, l’alliance présidentielle reste favorite pour remporter les élections législatives le 19 juin. Selon les projections des instituts de sondage, elle pourrait obtenir entre 255 et 295 sièges au Palais Bourbon. Ce qui ne l’a met pas à l’abri de ne pas obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Pour la Nupes, une victoire, mais des faiblesses

Selon toutes vraisemblances l’alliance de la France Insoumise, du Parti communiste, d’Europe-Écologie-Les-verts et du Parti socialiste ne remportera pas la majorité dimanche prochain. À moins d’une mobilisation massive des abstentionnistes susceptibles de porter leurs suffrages sur la Nupes, la gauche devrait obtenir entre 150 et 190 sièges, contre au moins 255 pour les soutiens d’Emmanuel Macron.

Pour autant, le résultat de la Nupes devrait installer cette dernière comme la première force d’opposition au gouvernement à l’Assemblée nationale, alors qu’en 2017 cette position était tenue par la droite républicaine. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon a réussi un coup politique majeur : devenir l’opposition parlementaire et transformer durablement le leadership à gauche, au-delà du moment présidentiel, en déplaçant son centre de gravité. Cela en marginalisant le Parti socialiste et Les Verts, contraints de s’associer à lui dans la Nupes pour espérer un groupe parlementaire.

Une bonne opération également du point de vue des résultats électoraux. En 2017, lorsque le leader de la France Insoumise choisissait de faire cavalier seul en espérant écraser ses concurrents à gauche, il perdait 4 millions de voix entre les présidentielles et les législatives. Ce coup-ci, en 2022, l’écart entre son nombre de voix le 10 avril et celui de la Nupes au premier tour des législatives n’est que de 1,88 million. L’alliance électorale de gauche réussit même à faire un score en pourcentage supérieur à celui de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle : 25,66 % contre 21,95 %.

Pour autant, ce succès ne doit pas masquer au moins deux faiblesses. La première étant que les 25,66 % obtenus dimanche restent inférieurs aux pourcentages obtenus par les quatre formations de l’alliance lors de la présidentielle : 30,61 %, qui étaient déjà historiquement bas pour la gauche. D’autant qu’il n’y a quasiment aucune réserve de voix. La seconde étant relative à l’abstention. L’élan constaté à la présidentielle, notamment dans les quartiers populaires, ne s’est pas vraiment reproduit dimanche. À titre de symbole, la Seine-Saint-Denis enregistre une abstention de plus de 61 %, même si les candidats de la Nupes arrivent largement en tête dans les douze circonscriptions du département le plus pauvre de France.

 L’extrême droite progresse encore

 Malgré une quasi-absence de campagne nationale conduite par Marine Le Pen et la concurrence de Reconquête dans 551 circonscriptions, le Rassemblement national progresse nettement. Et en tous points par rapport à 2017. D’abord avec des pourcentages en hausse : 18,6 % ce 12 juin contre 13,2 en 2017. Mais aussi en nombre de voix malgré une abstention en légère hausse : les candidats du RN ont obtenu 4,24 millions de suffrages contre 2,99 millions cinq ans plus tôt. Avec pour conséquence d’être présent au second tour dans 208 circonscriptions, en se payant le luxe d’arriver en tête en dans 110 d’entre-elles.

Ses bons résultats devraient lui ouvrir en grand les portes de l’Assemblée nationale. Le parti d’extrême droite peut prétendre obtenir entre 20 et 45 sièges, selon les projections des instituts de sondage. Et ainsi, avoir assez de députés pour constituer un groupe parlementaire, ce qui n’était pas arrivé depuis 1986, année où le Parti socialiste avait instauré la proportionnelle intégrale aux législatives.

De plus, aux scores du Rassemblement national, il faut ajouter ceux de Reconquête qui, même s’il ne se qualifie nulle part pour le second tour, enregistre presque un million de voix (4,24%). Et permet à l’extrême droite de largement dépasser les 20 %, alors qu’elle n’avait jamais réussi à passer la barre des 15 %.

 La droite sauve une partie des meubles

 La droite républicaine poursuit sa descente aux enfers. Mais moins durement qu’à la présidentielle. Alliée à l’UDI, Les Républicains obtiennent 2,43 millions de voix, soit 750000 de plus que Valérie Pécresse le 10 avril dernier. Mais deux fois moins qu’en 2017 où la droite avait enregistré près de 5 millions de suffrages. Présente au second tour dans 75 circonscriptions, elle pourrait espérer entre 50 et 80 sièges en ajoutant les 13 divers droite qualifiés au second tour.

Pour autant, cela lui ferait perdre sa place d’opposition principale au gouvernement à l’Assemblée nationale. Et les moyens qui vont avec. Seule consolation pour la droite, si la majorité présidentielle n’obtient pas la majorité absolue fixée à 289 sièges dimanche prochain, Les Républicains pourront être en position de négocier avec Ensemble, la coalition favorable à Emmanuel Macron.

 62 dissidents du PS, 56 éliminations au premier tour

 La Bérézina pour les socialistes opposés à l’accord avec la France Insoumise, conclut par la direction nationale du PS. Dimanche prochain, il n’en restera que 6 en lice sur les 62 circonscriptions où des socialistes bien implantés imaginaient damer le pion à la Nupes. Soit 90 % d’élimination. Et encore, parmi les qualifiés, Lamia El Aaraje dans la 15e circonscription de Paris a 24 points de retard sur la candidate de la Nupes. Seules trois circonscriptions semblent gagnables par des dissidents PS dans le Gers, les Pyrénées-Atlantique et le Pas-de-Calais.

Soit un sérieux coup de canif planté dans les ambitions de celles et ceux qui auraient pu s’imaginer un destin national, comme Carole Delga ou Michael Delafosse en Occitanie. Ou en tout cas qui affirmaient à travers le scrutin le souhait de proposer une alternative pour reconstruire une gauche de gouvernement, non inféodée à Mélenchon. Clairement un échec pour les dissidents PS à l’accord avec la Nupes. Une douche froide qui a contraint Carole Delga a changé son fusil d’épaule hier soir. Si elle n’a pas exprimé pour l’heure l’abandon de son projet « d’états généraux de la gauche » à la rentrée, elle a appelé à « faire barrage aux candidats d’extrême droite en votant pour le candidat le mieux placé, quelle que soit son étiquette ». Mais surtout, « dans les autres cas de figure (…), j’appelle clairement à voter pour les candidats de gauche contre la droite ».

 

 

La gauche en force

par Michel Soudais sur www.politis.fr

La Nupes fait jeu égal au premier tour avec la majorité présidentielle. Emmanuel Macron est plus que jamais menacé de n’obtenir qu’une majorité relative dimanche prochain et la coalition n’a pas perdu tout espoir de lui imposer une coalition.

Le président le plus mal élu de la Cinquième république est soutenu par le parti présidentiel le plus faible jamais vu. Dans un scrutin marqué par un nouveau record d’abstention (52,49 % contre 51,3 % en 2017) la coalition autour d'Emmanuel Macron et la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) sont arrivées à quasi égalité dimanche lors du premier tour des élections législatives, avec 21.442 voix d'avance seulement pour Ensemble!, selon les résultats du ministère de l'Intérieur.L'alliance macroniste a remporté 25,75 % des voix et la Nupes autour de Jean-Luc Mélenchon 25,66 %.

Le pari de l’union est en cela gagné puisque la coalition mélenchoniste peut s’affirmer comme la première force d’opposition, titre dont se gargarisait depuis plusieurs années le parti de Marine Le Pen qui ne rassemble ce dimanche que 18,7 % des suffrages. Lesdidats LR, associé à l’UDI, peuvent se satisfaire de faire mieux que Valérie Pécresse mais restent loin derrière (11,4 %) ce qui ne manquera pas de leur faire perdre leur place de premier groupe d'opposition à l'Assemblée nationale.

Macron en échec

La Renaissance que souhaitait incarner le parti d’Emmanuel Macron en changeant de nom est en échec. La République en marche, seule, totalisait 28,21 % en 2017, son allié Modem obtenant lui 4,12 %. Toutes tendances réunies, en ajoutant à ces deux partis Horizons, le parti d’Édouard Philippe, et Agir, la majorité présidentielle sont en recul. Pour le président de la République c’est un avertissement sérieux.

Plusieurs figures de la Macronie comme Jean-Michel Blanquer ou Emmanuelle Wargon sont éliminés dès le premier tour. Des ministres sont menacées : Amélie de Montchalin, la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires (31,46 %) est en mauvaise posture dans l’Essonne face au candidat PS-Nupes Jérôme Guedj (38,31 %). Également qualifié pour le second, le ministre délégué à l’Europe (35,81 %) est en mauvaise posture face à l’avocate Caroline Mécary, candidate de la Nupes (41,40 %). Stanislas Guérini, délégué général de LREM et nouveau ministre de la Transformation et de la Fonction publique, est également en ballotage défavorable dans la 3e circonscription de Paris où la candidate de la Nupes, Léa Balage El Mariky (38,66 %) le devance de plus de 6 points.

La majorité présidentielle ne compte, ce dimanche qu’un seul élu au premier tour : Yannick Favennec (Horiszons), député de la 3e circonscription de la Mayenne depuis 2002, réélu avec 57,13 %.

Quatre élus Nupes au 1er tour

La Nupes en revanche voit quatre de ses candidats, réélus ou élus dès le premier tour : Danièle Obono dans la 17e circonscription de Paris (57,07 %), Sarah Legrain dans la 16e circonscription de Paris (56,51 %), Sophia Chikirou dans la 6e circonscription de Paris (53,74 %), Alexis Corbière dans la 7e circonscription de Seine-Saint-Denis (62,94 %).

Dans plus de 450 circonscriptions les candidats de la Nupes sont en mesure de se maintenir au second tour (170 candidats de gauche ou écologistes étaient dans ce cas en 2017), et souvent dans des ballotages favorables.

Si le camp Macron garde l'avantage dans les projections des 577 sièges de députés réalisées par les instituts de sondage, avec une fourchette de 255 à 295 sièges, devant la Nupes (150 à 210). Le jeu reste ouvert. En 2017, les mêmes projections promettaient jusqu’à 450 députés pour LREM, qui n’en a obtenu au final, avec le MoDem, « que » 350. Le nombre de sièges qu’obtiendront la Nupes et Ensemble ! (le nom usurpé de la confédération macroniste) dimanche prochain dépendra en effet à la fois de la mobilisation électorale – les jeunes et les quartiers populaires se sont peu mobilisés pour ce premier tour – et des reports de voix des candidats éliminés.

Les premières déclarations de Christophe Castener ou Olivia Grégoire, sur la consigne qu’ils donneront à leurs électeurs en cas de duel Nupes-RN sont à ce sujet inquiétantes. Interrogée sur France 2, la porte-parole du gouvernement a répondu : « Ce sont des débats locaux, pas un enjeu national. » Les électeurs de gauche qui n’ont jamais donné une voix à Marine Le Pen ou ses séides, permettant à Emmanuel Macron de l’emporter largement pourraient attendre des déclarations plus explicites.

publié le 12 juin 2022

La femme du jour.
Laura, lycéenne

Aurélien Soucheyre sur www.humanite.fr

Peut-on encore poser une question qui fâche au président de la République ?

Laura, lycéenne, n’a pas hésité jeudi 9 juin lors d’un bain de foule d’Emmanuel Macron. « Vous mettez à la tête de l’État des hommes qui sont accusés de viol et de violences par les femmes, pourquoi ? » Pendant que le président rétorque rapidement qu’il soutient à la fois la libération de la parole des femmes et la présomption d’innocence, la lycéenne ajoute:  « S’il vous plaît, monsieur, répondez-moi », au sujet des nominations de Gérald Darmanin et Damien Abad au gouvernement. La vidéo a été largement partagée sur les réseaux sociaux, plusieurs citoyens reprenant à leur compte la question posée par Laura.

Surprise, la lycéenne l’a été plus encore le lendemain, puisqu’elle a reçu la visite hallucinante de gendarmes dans son lycée. « Ce n’est pas anodin d’être sortie de son cours pour être interrogée par la gendarmerie », a-t-elle réagi. « Notre action visait simplement à prendre en compte cette personne, qui s’était présentée comme victime, pour lui proposer de recueillir une éventuelle plainte », a fait savoir la gendarmerie du Tarn, Laura ayant confié qu’elle a été victime d’une agression sexuelle il y a quatre ans.

Mais très rapidement, les gendarmes parlent de la question posée au président de la République. « Ils m’ont dit: “Vous n’auriez pas dû faire ça, il y avait d’autres façons d’interpeller le président, en lui écrivant, par exemple” », raconte la jeune citoyenne, qui évoque une visite « ambiguë », proche de « l’intimidation », et se demande si les gendarmes ne sont pas venus « à la demande de quelqu’un ».

publié le 12 juin 2022

Ukraine :
« gagner la guerre »
ou faire taire les armes ?

Francis Wurtz, sur www.humanite.fr

Washington veut affaiblir durablement la Russie. Cest une politique cynique, car il revient à faire une guerre à la Russie par procuration, les bénéfices stratégiques escomptés se payant en vies humaines ukrainiennes, sans oublier les victimes « collatérales » dans les pays du Sud.

Les Ukrainiens « peuvent gagner s’ils ont les bons équipements » : on se souvient de cette sortie du chef du Pentagone, dépêché à Kiev le 24 avril dernier. Six semaines plus tard, marquées par des livraisons massives d’armements de plus en plus performants pour une pluie de milliards de dollars, la barbarie continue. Le courage des combattants ukrainiens impressionne, mais les faits sont là : malgré le soutien militaire spectaculaire de l’Occident, les embargos économiques sans précédent censés tarir les recettes du Kremlin et les lourdes pertes subies par l’agresseur, aucune issue du conflit n’est en vue et son bilan humain et matériel donne le tournis. Un constat s’impose : cette guerre « n’aura pas de vainqueur. (Elle) doit cesser », vient de rappeler le coordinateur de l’ONU dans le pays.

Que les Ukrainiens décident de tenter à tout prix de vaincre militairement l’envahisseur relève de leur choix souverain que nul d’entre nous n’a le droit de discuter. Que, par ailleurs, une partie de l’opinion publique européenne estime que la solidarité avec le peuple ukrainien exige que « les bons équipements » lui soient, dès lors, livrés jusqu’à la victoire finale, peut s’expliquer. Rien de plus insupportable, en effet, que de se sentir confortablement installé et impuissant face aux images du calvaire subi par les victimes d’une impitoyable machine de guerre ennemie – et, qui plus est, des victimes proches de nous et qui nous ressemblent. Le problème est qu’il n’est, jour après jour, que trop évident que les sacrifices indicibles consentis par la population ukrainienne ne nous rapprochent pas d’un pouce de la paix.

Pourquoi alors un certain nombre de dirigeants du monde occidental, à commencer, bien sûr, par Washington, persévèrent-ils dans leurs encouragements à « gagner la guerre » contre la Russie plutôt qu’à favoriser l’option, fût-elle très complexe, de la négociation ? Pour le secrétaire à la Défense américain, la raison de cette stratégie est claire : « Nous voulons voir la Russie affaiblie à un degré tel qu’elle ne puisse pas faire le même genre de choses que l’invasion de l’Ukraine. » Un pari hasardeux, dans la mesure où les six trains de sanctions européennes n’ont jusqu’ici entamé ni la détermination de Poutine, ni même le soutien massif des Russes à son offensive, et surtout un choix cynique, car il revient à faire une guerre à la Russie par procuration, les bénéfices stratégiques escomptés se payant en vies humaines ukrainiennes, sans oublier les victimes « collatérales » dans les pays du Sud.

Il faut saluer à cet égard l’initiative originale du président de l’Union africaine, Macky Sall. Il a condamné l’invasion russe, mais a fait le choix de tenter d’obtenir par la voie diplomatique ce que les Occidentaux ont échoué à réaliser par la confrontation : en l’occurrence, la libération des stocks de céréales et d’engrais dont les Africains ont un besoin vital. Souhaitons qu’il réussisse et qu’il inspire d’autres acteurs conscients que cette guerre « n’aura pas de vainqueur ».

 publié le 11 juin 2022

La Nupes joue sa victoire
sur un sursaut de mobilisation

Julia Hamlaoui sur www.humanite.fr

Législatives En tête dans les dernières enquêtes d’opinion, la coalition qui réunit des candidats FI, PCF, PS et EELV peut s’imposer dans de nombreuses circonscriptions et disputer le pouvoir à LaREM et ses alliés. Mais le succès est à une condition : une participation massive.


 

Selon l’Ipsos, 51 % des sympathisants de gauche sont sûrs de voter dimanche, contre 60 % de ceux de LaREM.

Ce qui, au soir de sa disqualification de la présidentielle le 10 avril, apparaissait comme un pari un peu fou, se révèle à l’approche du scrutin comme une possibilité bien réelle. La victoire d’une gauche rassemblée au sein de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) aux élections législatives s’est éloignée de la chimère au point de donner des sueurs froides à la Macronie. « Si vous votez massivement, vous renversez la table », a martelé, mercredi soir, Jean-Luc Mélenchon, lors d’un meeting à Caen, à quelques kilomètres de la circonscription d’Élisabeth Borne, dont il espère ravir le poste à Matignon.

Le vent de panique qui souffle sur les ministres et prétendants de la majorité sortante s’est transformé au fil des jours en une diabolisation tous azimuts. Quand le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, évoque un « Chavez gaulois », le chef de file des députés LaREM, Christophe Castaner, renvoie le programme commun de la Nupes à « tous les clichés du monde soviétique ». Quand la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire, dénonce une volonté de « bloquer le pays », son prédécesseur, Gabriel Attal, agite la menace de la « guillotine fiscale », tandis que son nouveau collègue et délégué général de LaREM, Stanislas Guerini, s’offusque «qu’on ne pourra plus manger trop gras ou trop sucré ». Le président de la République a lui-même pris la peine de monter à son tour au créneau : « Leur projet explique aux gens qu’on va leur interdire de couper les arbres chez eux. Il y a 20 taxations nouvelles. Ce n’est pas un bon projet pour le pays », a lancé Emmanuel Macron, en Seine-Saint-Denis, déroulant les éléments de langage servis depuis des jours.

une dynamique de campagne du côté du rassemblement de la gauche

« Quelque chose se passe. Ça n’a pas échappé à nos adversaires, alors ils ont choisi de faire campagne contre nous. Rien n’est trop gros », résume le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. Un « There is no alternative » à la Margaret Thatcher derrière lequel se réfugie en catastrophe un camp présidentiel bousculé. Il faut dire que leurs habitudes sont bouleversées car, depuis le début des années 2000, le quinquennat combiné à l’inversion du calendrier électoral avait renvoyé les législatives au rang de confirmation presque automatique du vote de la présidentielle. Pas l’ombre d’une cohabitation depuis lors. « Le différentiel de mobilisation entre les deux scrutins profitait depuis 2002 au parti présidentiel du fait de l’effet de souffle de la présidentielle, qui remobilise cet électorat et démobilise les autres », explique le directeur général de l’Ifop, Frédéric Dabi.

Mais, cette fois, « rien n’est moins sûr », note le politologue. Le scénario est bien différent avec trois blocs (LaREM et ses alliés, extrême droite, et gauche) dans le même étiage à l’issue du premier tour du 10 avril, un président élu par défaut face au RN le 24 avril, et, depuis, une dynamique de campagne du côté du rassemblement de la gauche. La Nupes fait même la course en tête selon un sondage Ipsos réalisé cette semaine, avec 28 % des intentions de vote contre 27 % pour Ensemble (la coalition autour de LaREM) et 19,5 % pour le Rassemblement national. De même, selon la dernière enquête Ifop, avec respectivement 26 %, 25 % et 21 %. Le parti présidentiel et ses alliés voient aussi leur espoir – fondé sur un mode de scrutin sans proportionnelle – de maintenir, malgré tout, leur majorité absolue (289 sièges) s’amenuiser. Tandis que les projections de l’Ifop leur pronostiquaient, fin mai, de 275 à 310 sièges, elles en envisagent désormais de 250 à 290.

Reste un facteur clé : la mobilisation. « L’abstention est notre principale adversaire », résume le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, qui appelle les « 32 % d’électeurs qui ont choisi l’un des candidats de gauche à la présidentielle » à se rendre sans faute aux urnes. Un enjeu de taille quand, selon Ipsos, 51 % des sympathisants de gauche sont sûrs de voter dimanche contre 60 % de ceux de LaREM. En 2017, déjà, la participation était passée de 77,8 % à la présidentielle à 48,7 % quelques semaines plus tard, s’effondrant notamment parmi les jeunes et les classes populaires. Les enquêtes des instituts de sondage ne démentent pas, pour l’heure, le phénomène : entre 44 % et 48 % des sondés ont fermement l’intention d’aller voter. Parmi les moins de 35 ans, la proportion s’élève à 37 %, et elle est de 36 % parmi les ouvriers et 35 % chez les employés, selon l’Ipsos. Or, 51 % des 18-24 ans auraient l’intention de choisir un bulletin Nupes. La coalition « est sous la menace d’une abstention plus sociologique, liée à la jeunesse de son électorat potentiel. On sait, en effet, que lors des deux dernières élections législatives (2012 et 2017), les écarts de participation entre jeunes et seniors ont approché les 40 points », mesure l’institut Cluster17. Des différences qui laissent une place disproportionnée, au regard de ce qu’il pèse dans la société, à un électorat plus favorable à la droite. En particulier les plus âgés (65 % des plus de 70 ans entendent se rendre aux urnes), qui se sont massivement prononcés pour Emmanuel Macron à la présidentielle.

« Le chef de l’État a prévu de nous imposer la pire des crises d’austérité »

Ce sont également eux qui sont le moins hostiles, par exemple, à la retraite à 65 ans – et pour cause, ils ne sont pas concernés. Alors que 57 % des retraités y sont favorables, selon un sondage Elabe de fin avril, 64 % des Français s’y opposent (79 % parmi les catégories populaires). Or, derrière la mise en avant de vagues mesures pour le pouvoir d’achat promises pour juillet, tel est bien le projet du chef de l’État : retraite à 65 ans, RSA conditionné à des heures de travail, nouveau durcissement de l’assurance-chômage… « Et Emmanuel Macron s’est engagé auprès de la Commission européenne à ramener le déficit du budget de l’État à 3 %. À budget constant, il faut enlever 80 milliards d’euros, c’est l’équivalent du budget actuel du ministère de l’Intérieur et du ministère de la Santé. Il a prévu la pire crise d’austérité dont on n’a jamais entendu parler », a rappelé le chef de file de la Nupes, à Caen. Soit le strict négatif du projet de la gauche unie, qui vise la relance par l’augmentation des salaires, à commencer par le Smic à 1 500 euros, le partage du travail avec la retraite à 60 ans, une répartition des richesses plus juste avec une vaste réforme fiscale, la relocalisation de la production combinée à la planification écologique, ou encore le réarmement des services publics… De nombreuses mesures largement approuvées, selon notre sondage Ifop (lire page 5).

S’il est encore temps de faire échec à la politique Macron pour les cinq années à venir et d’ouvrir la voie à des réformes de justice sociale et climatique, un seul moyen est à disposition : voter dimanche.

 publié le 11 juin 2022

Sondage exclusif.
La Nupes a déjà
la majorité de l’opinion

Julia Hamlaoui sur www.humanite.fr

Vilipendées par les libéraux, plébiscitées par les Français ! Les mesures de justice sociale, climatique et fiscale de la Nupes, qui réunit FI, PCF, PS et EELV aux législatives des 12 et 19 juin, remportent une nette et large adhésion, indique notre sondage Ifop. Enquête

Retraite à 60 ans, Smic à 1500 euros, allocation pour les18-25 ans, défense des services publics... des mesures de justice sociale attendues par la population. Un axe fort du programme de la gauche coalisée.

Plus la date du scrutin se rapproche, plus se multiplient les cris d’orfraie des libéraux et conservateurs sur les conséquences d’une victoire de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). « Un désastre prévisible », pour le think tank Terra Nova. Une gauche qui « propose n’importe quoi » et veut « bloquer le pays », accuse la porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire. Un Jean-Luc Mélenchon « prêt à mener la France dans le chaos », selon le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux. En cause ? Le programme de la coalition de gauche, dont le moteur est la « justice sociale, climatique et fiscale ».

Pourtant, ses mesures phares ne soulèvent pas le même effroi parmi les Français. Loin s’en faut. De la hausse du Smic au retour de l’ISF ou de la retraite à 60 ans, notre sondage Ifop que nous publions montre au contraire une large adhésion. « Quand la proposition concerne tout le monde, le soutien est très massif – c’est le cas de l’ambition climatique ou du blocage immédiat des prix, voire de l’attente de redistribution. Quand la mesure est plus idéologique ou catégorielle – comme les renationalisations ou l’augmentation du Smic –, il l’est moins », résume le directeur général de l’Ifop, Frédéric Dabi. C’est ainsi celle qui porte sur le pouvoir d’achat – devenu « une sorte d’obsession pour beaucoup de Français », selon le politologue – qui arrive en tête de classement.

« Le sujet, c’est l’urgence »

Face à l’inflation qui grignote le budget des ménages, le gouvernement tergiverse depuis des semaines et promet une loi pour après les législatives, dont un chèque alimentaire au montant inconnu. La Nupes, elle, propose de bloquer immédiatement les prix de l’essence et d’encadrer durablement les tarifs des produits alimentaires de première nécessité.

Des propositions approuvées par 89 % des sondés de notre enquête Ifop. Une majorité de 55 % y est même « tout à fait favorable ». « C’est le reflet du fait que son inaction est reprochée au gouvernement », commente le politologue de l’Ifop. Avec 95 %, ce sont les catégories modestes (900 à 1 300 euros de revenus) qui s’y montrent le plus favorables. « Le sujet aujourd’hui, c’est l’urgence : il faut que les gens mangent », a insisté durant la campagne Jean-Luc Mélenchon. Il faut aussi qu’ils puissent se déplacer.

Davantage impactés par le niveau des factures d’essence, qui en 2018 avait déjà été le déclic du mouvement des gilets jaunes, les sondés résidant en province plébiscitent davantage le blocage des prix (91 %) qu’en Île-de-France (82 %). Quant aux autoroutes, détenues par de grands groupes qui ont cumulé 2,5 milliards d’euros de dividendes en 2020 selon le Sénat, 78 % des interrogés se disent favorables à leur renationalisation.

L’un des leviers du succès de la NUPES, c’est son offre programmatique, qui reste la plus visible.  Frédéric Dabi, IFOP

L’augmentation du Smic à 1 500 euros reçoit, pour sa part, le soutien de 76 % des Français. « Ni Macron ni Le Pen ne le proposent, c’est pourtant la seule loi efficace contre la vie chère », remarque le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel. En la matière, l’approbation la plus forte se retrouve parmi les classes populaires (85 % des employés et ouvriers sont pour), les moins diplômés (84 % des détenteurs de CAP et BEP et 82 % de non-diplômés) et les plus pauvres (89 % parmi ceux qui gagnent moins de 900 euros par mois). Seuls les sympathisants LR sont une courte majorité de 52 % à ne pas vouloir en entendre parler. Car même les sympathisants de la Macronie sont 67 % à se dire que ce ne serait pas une mauvaise idée… Et 60 % des dirigeants d’entreprise y sont favorables. Dont acte.

L’inaction de la majorité sortante sur la question du pouvoir d’achat se retrouve au plan environnemental. « Élisabeth Borne, c’est la continuité d’un quinquennat d’inaction climatique », pour laquelle l’État a été condamné par deux fois, résume le secrétaire national d’EELV, Julien Bayou. Et ce, à rebours d’objectifs largement partagés par les Français : 81 % sont favorables à une baisse de 65 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030, que prévoit la gauche. C’est l’électorat de Yannick Jadot à la présidentielle qui s’y montre le plus sensible, avec 94 % d’opinions favorables, contre 65 % parmi les électeurs de Valérie Pécresse (LR) où elle est au plus bas.

77 % des Français soutiennent le retour de la retraite à 60 ans. il n’y a que l’électorat macronien pour s’y opposer, à seulement 51 % !

Jeunes et retraite à 60 ans

Sur l’âge de départ à la retraite, le président, Emmanuel Macron, est loin d’être inactif : il a fait de son report à 65 ans l’une des réformes phares de sa campagne. On savait la mesure rejetée par une majorité de Français, à 69 % selon un sondage Elabe de mars. Mais, loin de se contenter du statu quo, 77 % d’entre eux soutiennent le retour à un âge légal de 60 ans, à taux plein, après 40 annuités de cotisation. « Revenir à 60 ans, à commencer par les carrières longues et les métiers pénibles, c’est la justice sociale », juge le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. Dans le détail, seuls les électeurs du chef de l’État ne sont pas d’accord, s’y opposant à seulement… 51 %. « Cela en dit long sur les marges de manœuvre compliquées du gouvernement », note Frédéric Dabi.

le blocage des prix, que la NUPES est seule à proposer, reçoit l’adhésion de tous, même des sympathisants de Macron !

En revanche, 84 % des sympathisants de gauche (jusqu’à 95 % parmi ceux qui ont voté Fabien Roussel) sont pour. Le clivage est aussi générationnel. Les plus âgés, non concernés, sont ceux qui soutiennent le moins la disposition (65 % chez les 65 ans et plus). À l’inverse, les plus jeunes l’approuvent à 84 %. De même, « seuls » 54 % des plus aisés (plus de 2 500 euros par mois) regardent avec bienveillance la mesure, contre 90 % des catégories modestes. Cette préoccupation est aussi partagée par 88 % des électeurs de Marine Le Pen, qui a abandonné l’idée en rase campagne.

79 % pour le retour de l’ISF

N’en déplaise aux libéraux de tout poil, même sur la fiscalité, la Nupes ne tombe pas dans des abysses de désapprobation. Après cinq ans, le mythe du ruissellement, selon lequel les cadeaux aux plus riches et aux grands groupes finissent par atterrir dans la poche des plus modestes, a fait long feu. 79 % des sondés se prononcent pour le rétablissement de l’ISF. C’est parmi les catégories populaires que ce retour est le plus attendu, avec 84 % d’opinions favorables (jusqu’à 87 % parmi les ouvriers, contre 75 % pour les catégories supérieures). L’idée fait même son chemin chez les électeurs de Macron, avec 68 % de soutiens.

L’injuste répartition de la richesse produite entre capital et travail ne laisse pas non plus de marbre dans un contexte d’explosion des profits. « Au cours des dix dernières années, les versements de dividendes ont augmenté de 70 % et les investissements ont baissé de 5 % », a rappelé Jean-Luc Mélenchon au meeting parisien de la Nupes. La suppression de la flat tax que propose la coalition est ainsi approuvée par 63 % des Français.

« C’est l’un des leviers du succès de la Nupes : pour l’instant, son offre électorale et programmatique est la plus visible », assure Frédéric Dabi. Reste à transformer l’essai dans les urnes…


 


 


 

Les mesures phares
de l’union de la gauche
plébiscitées
par les Français

Aurélien Soucheyre sur www.humanite.fr

Notre sondage Ifop pour l’Humanité Magazine indique que les citoyens soutiennent largement la hausse du Smic, la retraite à 60 ans, le blocage des prix, la taxation du capital et les objectifs climatiques ambitieux proposés par la Nupes. En particulier les jeunes et les milieux modestes.

Les Français voteront-ils­ selon leurs idées lors des ­législatives ? Ils soutiennent en tout cas très largement le programme de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), selon un sondage Ifop pour l’Humanité Magazine. Porter le Smic à 1 500 euros net mensuels ? 76 % des Français sont pour (le score monte à 80 % chez les moins de 35 ans, et même 85 % chez les ouvriers), preuve que nos concitoyens veulent des salaires dignes et un autre partage des richesses produites. Restaurer le droit à la retraite à 60 ans ? 77 % des Français s’y disent favorables (dont 80 % chez les actifs, et même 84 % chez les moins de 35 ans). Comme quoi les arguments de la Macronie visant à repousser à 65 ans l’âge de départ à la retraite ne les convainquent pas. Bloquer immédiatement les prix de l’essence et encadrer durablement les prix des produits alimentaires de première nécessité ? 89 % des Français l’approuvent (dont 90 % chez les classes populaires et 95 % chez les plus modestes). Ce qui indique que les citoyens attendent bien plus que les quelques mesurettes concédées par le gouvernement.

Les Français veulent également abolir deux des réformes fiscales les plus importantes du quinquennat Macron. Ils sont ainsi, comme le propose la Nupes, 79 % à vouloir rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Une mesure qui rencontre un écho très favorable dans plusieurs milieux puisque 63 % des catégories aisées sont pour, tout comme 74 % des dirigeants d’entreprise et 87 % des ouvriers. Toujours sur les questions fiscales, nos concitoyens sont également 63 % à attendre la suppression de la flat tax qui limite l’imposition du capital. C’est le cas de 58 % des sympathisants RN, de 66 % des retraités et de 75 % des sondés de gauche, preuve que, pour les Français, le capital doit lui aussi être taxé (en l’occurrence bien au-delà du plafond de 30 % fixé par Macron).

Les citoyens ont aussi un avis sur la question de la propriété des grandes infrastructures du pays. Ils sont 78 % à vouloir renationaliser les aéroports stratégiques et les autoroutes. Une mesure de la Nupes soutenue par 68 % des électeurs de Macron, 85 % des ouvriers et même 87 % des dirigeants d’entreprise. Enfin, les ambitions de la coalition de gauche concernant la question climatique, l’une des principales préoccupations des Français, sont également plébiscitées. 81 % des sondés sont ainsi favorables à ­relever les ambitions climatiques de la France avec, pour objectif, une baisse de 65 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030. À droite, 65% des électeurs de Valérie Pécresse soutiennent cette volonté. C’est également le cas pour 81 % des ouvriers et 82 % des 18-24 ans.

Il ressort, au final, que ces mesures phares de la Nupes rencontrent une très large adhésion dans le pays. Reste à savoir si les Français feront le lien entre cette offre politique et leur demande, notamment chez les ouvriers et les jeunes, qui soutiennent tout particulièrement les objectifs de la Nupes.

Retrouvez l’intégralité de notre sondage dans l’Humanité Magazine du 9 juin.

 

publié le 10 juin 2022

Un front très large d’économistes soutient le programme de la Nupes

Mathieu Dejean sur www.mediapart.fr

Plus de 300 économistes, dont Thomas Piketty, apportent leur soutien au programme de la Nupes. Une « assemblée de compétences » avec laquelle la coalition de gauche compte bien rester en lien, qu’elle gouverne ou qu’elle occupe des postes clés à l’Assemblée après les législatives.

« Guillotine fiscale » pour le ministre du budget Gabriel Attal dans Le Monde, « taxes sans limites » pour l’économiste Philipe Aghion dans Les Échos, « ruine » du pays pour le ministre de l’économie Bruno Le Maire sur France Inter… Depuis le mois dernier, les attaques contre la crédibilité économique du programme de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) enflent à mesure que l’échéance du premier tour des élections législatives approche.

Plusieurs fois déjà, les économistes du parlement de la Nupes sont montés au créneau pour défendre leur projet, en publiant des rapports, réponses, contre-réponses (lire sur Mediapart le blog des Économistes du parlement de l’Union populaire), ou encore en proposant des débats publics avec leurs détracteurs – en vain. Après avoir répliqué, dans une posture défensive, ils sont passés à l’offensive – une stratégie voulue notamment par la présidente du parlement de la Nupes, Aurélie Trouvé.

Le 9 juin, à quelques heures du scrutin, la coalition de la gauche et des écologistes a reçu le soutien, sous forme de tribune publiée sur le site du Journal du dimanche, de plus de 300 économistes. Une masse critique d’autant plus considérable que parmi eux figurent des piliers de la discipline, aux attaches politiques très diverses, et qui s’étaient jusqu’à présent tenus à distance de cette séquence électorale.

L’union sacrée des économistes

C’est le cas d’un groupe d’économistes plutôt affiliés à la gauche social-démocrate – au sens historique du terme –, pour beaucoup d’anciens soutiens de Benoît Hamon en 2017, dont les travaux irriguaient certains programmes en 2022 – celui de Yannick Jadot par exemple – sans qu’ils n’apparaissent : Thomas Piketty, Julia Cagé, Dominique Méda, Gabriel Zucman, Lucas Chancel, Jézabel Couppey-Soubeyran ou encore Isabelle This Saint-Jean.

À l’autre bout de cet arc politique de gauche, des économistes tenants d’une hétérodoxie plus marquée, comme Bernard Friot (dont la proposition d’une « sécurité sociale de l’alimentation » figure dans le programme de la Nupes), Bruno Amable et Jacques Généreux (longtemps secrétaire national à l’économie du Parti de gauche).

Économiste membre du groupe Upeco (les économistes du parlement de l’Union populaire), Cédric Durand, une des têtes pensantes de cette tribune, explique cet élargissement : « On avait déjà eu des contacts avec eux pendant la présidentielle. Ce nétait pas hostile mais hésitant, il y a eu des échanges de qualité, qui aujourd’hui débouchent sur ce texte en raison à la fois du rassemblement et de la malhonnêteté intellectuelle des attaques. »

Le texte, qui taille en pièces la « politique de l’offre » du gouvernement (« peu efficace et injuste, cette stratégie conduit in fine à la dégradation de la situation du pays, tant sur le plan des indicateurs sociaux et écologiques que sur celui du développement économique »), propose au contraire une bifurcation, par « une remobilisation de la puissance publique et la construction d’un projet productif à long terme, compatible avec le respect de la biosphère », et une planification écologique « compatible avec une décroissance des pollutions et de l’utilisation des ressources naturelles ».

Les signataires expliquent qu’un tel projet est finançable par une « fiscalité plus progressive sur les revenus et les patrimoines, le rétablissement de l’ISF et la suppression de la flat tax ainsi que la lutte contre la fraude », et un « recours accru au pôle public bancaire afin d’orienter la création monétaire et l’épargne des Français vers les besoins collectifs et se prémunir contre les effets déstabilisateurs des marchés financiers ».

Avec cette tribune, la Nupes fait coup double. Non seulement elle témoigne de la solidité de son programme (lire l’analyse de Romaric Godin) et de l’élargissement de son socle politique, mais elle jette une lumière crue sur l’absence de propositions du camp macroniste. « En 2017, il y avait eu une tribune d’économistes pour soutenir Macron, mais aujourd’hui ils sont totalement absents, constate l’économiste Éric Berr, membre du parlement de la Nupes. On les cherche, car ils savent eux-mêmes que la voie sur laquelle veut nous engager Macron est très périlleuse. »

Même constat de la part de Jacques Généreux : « Où penche le sérieux économique, quand les économistes qui avaient signé cette tribune en faveur de Macron en 2017 n'osent plus associer leur nom au sien aujourd'hui ? », interroge-t-il. 

Une nouvelle vision de l’économie politique

Alors que la stratégie de Jean-Luc Mélenchon consiste, depuis le début de cette campagne pour les législatives, à instaurer un duel avec Emmanuel Macron, ce texte enfonce le clou. « En face, il n’y a rien, à part une grande mauvaise foi, qui traduit une grande inquiétude », estime Éric Berr, qui ajoute que « Macron veut intensifier le néolibéralisme au moment où tout le monde s’engage dans une autre voie », l’air de dire que, désormais, les hétérodoxes ne sont plus ceux qu’on croit.

L’économiste Éloi Laurent, auteur cette année du livre La Raison économique et ses monstres (Les Liens qui libèrent), a accepté de signer ce texte – une première, alors qu’il n’a jamais signé auparavant de tribune d’économistes. Joint par Mediapart, il explique qu’il est « exceptionnel » tant par la qualité de ses signataires – « une assemblée de compétences utiles pour gouverner, dont beaucoup de membres sont familiers des politiques publiques, et pas seulement de l’analyse économique » – que par son contenu.

Il refuse en effet de céder au « procès en incrédibilité économique » fait à la Nupes, et de se placer sur le terrain du « crédibilisme économique », pour promouvoir « une nouvelle façon de concevoir l’économie » : « Ce texte est important car il remet la crédibilité économique à sa place, derrière l’articulation entre urgence sociale et urgence écologique. Le discours sur la crédibilité économique, c’est le programme implicite du pouvoir en place, qui n’a pas d’autre programme que de dire : “Nous sommes la raison économique.” Il ne faut pas adopter le langage de nos adversaires », estime-t-il.

Plus largement, Cédric Durand inscrit l’avènement de cette nouvelle doctrine économique dans un « mouvement historique » général après la crise de 2008 et celle du Covid : « On est à un moment où Thomas Piketty parle de dépassement du capitalisme et où ceux qui se situent à l’extrême gauche se retrouvent dans la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Cela s’explique par la crise du néolibéralisme. Il n’y a plus de grain à moudre dans le blairisme, ce qui ouvre la voie à une politique plus interventionniste. »

Quoi qu’il arrive le 19 juin, Aurélie Trouvé, qui entretient de bonnes relations avec le secteur universitaire – étant depuis vingt ans elle-même économiste –, souhaite que ce groupe perdure sous la forme d’un « conseil économique de la Nupes » et alimente le travail de la coalition à l’Assemblée nationale – qu’elle soit majoritaire ou pas.

publié le 10 juin 2022

Dimanche, le choix.
Le capital ou nos vies

Patrick Le Hyaric sur www.humanite.fr

Les vieux réflexes de la bourgeoisie capitaliste ont repris le dessus. De l’extrême droite à toutes les variantes du macronisme, du grand patronat à la droite, aux médias propriétés de milliardaires, ce n’est que déchaînements, vociférations, contre vérités à l’encontre du programme de la coalition des gauches et des écologistes. Ce sera le « chaos » répètent – ils en cœur.

Comme en 1981, ils ne veulent absolument pas que les salaires et les prestations sociales augmentent ; que le Smic soit porté à 1 500 € ; que le point d’indice des fonctionnaires soit rehaussé d’au moins 10 %. Ils ne veulent pas entendre parler d’un retour de l’âge de la retraite à 60 ans ou d’investissements massifs pour une transition sociale et écologique permettant de vivre mieux, et d’une création massive d’emplois stables, sécurisés et ouverts aux formations modernes tout au long de la vie.

Si le programme de la Nupes manquait tant de sérieux, pourquoi la première ministre et les membres du gouvernement n’acceptent pas des débats contradictoires à la télévision. Ce serait un gage de clarté.

Un acte de démocratie permettant aux électrices et électeurs de faire un choix en connaissance de cause dimanche prochain.

En vérité, la macronie et les forces du capital redoutent ce scrutin qui, pour la première fois depuis de longues années, va permettre à celles et ceux qui le souhaitent d’exprimer par leur vote, avec cette fois une chance réelle de se faire entendre, leurs attentes de changements profonds.

Ils préfèrent miser sur une abstention massive des milieux populaires et de la jeunesse, c’est-à-dire chez ceux qui ont le plus à gagner d’un succès de la Nupes.

Car, les éléments du « chaos » sont bien là. L’hôpital ou encore l’éducation nationale sont affaiblis, rongés, minés par des décennies d’austérité. La crise écologique est d’une ampleur sans précédent. L’inflation galope, les chaînes logistiques d’approvisionnement et de production se disloquent et se bloquent maintenant dans certains secteurs.

Le fameux thème de la ré industrialisation rabâché à satiété par ceux-là mêmes qui ont délocalisé nos usines, n’est, en réalité, que le paravent pour faire passer de nouvelles diminutions des impôts sur les entreprises sans contrepartie.

La nouvelle contre-réforme des retraites n’est que le faux nez d’une exploitation renforcée du travail et de la mise en tension d’une société dans laquelle la route vers le travail pour les jeunes est parsemée d’embûches, de discriminations, d’inégalités, de salaires au rabais pendant que de plus en plus de seniors de moins de 60 ans se retrouvent sans emploi.

On ne compte plus les contrats à durée déterminée de courtes durées et le nombre de femmes à temps partiel imposé, rétribuées sous le Smic !

Les gardiens du temple de l’ordo libéralisme, qui courent les plateaux de télévision, veulent faire peur au quidam en chiffrant le coût du retour à la retraite à 60 ans à 100 milliards d’euros. Ce montant mériterait d’être discuté. Mais, ces mêmes donneurs de leçons en bonne gestion ne disent jamais un mot sur l’efficacité réelle des 130 milliards que l’État verse chaque année au secteur privé.

Quant au vocable « pouvoir d’achat », il n’est qu’un gargarisme pour la majorité macroniste et les droites qui refusent toute augmentation des salaires et tout blocage des prix tandis que les profits flambent et que la rémunération des propriétaires-actionnaires est au zénith.

Rien n’est envisagé pour l’indexation des salaires sur les prix. Et les minimes chèques alimentation et énergie, dont la durée de vie ne dépassera pas le temps des élections, ne suffiront pas à éviter une nouvelle récession.

Voilà le chaos ! Voilà ce qui est tu !

Ce sont ces politiques successives dites de l’offre qui coûtent cher au budget de la nation comme l’a confirmé le comité d’évaluation du CICE et de la réforme du capital.

Le programme de la Nouvelle union populaire écologiste et sociale (Nupes) répond aux besoins humains et propose d’investir dans une nouvelle politique de progrès social par un nouveau type de relance, grâce à l’augmentation des salaires et des retraites, à la progressivité de l’impôt, à l’allocation autonomie pour les jeunes, à la garantie du droit au logement et au blocage des loyers, au développement des services publics, à une sécurité de l’emploi combinée aux formations indispensables pour réussir la transition écologique.

C’est cette cohérence qui fait peur aux puissances d’argent. C’est pourquoi les milieux dirigeants font planer la menace d’une réaction négative des marchés financiers. Dans ces conditions, où est la démocratie ? Où est le respect du vote des électrices et des électeurs ?

Oui, soyons clairs, cette alternative progressiste vise à inverser les priorités. Le travail au lieu du service au capital. Les services publics au lieu de la finance. L’agriculture paysanne au lieu des fermes usines et les traités de libre-échange pour assurer la qualité alimentaire. La démocratie participative au lieu de la présidentialisation du pouvoir et la monarchie à l’entreprise.

Un gouvernement des gauches et des écologistes peut se donner les moyens de défendre les travailleurs et les citoyens par l’appropriation publique de grandes banques, pour un nouveau crédit public dans le cadre d’un pôle public financier et bancaire démocratique. Ni la Banque centrale européenne, ni l’Allemagne n’auraient intérêt à s’opposer à cette politique de relance durable. Elle serait plutôt un facteur de stabilité en Europe pour faire face aux nuées orageuses qui s’amoncellent à l’horizon.

Au-delà des questions de faisabilité économique, l’enjeu est d’abord politique.

Doit-on accepter l’ordre social du monde tel qu’il est ? Doit-on conférer comme seul rôle au gouvernement de gérer les choses comme elles sont, au service des forces dominantes ? Ou, au contraire, ne doit-on pas redonner à la politique son rôle plein et entier pour engager une nouvelle construction démocratique, humaine, sociale, culturelle, environnementale ?

N’est-il pas temps de s’engager collectivement dans un nouveau projet associant le peuple - les travailleuses, les travailleurs, les citoyennes, les citoyens, les jeunes et les enfants- qui change l’ordre des priorités et conteste en tout point l’ordre a-social et anti-environnemental capitaliste.

Une modification des rapports de force permettrait une nouvelle cohérence progressiste et écologique. La régénération de la démocratie est au cœur des grands projets novateurs de planification écologique, d’un nouveau progrès social, de la refondation de la construction européenne et du retour d’une France actrice d’un monde solidaire, de paix et de coopération.

La démocratisation doit être au cœur des processus de productions, d’échanges et de distributions Cela passe par de nouvelles législations conférant de réels pouvoirs nouveaux des salariés dans l’entreprise.

Pour cela, il faut forcément revenir sur les contre-réformes du droit du travail et notamment de donner aux comités d’entreprise la possibilité d’un véto suspensif en cas de licenciement boursier.

Il est temps de permettre et d’assurer une participation effective des salariés et des usagers à la gestion des entreprises nationalisées et des services publics. Il est temps d’engager la dé-financiarisation de l’économie ; la mise en place d’un impôt sur les transactions financières ; et de viser l’éradication de l’évasion fiscale.

Il s’agit d’enfoncer des coins, dans le modèle de production capitaliste, avec des projets échappant à la logique marchande comme l’ont été en leur temps la création de la sécurité sociale par Ambroise Croizat ou le statut de la fonction publique par Maurice Thorez.

Voilà ce qui fait peur aux possédants et à leurs valets politiques.

En vérité, deux conceptions s’opposent : Celle du conservatisme et de la réaction qui veut faire croire aux lois immuables du marché et veut maintenir un système qui appauvrit les plus modestes et les classes moyennes pour enrichir les détenteurs de capitaux.

L’autre conception, celle d’un nouveau progressisme à la française, tirant les leçons du patent échec de ce qui s’est fait jusque-là. Celle-ci considère que le chômage, la misère, les inégalités, l’épuisement de la nature, le surarmement ne sont pas des fatalités. Ce projet fait de la dépense sociale, du développement et de la démocratisation des services publics pour une transition écologique, des leviers pour tout à la fois répondre aux aspirations populaires, aux défis de notre temps et pour une nouvelle efficacité sociale et économique.

Dimanche prochain, voter et faire voter pour les candidats de la Nupes, c’est créer les conditions pour que la vie de millions de nos concitoyens change dès le mois de juillet parce que les choix sociaux, politiques, économiques, éducatifs et culturels d’un véritable nouveau gouvernement partiraient des besoins populaires et non ceux des puissances financières. S’abstenir revient à voter contre soi-même et laisser le pouvoir aux dominants de décider de nos vies. C’est ce que recherche le pouvoir macronien. Bousculons ses plans. Changeons de cap ! Choisissons une majorité parlementaire et un gouvernement de la gauche de transformation !

 publié le 9 juin 2022

Bref aperçu du meeting de la NUPES du
jeudi 9 juin à Frontignan

Venues des 4 coins de la circonscription (Grabels, Pignan, Fabrègues, Celleneuve, Vic-la Gardiole, Frontignan, ..), une grosse centaine de citoyens ont participé à la dernière réunion publique de la NUPES pour le 1° tour des Législatives de dimanche prochain. Petit compte rendu et quelques photos.

De nombreuses et courtes interventions de militants de terrain ont montré comment le programme de la NUPES répondait aux problèmes de la population : précarité d’existence parmi les jeunes et les retraités, sous-effectif et difficulté du travail dans l’hopital, misère de la prise en charge des aînés dans un EHPAD, logements non entretenus par les bailleurs, difficulté d’accès à l’eau potable pour une partie de la population, dégradation de l’état de la Méditerranée, faible soutien des pouvoirs publics aux initiatives locales d’énergie renouvelable, violences policières et condamnation arbitraires des manifestants, nécessiter de faire renaître la démocratie, …

Et c’est un public enthousiaste qui a ovationné les propositions du candidat Sylvain Carrière et de sa suppléante Livia Jampy.

Rendez-vous donc les dimanches 12 et 19 juin pour battre les candidats du macronisme et ceux de l’extrême droite et envoyer à l’Assemblée Nationale une majorité de députés Nupes pour un gouvernement de gauche et politique sociale, écologique et démocratique.

 publié le 9 juin 2022

Le paquet de la Nupes contre la vie chère

Aurélien Soucheyre sur www.humanite.fr

Blocage des prix, hausse des salaires, 100 % Sécu, encadrement des loyers, souveraineté alimentaire et énergétique... La gauche unie présente un tout cohérent.

D’un sondage à l’autre, la préoccupation principale des Français s’impose comme étant celle de leur pouvoir d’achat. L’enjeu n’est pas tant de s’offrir en permanence des biens dans une course aveugle à la consommation, mais tout simplement d’être en capacité de satisfaire ses besoins essentiels de façon digne : une nourriture abordable et de qualité pour tous, un logement décent, une liberté de transports, un accès garanti à l’éducation, la santé, la culture et les loisirs. Or, les Français ont de quoi s’inquiéter dans la situation actuelle. Les crises liées au Covid et à la guerre en Ukraine sont venues aggraver une situation préexistante. En un an, les prix ont augmenté de 5,2 % en moyenne : un record depuis 1985. Cette inflation « frappe plus durement les ménages modestes, qui subissent une baisse encore plus forte de leur pouvoir d’achat », indiquent les économistes de la Nupes dans une note rendue publique mardi. Les prix de l’énergie ont, par exemple, augmenté de 28 %. Ceux de l’alimentation de 4,2 %. Deux postes qui correspondent à 35 % des dépenses globales des plus pauvres, contre 25 % pour les plus riches.

Face à cette situation, la Macronie a décidé de mettre des petits bouts de sparadrap en improvisant au coup par coup des mesurettes : chèque alimentaire, remise de 18 centimes à la pompe, gel très tardif des hausses de l’électricité et du gaz, et évidemment aucune augmentation, ni du Smic ni des salaires. Seule la Nupes propose une véritable hausse du pouvoir d’achat, « pour que les gens aillent mieux tout de suite », avec le passage du Smic à 1 500 euros net, la hausse de l’indice des fonctionnaires de 10 points et la convocation d’une conférence sociale nationale pour organiser une augmentation générale des salaires. Les pensions de retraite passeraient elles aussi à 1 500 euros au minimum, en plus de l’instauration d’une garantie dignité de 1 063 euros par mois, pour que personne ne vive en dessous du seuil de pauvreté, et d’une allocation du même montant pour les jeunes. Mais la Nupes souhaite aussi bloquer les prix de l’énergie et des carburants. « Même le gouvernement britannique a fini par adopter une taxe de 25 % sur les superprofits des groupes de l’énergie », tout comme le gouvernement italien, précisent les économistes de la Nupes.

Contre « la logique irrationnelle et inégalitaire du marché »

Le rassemblement de la gauche entend de même bloquer les prix des produits alimentaires de première nécessité, en plus de réduire la TVA imposée dessus. « La France était autrefois le grenier de l’Europe et nous avons aujourd’hui une balance commerciale déficitaire sur les fruits, légumes et produits agricoles, c’est impensable », s’indigne Aurélie Trouvé. La présidente du parlement de la Nupes propose de soutenir une agriculture locale en fléchant des aides d’ampleur afin de retrouver une autonomie et une souveraineté sur le sujet, ce qui permettrait de contrôler les prix. La Nupes ambitionne ainsi de « lutter contre les causes mêmes de l’inflation », y compris dans les secteurs industriels et énergétiques. Ce qui passe par « refuser la libéralisation du marché de l’électricité et du gaz » en nationalisant EDF et Engie, afin de maîtriser la production et de garantir des tarifs accessibles. Concernant les carburants, la coalition de gauche propose de négocier un « prix de gros européen » pour stabiliser les prix sans les livrer à la spéculation. Et de tourner le dos dès que possible aux énergies carbonées en investissant 200 milliards d’euros dans la « bifurcation écologique », lesquels alimenteront également la formation, l’emploi, et donc les revenus.

Le programme de la Nupes vise au fond à ce que la « satisfaction des besoins ne soit pas confiée à la logique irrationnelle et inégalitaire du marché », selon la formule du sociologue Razmig Keucheyan. Cela implique d’assurer une école gratuite et de qualité pour tous, plutôt que de devoir payer chacun de son côté pour le droit à l’instruction. Idem pour l’hôpital et l’accès à la santé, avec des investissements massifs en plus de la mise en place d’un 100 % Sécu (soit le remboursement intégral des soins prescrits). Une mesure très favorable au pouvoir d’achat, quand la marchandisation des soins, elle, fera les poches des plus modestes jusqu’à les empêcher de se soigner. La Nupes propose enfin de construire 200 000 logements sociaux par an, en plus de rénovations massives et de la mise en place d’un nouvel encadrement des loyers pour casser la spéculation immobilière. Autant de mesures qui visent à préserver le pouvoir d’achat de tout un chacun, et à assurer une vie digne pour tous.

publié le 8 juin 2022

Guadeloupe :
Une justice qui aggrave
l’ombre colonialiste

par Vincent Brengarth et William Bourdon sur www.politis.fr

La manière dont les politiques publiques sont appliquées dans ce territoire d'outre-mer nourrissent, à raison, un sentiment de profondes inégalités vis-à-vis de la métropole, constatent les avocats William Bourdon et Vincent Brengarth qui reviennent sur le procès d'Élie Domota dont ils ont assuré la défense.

Le 19 mai 2022, nous étions à Pointe-à-Pitre pour assurer, aux côtés de nos confrères guadeloupéens, la défense de M. Élie Domota, dirigeant du LKP et ancien secrétaire général de l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe. Il était poursuivi pour violences volontaires, n’ayant pas entrainé d’incapacité de travail, sur personne dépositaire de l’autorité publique, « en refusant de donner son bras et en étant agité ». Son interpellation était intervenue en marge d’une manifestation contre le passe sanitaire et l’obligation vaccinale en Guadeloupe. Douze heures d’audience marquées par la chorale d’indignation et de solidarité que nous avons formée avec le reste de la défense. Nous avons particulièrement été frappés par les atermoiements du parquet, qui a abandonné une partie des charges (dont le refus de se soumettre à des relevés signalétiques reproché sans être étayé par un seul procès-verbal), allant même jusqu’à suspecter le sabotage de la procédure pour justifier sa vacuité sidérante. Ce procès, dont le délibéré sera rendu le 28 juin 2022, a été aussi l’occasion d’écouter un certain nombre de témoins qui ont mis en relief la perte de confiance entre la parole de l’État et les citoyens de Guadeloupe ; perte de confiance qui se manifeste bien sûr à l’égard de la justice.

Difficile de ne pas souligner l’incroyable contraste qui sépare la célérité dans le traitement de cette affaire et la tardiveté à obtenir des réponses dans l’affaire du chlordécone, pesticide interdit détecté chez plus de 90 % des individus en Guadeloupe selon Santé publique France.

Certes, la temporalité judiciaire ne peut pas être la même et des études ont pourtant confirmé depuis longtemps l’explosion sans précédent, sur un territoire aussi restreint que la Guadeloupe, du nombre de cancers.

Un décret du 20 décembre 2021 avait tardivement ajouté, au nombre des maladies professionnelles, le cancer de la prostate provoqué par les pesticides, permettant de favoriser une indemnisation des victimes limitée pour l’instant, aux travailleurs des plantations de cannes à sucre.

Les effets dévastateurs d'un traitement judiciaire différencié

Bien sûr, les faits ne sont pas les mêmes mais un tel constat est sans la moindre incidence sur les effets dévastateurs que produit légitimement ce traitement différencié et l’incompréhension totale qu’il suscite. L’absence de réponses aux maux des Guadeloupéens participe d’un délitement de la confiance envers les pouvoirs publics et la justice, qui conduit à ressentir l’intervention de l’État comme quasiment et exclusivement répressive, aux antipodes des exigences citoyennes.

En mars 2022, les magistrats instructeurs saisis de l’empoisonnement des Antilles au chlordécone avaient notifié la fin de leurs investigations, sans qu’aucune mise en examen n’ait été prononcée, ouvrant la voie à un non-lieu pour cause de prescription… Comment ne pas s’en émouvoir, au regard notamment de la jurisprudence sur l’amiante, alors que les guadeloupéens se vivent comme incompris, voire méprisés par l’État jacobin face à une contamination totalement inédite dans son ampleur et ses effets ?

Les réticences des pouvoirs publics à prendre la mesure du scandale du chlordécone sont à l’origine d’une profonde défiance de la population envers des mesures sanitaires qui lui imposerait la métropole. C’est cette défiance qui s’exprime lors des manifestations, loin d’une vision réductrice qui consiste à présenter les opposants à la vaccination comme des irréductibles adeptes des théories conspirationnistes.

Cette défiance est aggravée bien entendu par la mise en œuvre de la politique sanitaire de Paris après l’irruption de la Covid, marquée par une culpabilisation de ceux qui ont marqué leur réticence, sinon une criminalisation de ceux qui ont fait valoir qu’il y avait d’autres alternatives.

Le silence coupable des autorités de contrôle

À titre d’exemple, en 2013, dans un rapport au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi tendant à prohiber la différence de taux de sucre entre la composition des produits manufacturés et vendus dans les régions d’outre-mer et celle des mêmes produits vendus dans l’hexagone, il était notamment écrit : « La lutte contre l’excès de sucres dans l’alimentation prend une dimension particulière dans les outre-mer en raison de la teneur en sucres très élevée des produits alimentaires transformés ». Un rapport d’information datant de 2019, rédigé par Mme Maud Petit et M. Jean-Philippe Nilor, députés, mettait notamment en évidence les termes d’une étude menée par l’Institut de recherche pour le développement (IRD) mettant en évidence une teneur en sucre moyenne de 7 g/100ml dans l’hexagone contre 8,9 g/100ml en Martinique et en Guadeloupe. Une étude publiée en 2021 par l’Insee révélait que « La moitié de la population est en surpoids, ce qui favorise l’apparition de pathologies à risques, comme l’hypertension artérielle ou le diabète. Si une très large majorité de la population a recours à des soins, trois Guadeloupéens sur 10 ont renoncé ou retardé des soins en 2019 ». M. Victorin Lurel a fait voter une loi contre l’ajout de sucre dans les produits alimentaires destinés aux territoires français des Caraïbes mais dont certains industriels persistent à s’exonérer, dans le silence coupable des autorités de contrôle, aussi bien administratives que judiciaires. Les années passent, sans progrès notable.

Les guadeloupéens expriment par conséquent valablement des craintes quant à la manière dont les politiques publiques sont appliquées, qui nourrissent, à raison, un sentiment de profondes inégalités vis-à-vis de la métropole. L’imposition du vaccin s’est donc ajoutée à un climat fortement dégradé, aussi bien lien au chlordécone qu’à d’autres facteurs, dont celui d’une protection insuffisante face à la consommation de sucre, essentiellement induite par la pratique des industriels. La boucle finit d’être bouclée, en rappelant que le pouvoir d’achat est aussi à l’origine de certaines habitudes de consommation.

C’est cette multi-factorialité liée au contexte propre à la Guadeloupe qui est de nature à expliquer la vivacité de l’opposition à la politique vaccinale, ainsi que la résistance des soignants. Début mai, c’était d’ailleurs un autre représentant syndical qui était poursuivi, en la personne de M. Gaby Clavier, secrétaire général de l'UTS-UGTG, supposément pour des menaces de mort réitérées à l'encontre du directeur du centre hospitalier universitaire.

Il est profondément regrettable que les poursuites pénales soient employées comme un mode de réponse politique à des préoccupations non seulement légitimes mais exprimées par des représentants dont le caractère constructif est connu des pouvoirs publics. Cette criminalisation du syndicalisme entreprend d’étouffer une expression dissidente, pourtant la seule à même de garantir la formulation des revendications propres à la Guadeloupe. La gestion de la crise sanitaire a ravivé l’ombre d’un colonialisme qui préexiste, aussi parce qu’il entend répondre par la force aux protestations, en visant ceux qui incarnent la lutte contre la domination politique exercée par la métropole

 publié le 8 juin 2022

Désintox : les sept mensonges inventés contre la Nupes

Aurélien Soucheyr, eClotilde Mathieu, Marion d'Allard, Cyprien Boganda et Stéphane Guérard sur www.humanite.fr

La Macronie, le grand patronat et les instituts libéraux promettent une catastrophe financière en cas de victoire de la gauche aux législatives, quitte à fabriquer des dangers en racontant n’importe quoi. Florilège.

Voter pour la Nupes, mais c’est totalement irresponsable ! Voici la seule et unique ligne de défense de la Macronie et de ses sous-fifres, qui promettent la « faillite » et la « ruine » en cas de victoire de la gauche aux législatives. À les entendre, d’un seul coup, ou presque, les fruits et légumes disparaîtraient des étals, les distributeurs de billets tourneraient à vide et les entreprises licencieraient massivement. Jusqu’à l’ombre du moindre des arbres qui aurait des allures de char soviétique. Tout ça parce que la gauche veut financer la retraite à 60 ans, le Smic à 1 500 euros net et une relance basée sur la redistribution des richesses, le développement des services publics et la transition écologique ? « Boucle inflationniste », « pénuries et rationnements », « explosion du chômage et de la dette », « Frexit », « destruction économique et récession », « attaque des marchés financiers », « crise grecque en dix fois pire » et même futur comparable à celui de la « Corée du Nord », prédisent les chantres du système actuel. « There is no alternative ! » hurlent-ils en chœur.

C’est pourquoi l’Humanité a sélectionné une série de mensonges afin de les déconstruire en donnant la parole à d’autres économistes que des ultralibéraux. La Nupes, elle aussi, a tenu à se défendre, mardi, lors d’un point presse. Pour Jean-Luc Mélenchon, la Macronie « joue la carte de l’affolement », promet « l’hiver nucléaire et les sauterelles », mais « refuse le débat ». Car, que propose-t-elle en face ? La retraite à 65 ans, le « travail forcé » contre le RSA et un déficit public à 3 % du PIB. Soit « 80 milliards d’euros d’économies à réaliser » sur le dos du pays, mesure Jean-Luc Mélenchon qui évoque une « saignée » alors même que « l’État a commencé à s’effondrer et que les services publics ne tiennent plus », dont l’école et l’hôpital.

« Le libéralisme triomphant a fait la preuve de son incapacité absolue à gérer les crises qui sont devant nous », développe l’insoumis. « Le chaos économique n’est pas de notre côté », abonde la présidente du parlement de la Nupes, Aurélie Trouvé, qui pointe le déficit commercial de 100 milliards d’euros laissé par Macron. « Nous avons subi une perte de 48 milliards d’euros de recettes par an sous ce mandat, un déficit creusé par une politique au service des plus riches », ajoute l’eurodéputée FI Manon Aubry. Les irresponsables ne sont pas ceux que l’on croit. Et les arguments des macronistes ne tiennent pas. L’Allemagne n’a-t-elle pas organisé une hausse du Smic de 25 % ces dernières années ? Et l’Espagne et l’Angleterre, de 30 % ? « Nous avons chiffré notre projet. Même en prenant les estimations de la Banque de France qui nous sont les moins favorables, il tient », indique l’économiste Éric Berr, membre du parlement de la Nupes, qui pointe plusieurs erreurs dans les attaques de l’institut Montaigne et du think tank Terra Nova contre le programme de la Nupes. « Les économistes reconnus qui travaillent avec nous ne sont pas rémunérés par des multinationales », tacle au passage Aurélie Trouvé.

Même les conservateurs réalisent parfois l’ampleur de la mascarade macroniste : le Sénat, par exemple, a calculé que l’ISF ne faisait « fuir » que 0,2 % de ceux qui y étaient assujettis. « Ce qui attire les investissements, ce n’est pas le niveau d’imposition, c’est la taille du marché, le niveau de formation, les infrastructures, bref, les services publics », mesure Manon Aubry. « Et les taux d’intérêt réels n’ont jamais été aussi bas et aussi favorables », relève l’économiste Cédric Durand. Tous appellent à une « économie vertueuse, au service des besoins ». Notamment celui d’entendre enfin les experts du Giec pour éviter une catastrophe climatique : s’il y a bien un épouvantail qui n’est pas fabriqué de toutes pièces, c’est celui-là.

MENSONGE N° 1 : PÉNURIES.

Nicolas Bouzo, économiste : «  Si vous bloquez les prix, des gens vont vendre à perte et vous allez avoir des phénomènes de rationnement. Donc, s’il veut bloquer les prix, Jean-Luc Mélenchon doit aller jusqu’au bout : blocage des prix et tickets de rationnement. »

Non seulement le blocage des prix est prévu par la loi, mais il a même été mis en œuvre par Emmanuel Macron pour les tarifs du gaz. Sans commentaire sur «l’argument» du ticket de rationnement, Léo Charles, maître de conférences en économie, explique que l’inflation actuelle s’inscrit dans une «boucle prix-profits». Selon l’économiste, il existe deux options pour l’appréhender. «Soit nous laissons les entreprises fixer et même contrôler les prix, comme c’est le cas actuellement. Le transfert se fait alors des ménages vers leurs profits, ce qui pèse sur le pouvoir d’achat, donc sur la demande, avec le risque, in fine, d’une récession.» Soit «on propose le transfert inverse». C’est le sens de la proposition de la Nupes. «Le contrôle des prix, c’est la prise en charge par le profit de l’inflation», résume Léo Charles, qui rappelle que «les raffineurs, par exemple, ont vu leur taux de marge augmenter de 2300 % en un an», avec la hausse du pétrole. Enfin, rappelons qu’il est question d’une mesure temporaire, «le temps d’instaurer une véritable réforme fiscale et une augmentation des salaires», conclut l’économiste membre du parlement de l’Union populaire.

MENSONGE N° 2: INFLATION.

Bruno Le Maire, ministre de l’Économie : « Une hausse du Smic et des salaires conduirait à une boucle inflationniste : les prix rattrapent les salaires et les salaires rattrapent les prix dans une espèce d’échelle de perroquet qui n’en finit pas, et ce sont les salariés qui finissent perdants.  »

À en croire le ministre de l’Économie, l’augmentation des salaires serait la pire des façons de protéger le pouvoir d’achat des travailleurs : une fois que le patronat aurait mis le doigt dans l’engrenage, une spirale infernale s’enclencherait automatiquement, contribuant à faire flamber les prix. En réalité, ce scénario n’a rien de mécanique. Comme le soulignent les économistes Jonathan Marie et Virginie Monvoisin, sa matérialisation dépend du rapport de forces entre le capital et le travail au sein des entreprises. Au début des années 1970, « le taux de chômage était faible, les contrats de travail stables, les syndicats puissants et habitués à négocier des augmentations des salaires (…), et l’indexation des salaires tendait à être généralisée ». À l’époque, une boucle « salaires-prix » pouvait donc s’enclencher. Mais la situation est très différente aujourd’hui, avec la désindexation des salaires sur les prix et l’érosion du pouvoir de négociation des travailleurs, sur fond de chômage de masse et de recul des syndicats. Pourtant, les entreprises auraient les moyens d’augmenter les salaires, au vu de leur taux de marge stratosphérique (34,2 % en 2021 selon l’Insee).

MENSONGE N° 3 : RETRAITES.

Élisabeth Borne, première ministre :  Annoncer aux Français qu’ils vont travailler moins, brandir la retraite à 60 ans, c’est leur mentir. Les promesses façon ‘‘demain, on rase gratis’’, les Français n’y croient pas. 

Pour accuser la Nupes d’inconséquence financière concernant sa proposition d’un retour à la retraite à 60 ans à taux plein, Élisabeth Borne sort l’argument du déséquilibre démographique : « Si on veut préserver le système de retraite par répartition, (…) il faudra progressivement travailler un peu plus longtemps. » Mais la première ministre souffre de courte vue. Le Conseil d’orientation des retraites assure qu’à législation inchangée, « la part de la richesse nationale consacrée aux retraites passerait de 14,7 % du PIB en 2020 à 11,3 % en 2070 ». À court terme, le mal chronique dont souffre notre régime général est tout autre. « Le déficit actuel est dû à un définancement », résume l’économiste Michaël Zemmour, pour qui +0,1 % par an des cotisations vieillesse patronales et salariales enraillerait la diminution des pensions actuelles. La Nupes propose, elle, +0,25. Outre la fin des exonérations, la gauche ne manque pas de pistes d’abondement : 20 milliards d’euros avec une « contribution sociale sur les dividendes », près de 15 milliards en rapatriant l’épargne salariale, 10 milliards en cas de « retour au plein-emploi (autour de 4,5 % de taux de chômage, objectif partagé par le gouvernement), 6 milliards grâce à l’augmentation d’un point d’indice de la fonction publique, 5,5 milliards rien qu’avec l’égalité salariale femmes-hommes effective »…

MENSONGE N° 4 : DETTE PUBLIQUE.

Guillaume Hannezo, auteur de la note de Terra Nova. «  Les marchés financiers se diront que la crise des dettes souveraines du début des années 2010 est de retour, avec la France dans le rôle de la Grèce, en dix fois plus gros. 

Pour le think tank Terra Nova, l’arrivée de la Nupes au pouvoir entraînerait une explosion de la dette française, qui plongerait le pays dans un cauchemar analogue à celui vécu par la Grèce dans les années 2010-2011, lorsqu’elle fut la cible d’attaques spéculatives. La ficelle est un peu grosse. Le PIB français représente près de 20 % de celui de la zone euro, soit dix fois plus que celui de la Grèce à l’époque. On a du mal à imaginer comment la Banque centrale européenne (BCE) pourrait rester l’arme au pied en cas d’attaque des marchés contre l’Hexagone, qui ne manquerait pas de déstabiliser toute la zone euro : il lui suffirait de poursuivre sa politique d’achats de titres de dette français pour freiner la hausse des taux d’intérêt.

MENSONGE N° 5 : FREXIT.

Jean-Christophe Cambadélis, ancien premier secrétaire du PS : «  Le programme de Mélenchon, c’est la sortie de l’Europe. »

La Nupes n’a pas du tout l’intention de faire sortir la France de l’Union européenne. C’est pourtant également ce que crie le macroniste Olivier Véran : « Ce que Mélenchon propose, c’est un Frexit caché ! » Est-ce à dire que la retraite à 60 ans, le Smic à 1 500 euros et un financement massif de la transition écologique et sociale pousseraient les autres pays à bouter la France hors de l’euro et de l’UE ? « La désobéissance est déjà massive en Europe. La règle sur les déficits n’est pas respectée et la BCE rachète des titres de dettes des États malgré les traités et les pactes », mesure Thomas Coutrot. « Ce ne sont donc pas les traités qui seraient en cause, mais les choix politiques de redistribuer les richesses », précise l’économiste d’Attac. Au point de s’en prendre à la France si la Nupes gagne ? « Ce n’est ni dans l’intérêt de l’UE, ni dans celui de la Banque centrale européenne. Vu le poids de la France, si la BCE attaque notre pays, elle attaque en réalité l’UE et l’euro, et s’attaque elle-même, car la dette française est l’une des plus sûres et demandées au monde », ajoute l’économiste Éric Berr.

MENSONGE N° 6 : RÉCESSION.

Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef : «  On ne peut pas commander l’économie depuis Matignon : les 700 000 chefs d’entreprise vont simplement dire ‘‘j’avais un CDD, je ne le renouvelle pas, j’avais un intérimaire, je ne le renouvelle pas’’ et, en quelques mois, ça va juste (...) plonger la France dans une récession grave. »

Il s’agit, pour le président du Medef, de faire croire que la production des entreprises ne se réaliserait qu’en fonction du « coût » du travail et non du carnet de commandes. Or, n’en déplaise au patron des patrons, « le but d’une entreprise est avant tout de produire » et non de gaver les actionnaires de dividendes, tance l’économiste Mireille Bruyère. Ainsi, « si elle a des clients, elle se débrouillera pour répondre à la demande ». Si tout ne se décide pas depuis Matignon, le niveau du Smic est décidé par le gouvernement. C’est le fameux coup de pouce. La Nupes devrait le mettre en place dès juillet pour que le salaire minimum atteigne 1 500 euros net. Ce qui pourrait entraîner une « dynamique » au niveau des branches. Or, « cette hausse du revenu des classes populaires » aura pour effet d’augmenter la « demande globale », assure-t-elle. « La responsabilité (et l’intérêt) des chefs d’entreprise sera d’accompagner ce mouvement, de satisfaire la demande, d’embaucher autant que nécessaire, poursuit, de son côté, Henri Sterdyniak. Ils bénéficieront pour cela, dans le cas de la planification écologique, d’aides à la réindustrialisation et à la relocalisation ; de crédits à taux faibles, voire nuls, du secteur bancaire en grande partie socialisé. »

MENSONGE N° 7 : INÉGALITÉS.

Olivier Véran, ministre des Relations avec le Parlement : « Le programme de Mélenchon ferait exploser de fait les inégalités sociales en faisant à nouveau progresser le chômage parce qu’il n’y aurait plus d’investissement en France, parce que les entreprises auraient du mal à se fournir. »

Pour l’ex-ministre de la Santé, seul le ruissellement, à savoir « le modèle qui repose sur un modèle de croissance, de production piloté par les grandes entreprises mises en concurrence » serait valable pour réduire les inégalités, explique l’économiste Mireille Bruyère. Et contredire ce modèle, « serait une catastrophe ». Or, poursuit-elle, « dernièrement, les inégalités se sont surtout développées à l’intérieur du salariat, au sein des entreprises. Les écarts salariaux ont été multipliés par 10 avec l’explosion des hauts salaires ». D’ailleurs, résume de son côté Henri Sterdyniak, « les économies capitalistes sont marquées par la croissance des inégalités sociales, l’instabilité financière et la montée des périls écologiques ». Un bilan auquel s’attaque frontalement le programme de la Nupes en créant « une nouvelle dynamique économique basée sur la satisfaction des besoins fondamentaux ». Ainsi, poursuit l’économiste, « la mise en œuvre du programme de la gauche se traduirait par une hausse de la demande, à la fois du fait des hausses de salaires et des prestations sociales et des hausses de l’investissement public ou privé subventionné (rénovation des logements, énergies renouvelables, transports collectifs, rénovation écologique des infrastructures…) ».

publié le 7 juin 2022

À Barbès, un mort
et  des tirs policiers en question

Olivier Chartrain sur www.humanite.fr

Police Un refus d’obtempérer supposé, des tirs de fonctionnaires : une jeune femme est décédée, samedi 4 juin, à Paris. Un scénario déjà vu, qui pose à nouveau la question du comportement des agents et de leur formation.

Trois affaires, quatre morts. À Sevran (Seine-Saint-Denis), le 26 mars ; sur le Pont-Neuf, à Paris, le 24 avril, et samedi 4 juin, à nouveau à Paris : c’est le bilan, en moins de trois mois, de tirs policiers sur des véhicules dont les conducteurs sont accusés d’avoir refusé d’obtempérer. La dernière s’est déroulée samedi, en fin de matinée, dans le 18e arrondissement. Selon les sources policières, elle suit le même schéma que les précédentes – et pose les mêmes questions sur le comportement des policiers, leur formation, leurs conditions d’exercice.

Boulevard Barbès, la voiture aurait tenté d’échapper à un contrôle. Les fonctionnaires tirent à neuf reprises. Le chauffeur est grièvement blessé. Sa passagère décède le lendemain. Deux enquêtes ont été ouvertes à la suite de ce drame. La première, confiée à l’IGPN, vise les trois policiers pour « violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique ». Elle devra établir s’ils ont agi en situation de légitime défense. L’autre vise le conducteur et les occupants de la voiture pour « tentative d’homicide sur personne dépositaire de l’autorité publique ».

L’affaire a rapidement déclenché une polémique : le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a dénoncé sur Twitter « la peine de mort pour un refus d’obtempérer ». Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, lui a reproché d’utiliser les policiers « comme des otages d’une campagne électorale ». De son côté, Me Liénard, l’avocat des trois fonctionnaires, s’est fait entendre dans divers médias, mettant en avant le jeune âge de ses clients (entre 25 et 30 ans). « C’est la première fois qu’ils utilisent leurs armes », a-t-il fait valoir.

Une formation déficiente

Ce dernier point pose la question de la formation et de l’encadrement de ces policiers. « À 10 mètres du véhicule, si on a la possibilité de sauver sa peau, on doit éviter de tirer », recadre Anthony Caillé, de la CGT police. Selon lui, il y a bien un problème de gestion de ces situations extrêmes : « La formation initiale a été ramenée d’un an, ce qui est déjà insuffisant, à huit mois. Suivis de douze mois de stage. Avant, on se retrouvait n° 4 ou 5 dans un équipage, aujourd’hui on arrive directement adjoint du chef. On envoie ces gamins au casse-pipe ! »

En parallèle, la formation au maniement des armes est dramatiquement déficiente : « En Île-de-France, il manque entre 120 et 130 instructeurs de tir, rappelle Anthony Caillé, soit presque la moitié de l’effectif. Et on peine à accéder aux stands de tir. » Résultat : le minimum d’entraînement prévu, soit trois tirs de deux fois quinze cartouches par an, est rarement effectué. En outre, « il y a de plus en plus de policiers contractuels. C’est le même problème que dans les autres services publics. C’est comme les professeurs, sauf que nous manipulons des armes ».

Le syndicaliste pointe aussi les discours martiaux de certains politiques et médias : « Depuis dix ou quinze ans, on assiste à une surenchère pour libérer les conditions de tir des policiers. Chez les jeunes collègues, le message passe. » La loi de 2017 a modifié les conditions de tir des forces de police en cas de refus d’obtempérer. Depuis, selon l’IGPN elle-même, le nombre de tirs a augmenté de 50 %.


 

 

L’eau ça mouille.
Le feu ça brûle.
Et la police tue.

Chaque jour, retrouvez #LaMinutePolitique de Pierre Jacquemain sur www.regards.fr.

  Une vidéo à voir sur : https://youtu.be/bAfv1ysVTW4

Le ciel est bleu. Le feu ça brûle et l’eau ça mouille. Et il parait même qu’il n’y a pas de fumée sans feu. La polémique suscitée par le tweet de Jean-Luc Mélenchon qui assure que « la police tue » est aussi absurde qu’infondée. Oui, la police tue. En France et à l’étranger. Pourquoi le nier ? Les exemples sont pléthoriques : d’Adama Traore en passant par Wissam El-Yamni, Claude Jean-Pierre ou Zyed Benna et Bouna Traoré : c’est factuel. La police tue. Qu’il s’agisse de cas de légitime défense ou de bavures policières, la police a tué. La police tue. En 2019, le site Basta recensait même 676 personnes tuées à la suite d’une intervention policière en à 43 ans.

Il y a dans la critique faite à Jean-Luc Mélenchon une forme de déni. Jean-Luc Mélenchon, comme il le rappelle ce matin sur France Inter, n’est pas anti-flic. Il est « contre l’usage disproportionné de la violence » et favorable à la formation d’une police républicaine. Pourquoi dit-il ça ? Parce que depuis l’entrée en vigueur d’une loi sur la légitime défense des policiers datant du 28 février 2017, les tirs des policiers et des gendarmes ont augmenté de 50%. Depuis cette date, les forces de l’ordre peuvent plus facilement faire usage de leur arme, notamment en cas de refus d’obtempérer. Une loi qui « est venue mettre de la confusion dans des textes qui étaient jusque-là très clairs », assure ce matin Fabien Jobard, directeur de recherche au CNRS sur France Info. Comment ne pas s’en inquiéter ?

Historiquement, l’usage des armes par les policiers devait être « absolument nécessaire, strictement nécessaire et absolument proportionnelle aux dangers encourus. La loi est venue introduire une notion un peu compliquée », explique le chercheur qui ajoute : « lorsqu’il y a refus d’obtempérer, et que le policier peut imaginer raisonnablement que la personne va porter atteinte ou risque de porter atteinte » aux membres des forces de l’ordre ou à n’importe qui, le policier peut tirer. Ce qui n’était pas le cas avant. Comment ne pas s’en inquiéter, disais-je ? C’est même l’IGPN qui a alerté, quelques mois seulement après l’entrée en vigueur de la loi, de ses effets sur la hausse significative des tirs par les policiers. Des tirs qui ont conduit et conduisent inévitablement à des drames.

Ça n’est donc pas faire injure aux policiers de dire que la police tue. Parce que tout simplement, on l’y autorise. La loi l’y autorise et plus encore cette loi du 28 février 2017 – une loi revendiquée de longue date par le syndicat de police, Alliance. La police tue. Ça ne fait peut-être pas plaisir à entendre mais c’est une réalité. De même que l’homme tue. C’est aussi une réalité. Ce qui ne veut pas dire que tous les hommes tuent. Que l’homme serait nécessairement un loup pour l’homme. Mais nier l’évidence, c’est s’empêcher de vouloir mettre le nez dans ce qui devrait constituer une urgence : celle de repenser notre police et la doctrine du maintien de l’ordre. Et à défaut d’une réforme de la police, la priorité pourrait être mise sur la formation des policiers. Parce que le premier problème de la police, comme le rappelle Jobard, c’est "le manque structurel de formation des policiers". Et une police mal formée, c’est une police qui se met en danger. Et nous avec.


 


 

Éditorial.
Légitime violence ?

Par Stéphane Sahuc sur www.humanite.fr

En twittant « La police tue », à propos de la mort d’une jeune femme victime de tirs de policiers se jugeant en état de légitime défense après un refus d’obtempérer, Jean-Luc Mélenchon a reposé le débat sur le rôle de ces agents dans notre société. En choisissant de nommer les choses dans leur terrible brutalité, il a créé les conditions pour que cela ne reste pas un simple fait divers.

La teneur des réactions qu’a suscitées ce tweet montre en effet que, pour certains, la police ne peut souffrir de critiques. Voire que ceux qui critiquent des policiers « nuisent à la République et à la démocratie », pour citer Christian Estrosi, ou se « déshonorent », selon Gérald Darmanin.

Pourtant, le débat autour de l’utilisation d’une arme à feu par des policiers au nom de la « légitime défense » n’est ni inepte ni anodin. Car ce concept n’est pas un point aveugle de la stratégie sécuritaire du pouvoir. Comme la doctrine du maintien de l’ordre musclé, il s’inscrit dans une logique de « violence légitime d’État » comme un outil au service d’une bourgeoisie et d’un pouvoir fortement contesté. La France des ronds-points, des mobilisations syndicales, des quartiers populaires goûte dans sa diversité cette « violence légitime ». C’est pour s’assurer de la loyauté de ceux qui l’exercent que la notion de « légitime défense » a été étendue, non pour que les policiers puissent défendre légitimement leur vie.

La modification de février 2017 des textes sur les conditions de l’usage des armes à feu par la police a eu comme conséquence que les tirs des policiers et gendarmes ont augmenté de 50 % cette année-là, selon une note interne de l’IGPN, la « police des polices ». Cette modification du concept de « légitime défense », certains syndicats policiers et partis de droite et d’extrême droite veulent la pousser plus loin encore en inventant une « présomption de légitime défense ». Si elle était adoptée, une telle mesure n’aurait comme conséquence que d’augmenter encore l’usage de la force. Et de renforcer le cercle vicieux : la peur de la police, le refus d’obtempérer, l’usage de l’arme, la bavure.

publié le 7 juin 2022

Des solutions
aux besoins des jeunes

Marie Toulgoat sur www.humanite.fr

Législatives À la veille des élections, la CGT propose une série de mesures pour répondre à leur fragilité sociale.

Les présidentielles ont fait peu de cas du sujet, la CGT espère que les législatives changeront la donne. Le syndicat vient de présenter un « plan pour la jeunesse » censé répondre aux besoins et revendications des plus jeunes. « Une rupture radicale est urgente » en la matière, a martelé Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la centrale. Si la pandémie de Covid a fait toute la lumière sur la précarité de nombreux jeunes, le problème ne date pas d’hier, rappelle le syndicat. Selon une étude de l’Insee, en 2016, plus de 20 % des élèves et étudiants vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Près d’un étudiant sur deux devait poursuivre une activité salariée en plus de son cursus, et un tiers d’entre eux avaient déjà renoncé à des soins ou des examens médicaux pour des raisons financières. Sans compter que 12,9 % des 15-29 ans ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en études.

Pour répondre à ces enjeux pressants, le syndicat propose une panoplie de solutions. Parmi celles-ci, la création d’un véritable statut de stagiaire. « Les jeunes avec lesquels nous avons parlé regrettent de ne percevoir qu’une gratification, bien inférieure au Smic, pendant leurs stages, qui n’ouvre pas de droits au chômage et qui ne compte pas pour la retraite », détaille Nawel Benchlikha, membre de la commission exécutive de la centrale. Les stages – tout comme l’apprentissage – sont par ailleurs régulièrement détournés de leur objectif de formation par les employeurs dans le but de bénéficier d’une main-d’œuvre peu chère, ajoute-t-elle. La CGT propose la mise en place d’une allocation d’autonomie modulable qui permettrait aux plus précaires de ne pas avoir à travailler en même temps qu’ils étudient et à de nombreux jeunes de rester au-dessus du seuil de pauvreté. Entre autres propositions, la Confédération de Montreuil espère pouvoir ouvrir aux jeunes n’ayant jamais occupé d’emploi des droits à l’assurance-chômage et garantir aux jeunes précaires un accès à un logement digne.

Saisir l’urgence

Pour l’organisation syndicale, la question est d’autant plus urgente que les gouvernements passés, loin de s’être illustrés en matière de protection de la jeunesse, ont même remué le couteau dans la plaie ; en témoigne la baisse de l’aide personnalisée au logement en 2018. Quant aux plans et mesures que les ministres d’Emmanuel Macron ont décidés lors du quinquennat, il ne s’agit que de « pansements » et de « mesurettes », regrette Céline Verzeletti. « Le plan “1 jeune 1 solution” a été extrêmement coûteux et a surtout profité aux étudiants du supérieur », explique-t-elle, faisant référence au programme à 9 milliards d’euros inauguré en 2020 et censé proposer aides à l’embauche, formations et accompagnement aux jeunes. Si le gouvernement n’a pas fait figure de bon élève, la CGT espère désormais que les candidats de la Nupes aux élections législatives sauront se saisir de l’urgence. Interpellés par des syndicalistes, certains d’entre eux ont d’ores et déjà reconnu la vitalité des enjeux soulevés par la Confédération et l’intérêt des solutions proposées.

publié le 6 juin 2022

Pourquoi notre système de santé s’écroule-t-il ?

Après deux années de crise sanitaire, les services hospitaliers et les personnels épuisés vivent une situation intenable. Des blocs opératoires ferment. Les services d’urgences sont submergés.

Jérôme Skalski sur www.humanite.fr


 

Si les urgences se retrouvent au cœur des tensions dues à un manque de moyens chroniques, c’est une politique d’ensemble qu’il faut engager.

Loïc Pen, médecin urgentiste, candidat de la Nupes dans l’Oise

En effet, on peut parler d’écroulement. On n’en finit plus de la litanie des services qui ferment, des urgences qui s’arrêtent la nuit ou qui filtrent les arrivées des patients. Le carrefour des problèmes se retrouve aux urgences, mais elles n’en sont pas la source. Aux urgences, on retrouve à la fois les patients qui n’ont pas d’autre solution de recours aux soins face à la situation dégradée de la médecine de ville et ceux qui devraient être hospitalisés mais qui restent sur des brancards faute de place et dont il faut s’occuper, ralentissant encore la prise en charge de l’accueil des nouveaux arrivants.

Au-delà de ce problème déjà ancien, volontairement ignoré par le pouvoir, se greffe une fuite de professionnels de santé de l’hôpital public, désespérés par la situation de l’hôpital, par ses conditions de travail et par l’absence de changement de politique de santé, désespoir à la hauteur de l’espoir qu’avaient suscité les promesses d’un monde d’après durant la phase aiguë de la pandémie de Covid.

Il faut donc agir sur toutes ces problématiques avec des politiques publiques volontaires. Or, la logique néolibérale de ces vingt dernières années s’efforce à l’inverse de confier la gestion de la santé au marché. Évidemment, c’est un marché juteux, avec un budget de la Sécurité sociale d’environ 500 milliards d’euros. Les accumulations de capitaux en recherche de rentabilité n’attendent que ça. Tout comme pour la retraite, c’est un véritable hold-up sur nos cotisations sociales, notre salaire mutualisé.

Face aux 21 millions de passages dans les 640 structures d’urgence, comment n’avoir pas écouté les urgentistes et les équipes soignantes ?

La nouvelle ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon, sera sans aucun doute dans le droit fil de son prédécesseur : elle était déjà au gouvernement Castex. 100 000 lits d’hospitalisation ont été fermés en vingt ans, 20 % de nos capacités d’hospitalisation, et cela a continué durant la pandémie avec 7 500 lits fermés. Et le scandale des Ehpad est venu révéler crûment leur modèle de gestion.

Nous devons rouvrir massivement les lits fermés pour permettre aux urgences de fonctionner. Nous devons urgemment mettre en place un collectif budgétaire pour permettre aux hôpitaux d’embaucher, de rénover et d’investir. Il faut défaire les hôpitaux publics de leur dette et créer 100 000 emplois à l’hôpital public et 240 000 dans les Ehpad. Cela passe par la relance de la formation des paramédicaux et des médecins. La suppression du numerus clausus n’a été qu’un trompe-l’œil puisqu’on n’a pas donné les moyens aux universités de former plus. Il faut créer des centres de santé avec des médecins salariés. Il faut en finir avec une gouvernance technocratique de la santé et des hôpitaux, et constituer des conseils de santé de territoire associant élus, professionnels, syndicats et usagers afin de partir des besoins de santé des populations. Il faut interdire l’actionnariat dans les établissements de santé.

Voilà, en creux de ces propositions, pourquoi notre système s’effondre, parce que les libéraux au pouvoir depuis vingt ans font l’inverse.


 

Les progrès médicaux au service de ce bien commun se voient balayés par la logique du chiffre de « réformes » totalement coupées du terrain.

Jean-Marie Fessler, membre de cercles de réflexion et de propositions portant sur la santé et l’économie sociale et solidaire

Depuis longtemps, les pouvoirs publics privilégient la gouvernance par les textes et les nombres et, sous couvert de régulation, le « non » et la coercition au « oui », au détriment du sens des métiers, de territoires défavorisés et d’innovations locales. Le système tarifaire illisible des établissements de soins et de la médecine de ville a tout aggravé. Ailleurs, la négociation et le contrat donnent de la souplesse. En France, aucune ­simulation de meilleures approches n’a été entreprise.

La santé souffre de grilles et de segmentations imposées pour confiner le réel. L’insolence des certitudes réduit la profondeur de champ, pendant que les drames et scandales sanitaires produisent commentaires et crispations tous azimuts. Face aux 21 millions de passages – un doublement en vingt ans – dans les 640 structures autorisées d’urgences, comment n’avoir pas écouté les urgentistes et les équipes soignantes ? On en vient à oublier les progrès diagnostiques, chirurgicaux, thérapeutiques et l’ampleur de nos investissements collectifs de longue durée au titre de l’assurance-maladie. Des handicaps décrits depuis tant d’années – irréalisme, réglementarisme, culture de l’affrontement – mettent à mal la santé publique, notre bien commun.

La juste compréhension de notre vieillissement, de nos maladies chroniques et des révolutions technologiques en imagerie, ­biologie, analyse des données massives, et l’urgence de l’essentiel, la santé globale, l’éducation à la santé dès l’enfance, la santé au travail, l’espérance de vie sans incapacité et l’assurance-­santé ne sont guère des priorités institutionnelles réelles.

Il faut interdire l’actionnariat dans les établissements de santé.

Ne pas rémunérer correctement les professionnels de santé et les métiers qui maintiennent les réseaux vitaux, priver de liberté les équipes de recherche, décourager l’actualisation des connaissances médicales, négliger les relations entre les politiques et les scientifiques, privilégier la maîtrise des dépenses à court terme, malmener la démographie des professions de santé, ignorer les pertes de chance pour les patients, les conditions réelles de travail et les coûts de non-qualité ont fabriqué du danger au cœur du lien social.

Il est vrai que les inspirateurs des « réformes » se pensent tellement plus intelligents et légitimes que les deux millions de professionnels du monde santé-social et qu’il n’existe toujours pas de plateforme citoyenne permettant de partager expériences et propositions. Ne serait-il pas réaliste que, dans les ministères, agences et organismes de Sécurité sociale, on cesse de croire dans des propriétés auto-organisatrices de concepts vides, de croire que le maniement de telle idée vaut action pertinente dans le réel ?

À lire Rendre le soin aux soignants ! ouvrage collectif, Fauves Éditions, 2022.


 

La catastrophe actuelle est le résultat de choix idéologiques visant à marchandiser les soins. Il faut faire une révolution pour rendre l’humain prioritaire.

Michel Limousin, médecin, co-animateur du comité « Pas de profit sur la pandémie »

Ce n’est pas un fait nouveau, nous l’avions vu venir depuis des années et dénoncé. Mais, aujourd’hui, le désastre est là. La première raison de cet état est d’ordre idéologique : la pensée dominante libérale, partagée aussi bien par la droite que par les sociaux-démocrates (Sarkozy, Hollande, Macron…), affirme que la santé est un marché, que le secteur privé est l’avenir et l’efficacité, et que tout ce qui est public est à proscrire. La main invisible du marché remplacerait la main des soignants… Ainsi, diverses mesures ont-elles été mises en place depuis des années. Les « réformes » vont toutes dans le même sens.

Première réforme : réduire les cotisations patronales et transférer la gestion de la Sécurité sociale vers l’État. Ainsi les tours de vis se font sans débat public. Il s’ensuit une pénurie de ressources pour l’assurance-maladie qui ne peut plus financer le système de santé, en particulier les hôpitaux publics. Quant aux mutuelles, les réformes de leurs statuts d’inspiration européenne les poussent dans l’impasse de la démutualisation.

Deuxième réforme : réduire de façon drastique le nombre de médecins, d’infirmières, de manipulateurs radio, etc. Cela aboutit à ce qu’on appelle les déserts médicaux. La situation ne peut être corrigée rapidement. L’ensemble des secteurs est touché : la prévention, la protection maternelle et infantile, les médecins scolaires, les médecins du travail disparaissent et les services fondent à vue d’œil. Les médecins généralistes, les urgentistes, les réanimateurs, les psychiatres font défaut. Ceux qui restent vont dans le privé, qui a été libéré de toutes contraintes. Cette politique est conduite de façon systématique depuis 1971.

Troisième réforme : fermeture d’hôpitaux, de services et de lits. Cette politique remonte à l’époque de Giscard. Sous Hollande, les lits ont continué à être fermés. Et sous Macron, malgré l’épidémie de Covid, c’est plus de 4 000 lits éliminés par an. Les capacités d’accueil de l’hôpital public ont été liquidées. Il n’y a plus aucune marge de manœuvre. Ainsi, lors de la première vague de l’épidémie, on a décidé froidement de laisser mourir sans soins pertinents 15 000 personnes âgées en Ehpad, faute de places à l’hôpital ! La crise est cruelle. Les services d’urgence eux-mêmes ferment, faute de personnel. Même dans les CHU.

Quatrième réforme : la gestion des hôpitaux. Pour faire passer la pénurie, le libéralisme a inventé l’autoritarisme. Le personnel est maltraité, déplacé en permanence. Il est « encadré » par une politique technocratique. Le sens de son métier lui échappe. Les salaires sont bloqués et lamentables. Le personnel finit par démissionner. Cela aboutit à une aggravation qui va dans le sens souhaité.

Le temps est venu d’une révolution. Celle qui consiste à dire que le développement de l’humain est la priorité, qu’il est utile de mettre les moyens dans la santé, qu’une nouvelle politique est possible pour des jours heureux. L’insupportable, ça suffit.


 

Les malades deviennent des clients et les soignants sont amenés à produire des actes et non plus des soins. Le 7 juin, le personnel va manifester.

Mireille Carrot, membre de la direction confédérale de la CGT, en charge de la santé

Voilà plusieurs années maintenant que le déclin de notre système de santé est en route. Toutes les réformes menées par les gouvernements ces dernières décennies se sont inscrites dans une volonté de réduire les dépenses d’assurance-maladie. On a assisté à des réorganisations, des restructurations, des regroupements de structures se traduisant par des fermetures de lits, voire d’établissements et des tensions sur les effectifs, qu’ils soient médicaux, soignants, y compris dans toutes les autres catégories techniques ou administratives qui concourent à une prise en charge globale des malades. On externalise pour se centrer sur le « cœur de métier », c’est-à-dire le soin, mais dans une logique d’accroissement de productivité permanente, où les malades deviennent des clients et les soignants sont amenés à produire des actes et non plus à prodiguer des soins.

Plus personne ne s’y retrouve : les délais d’attente dans le public ou en secteur 1, conventionné, sont interminables. En revanche, ceux qui en ont les moyens peuvent s’offrir des consultations ou interventions dans le secteur privé avec des dépassements d’honoraires pouvant atteindre des montants exorbitants. Il s’agit bien de cela quand on parle de médecine à deux vitesses. La volonté de mettre en place un numerus clausus mais aussi de préserver la liberté d’installation se paie cher aujourd’hui et prendra non seulement des années mais nécessitera une réelle volonté politique pour inverser la tendance. Le personnel, quant à lui, n’en peut plus. Mal payés, mal considérés, avec une tension permanente qui s’est accrue durant la pandémie, une perte de sens de leur métier, un épuisement professionnel sans précédent, ils sont nombreux à fuir, changer de structure pour aller voir ailleurs si c’est mieux ou, le cas échéant, à changer de métier. Si la crise du Covid a mis en exergue l’effondrement de notre système de santé, avec des retards dans les soins entraînant des pertes de chances, parfois même à l’origine de nombreux décès, aucune mesure significative n’a été prise.

La seule solution serait un véritable changement de paradigme : redonner du souffle à notre système de santé. Cela passe par former, recruter, ouvrir des lits, des hôpitaux de proximité, créer des centres publics de santé. Cela nécessite un financement par l’assurance- maladie à la hauteur des besoins avec une prise en charge à 100 % des soins et la fin du secteur privé lucratif pour les établissements de santé, mais aussi pour les laboratoires et les groupes pharmaceutiques. La Sécurité sociale doit être financée par les cotisations sociales, elle doit être gérée par les représentants des assurés sociaux. Oui, nous avons besoin d’actes politiques en rupture avec ceux menés toutes ces dernières années !

À l’initiative de la CGT, neuf organisations appellent à la mobilisation dans tous les hôpitaux de France, le 7 juin, pour demander une hausse générale des salaires, des recrutements immédiats de personnel, ainsi que l’arrêt de toutes les fermetures de services et de lits.

publié le 6 juin 2022

Que Macron compte-t-il nous faire ?

sur https://www.frustrationmagazine.fr

Même si le contexte économique et social du pays est très difficile, avec une inflation galopante et des salaires qui n’augmentent pas, même s’ils ont considérablement réduit nos protections sociales, notre droit du travail et affaibli notre fiscalité redistributive, sans effets réels sur l’emploi, Macron et ses sbires veulent poursuivre leurs basses œuvres. Les journalistes en parlent assez peu, mais ce que Macron compte faire pour les cinq ans à venir commence à être connu et il se situe dans la lignée de ce qu’il s’est déjà produit : nous allons en baver et les bourgeois vont prospérer… du moins s’ils parviennent à mener à bien leurs projets, ce qui est plus qu’incertain.

1 – Enfoncer à nouveau les chômeurs pour nous faire travailler à n’importe quel prix

L’année dernière, la réforme de l’assurance-chômage s’appliquait, faisant perdre du revenu et de l’indemnisation à des milliers de personnes augmentant indirectement la pauvreté. Selon une évaluation de l’Unédic évoquée dans Le Monde, “jusqu’à 1,15 million de personnes ouvrant des droits dans l’année suivant l’entrée en vigueur de la réforme toucheraient une allocation mensuelle plus faible de 17 % en moyenne”. On pourrait croire qu’après un tel coup de massue, le gouvernement réélu allait s’arrêter là. Mais non : le président des députés MODEM, membre influent de la majorité présidentielle, Patrick Mignola, a annoncé les plans pour l’après-législatives, le 30 mai dernier, sur LCP. Pour lui, le « plein emploi » que nous vivons actuellement justifierait un énième changement de règle, avec réduction de la durée d’indemnisation. Après avoir modifié le calcul de l’allocation, le gouvernement pense à réduire sa durée ? Que resterait-il de l’assurance-chômage après ça ?

Dans le même temps, les organisations patronales orchestrent une campagne médiatique de déploration des difficultés de recrutement dans certains secteurs, comme la restauration. Le point de vue patronal est omniprésent dans le traitement journalistique de la question. Ce matraquage a pour but de nous faire oublier que dans un contexte d’inflation galopante, il devient sacrificiel de bosser dans des secteurs où l’on est maltraité, mal payé et pris par des horaires qui bouffent le quotidien. L’objectif du patronat est donc de forcer les chômeurs à prendre ces emplois, et pour cela il faut en finir avec l’assurance-chômage.

2 – La réforme des retraites est toujours au programme … et on sait désormais pourquoi

L’objectif principal du gouvernement, ce pour quoi Macron est soutenu par la grande bourgeoisie, l’obsession de la majeure partie de la classe politique et du MEDEF depuis 15 ans, c’est de repousser l’âge de départ à la retraite à 65 ans. Ce qui signifie en réalité, pour les gens qui ont fait des études après 20 ans, bien plus tard. Macron, dans son premier quinquennat, n’avait pas assumé pleinement cette réforme. Puisqu’il s’était fait élire avec la promesse de ne pas toucher à l’âge de départ – ce qui lui avait valu son étiquette « ni gauche ni droite » et son élection – il avait mis en place une réforme complexe de réunification des différents régimes autour d’un critère unique que serait le point. Ce point, indexé sur un certain nombre de paramètres comme l’état de l’économie du pays, allait en réalité permettre à tout gouvernement de repousser l’âge de départ de façon technique, sans consulter les syndicats ou le Parlement : bref, un fantasme macroniste et technocratique total, qui a été mis au jour durant la discussion du projet de loi et provoqué un très fort mouvement social en 2019-2020. 

Fort de sa réélection, Macron revient cette fois-ci sur le sujet en assumant son objectif : forcer les gens à partir à la retraite plus tard, pour faire des économies. Cette réforme n’est ni nécessaire, ni juste. Elle n’est pas nécessaire car notre système de retraite n’est pas en péril : c’est le Conseil d’orientation des retraites, l’instance chargée de prévoir la trajectoire budgétaire du régime, qui l’a dit. Et elle n’est pas juste, car il existe d’autres façons d’améliorer les finances du régime de retraite : augmenter les cotisations patronales en fait partie, pourtant, cette solution n’est jamais évoquée. Pour les macronistes et, indirectement, pour la presse mainstream qui n’évoque jamais cette piste, il est inconcevable de faire payer le capital, même quand il s’est gavé comme jamais.

Puisque le gouvernement ne veut pas augmenter les impôts des sous-bourgeois et bourgeois, c’est en allongeant la durée de cotisation de tous que l’on pourra investir ailleurs. Où ça ? Sans doute dans la “baisse des impôts de production” des entreprises, réclamée par le MEDEF durant la présidentielle. Une fois de plus, le travail va devoir payer pour le capital.

Mais l’objectif est de toute façon ailleurs, et c’est Elisabeth Borne elle-même qui s’est trahie dans son dernier entretien au Journal du Dimanche : il s’agit d’utiliser les économies faites sur le régime de retraite pour financer d’autres volets de l’action publique. : “l’enjeu, pour notre pays, est d’assurer la force de notre modèle social, dit-elle, de poursuivre le progrès social et d’investir, notamment dans la santé et l’éducation”. Et quel est le rapport entre le budget des retraites et celui de l’éducation ou de la santé ? “Le président de la République a pris des engagements clairs : ni hausse d’impôt, ni augmentation de la dette” : c’est donc ça, puisque le gouvernement ne veut pas augmenter les impôts des sous-bourgeois et bourgeois (qui ont été exonérés d’une partie de l’Impôt de solidarité sur la fortune, souvenons-nous), c’est en allongeant la durée de cotisation de tous que l’on pourra investir ailleurs. Où ça ? Sans doute dans la “baisse des impôts de production” des entreprises, réclamée par le MEDEF durant la présidentielle et soutenue par les macronistes. Une fois de plus, l’objectif est de faire payer le travail pour le capital.

Nous payons décidément le fait que la Sécurité sociale n’est plus un budget indépendant de l’Etat, uniquement financé par les cotisations et géré par les travailleurs, comme elle l’était au moment de sa fondation : elle peut désormais servir de variable d’ajustement à des politiques publiques en faveur du capital (pour ça, on peut remercier Michel Rocard et les socialistes, inventeurs de la Contribution Sociale Généralisée qui s’est progressivement substituée aux cotisations).

Bruno avait déjà demandé aux patrons de mieux nous payer en aout dernier, ça n’a pas marché, alors il redemande. Bruno nous prend pour des jambons.

3 – Des mesures de « pouvoir d’achat » inefficaces et prétextes à de nouvelles attaques

Le seul volet « social » promis par Macron et Borne concerne une série de mesures en faveur du pouvoir d’achat – terme dont nous avons pu montrer à quel point il posait problème. Ces mesures ont pour point commun de s’attaquer au problème de l’inflation à la marge, et de ne pas aborder celui de la faiblesse des salaires. La loi “pouvoir d’achat” contiendra vraisemblablement les éléments suivants :

  • Le gouvernement compte mettre en place des « chèques alimentaires » pour les foyers les plus modestes, quelques dizaines d’euros par mois qui ne permettront pas d’endiguer la hausse des prix, et qui ont surtout l’avantage de ne pas toucher aux profits et de ne demander aucun effort au capital. Or, l’envolée des prix de l’alimentation est liée à la spéculation sur le contexte géopolitique tendu. « La flambée des prix actuels, ce n’est pas lié à un problème de production et de disponibilité sur les marchés internationaux, mais c’est lié à un emballement de ces marchés alimentaires sans précédent. Sur le marché du blé de Paris, le mois dernier, 72% des acheteurs étaient des spéculateurs. C’étaient des firmes ou des fonds d’investissement, c’étaient des financiers, ce n’était en rien des distributeurs ou des commerçants » expliquait un représentant de l’ONG CCFD-Terre solidaire à RFI le 1er juin. Mais plutôt que d’y faire face, ou d’obtenir des efforts de la grande distribution, le gouvernement joue la charité.

  • La mesure phare de cette loi anti-inflation sera la reconduction et l’augmentation de la « prime Macron » : la possibilité de verser chaque année 6 000€ de prime par salarié, sans cotisation et sans impôt : autant de salaire brut qui ne sera pas augmenté et qui n’ira pas dans nos hôpitaux, notre protection sociale, nos écoles. C’est de l’optimisation fiscale et sociale légale que propose ainsi Macron. Et augmenter les salaires ? Seulement pour les patrons qui « le peuvent » a déclaré le ministre de l’Economie Bruno Le Maire. C’est d’ailleurs la deuxième fois que le ministre “demande un effort” aux patrons, la dernière fois étant en août 2021. Mais pourquoi le feraient-ils s’ils peuvent arrondir les angles du « pouvoir d’achat » sans verser de cotisations ni d’impôts ?

  • Ironie mordante du gouvernement, cette loi « pouvoir d’achat » pourrait contenir la proposition de la campagne présidentielle de Macron de conditionner le RSA à un quota d’heures de travail gratuites. L’objectif serait de « stimuler le retour vers l’emploi » comme si les gens au RSA étaient simplement des fainéants. Là encore, la presse mainstream fait son travail d’accompagnement idéologique. Ces derniers jours, un fait divers est devenu viral, avec une présentation particulièrement fallacieuse de la part de la plupart des journaux : dans le Haut-Doubs, un agent immobilier multi-propriétaire est accusé de fraude fiscale massive après n’avoir pas déclaré de juteuses plus-values immobilières. Entre autres folies, il avait réclamé le RSA et roulait en Lamborghini. Comment pensez-vous que France Bleu a titré sur cet évènement ? « Il touche le RSA et roule en Lamborghini : un habitant du Haut-Doubs piégé par son train de vie ». Le Point ? « Doubs : bénéficiaire du RSA, il roulait en Lamborghini ». La Voix du Nord ? « Doubs : il touchait le RSA mais roulait en Lamborghini, une enquête ouverte ». Ces titres fallacieux mettent en valeur le RSA, qui n’est qu’une fraude de plus dans le parcours de cet agent immobilier. Ce fait divers participe de la propagande gouvernementale actuelle : “les bénéficiaires du RSA sont bien trop à l’aise”.

Quand les journalistes font campagne pour le programme présidentielle en présentant sous un jour macroniste un fait divers

4 – Un gouvernement fragilisé après sa victoire à la Pyrrhus, un changement majeur est possible

Ce programme devrait tous nous terrifier. Mais pourtant, l’espoir demeure : selon Le Monde, Macron et ses sbires semblent temporiser la réforme des retraites. Ils se méfient des élections législatives à venir mais aussi et surtout de leur impopularité. Macron a gagné au premier tour et il a été élu au second par une minorité de votants. Il reste aussi peu populaire qu’avant son élection. Après le premier tour, les macronistes misaient sur un « état de grâce » post-présidentielle, ce phénomène d’opinion qui dure quelques mois et a bénéficié à la plupart des présidents durant leurs premiers mois de mandats. Mais ce n’est pas le cas pour Macron: non seulement sa popularité est restée stable (alors qu’elle aurait pu décoller après l’élection), mais en plus l’élection a renforcé son opposition de gauche, la plus dangereuse pour lui. Pendant ce temps, la vie de galère que l’inflation et les salaires qui stagnent nous imposent peut nous laisser espérer un mouvement social d’ampleur à venir : il reste à Macron peu de cartouches pour continuer à nous diminuer. Quant à nous, nous savons à quoi nous en tenir.

La bourgeoisie reste forte dans les institutions mais elle est, politiquement, à court d’idées. Son monarque est très affaibli, et il gouverne un pays à la situation économique exsangue, sans grand projet pour redorer son blason.

Les raisons d’espérer sont, pour celles et ceux qui souhaitent un changement d’ampleur, nombreuses : d’abord, le score de Mélenchon et le dynamisme de la gauche a déplacé le centre de gravité politique. L’extrême-droite a montré qu’elle ne servait à rien d’autre qu’à être le faire-valoir du candidat de la bourgeoisie : depuis, on ne l’entend plus, car l’ordre établi convient en réalité très bien aux Le Pen, Bardella et consorts. La bourgeoisie reste forte dans les institutions mais elle est, politiquement, à court d’idées. Son monarque est très affaibli, et il gouverne un pays à la situation économique exsangue, sans grand projet pour redorer son blason. La situation écologique et sociale est explosive : tout est donc ouvert. Jamais nous n’avions connu une situation aussi incertaine, où l’organisation des classes laborieuses sur des bases plus radicales voire – vu comme la situation est verrouillée côté institutions – révolutionnaires, pourra être décisive.

publié le 5 juin 2022

Crise à l’hôpital :
de nombreux services d’urgences obligés de fermer avant l’été

par Rachel Knaebel sur https://basta.media/

Faute de personnel en nombre suffisant, de plus en plus d’hôpitaux doivent fermer leurs urgences ce printemps ou y filtrer drastiquement les entrées. Le phénomène est d’une ampleur inédite, alertent les professionnels.

« Ce printemps, la crise de notre système de santé va atteindre son paroxysme à travers la faillite incontrôlée du fonctionnement des services d’urgence qui laisse présager, dès cet été, un véritable désastre ». Le syndicat Samu-Urgences de France alerte en ces mots, dans une lettre ouverte du 22 mai, la toute nouvelle ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon.

Le message est clair : les hôpitaux français vont de plus en plus mal, chaque année est pire que la précédente. Les services d’urgences sont, dans de très nombreux endroits, au bord de l’implosion. « Tous, soignants, directeurs d’établissements, centre hospitaliers et CHU, confirment que cette crise, est d’une ampleur inégalée, qu’elle n’atteint pas que les structures d’urgence mais que cette faillite de cette première ligne aura des répercussions désastreuses sur l’ensemble de l’hôpital et du système de santé français », poursuit le syndicat.

Selon les données de Samu-Urgences de France, plus d’une centaine de services d’urgences, de toutes tailles, « sont déjà en difficulté majeure avec des fermetures d’activité, partielles ou totales ». Par exemple, à l’hôpital Montmorillon, près de Poitiers, les urgences ont dû fermer plusieurs jours en mai et le devront aussi en juin, par manque de médecins urgentistes. Le 12 mai, des centaines de personnes se sont réunis, dans cette petite ville de 6000 habitants, pour protester contre ces fermetures de leurs services d’urgence. À Chinon, en Indre-et-Loire (8000 habitants), les urgences sont fermées depuis le 18 mai, en raison d’une avalanche d’arrêts maladie au sein de son équipe paramédicale. L’hôpital ne peut plus non plus réaliser d’accouchements.

Les plus grandes villes sont également concernées. À Cherbourg, et même au CHU de Bordeaux, les entrées aux urgences doivent être filtrées depuis mai, la nuit à Bordeaux, dès l’après-midi à Cherbourg. Seules les urgences vitales sont prises en charge (voir sur La Nouvelle République et Rue89Bordeaux).

Déjà l’été dernier, des dizaines d’hôpitaux de petites villes et des villes moyennes avaient été touchés par des fermetures temporaires ds urgences, la nuit ou de manière intermittente. Puis l’épidémie de fermetures avait repris au moment des fêtes de fin d’année. Cette année, le phénomène survient déjà bien avant les congés d’été. Et il touche aussi des grands hôpitaux.

En cause : le manque de personnel. Les hôpitaux manquent de médecins urgentistes, les personnels présents, médecins et paramédicaux (infirmières, aides-soignantes, brancardiers…), sont à bout, avec de nombreux arrêts maladie. Face à cette situation, le syndicat Samu-Urgences de France préconise, entre autres, de recruter, « en rendant les conditions de travail acceptables ».

Il faut aussi, dit le syndicat, « revaloriser la rémunération de la garde » pour les médecins libéraux, et aussi « accélérer l’analyse des dossiers des praticiens étrangers » pour leur autoriser leur exercice avant l’été (lire notre article sur les médecins étrangers à l’hôpital). « Aujourd’hui, le sujet n’est malheureusement pas d’attirer de nouveaux professionnels dans nos établissements mais d’éviter le départ des rares qui y restent ... », déplore Samu urgences France. Les soignants seront-ils enfin entendus ?

 publié le 5 juin 2022

En 100 jours, l’Ukraine a perdu 20 % de son territoire

Vadim Kamenka sur www.humanite.fr

Déclenchée le 24 février, l’invasion russe commence à peser très lourd sur la population ukrainienne. Outre les dizaines de milliers de morts, l’intégrité territoriale du pays est brisée. Une issue diplomatique est-elle encore possible ? Décryptage.

Le 24 février, Vladimir Poutine prononçait un discours annonçant qu’une « opération militaire spéciale » avait été lancée en Ukraine. Un euphémisme pour parler de l’invasion du pays voisin. Au bout de cent jours de combats et de bombardements, la Russie « occupe 20 % du territoire ukrainien », a affirmé, jeudi, Volodymyr Zelensky devant le Parlement luxembourgeois.

Le président ukrainien estime que l’occupation russe a atteint 125 000 km2 (contre 43 000 km2 en 2014), après avoir conquis une partie du Donbass (Izioum, Volnovakha) et du littoral (Marioupol, Kherson…), le long des mers Noire et d’Azov. Une avancée qui leur assure une continuité stratégique jusqu’à la Crimée.

Après trois mois d’une guerre dévastatrice, le nombre de morts avoisinerait 40 000, et on compte 13 millions de réfugiés et de déplacés.

Désormais, les affrontements se concentrent dans le Sud-Est, autour de Zaporijia, Avdiïvka, et dans l’Est, à Severodonetsk, Kramatorsk, Lyssytchansk, Sloviansk. En plus du nombre de morts toujours tabou, qui avoisinerait 40 000 selon plusieurs experts, les chiffres humanitaires sont de plus en plus inquiétants : 5,2 millions d’enfants ont besoin d’aide, selon l’Unicef. Par ailleurs, on compte 13 millions de déplacés et de réfugiés.

Les objectifs ont-ils évolué ?

Lors de son discours, il y a donc cent jours, Vladimir Poutine avait donné trois objectifs : défendre les Républiques autoproclamées de Lougansk et de Donetsk (LNR et DNR) dans le Donbass, dont il venait de reconnaître l’indépendance ; dénazifier et démilitariser l’Ukraine. Dans les premiers jours, l’hypothèse d’une offensive éclair pour faire tomber le régime de Kiev a été avancée, trois fronts ayant été ouverts simultanément : au nord vers la capitale Kiev, à l’est et dans le Sud avec près de 150 000 hommes mobilisés.

Fin mars, une autre phase a débuté sur le plan militaire, en se concentrant sur le Donbass et le littoral ukrainien. Cette nouvelle stratégie visait clairement à reprendre les limites administratives des régions de Lougansk et de Donetsk. Cette conquête « est en passe d’être remportée au prix d’un sacrifice humain considérable. Des milliers de civils sont morts. Quant aux soldats, on a dépassé les pertes de l’intervention soviétique en Afghanistan (20 000 morts entre 1979 et 1989 – NDLR), qui a traumatisé des générations », affirme un député russe.

Côté ukrainien, le discours d’une victoire à tout prix est-il encore tenable ? Si, ces dernières semaines, il a été souvent répété par le président et ses ministres, puis relayé par une partie des dirigeants occidentaux, sur le terrain la situation est de plus en plus difficile. On entre dans une guerre d’usure. Severodonetsk est « occupée à 80 % » par les forces russes, a confirmé le gouverneur de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï.

Les États-Unis, l’Otan et la Russie se livrent une guerre « par procuration »

Dans une récente tribune, publiée par la revue Russia in Global Affairs, Dmitri Trenin, l’ancien directeur du centre Carnegie à Moscou, juge que « la confrontation entre la Russie et les pays occidentaux, qui se développe depuis 2014, s’est transformée en une confrontation active avec le début de l’opération militaire russe en Ukraine. En d’autres termes, le “grand jeu” a cessé d’être un jeu. (…) Le danger d’escalade dans le sens d’une collision directe, cependant, non seulement existe, mais augmente ».

La position de Washington a évolué au rythme du conflit. Le premier tournant a été réalisé lors de la visite en Pologne de Joe Biden. Dans un discours prononcé à Varsovie, fin mars, le président des États-Unis, qui saluait les sanctions à l’égard de la Russie, tint un discours résolument guerrier. Après avoir affirmé : « Nous sommes à vos côtés », évoqué un combat entre « la démocratie et l’autocratie », il a qualifié Vladimir Poutine de « dictateur » et affirmé : « Cet homme ne doit pas rester au pouvoir. »

Si le président des États-Unis a exclu la création d’une zone d’exclusion aérienne et une intervention directe, les ventes d’armes, l’aide financière et de renseignements n’ont alors cessé de croître. Dans un accord transpartisan, le pays a débloqué 40 milliards de dollars pour financer l’effort de guerre ukrainien. Et les gouvernements européens se sont joints à l’envoi d’armes lourdes.

Mardi, après plusieurs semaines d’hésitation, le président états-unien a annoncé la livraison de systèmes de lance-­missiles Himars (High Mobility Artillery Rocket System) d’une portée de 80 kilomètres, afin de changer le rapport de forces militaire sur le terrain.

Cette dernière livraison a été dénoncée par Moscou. « La ligne des États-Unis est de combattre la Russie jusqu’au dernier Ukrainien. De telles livraisons n’encouragent pas les dirigeants ukrainiens à vouloir relancer les négociations de paix », a réagi le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. La réponse du chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a été immédiate : « C’est la Russie qui attaque l’Ukraine, pas l’inverse. Pour être clair, la meilleure manière d’éviter une escalade est que la Russie mette fin à l’agression et à la guerre qu’elle a lancées », et de garantir cependant que les systèmes de lance-­missiles Himars ne seront pas utilisés pour viser des cibles en territoire russe. En attendant, Washington s’attend à une guerre qui pourrait bien durer « de nombreux mois ».

Face à cette situation, les forces russes ont bombardé, jeudi, plusieurs lignes de chemin de fer dans la région de Lviv (Ouest), par où arrivent notamment les armes livrées à l’Ukraine par les pays occidentaux. Pour Dmitri Trenin, « plus la guerre en Ukraine se prolonge, plus le risque d’accident ou d’incident nucléaire est grand. Et avec la stratégie de l’administration Biden visant à “affaiblir” la Russie par l’ampleur des livraisons d’armes, y compris des missiles antinavires, et les révélations de l’aide des services de renseignements américains à l’Ukraine, il est clair que les États-Unis et l’Otan sont dans une guerre par procuration avec la Russie ».

Une issue diplomatique est-elle encore possible ?

« Pour l’instant, il est clair que Poutine n’a pas de gages suffisants pour négocier », note l’ancien ambassadeur de France en Russie et directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques, Jean de Gliniasty.

À Moscou, plusieurs diplomates et députés russes estiment qu’une première phase militaire du conflit est sur le point de s’achever. « Un arrêt de l’offensive est à prévoir. Une fenêtre diplomatique va s’ouvrir durant l’été. Sur le terrain, elle ne sera pas favorable aux Ukrainiens. Les Russes devront aussi faire des efforts. Mais elle est nécessaire pour éviter, en cas de contre-offensive, une réponse beaucoup plus dure de la part du Kremlin. Je veux dire des frappes tactiques, nucléaires », nous confie l’un d’eux.

Interrogé par l’AFP, l’ancien diplomate Michel Foucher se demande aussi  « jusqu’à quel point les Américains ne vont pas, à un moment ou un autre, amener les Ukrainiens à faire des concessions territoriales ».


 

Crise alimentaire : le cri d’alarme des pays africains

Ce n’est plus seulement une sombre perspective… Les pays d’Afrique sont d’ores et déjà confrontés à une crise alimentaire et son ampleur croît au fil de la guerre en Ukraine. Branle-bas de combat sur la scène diplomatique : le président en exercice de l’Union africaine, le chef de l’État sénégalais, Macky Sall, va « porter la voix de l’Afrique » auprès de son homologue russe, Vladimir Poutine. Sa visite à Moscou, jeudi, avait pour objectif de contribuer « à la libération des stocks de céréales et de fertilisants dont le blocage affecte particulièrement les pays africains », indique son communiqué.

Un cri d’alarme. La flambée des prix des engrais, qui succède à celle du blé, pourrait provoquer, dès cette année, un effondrement de 20 à 50 % des rendements céréaliers en Afrique, alerte Macky Sall. De nombreux pays dépendent des engrais produits en Russie, en Ukraine et en Biélorussie, et les agriculteurs sont pris au piège de la spirale déclenchée par la hausse des tarifs du gaz.

En Afrique de l’Ouest, les stocks de céréales sont gravement insuffisants, la voie est ouverte à une montée brutale des prix et à la spéculation autour de la pénurie. Les pays du Maghreb connaissent le même sort. Farine, pâtes, riz, huile végétale, produits essentiels dans l’alimentation sont sous une tension croissante. L’insécurité alimentaire rebondit sur le terrain social et politique. Une explosion des revendications et des émeutes n’est pas bien loin

 

 

 

 

Dans le Donbass en guerre, le serment des blouses blanches de Volnovakha

Vadim Kamenka sur www.humanite.fr

Plus de trois mois après l’invasion russe de l’Ukraine, l'hôpital de Volnovakha dans le Donbass continue de soigner et guérir, malgré les fracas de la guerre. Une prouesse rendue possible grâce au courage, au dévouement et à l’humanisme des équipes médicales et des employés qui œuvrent parmi les gravats. Reportage à Volnovakha, par envoyé spécial.

Une façade est à terre et laisse apparaître un trou béant. Deux étages ont été complètement arrachés. Sur l’autre partie de l’édifice, le toit tient à peine. Cet immense immeuble blanc ravagé, marqué par l’impact des tirs et des obus, se trouve dans le nord de Volnovakha, place Tsentralnaya. « Bienvenue dans notre hôpital ! » s’exclame, les traits tirés, le directeur Viktor Saranov, la cinquantaine passée.

« Je me demande encore comment ces murs percés à plusieurs endroits ne se sont pas tous effondrés », dit-il, en nous indiquant l’ancien bâtiment principal et son entrée. Tout a été déplacé dans une autre aile de l’établissement, le temps de reconstruire les salles et les chambres des patients qui ont été endommagées.

Écoles, magasins, immeubles, centre culturel, rien n’a été épargné. Mais L’hôpital peut presque fonctionner normalement, un vrai miracle. »

Konstantin Zintchenko, responsable administratif de la municipalité

L’équipe médicale fait la fierté des habitants. Dès le début de l’invasion russe, le 24 février, présentée comme une « opération militaire spéciale » par Moscou, la ville ukrainienne, où vivaient plus de 20 000 personnes, se trouve en première ligne des combats, qui vont durer près de trois semaines, faisant des dizaines de morts.

À mi-chemin entre Marioupol et Donetsk

L’intensité des affrontements ne se limite pas à l’hôpital. L’ensemble de cette cité semble avoir subi un gigantesque séisme. « Près de 80 % des infrastructures ont été touchées. Écoles, magasins, immeubles, centre culturel, rien n’a été épargné. Cela fait pratiquement deux mois que l’on déblaie. On a réussi à réinstaller dans plusieurs quartiers le gaz, l’électricité, l’eau et à rouvrir des écoles. L’hôpital peut presque fonctionner normalement, un vrai miracle », explique le responsable administratif de la municipalité, Konstantin Zintchenko, nommé à la mi-avril.

Cet ancien mineur a été choisi par les autorités de la République autoproclamée de Donetsk pour assurer la restauration de Volnovakha, sorte de carrefour routier dont l’emplacement s’avère stratégique – la ville se situe à mi-chemin entre Marioupol et Donetsk.

Tenir jusqu’au dernier patient soigné

Cette vingtaine de jours de combat a paru extrêmement longue aux employés de l’établissement hospitalier, aux infirmières et aux médecins. « On était plus de 70 personnes à travailler malgré les bombardements. Tout a débuté aux alentours du 27 février, quand l’armée ukrainienne est venue dégager le parking et y installer de l’artillerie. Le lendemain, ils se sont installés aux deuxième et troisième étages de la clinique en apportant différents types d’armes comme des lance-grenades. Nous leur avons demandé de partir en leur expliquant que c’était contraire aux règles internationales et que nous avions encore près de 400 patients venus des autres villages. Ils n’ont rien voulu savoir », déplore Viktor Saranov.

Un récit que confirme Alexandre Belozerov, le médecin-chef adjoint de l’hôpital. « Nous avons même tenté de les éloigner en récoltant des signatures des patients et du personnel. Puis, nous les avons transmises aux autorités ukrainiennes et militaires en leur demandant de retirer l’armée d’ici et de la déplacer plus loin. Cet appel a été ignoré. Mais nous les avons soignés car nous sommes médecins. »

« J’espère qu’on arrivera à dépasser cette haine. »

Viktor Saranov, directeur de l’hôpital

L’ensemble de l’équipe médicale décide de prêter serment : tenir coûte que coûte jusqu’au dernier patient soigné. Ils ne quitteront plus l’hôpital. Des habitants leur apportent des provisions. Ceux qui n’ont pas de cave ou de sous-sol pour se protéger des bombardements incessants des forces russes et des répliques ukrainiennes trouvent refuge ici.

En parcourant les anciennes salles, avec le directeur, un collègue chirurgien lui remémore un épisode. Il nous montre la vidéo. Filmés à l’occasion du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, ils improvisent avec la vingtaine d’employés, dans une pièce transformée en zone de repos, une petite célébration.

Malgré leur bonne humeur, on les découvre épuisés, couverture sur le dos. « Il n’y avait plus d’électricité, plus d’eau, plus de chauffage. Avec les vitres cassées sur presque l’ensemble des étages, le froid commençait à pénétrer. Mais on a vécu un bon moment, même si les choses étaient vraiment compliquées à cette période. Nous avons tenu en équipe et réussi à stériliser le matériel. Cette solidarité a été essentielle aussi bien entre nous qu’avec les habitants », juge Viktor Saranov.

Les ombres de 2014

Huit ans auparavant, les combats avaient déjà été violents à Volnovakha. À l’époque, peu après les référendums organisés le 11 mai dans les diverses villes des deux oblasts (régions) de Lougansk et Donetsk, les forces du Donbass et l’armée ukrainienne s’étaient affrontées. À l’issue de ces scrutins non reconnus, les deux administrations s’étaient autoproclamées Républiques populaires de Donetsk (DNR) et de Lougansk (LNR).

Dans cette période post-Maïdan, qui avait vu le président ukrainien Viktor Ianoukovitch fuir et se faire renverser le 22 février, le nouveau pouvoir installé à Kiev lançait une opération militaire dite « antiterroriste ». Tout juste élu, le milliardaire Petro Porochenko poursuivit l’objectif de rendre son intégrité territoriale au pays après avoir perdu la Crimée, en mars 2014, lors d’un référendum, et d’organiser son rattachement à la Russie.

« À cette époque, nous avions également soigné tout le monde : les soldats ukrainiens comme les opposants, se souvient Viktor Saranov. Nous ne faisons pas de politique. On est là pour sauver des gens. On continuera, quelle que soit l’issue. Mais il faudrait quand même que tout se termine rapidement. Trop de sang a coulé… »

Au final, quand le dernier patient a été soigné, l’ensemble du personnel hospitalier a décidé de rester. « On ne se voyait pas repartir chez nous. Des gens auraient forcément besoin de nous. Et on avait encore de quoi tenir », détaille une infirmière encore sous le choc d’un tir de missile qui a perforé le deuxième étage, faisant plusieurs victimes.

Pour Alexandre Belozerov, le médecin-chef adjoint, il ne s’agit pas d’une erreur. « Quand ils se sont enfuis juste avant l’arrivée de l’armée russe et du DNR, ils ont évacué tout leur matériel. En partant, ils ont commencé à tirer sur l’hôpital et même avec le char. Il y avait des trous énormes, notamment sur la maternité », affirme-t-il. Les témoignages sur cet épisode doivent être vérifiés. Mais les gens craignent d’en parler. La plupart, ayant de la famille ou des amis en Ukraine, préfèrent se projeter dans l’avenir.

À l’arrière du bâtiment, où seuls quelques impacts de balles sont visibles, les infirmières s’activent avec des habitants et des employés. Tous se démènent pour que l’ensemble des services de l’hôpital puissent rouvrir : pédiatrie, traumatologie, maternité, immunologie, neurologie, cardiologie, radiologie, etc. « En ce qui concerne les urgences, le plus difficile, ce sont les transports médicalisés. Les ambulances sont prises ou détruites. Et on ne dispose plus d’aménagements spécifiques, tous ont été détruits. On déplace les patients directement du véhicule, à pied, dans des brancards. Il faut les amener jusqu’aux étages par les escaliers car l’ascenseur a brûlé. Grâce aux dons, à l’aide des gens et aux équipes du ministère russe des Situations d’urgence (MTCHS), on a ce qu’il faut en médicaments, salles d’opération », raconte le directeur, également père d’un futur médecin : son fils entame sa dernière année d’études.

Devant le siège de l’administration de la ville, rue Travnya, les drapeaux russe et du DNR flottent déjà. Un troisième s’affiche à leur côté. Il s’agit de la bannière rouge symbolisant la victoire sur l’Allemagne nazie, le 9 mai. Dans ce quatrième mois de conflit, le lien avec la « grande guerre patriotique », selon le vocable employé en Russie, est fortement mis en avant. Quelques jours après avoir reconnu l’indépendance des deux Républiques du Donbass (DNR, LNR), le président russe avait invoqué, dans ses raisons du conflit, la menace de l’Otan et des États-Unis, la démilitarisation, le risque d’un génocide pour les populations du Donbass et de la dénazification de l’Ukraine… Le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, a réaffirmé, fin mai, que « l’opération militaire spéciale » se poursuivrait « jusqu’à la réalisation de tous les objectifs ».

« On craint une crise sanitaire »

En attendant, à Volnovakha, le marché a rouvert et les livraisons quotidiennes d’aide et de produits s’intensifient. Dans les magasins, le rouble commence à circuler et à remplacer la grivna, la monnaie ukrainienne. « Il faudra encore du temps pour tout remettre en ordre. Chaque jour on déblaie, mais c’est un travail sans fin. La priorité étant d’y arriver avant l’automne. Avec le mauvais temps et les températures, on craint une crise sanitaire », nous explique une des infirmières. Avec le directeur, elle espère un jour revoir ses anciens collègues partis en Ukraine. Plus de 8 des 44 millions d’habitants ont dû fuir à l’intérieur du pays, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU ; 6,5 millions sont partis à l’étranger. « Certains veulent revenir, mais c’est impossible désormais. J’espère qu’on arrivera à dépasser cette haine. Encore une fois, les populations sont les principales victimes », condamne Viktor Saranov, conscient d’avoir de la chance : sa femme et son fils sont encore en vie. Car, au bout de ces longs mois de guerre, des milliers de civils ont perdu la leur, s’ajoutant au décompte funeste de 15 000 morts depuis 2014. Les nouvelles autorités de Volnovakha, comme c’est le cas des administrations russe et ukrainienne, n’ont pas souhaité communiquer de chiffres précis, même pour la ville.

Les importants mouvements de troupes sur place et les installations défensives laissent peu de doute quant à la poursuite du conflit. De hauts responsables russes ont admis que celui-ci allait durer. Au regard de l’effort humanitaire déployé pour les villes prises par Moscou et les forces du Donbass, à l’instar de Volnovakha et Marioupol, leur avenir semble s’éloigner de Kiev.

publié le 4 juin 2022

Journée d’action pour l’hôpital public
le mardi 7 juin

sur https://basta.media/

Syndicats, collectifs de soignants et d’usagers appellent à une journée nationale de mobilisations pour l’hôpital et la santé le 7 juin, face à la situation de crise dans de nombreux établissements. Une grève est aussi en cours dans les Ehpad Orpea.

« Hôpital désespérément maltraité : faudra compter les morts ! » avertit l’appel unitaire à mobilisation pour l’hôpital public et la santé le mardi 7 juin. En 2019 déjà, des dizaines de services d’urgences avaient mené une longue grève à travers la France pour dénoncer le manque de moyens. Trois ans plus tard, de nombreux services d’urgences doivent fermer avant même les vacances d’été, faute de personnel en nombre suffisant.

« Trois ans que nous, organisations syndicales de personnels hospitaliers ou collectifs, alertons sur la situation de l’hôpital public et aussi celle du médico-social et du social, souligne l’appel. La Covid est passée par là, les promesses aussi. Et l’horizon apparaît plus sombre que jamais. Trois ans (au moins) de retard pour former des personnels et donner envie de travailler dans le soin ou le social. ... »

Le texte poursuit : « Les usagers sont en colère et très inquiets : l’accès aux soins de premiers recours est de plus en plus compliqué et l’hôpital n’assure plus son rôle de service public d’accueil en dernier recours. Les services d’urgence ferment les uns après les autres, ou restreignent l’entrée. Les retards de prise en charge se multiplient. Les blocs déprogramment des interventions et ferment des salles d’opération tous les jours par manque de personnel. Les personnels sont en colère et fatigués : ils ne peuvent plus remplir leur rôle de prise en charge correcte de la population malgré des contraintes professionnelles retentissant sur leur santé et leur vie privée. »

L’appel à mobilisation revendique : le recrutement de personnels supplémentaires immédiatement, avec un ratio de personnel adapté à la charge de travail ; la revalorisation générale des salaires pour rattraper les dix ans de blocage ; le renforcement des moyens financiers pour les établissements ; l’arrêt de toutes les fermetures d’établissements, de services et de lits, et réouverture de lits, là où c’est nécessaire.

Une grève reconductible est aussi en cours depuis le vendredi 3 juin dans les Ehpad de la multinationale Orpea, à l’appel de la CGT. Orpea est l’entreprise à but lucratif leader du secteur des Ehpad privés en France. Ses pratiques font l’objet d’un vaste scandale depuis plusieurs mois, entre les accusations de maltraitance des résidents et les révélations sur les flux financiers allant vers des paradis fiscaux. « Familles et salariés, même combat, des moyens dignes pour les personnels et les résidents », appelle aujourd’hui la CGT.


 


 

Hôpital désespérément maltraité :

il va y avoir des morts !

Faudra compter les morts !

appel commun de CGT, Solidaires, CFE-CGC, AMUF, Collectif Inter Hopitaux, Inter Urgences, Printemps de la Psychiatrie, Collectif Inter Bloc, Cordination Nationale des Comités de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité

Trois ans que nous, organisations syndicales de personnels hospitaliers ou collectifs, alertons sur la situation de l’hôpital public et aussi celle du médico-social et du social, en particulier lors de la manifestation du 14 novembre 2019. La Covid est passée par là, les promesses aussi. Et l’horizon apparaît plus sombre que jamais. Trois ans (au moins) de retard pour former des personnels et donner envie de travailler dans le soin ou le social.

Les usagers sont en colère et très inquiets : l’accès aux soins de premiers recours est de plus en plus compliqué et l’hôpital n’assure plus son rôle de service public d’accueil en dernier recours. Les services d’urgence ferment les uns après les autres, ou restreignent l’entrée. Les retards de prise en charge se multiplient. Les Blocs déprogramment des interventions et ferment des salles d’opération tous les jours par manque de personnel.

Les personnels sont en colère et fatigués : ils ne peuvent plus remplir leur rôle de prise en charge correcte de la population malgré des contraintes professionnelles retentissant sur leur santé et leur vie privée.

Même les médias alertent aujourd’hui sur la période estivale, mais la crise est déjà là, mettant en danger la santé de la population.

Sans aucune autre vision d’ensemble que celle de limiter l’augmentation des dépenses de santé, les gouvernements Philippe puis Castex ont géré à la petite semaine, répondant aux urgences par des mesures discriminatoires, comme des primes à l’embauche, sans considération pour les personnels déjà en poste, méprisés ! En filigrane, apparaît la volonté de casser les statuts pour singer la gestion privée, alors même que le scandale d’Orpéa montre combien cette gestion est contraire à l’intérêt général.

Au moment où notre pays va élire ses nouveaux députés, les personnels de santé et les usagers seront mobilisés le 7 juin : les revendications sont inchangées depuis 3 ans :

° Recrutement de professionnel·le·s supplémentaires immédiatement et plan de formation pluridisciplinaire, ratio de personnel adapté à la charge de travail, respect des équipes et des plannings

° Revalorisation générale des salaires pour rattraper les 10 ans de blocage, reconnaissance des contraintes et des pénibilités horaires (nuit, week-end) et reconnaissance des qualifications des professionnel·le·s

° Renforcement des moyens financiers significatifs pour les établissements, recrutement de personnels (brancardiers, coursiers, ouviers, logisticiens, secrétaires) permettant de recentrer les soignants sur leur métier

° Arrêt de toutes les fermetures d’établissements, de services et de lits et réouverture de lits, là où c’est nécessaire.

° De réelles mesures qui garantissent l’accès, la proximité et une prise en charge optimale en terme de qualité et de sécurité des soins pour tout.e.s et tous partout.


 

mardi 7 juin 2022

Population et professionnels

tous ensemble disons :


 

« La mort de l’hôpital, les morts à l’hôpital

STOP ÇA SUFFIT »

 

à Montpellier :
 

12h00 : rassemblement des personnels devant le centre André Benech

puis départ en manifestation vers le centre-ville ;


 

14h30 : avec la population, rassemblement devant la préfecture

publié le 4 juin 2022

Nupes. Jean-Luc Mélenchon,
sa stratégie pour gagner

Diego Chauvet et Julia Hamlaoui sur www.humanite.fr

À l’approche d’élections législatives décisives et inédites, Jean-Luc Mélenchon veut convaincre les classes populaires de voter pour les candidats de la gauche rassemblés au sein de la Nupes. Il est possible de « vivre autrement, affirme-t-il. Pour cela, il faut répartir différemment le fruit de la richesse produite entre capital et travail ». Entretien

Le chef de la France insoumise pense que l’on peut déjouer le scénario d’une abstention massive. « Notre camp a gagné en cohésion et en clarté. »

Jean-Luc Mélenchon en est convaincu : « la force d’entraînement fera la décision », lors des élections législatives des 12 et 19 juin. Le score de la gauche, sous la bannière de la Nupes, pourrait en effet bouleverser le rapport de forces dans l’Hémicycle, au point de contrecarrer les projets de réformes du président Emmanuel Macron et de contenir l’extrême droite. Le vote des jeunes et des classes populaires, qui comptent parmi les plus abstentionnistes, sera déterminant. Pour « l’Humanité magazine », le chef de file de la France insoumise, qui compte faire son entrée à Matignon, revient sur sa stratégie de conquête et d’exercice du pouvoir, son rapport au peuple, à la lutte des classes et à la planification écologique, ainsi qu’au combat contre les discriminations.

Avec l’inflation, le pouvoir d’achat est plus que jamais la préoccupation majeure des Français. Emmanuel Macron, qui promet une loi à l’été, comme Marine Le Pen durant la présidentielle se sont emparés de cette question. En quoi faites-vous la différence ?

En prenant la mesure de la gravité de la situation et en apportant des réponses concrètes, à l’inverse des propositions creuses de monsieur Macron. Voyez sa « prime » de 6 000 euros, par exemple. Le chiffre claque fort. Mais il n’y a rien d’obligatoire : tout dépend du bon vouloir du patron. L’an dernier, la « prime » n’a été donnée qu’à 20 % des salariés. C’est du verbiage. Pourtant, 400 000 personnes sont devenues pauvres durant le quinquennat. Quant à Marine Le Pen, elle a jeté l’éponge. Quand elle parle, c’est pour dire qu’elle ne peut pas gagner l’élection. C’est un renfort direct à Macron. Pour nous, c’est le contraire : précis et concret avec un vrai changement de vie à la clé. C’est le Smic à 1 500 euros net, la retraite à 60 ans avec 40 annuités, le dégel du point d’indice, le blocage des prix et des loyers à la baisse… Nous voulons éteindre les incendies inflationnistes dus à la spéculation en faisant payer les profits, pas les gens.

Vos adversaires vous reprochent des mesures infinançables...

Oui, on a l’habitude de ce genre de commentaires. Notre scénario économique est passé par la matrice économique de la Banque de France : nos 250 milliards de dépenses génèrent 267 milliards de cotisations, des taxes. Nous gérons mieux qu’eux.

Ceux qui ont le plus intérêt aux changements sont aussi ceux qui votent le moins. L’abstention est-elle l’ennemie à abattre pour les législatives ?

Notre camp a gagné en cohésion et en clarté. Cela sera entraînant face à une droite désunie. Tous les sondages nous placent en tête, sauf un qui réduit à 47 % la participation seulement. Du jamais-vu. Et la situation est totalement nouvelle. La coutume faisait des législatives une formalité administrative après la présidentielle. Elle est prise à revers. Qui sera mobilisé ou pas, en effet ce sera déterminant. C’est la force d’entraînement qui fera la décision. D’où l’importance des slogans qui montrent clairement le chemin victorieux : troisième tour de la présidentielle, appel à m’élire premier ministre en élisant une majorité de députés Nupes. D’ores et déjà, de nombreux indices montrent que les jeunes et les quartiers populaires restent mobilisés. À l’inverse, parmi les classes moyennes supérieures – celles gagnant plus de 2000 euros –, l’illusion Macron s’est épuisée. La start-up nation ne fait plus recette. Beaucoup ne veulent plus brûler leur vie pour des illusions.

Nous voulons éteindre les incendies inflationnistes dus à la spéculation en faisant payer les profits, pas les gens. Un vrai changement de vie à la clé.

Face au RN, ambitionnez-vous toujours de convaincre les « fâchés pas fachos » ?

Évidemment. Encore faut-il bien comprendre ce qui se passe. Refusons la thèse selon laquelle les milieux populaires sont acquis à Le Pen. Car la fraction du peuple la plus opprimée, la plus dépossédée, est de notre côté. Nous sommes la première force à la présidentielle chez les revenus de moins de 1 000 euros, dans le 1 % des villes les plus pauvres, chez les chômeurs, les CDD, les intérimaires. On tient la bonne méthode : dire crûment que l’on peut vivre autrement, et que pour cela il faut répartir différemment le fruit de la richesse produite entre capital et travail.

Au fil des rendez-vous électoraux, vous êtes passé d’une stratégie populiste de gauche à l’union de la gauche avec la Nupes pour ces législatives. Pourquoi ?

Quand j’ai quitté le Parti socialiste, il y a quatorze ans, sa stratégie le condamnait à mort. Il rêvait d’un compromis avec le capitalisme financier transnational de notre temps. C’est impossible, car sa vocation est de déréguler sans fin. L’affrontement avec ce social-libéralisme suicidaire qui l’y aidait était nécessaire. Dès lors, l’union était impossible tant que le pôle de la rupture n’était pas central. Tout simplement parce qu’il est impossible d’unir la classe salariale et le peuple contre ses propres intérêts. La dernière présidentielle a tranché. Les gens en ont par-dessus la tête de cette société. Après avoir rendu centrale la ligne de la rupture, tendre la main n’est pas un changement de pied, c’est une nouvelle étape de la même stratégie : l’Union populaire. C’est pourquoi notre accord n’est pas qu’électoral, il est programmatique, avec 650 mesures. Quand toute la gauche dit oui à la planification écologique ou à la retraite à 60 ans avec 40 annuités, quelque chose de substantiel est acquis.

Si vous arrivez au pouvoir, comment comptez-vous vous assurer des marges de manœuvre face au capital ?

Tenir tête au capital financier est une rude tâche. Pour l’instant, nous avons un rapport de forces électoral. Mais il ne suffira pas à lui seul. Avec des mesures comme le Smic à 1 500 euros qui bouscule toute la grille de salaires, nous encouragerons les mobilisations sociales. Quand elles ont fait défaut, l’union de la gauche du passé a échoué. C’est vrai : le rapport de forces entre le capital financier et la société qu’il parasite peut paraître aujourd’hui très défavorable pour nous. Mais c’est une apparence, car tout le modèle d’économie productive sur lequel il est installé est en panne. Par exemple les chaînes longues d’approvisionnement, qui permettent de négocier le coût du travail toujours plus à la baisse, se sont rompues à l’occasion du Covid et on voit la difficulté à les remettre en route. Surtout, le marché est incapable de proposer la moindre solution à la crise. Au contraire, il l’alimente. Le marché, c’est le chaos et ça se voit. Les dirigeants ne valent pas mieux. Par exemple, l’augmentation des taux d’intérêt par la Banque centrale européenne n’aura aucune conséquence sur l’inflation. Ça ne fera baisser ni le prix de l’essence, ni celui du blé. En revanche, cela contractera la demande. Dès lors, le capital productif lui-même est à son tour mis au pied du mur. Notre politique a besoin d’investissements, de relocalisation et de production pour faire la bifurcation écologique. Un nouveau compromis social est donc possible avec le capital productif. Mais, s’il n’en veut pas, on se passera de lui.

Quand la gauche dit oui à la planification écologique ou à la retraite à 60 ans, quelque chose de substantiel est acquis.

Et dans ce cas, jusqu’où êtes-vous prêt à aller ?

Aussi loin que la nécessité le commandera. On fera sans lui via les pôles publics que nous avons prévus. Prenons un exemple : ou bien Sanofi et quelques autres grands groupes comprennent qu’il faut relocaliser la production des molécules pharmaceutiques sur notre territoire, ou bien on le fait sans eux. Le plus important est de réamorcer le cycle de la confiance démocratique : voter sert à quelque chose ! Et le mandat populaire sera respecté.

Dans « l’Ère du peuple », vous décriviez le peuple urbain comme l’acteur de la révolution citoyenne. Qu’en est-il des zones dites périphériques, désindustrialisées ou encore des entreprises comme lieu d’affrontement de classes ?

Ma thèse décrit un acteur politique nouveau : le peuple. Pourquoi ? Parce que le nombre de gens dont la vie dépend de l’accès aux réseaux collectifs et de leur nature publique ou privée constitue un ensemble de rapports sociaux qui matrice toute la société. D’ailleurs, les plus grandes insurrections sont liées à l’impossibilité d’y accéder. La mise en cause de l’accès à ces réseaux-là a été le point de départ des gilets jaunes. Le peuple inclut la classe salariale et ces zones périurbaines. Ceci dit, attention à un certain simplisme sociologique qui réduit les individus à une seule de leurs facettes. Ils sont des sujets sociaux mais aussi de culture, de tradition. Enfin dans l’entreprise, c’est surtout le statut social des salariés qui compte.

Car le capital financier a réussi à disloquer nos forces sociales, en multipliant les CDD, les contrats d’intérim, les contrats de mission… Vous pouvez avoir sur le même chantier des gens qui font exactement la même tâche, mais qui dépendent de 4, 5, 6 entreprises. Le devoir de notre gouvernement sera l’homogénéisation sociale des salariés. C’est pourquoi la titularisation immédiate des 800 000 contractuels des fonctions publiques n’est pas juste une mesure sociale. C’est aussi une mesure politiquement unificatrice. Dans le secteur privé, c’est pareil. Il s’agit d’imposer des quotas maximaux : 5 % de CDD pour les grandes entreprises, 10 % pour les petites, et l’interdiction du travail détaché. À quoi s’ajoutent des mesures de démocratie dans l’entreprise qui reconstruisent politiquement la classe salariale. L’Union populaire est un projet d’unification du peuple et de la société.

Alors pourquoi affirmez-vous que « le paradigme révolutionnaire n’est plus un paradigme de classe » ?

À propos du concept de classe, Karl Marx dit des choses différentes. Tantôt que le rapport social capital-travail constitue la classe révolutionnaire, tantôt que c’est sa conscience d’elle-même. Mais pour lui les deux faisaient un tout : à la fois une relation sociale et une conscience d’une alternative. Je fais de même. Comment le peuple devient-il le nouvel acteur ? D’abord, c’est son rapport au réseau du collectif : cette relation sociale matérielle explique la lutte populaire contre l’oligarchie qui s’est approprié les réseaux. Ensuite, c’est sa conscience collective. Elle l’entraîne loin. Qui comprend qu’il y a des biens communs met le pied dans le communisme. Car cela impose une limite au droit de propriété. Le paradigme révolutionnaire, pour moi, c’est donc l’intérêt général humain. Le projet en découle : l’harmonie entre les êtres humains et avec la nature. Pourquoi ne pas parler de révolution socialiste ? Parce que la « révolution citoyenne » a un contenu socialiste, mais elle a aussi un contenu écologique et démocratique. Sa motivation fondamentale est de reprendre le contrôle, dans sa vie et dans la cité. Et dans l’entreprise au cœur du rapport social capitaliste. Jean Jaurès disait : « Les ouvriers sont rois dans la cité parce qu’ils votent. Ils restent serfs dans l’entreprise. »

Quand on 1er tour, les cités populaires votent pour moi, c'est du communautarisme ? Et quand au 2e tout elles votent pour Macron, c'est quoi ?

L’entreprise reste donc un lieu clé de cet affrontement…

La citoyenneté y est à conquérir. C’est une des clés de la bifurcation écologique, qui nécessite de savoir ce que l’on produit et comment. L’autre clé, c’est la commune, parce que c’est la structure de base, le compte-gouttes du peuple politique.

Avec le vote des banlieues populaires qui vous a été très favorable à la présidentielle, il vous est reproché – par Emmanuel Macron notamment – une forme de communautarisme. Que répondez-vous ?

Quand au premier tour, les cités populaires votent massivement pour moi, c’est du communautarisme ? Et quand au deuxième tour elles votent massivement pour monsieur Macron, c’est quoi ? Ça suffit les insultes ! Les gens qui y vivent sont déterminés par des logiques de survie qui touchent tous les aspects de leur vie, les aspects sociaux, mais aussi les aspects humains, culturels. Ils ont voté pour les insoumis et ils voteront Nupes par dignité sociale, et aussi parce qu’ils adhèrent à l’idée que je me fais du rapport de l’État à la religion. La laïcité est une séparation du religieux et du politique. Ce n’est pas un athéisme d’État. Monsieur Macron n’est pas à la hauteur de son rôle avec de tels propos.

Lutte contre les discriminations et universalisme sont-ils conciliables, et si oui, comment les articuler ?

L’universalisme est une ligne d’horizon, des droits égaux pour tous. Mais elle bute tous les jours sur le contraire : les discriminations, les inégalités, la brutalité des relations hommes-femmes… Notre engagement consiste à lever tous ces obstacles pour atteindre l’égalité réelle des droits. La conciliation entre les deux est évidente de notre point de vue. Ce sont les libéraux et leurs discriminations sociales incessantes qui y échouent. Chez nos adversaires, existe une forme d’obscurantisme qui consiste à rendre la question insoluble. Ils opposent l’universalisme et la foi religieuse. C’est absurde : on peut être un parfait universaliste et être croyant. L’autre obscurantisme, c’est de faire passer des faits de science pour une ligne politique. L’intersectionnalité est un outil de sociologie pour voir comment s’empilent les discriminations. Depuis Frantz Fanon, c’est un thème assez banal. Monsieur Blanquer et madame Vidal, avec leur chasse absurde à l’islamo-gauchisme, ont été trop loin. Nous avons d’abord subi cette bataille, mais nous reprenons la main.

Qui comprend qu'il y a des biens communs met le pied dans le communisme. Car cela impose une limite au droit de propriété.

Au-delà du résultat des législatives, quels vœux formez-vous pour l’avenir de la Nupes ?

Nous aimerions qu’elle soit pérenne. D’abord capable de coordonner l’action institutionnelle. Pour cela, il y aura un intergroupe parlementaire. Il faudrait aussi qu’elle soit capable d’organiser et d’impulser les actions à la base. Car sans mobilisation, le pouvoir de l’Union populaire serait affaibli. Si nous ne sommes pas majoritaires, la pérennité sera la condition à remplir pour la suite, maintenant qu’on a déterminé où est le centre de gravité politique à gauche.

publié le 3 juin 2022

À Decazeville, des législatives placées sous le signe du carnage social

Nicolas Cheviron sur www.mediapart.fr

Depuis la fermeture de la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM), abandonnée par son principal client, Renault, avec l’assentiment de l’État, la consternation et la colère contre le gouvernement prévalent dans le bassin de Decazeville. La gauche unie derrière un candidat ouvrier pourrait en tirer profit.

Viviez-Decazeville (Aveyron).– Marie n’a pas voté à la présidentielle. Elle n’ira pas non plus déposer son bulletin dans l’urne le 12 juin pour élire le nouveau député de la deuxième circonscription de l’Aveyron. Par une froide journée de la fin du mois de novembre 2021, avec d’autres camarades, elle a brûlé sa carte électorale devant l’usine dont elle a été mise à la porte après trente-trois ans de service.

Une petite flambée qui n’a pas dû les réchauffer bien longtemps, mais qui leur semblait nécessaire pour dire leur dégoût des politiques et de leurs paroles lénifiantes, tandis que sombrait la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM) avec 333 salarié·es à son bord. « Pour moi, de toute façon, ils se valent tous, maugrée la secrétaire. Bruno Le Maire [ministre de l’économie – ndlr] qui nous a fait de belles promesses mais n’a rien fait concrètement, Carole Delga [présidente socialiste du conseil régional d’Occitanie – ndlr] qui est arrivée après la bataille… »

En ce week-end prolongé de l’Ascension, plusieurs ex-salarié·es de la SAM profitent d’un beau soleil de fin d’après-midi pour taquiner le bouchon sur le boulodrome de Viviez, à moins de deux kilomètres de leur ancienne usine. Il y a là Gilles, 31 ans à la SAM, « dont vingt et un ans en travail de nuit », qui fustige la « nullité » de l’État et son « incapacité à écouter le bas de l’échelle », « à taper du poing sur la table et dicter ses conditions à Renault, en tant qu’actionnaire ». Ce bouliste émérite admet avoir voté pour Marine Le Pen aux deux tours de la présidentielle, parce que « c’est le ras-le-bol ».

Il y a aussi P., vingt-trois ans d’ancienneté à la logistique de l’usine, qui ne veut pas donner son nom, mais s’indigne des propositions de reclassement reçues - « un poste de boucher-charcutier, des missions à Lille, à Saint-Étienne… » – et de l’attitude de l’agent chargé de son contrat de sécurisation professionnelle (CSP), qui « ne cherche pas du travail mais est là juste pour nous fliquer ». P. ne dit pas pour qui il a voté en avril dernier, mais glisse tout de même dans la conversation que dans la région, « on est passé du vote anti-extrême droite au vote anti-Macron ».

Au premier tour de la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon est arrivé largement en tête dans les cinq municipalités de la communauté de communes de Decazeville – 14 100 habitant·es au total –, suivi par Marine Le Pen dans trois d’entre elles. Au deuxième tour, la candidate du Rassemblement national (RN) s’est imposée dans trois communes – Aubin, Viviez et Cransac. Une première dans ce bastion ouvrier de gauche, où la proportion de bulletins nuls et blancs a cette année atteint des records, en laissant le champ libre à l’extrême droite.

Les renoncements du gouvernement

La trajectoire de la SAM est celle d’une entreprise encore florissante au tournant du XXIsiècle, avec un carnet de commandes diversifié et quelque 650 employé·es en 2010, mais qui, du fait de choix hasardeux – une stratégie d’expansion au moment de la crise de l’automobile de 2007-2008 et une relation de plus en exclusive avec Renault – s’est rapidement retrouvée exsangue et soumise aux décisions du constructeur automobile. Le 23 novembre 2021, celui-ci signait l’arrêt de mort de son fournisseur de carters de moteurs, en refusant de soutenir un plan de reprise.

À ce moment-là, la SAM avait beau avoir passé le cap des véhicules hybrides et électriques, et disposer d’un département de recherche et de développement performant, la régie avait déjà transféré ses moules en Espagne, dans le cadre d’une stratégie plus vaste de délocalisation de ses approvisionnements. Trois jours plus tard, le tribunal de commerce de Toulouse (Haute-Garonne) prononçait la liquidation judiciaire de l’entreprise.

L’État, qui détient 15 % des actions du groupe Renault – provisionné à l’été 2020 de 5 milliards d’euros sous forme de prêt garanti (PGE) pour l’aider à passer la période de crise pandémique – s’était dit prêt, un peu plus tôt dans le mois, à injecter quelque 5,5 millions d’euros dans le plan de reprise. Pourtant, quelques semaines plus tard, il soutenait la décision du géant de l’automobile. « Il n’y a pas d’offre crédible pour la reprise de SAM, disons les choses de manière honnête et transparente », avait tranché Bruno Le Maire, le 24 novembre, sur France Info.

L’histoire de la SAM ne s’est pas arrêtée là. Elle est devenue un récit de lutte, avec une occupation de l’usine pendant 154 jours pour empêcher le démantèlement des machines par les administrateurs judiciaires, jusqu’à la sortie des deux cents derniers combattants et combattantes, sous une haie d’honneur, le 25 avril. « Cela a été très dur sur le plan émotionnel, comme un deuil, une famille que tu quittes. J’ai vu beaucoup de collègues hommes pleurer, des gens que tu n’imaginerais pas, relate Ghislaine Gistau, salariée de la SAM pendant vingt-six ans, déléguée CGT qui a participé aux négociations. Mais il y a aussi une grande fierté parce qu’on a tout fait pour trouver des solutions. »

Les ouvriers et les ouvrières ont en effet déplacé des montagnes, en trouvant un repreneur potentiel et en obtenant des garanties des collectivités territoriales sur la sécurisation de l’outil de travail, condition de leur sortie de l’usine. Le candidat à la reprise s’appelle MH Industries et semble avoir les reins solides. Basée dans le Lot, cette entreprise emploie 350 salarié·es réparti·es sur six sites chacun spécialisés dans un domaine, de la fonderie de la pièce à l’usinage, du traitement de la surface à la peinture et au montage – une complémentarité lui permettant de proposer des « solutions globales » à ses clients.

Le carnet d’adresses de MH Industries dénote aussi une certaine versatilité, puisque la firme travaille avec l’aéronautique, la défense, l’industrie, le ferroviaire, l’électronique, le bâtiment… Tout le contraire de la SAM. Le patron, Matthieu Hède, « est quelqu’un qui nous a fait une bonne impression, un industriel dont la stratégie a été payante, commente Ghislaine. L’idée est de créer deux cents emplois sur six ans, en conservant une partie de la fonderie à la SAM et en y installant les autres activités de MH Industries, qui en ferait son navire amiral ».

Le retrait des services publics, le départ des entreprises

L’entreprise, déjà soutenue à hauteur de 1,2 million d’euros par la région Occitanie pour mener ses études, a jusqu’au 30 juin pour présenter une offre d’achat des équipements de la SAM. Jusqu’à cette date, la région, qui est également en négociation avec le dernier propriétaire de la SAM, le groupe chinois Jinjiang, pour le rachat des terrains et des bâtiments, finance leur location et l’électricité. La communauté de communes, elle, prend en charge le gardiennage du site.

Reste une inconnue de taille : Renault acceptera-t-il de donner, avec quelques commandes, le coup de pouce jugé nécessaire pour relancer rapidement l’activité de la fonderie ? Ghislaine veut y croire. « Nous avons tout un stock de pièces brutes et usinées, ça pourrait avoir un intérêt pour eux », dit-elle. Peut-être l’État saura-t-il, cette fois, tordre le bras au constructeur ? Le candidat Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale) sur la circonscription s’y engage. « Si je suis élu député, je ferai le maximum pour obliger Renault à lancer cette entreprise en lui fournissant un carnet de commandes », assure Laurent Alexandre, jusqu’ici étiqueté LFI, rencontré au marché de Decazeville.

Le maire d’Aubin, commune de 3 750 habitant·es au cœur de l’ancien bassin minier, évoque aussi le retrait des services publics, la fermeture de la maternité et du centre de dialyse, le départ des entreprises. Il parle également des projets qui piétinent, comme le projet Phénix d’une usine de recyclage de batteries de voiture usagées, porté par une autre entreprise aveyronnaise, la Snam, qui devait créer 600 emplois en six ans et aurait ainsi pu absorber une partie des laissés-pour-compte de la SAM.

Mais le PDG de la Snam, Éric Nottez, a été limogé début mai par son conseil d’administration et remplacé par un dirigeant allemand, faisant craindre un arrêt du projet ou sa relocalisation hors de France. « On se bat en permanence pour conserver le peu qu’on a, même pas pour faire avancer les choses, affirme Laurent Alexandre, qui continue de travailler comme ouvrier un jour par semaine dans l’usine d’aéronautique Ratier-Figeac (Lot). Les gens ici vivent tout ça comme une injustice, ils pensent que les politiques les considèrent comme des citoyens de seconde zone. Il y a de la colère, du fatalisme. »

Le candidat de la Nupes veut croire en ses chances d’enlever la circonscription à La République en marche (LREM). Au cours des trois dernières décennies, celle-ci a souvent changé de bord politique. Sur les cinq communes du bassin, la victoire semble à portée de main. Les scores additionnés des quatre partis coalisés au premier tour de la présidentielle y oscillent entre 37 et 41 % des suffrages exprimés.

Face à lui, le candidat macroniste Samuel Deguara, ex-directeur adjoint de cabinet au ministère de l’agriculture, va devoir quant à lui répondre de l’inaction du gouvernement sur le dossier SAM. Celui-ci n’est d’ailleurs pas mentionné dans les tracts de campagne LREM. Reste à savoir si le candidat ouvrier réussira aussi à convaincre dans les zones plus rurales qui composent le reste de sa circonscription.

publié le 3 juin 2022

Salaire, prix, profit,
une bataille
sans précédent

Jean-Christophe le Duigou sur www.humanite.fr

Si le gouvernement croit calmer le mécontentement des salariés par des primes sensées compenser les pertes de pouvoir d’achat, une nouvelle fois il se trompe. Les 26Mds d’€ qu’il compte mobiliser dans la « loi pouvoir d’achat » n’y feront rien. Le retour de l’inflation accompagné de la revendication d’augmentation des salaires marque une nouvelle phase de la crise qui affecte notre économie et son mode de gestion libérale.

Alors que la hausse des prix en tendance annuelle était voisine de zéro, la voilà qui oscille à présent entre +4% et +8 %. Les causes immédiates sont les prix du gaz et du pétrole, les cours des produits agricoles de base, les conséquences des affrontements guerriers qui se multiplient, de l’Ukraine à l’Afrique. En rester à une explication purement conjoncturelle, occulte la signification de ce retour de l’inflation qui signe comme jamais la faillite du capitalisme financiarisé.

Le point de départ se situe en 1982. Le gouvernement Mauroy-Delors met fin à l’indexation des salaires sur les prix, mesure qui a coïncidé avec le début d’une longue croissance du prix des actifs 1. Les ménages modestes, douloureusement affectés par une austérité sans précédent étaient censés retrouver dans la baisse des prix des produits de consommation ce qu’ils avaient perdu en salaires. Un marché de dupes ! La politique de stabilisation de la monnaie dont se prévalait le capitalisme financiarisé cachait de fait un gonflement spéculatif sans précédent du prix des actifs financiers et de l’immobilier. Les « bulles financières » se sont succédé, bulle internet, bulle immobilière…L’appétit de profit augmentant en proportion du gonflement de la Bourse, les financiers ont imposé un partage de la valeur ajoutée défavorable aux salariés afin de s’assurer la valorisation de cette immense accumulation.

Ceci ne suffisant plus, la hausse des prix fait son retour avec fracas, façon parmi d’autres de gonfler des profits déjà obtenus. Et voilà toutes les conditions réunies pour le développement d’un mouvement qui s’entretient de lui-même, une véritable « boucle prix- profit » Les autorités monétaires entendent s’attaquer à cet emballement inflationniste en augmentant les taux d’intérêt. Mais cette augmentation ralentit l’activité économique, et ne fait que peser négativement sur la situation des salariés, leur condition d’emploi, grignotant leur épargne de précaution placée sur des livrets à taux fixe comme le Livret A.

Dans l’immédiat la bataille pour le partage de la richesse produite, non seulement se poursuit mais se durcit. Et il n’a pas fallu bien longtemps pour que l’on nous explique que l’augmentation des salaires - sûrement souhaitable – n’était plus possible sinon à engendrer une « dangereuse spirale inflationniste ». Sous-entendu, les majorations de salaires entraineraient une nouvelle augmentation des prix.

La hausse des prix ne s’interrompt pas, et si l’exigence de ré indexation des salaires sur l’évolution des prix est plus que justifiée, la qualité de l’indice de prix de référence en l’état de la production statistique actuelle ne permet guère d’appréhender l’évolution réelle du cout de la vie.

Si le blocage des prix, par décision politique se justifie sur certains produits soumis à une pression spéculative comme les produits agricoles de base que nous cultivons, un blocage administratif des prix ne peut suffire à enrayer la spirale inflationniste. La mise en œuvre d’une réforme fiscale imposant les profits spéculatifs permettrait de s’attaquer à la formation des marges par les entreprises dominantes. Un droit de regard approfondi doit être donné aux syndicats et aux salariés sur la fixation des marges tant dans la production que dans la distribution. Un arsenal de mesures qui nous éviterait de tomber dans une grave récession.

1 Le CAC40 principal indice de la bourse de Paris, voit sa valeur multipliée par six en 30 ans alors que la croissance du salaire (réel par unité de consommation) est divisée par six.

<< Nouvelle zopublié le 2 juin 2022

Meeting de la Nupes :
«Si les gens pensent qu’on peut gagner, ils arriveront de tous les côtés»

Julia Hamlaoui, Emilio Meslet et Alex Marinello sur www.humanite.fr

En meeting à Paris, aux côtés des candidats de la Nupes, Jean-Luc Mélenchon a appelé les abstentionnistes à saisir, lors des législatives des 12 et 19 juin, «l’occasion extraordinaire de tourner la page» de la désastreuse politique Macron.

« Dormez bourgeois, il n’y a pas de problème ». Le conseil vient de Jean-Luc Mélenchon qui a lu le Figaro avant de se rendre au meeting de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) à Paris mercredi soir. « Union de façade derrière Mélenchon pour masquer les divisions », titre ce matin-là le quotidien. « C’est surtout vous qui voulez masquer l’union », réplique l’insoumis devant 1 500 personnes, selon les organisateurs.

Entouré des candidats parisiens de la gauche unie aux législatives, il sourit de ces commentaires qui « ne ressortent de leur boîte que quand ils ont la trouille ». « C’est la première fois depuis la naissance de la Ve République et surtout depuis l’inversion du calendrier, qu’on donne, trois semaines avant le vote, l’opposition en tête alors même que l’élection présidentielle a à peine un mois », ajoute-t-il.

L’écologiste Julien Bayou ne dit pas autre chose : « On est là prêt à nous battre pour la justice sociale et climatique. Dans le camp d’en face, eux, ils sont stressés car on commence déjà à dire que la majorité automatique n’est plus à porter de main », lance le secrétaire national d’EELV taclant, au passage, ceux qui « estimaient que la gauche et les écologistes étaient incapables de s’entendre et même irréconciliables. Ceux-là sont chez Macron et on ne s’en plaint pas du tout ».

« Maintenant, il faut que cela se concrétise dans les urnes »

Dans la salle, militants et sympathisants de gauche partagent cet enthousiasme. « En élisant les députés de la Nupes, le peuple sera enfin entendu. On va y arriver, j’en suis convaincu », affirme Yannis, un aide-soignant de 49 ans. Le rassemblement de la gauche est aussi applaudi : « C’est très positif surtout que le programme est vraiment un programme de rupture », salue un participant tandis qu’à quelques mètres Olivier assure que pour lui l’objectif est « d’au moins éviter que Macron n’obtienne une majorité absolue ».

« On a subi pendant 5 ans, on a beaucoup dit qu’on avait la gauche la plus stupide du monde parce qu’on n’était pas en capacité de se parler. Mais l’union, ça y est, c’est fait », reprend en écho depuis l’estrade de la salle Olympe de Gouges la candidate PS Dieynaba Diop.

À Paris l’union reste parfois compliquée. La capitale compte la seule circonscription où le PS soutient officiellement une candidate dissidente, Lamia El Aaraje, alors que l’accord a investi l’insoumise Danielle Simonnet. Venue des Yvelines, Gina, une intérimaire de 27 ans, note cependant que « sur le terrain tout le monde est mobilisé : communistes, insoumis, écologistes, socialistes et même des militants du NPA ». « L’ambiance est extraordinaire, on sent qu’il y a une vraie dynamique. Maintenant, il faut que cela se concrétise dans les urnes », abonde un militant écologiste de la 8e circonscription de Paris.

« L’enjeu, c’est le quatrième bloc »

Car tous ont bien conscience que tout dépendra de la mobilisation… des électeurs. Alors que la présidentielle a dessiné un paysage où 3 blocs font jeu égal (LaREM et ses alliés, le RN et la gauche), « l’enjeu, c’est le 4e bloc » soit les 12 millions d’abstentionnistes, martèle Jean-Luc Mélenchon estimant que  « si les gens pensent qu’on peut gagner, ils vont descendre par paquets, par grappes, par wagons, de tous les côtés ils arriveront ».

Le leader de la France insoumise estime que « si les gens pensent qu’on peut gagner, ils vont descendre par paquets, par grappes, par wagons, de tous les côtés ils arriveront » pour voter pour la Nouvelle Union.

Chloé, une étudiante de 21 ans, elle, a franchi le pas peu avant la présidentielle puis : « Je me suis rendu compte que les législatives sont tout aussi importantes », confie-t-elle. Si les sondages annoncent pour l’heure une forte abstention (au-delà des 51,3 % de 2017), notamment des jeunes, ils sont 71 % des moins de 35 ans, selon Ipsos, à estimer que la volonté de conquérir Matignon affichée par la Nupes permet de susciter davantage d’intérêt pour les législatives.

« On n’est pas là pour témoigner ni grappiller quelques postes, on est là pour gagner et changer la vie. Cette campagne rencontre un succès qui va au-delà de nos espérances. Ce rassemblement attendu par tant de gens, depuis tant d’années fait que l’espoir renaît », croit aussi Julien Bayou qui en profite pour lancer un malicieux « La République, c’est nous ».

Ce n'est pas une question de principe

Et pour la Nupes, l’urgence se mesure au nombre de voyants passés au rouge. «  Plus le temps passe, plus le débat se clarifie, assure Ian Brossat, dans les travées. Gilles Le Gendre a promis un ‘’tapis de bombes’’ si la majorité actuelle est reconduite. En clair : soit on choisit la stagnation des salaires et la retraite a 65 ans, soit on choisit le camp du progrès social », résume le porte-parole du PCF, renvoyant au programme de la gauche et à ses 650 mesures dont l’augmentation des salaires et la retraite à 60 ans.

Pour beaucoup, c’est loin d’être une question de principe : « Je viens d’un milieu populaire, raconte un jeune alternant, l’augmentation des minima sociaux comme du Smic à 1 500 euros permettraient vraiment d’améliorer la vie de mes parents. » « Depuis cinq ans ils nous ont menti, tous les jours sur tous les sujets et ils veulent recommencer », embraye au micro Céline Malaisé, candidate PCF face à la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire : «  en guise de mesure pour le pouvoir d’achat, ce gouvernement intérimaire nous annonce en fanfare le maintien du bouclier tarifaire. Mais qu’apprend-on finalement ? Que le blocage n’est que temporaire et sera rattrapé en 2023 », poursuit-elle.

Le revirement de Roux de Bézieux

Côté redistribution des richesses, le programme de la Nupes ne passe pas inaperçu, note également Jean-Luc Mélenchon qui s’amuse du changement de ton du président du Medef. En février, Geoffroy Roux de Bézieux jugeait le candidat FI d’alors «  prêt à gouverner ». S’il prédisait qu’en cas de victoire les patrons arrêteraient « d’embaucher, d’investir », il estimait aussi que ce ne serait «  pas le chaos comme certains le disent ». Et voilà que ce mercredi il le juge « prêt à mener la France dans le chaos ».

L’inquiétude montée d’un cran du patron des patrons est jaugée comme un signe encourageant de plus par le prétendant à Matignon qui rappelle tout de même : « Il dit qu’on taxe tout le monde. Mais non jusqu’à 4 000 euros de revenus personnels, vos impôts vont baisser mais les 5 (plus grosses fortunes, NDLR) qui ont autant que 27 millions c’est clair ils vont nous voir arriver ».

Sur le ton humoristique, le message à l’adresse des chefs d’entreprise se veut tout aussi clair : « Aucun entrepreneur ne renoncera à servir un consommateur. Par conséquent je n’ai pas une seconde de doute sur le fait que de toute façon ils feront ce qu’il y a lieu de faire. Mais si vous m’agacez trop, je suis obligé de vous dire que je me suis aperçu que le déficit de l’État est de 150 milliards et que c’est exactement la somme qui leur a été donnée en crédit d’impôt… »

Pouvoir d’achat en berne, sécheresse, hôpitaux et éducation au bord du gouffre, recul de la démocratie… « On a une occasion extraordinaire de tourner la page », insiste le chef de file de la Nupes, promettant des « mesures d’urgence mais aussi des mesures plus en profondeur » pour la « bifurcation écologique et sociale ».

Des propos qui font écho parmi ceux qui vivent au quotidien le désastre engendré par la « start-up nation » : « Je travaille dans un hôpital psychiatrique et, à force de lits fermés et de médecins en moins, des patients qui en ont pourtant besoin doivent attendre 6 mois avant un premier rendez-vous, pour les enfants c’est même jusqu’à 2 ans », raconte Olivier. Si Jean-Luc Mélenchon ne peut assurer « du jour au lendemain » d’un changement total  « de paradigme », il s’y engage : « du jour au lendemain nous ferons cesser l’enfer ».


 

Justice. Deux décisions attendues vendredi

Le Conseil d’État se prononce vendredi sur le refus du ministère de l’Intérieur d’attribuer le label « Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) » aux candidats investis par le rassemblement de la gauche, qui a déposé un recours. Les partenaires de la Nupes dénoncent une manœuvre politique visant à diviser les scores de la gauche entre FI, PS, EELV et le PCF, alors même que le nuancier politique diffusé aux préfets autorise les candidats de la majorité présidentielle à se présenter sous la dénomination « Ensemble », qui rassemble LaREM, le Modem, Horizons, etc. Problème : l’appellation « Ensemble » est aussi le nom de la formation de Clémentine Autain créée en 2013. La députée FI et candidate Nupes en Seine-Saint-Denis a donc intenté une action en justice au tribunal judiciaire de Paris, pour faire interdire le nom de la coalition macroniste, qui rendra aussi son verdict vendredi.

 

 

 

 

Meeting parisien de la Nupes : pour les jeunes militants, l'espoir au bout des législatives

sur www.humanite.fr

Jean-Luc Mélenchon a renoué avec l'exercice du meeting, mercredi soir à Paris pour galvaniser les troupes de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), à douze jours du premier tour des législatives. L'Humanité s'est glissé dans le rassemblement avec de jeunes militants afin de recueillir leurs sentiments.

Le meeting a eu lieu dans une jauge plus modeste qu'à la présidentielle. Mais 1 500 personnes se sont tout de même pressées à la salle Olympe de Gouges dans le XIe arrondissement de Paris, certaines ayant même dû rester suivre le meeting sur un écran placé à l'extérieur.

Plusieurs candidats à Paris étaient présents, du secrétaire national d'EELV Julien Bayou à l'antispéciste Aymeric Caron en passant par la communiste Céline Malaisé.

"Le plus important aujourd'hui, c'est l'écologie et c'est le seul mouvement qui peut nous donner de l'espoir", nous explique Léonie, étudiante en science politique à l'université Panthéon-Assas avant d'ajouter : "Pour nous jeunes qui avons connu les mandats de Sarkozy, Hollande et Macron, c'est réellement une source d'espoir."

La dynamique des gauches rassemblées

Jean-Luc Mélenchon, qui depuis quelques semaines savoure la dynamique des gauches rassemblées, a livré un discours passionné, versant dans le stand-up humoristique à certains moments.

Pour Quentin Gidoin, salarié à la Bibliothèque Nationale de France, actuellement au cœur d'un mouvement social : "J'ai envie d'y croire, je fais parti d'une génération qui a souvent subi les élections les unes après les autres avec cette gauche qui répondait aux logiques libérales et je suis heureux ce soir d'être là."

La Nupes au coude-à-coude avec LaREM

Si la Nupes est au coude-à-coude avec LaREM et ses alliés sur le total national des voix, autour de 28%, selon les projections des sondeurs, le chef des Insoumis explique : "Notre point haut est supérieur à leur point bas." Or "si les gens pensent qu'on peut gagner, ils vont descendre voter par paquet, par grappe, par wagon", a assuré le tribun insoumis, suscitant des "On va gagner" sonores dans la salle.

"C'est le programme le plus construit aujourd'hui, qui permet de traiter l'ensemble des sujets sur les conditions de travail, sociales et démocratiques mais également écologique", tient à souligner Léa Catala, salariée à la ville de Paris. La jeune militante précise : "Mélenchon 1er ministre, c'est aussi pour lutter contre l'abstention, donc oui ça me donne de l'espoir".

LFI, EELV, PS, PCF, Générations, "nous nous sommes rassemblés pour dire au pays, nous sommes une alternative si vous avez compris que ça ne peut plus durer comme c'est là", a déclaré Jean-Luc Mélenchon.

Or il y a urgence, a-t-il exhorté, car "l'Etat s'effondre autour de nous" : école et hôpital en difficulté, montée de la pauvreté, "inaction climatique" et même "pour assurer la tranquillité d'un match de foot".

Processus démocratique

"Déjà j'ai apprécié qu'on ait un meeting de cette taille pour les élections législatives. Il n'y a pas que l'élection présidentielle, il y a aussi une Assemblée nationale qui a son importance dans le processus démocratique", nous explique Rémi, étudiant en conception de jeux vidéos.

"Sa stratégie est intelligente mais le “Jean-Luc Mélenchon Premier ministre” ne doit pas effacer ceux qui ne sont pas fans de la première heure", observe Ian Brossat, ancien directeur de campagne du candidat communiste Fabien Roussel.

Julien Bayou confie pour sa part être "agréablement surpris" du fonctionnement de la Nupes : "C'est fluide dans la coordination, ça prend sur le terrain, on a fixé quelques grands axes de campagne et chacun a ses manières de communiquer."

Giovana Gravier, étudiante en Communication souligne : "On a senti le besoin de s'engager, c'est nous le futur et ce programme correspond à nos convictions."ne de texte >>

 publié le 2 juin 2022

Taxation des superprofits des groupes d’énergie :
le débat interdi
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Martine Orange sur www.mediapart.fr

Face à l’envolée des prix de l’énergie, les gouvernements anglais, espagnol et italien ont décidé d’imposer une taxe exceptionnelle sur les superprofits des groupes d’énergie. Le gouvernement français exclut de le faire. Pis : son bouclier tarifaire revient à subventionner TotalEnergies et Engie.

Le tête-à-queue a été spectaculaire. Après avoir bataillé pendant des mois contre la mesure jugée « contreproductive et menaçant l’innovation », le ministre britannique des finances Rishi Sunak s’est brutalement ravisé le 26 mai : le gouvernement britannique a décidé de taxer à hauteur de 25 % les profits exceptionnels réalisés par les groupes d’énergie.

La mesure s’inscrit dans le cadre d’un plan de soutien aux ménages de 15 milliards de livres (17,6 milliards d’euros). Alors que les ménages voient leurs factures s’envoler, épargner de toute contribution les groupes d’énergie, au moment où ils affichent des profits insolents, est apparu politiquement intenable pour le gouvernement de Boris Johnson. Selon les calculs du gouvernement, la taxe sur les superprofits devrait rapporter quelque 5 milliards de livres, soit le tiers du plan de soutien.

La Grande-Bretagne ne fait que rejoindre une liste de pays européens qui ont décidé eux aussi de taxer de façon exceptionnelle et provisoire les superprofits des groupes d’énergie. Dès septembre 2021, au moment où les prix du gaz et de l’électricité commençaient à flamber, le gouvernement espagnol avait instauré un impôt exceptionnel sur les groupes d’énergie, afin qu’ils participent au financement de l’allégement de la TVA sur les factures d’électricité décidé pour diminuer le coût de l’énergie.

En janvier, le gouvernement de Mario Draghi avait introduit déjà un impôt exceptionnel de 10 % sur les profits des groupes d’énergie, afin d’aider l’État dans le financement de son plan d’aide aux ménages. Fin mai, il a révisé à la hausse cette mesure : la taxation exceptionnelle sur les groupes d’énergie va être portée de 10 % à 25 % dans le cadre d’un programme de soutien de 14 milliards d’euros pour faire face à l’envolée des prix de l’énergie.

Partager les coûts de l’inflation

Alors que ces gouvernements différents, peu suspects « de dérives vénézuéliennes », en sont tous arrivés à la conclusion que les groupes d’énergie devaient être aussi mis à contribution, la question n’est jamais abordée en France. Pis : le débat semble tout simplement interdit.

À entendre le gouvernement, tout a déjà été arbitré. Et bien arbitré. Entre le chèque énergie pour les ménages les plus pauvres, le bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité, la remise de 18 centimes sur chaque litre d’essence depuis avril… tout a été mis en œuvre, selon lui, au plus tôt pour assurer le pouvoir d’achat des Français. Il n’y a rien à toucher ou revoir, même si l’environnement n’a cessé d’empirer depuis.

Dans une conjoncture qui a de plus en plus des allures d’une économie de guerre, avec ses pénuries, ses flambées des prix, la question de savoir comment est assurée la répartition des coûts de l’inflation, si chacun y prend sa part, est pourtant plus que légitime. Pour l’instant, ce sont les finances publiques qui sont sollicitées et EDF, auquel le gouvernement a imposé d’assumer l’essentiel du coût du bouclier tarifaire sur l’électricité.

Rien, en revanche, n’a été demandé aux autres groupes. Le constat concerne en premier chef TotalEnergies et Engie. Et il n’est toujours pas question de leur imposer une taxe exceptionnelle, alors qu’ils affichent des profits vertigineux.

Après avoir enregistré un résultat net de 16 milliards de dollars (14,9 milliards d’euros) en 2021, le groupe pétrolier et gazier a annoncé un résultat net (après une provision de 4,1 milliards pour ses activités en Russie) pour le premier trimestre de 4,9 milliards de dollars (contre 3 sur la même période de 2021). Engie de son côté a vu son résultat opérationnel bondir de 76 % au premier trimestre pour atteindre 3,5 milliards d’euros.

Reprenant à son compte les arguments mis en avant par les énergéticiens lorsque l’idée d’une taxation exceptionnelle avait commencé à émerger l’été dernier, le gouvernement assure qu’une taxation même exceptionnelle nuirait aux investissements et à l’innovation au moment même où la transition énergétique appelle une mobilisation massive de capitaux.

La même défense avait été utilisée par le ministre britannique des finances pour balayer la proposition il y a encore quelques semaines. Aujourd’hui, les groupes d’énergie sont d’ailleurs obligés de reconnaître que les effets sont beaucoup moins importants qu’annoncé dans cette période de rente exceptionnelle. Ainsi, l’électricien italien Enel qui travaille également en Espagne a reconnu début mai que la taxation décidée dans ces deux pays « avait un impact négligeable sur ses résultats en Espagne ». Il chiffre à 100 millions d’euros l’augmentation de la taxation sur ses profits en Italie.

TotalEnergies : toujours zéro impôt en France

Imposer une surtaxation exceptionnelle à un groupe comme Total reviendrait en fait à priver des impôts qui leur sont dus des pays comme le Nigeria où le groupe exploite des gisements, expliquait récemment Xavier Timbeau, économiste à l’OFCE. La rente pétrolière devant, selon lui, revenir aux pays producteurs. Ceux-ci taxent déjà autour de 60 % en moyenne les profits tirés de l’exploitation de leurs gisements de pétrole et de gaz.

Cette objection légitime n’a pas été retenue par l’Italie et l’Espagne, dont les groupes énergétiques sont dans une situation comparable à des groupes français. Mais même en la prenant en considération, il reste les autres activités. TotalEnergies a des raffineries, des centres de distribution, des stations-service, des activités gazières et des ports méthaniers en France. Selon nos informations, les marges de raffinage par exemple n’ont jamais été aussi élevées. Alors qu’elles tournent en moyenne autour de 30 euros la tonne, elles dépassent aujourd’hui les 100 euros la tonne.

Mais par des circonstances inexplicables, malgré toute son emprise sur le territoire, les activités de TotalEnergies ne gagnent jamais d’argent en France. Selon son rapport « Tax transparency », dans lequel le groupe indique ses résultats et son niveau d’imposition pays par pays, le groupe a perdu 1,12 milliard de dollars (1,05 milliard d’euros) en France en 2020. Non seulement il n’a pas payé d’impôt sur les sociétés mais l’État lui a remboursé 255 millions. « En raison de trop-perçu », explique le service de communication. Une habitude manifestement puisqu’en 2019 le fisc français lui avait déjà reversé 139 millions de dollars.

L’esquive du gouvernement se comprend dès lors plus aisément : celui-ci n’a sans doute guère envie que ses petits arrangements concoctés dans ses arrière-cuisines fiscales soient mis en lumière. Comment parler d’une surtaxation sur les profits exceptionnels des groupes énergétiques, si le principal d’entre eux en est exclu ? Grâce au jeu des règles fiscales, conventions, rescrits et autres impôts mondialisés, tout a été fait depuis des années pour que TotalEnergies ne paie jamais d’impôt sur les sociétés en France.

Ce qui vaut pour le géant pétrolier concerne dans une moindre mesure Engie. L’ancien groupe public bénéficie lui aussi d’un régime fiscal très favorable. Les pertes qu’il a accumulées ces dernières années en raison de décisions stratégiques désastreuses lui permettent de bénéficier d’une addition de déficits fiscaux qui viennent minorer les impôts sur les sociétés pour toutes les années à venir, même les plus fastueuses. Engie là encore doit garder des réserves pour investir et se développer, selon la doctrine du gouvernement. Ce qui ne l’a pas empêché, même dans les années où il affichait des pertes comme en 2020, de distribuer de substantiels dividendes à ses actionnaires, dont l’État, en allant puiser dans ses réserves.

Subventions

Ne pas taxer les superprofits des groupes d’énergie est déjà une chose. Mais le gouvernement a fait mieux avec ses dispositifs censés préserver le pouvoir d’achat des ménages : il les subventionne.

Lorsqu’en janvier il a décidé de mettre en place le bouclier tarifaire sur l’électricité, il a demandé à EDF d’en supporter l’essentiel du coût par un moyen simple : le groupe public doit mettre à disposition de ses concurrents une partie supplémentaire de sa production électrique à un prix fixe de 48 euros le MWh quand ce dernier oscille entre 200 et 300 euros sur le marché spot. Engie et TotalEnergies, qui sont devenus les concurrents directs d’EDF, en sont les premiers bénéficiaires. Le surcoût à l’époque a été chiffré par la direction de l’entreprise publique à 8,2 milliards d’euros.

Mais c’était avant qu’EDF avoue son accident industriel d’une ampleur sans précédent : un réacteur nucléaire sur deux est aujourd’hui à l’arrêt, soit pour des raisons de maintenance, soit pour des visites décennales, soit en raison de préoccupants problèmes de corrosion. Fin avril, 30 GW étaient seulement disponibles, contre 40 à 45 GW en temps normal à cette période. Pour combler la différence, le groupe public est obligé d’acheter sur le marché au prix fort l’électricité pour répondre à ses propres besoins. Alors que tous les moyens financiers du groupe devraient être alloués pour lui permettre d’assurer sa production et ses missions de service, le groupe se retrouve à devoir en distraire une partie pour financer ses concurrents.

Aucun contrôle ni aucune contrepartie n’ont été exigés auprès des bénéficiaires de cette subvention publique. Le gouvernement n’a aucune assurance que ces aides seront reversées aux ménages. L’augmentation des litiges enregistrés par le médiateur de l’énergie pour hausses exorbitantes des factures d’électricité fait craindre un dévoiement du dispositif. Mais le gouvernement n’en tire aucune conséquence. Il reste arc-bouté dans sa logique d’offre, incapable d’imaginer un autre partage des charges qu’une socialisation des pertes et une privatisation des profits, qui conduira inexorablement à présenter la facture aux ménages. D’une façon ou d’une autre.


 


 

Taxer les superprofits du gaz et du pétrole :
qu’est-ce qu’on attend ?

par Anne-Claire Poirier sur https://vert.eco/

Faire profit bas. Avec la flambée des cours, les grands groupes énergétiques enregistrent des profits records tandis que des millions d’Européen·nes basculent dans la précarité. Portée par un nombre croissant d’institutions internationales, l’idée de taxer les uns pour aider les autres fait son chemin malgré la mauvaise volonté de certains gouvernements.

Le malheur des uns… La reprise économique post-Covid et les prémices de la guerre en Ukraine ont fait les bonnes affaires des majors pétrogazières en 2021. Profitant de la flambée des cours du gaz et du pétrole, TotalEnergies a ainsi annoncé en février un bénéfice inédit de 14 milliards d’euros pour l’exercice 2021. Idem pour son confrère anglo-néerlandais Shell qui a empoché 18,8 milliards d’euros ou le britannique BP et ses 7,1 milliards. Moins outrancier, le français Engie a tout de même enregistré 3,7 milliards d’euros de bénéfices.

La situation actuelle laisse présager d’autres records pour les énergéticiens puisque les tensions se sont désormais propagées à l’ensemble des cours de l’énergie. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), « les conditions actuelles du marché pourraient conduire à des bénéfices excédentaires allant jusqu’à 200 milliards d’euros dans l’Union Européenne en 2022 ».

Dans le même temps, la hausse inédite des factures d’énergies – +25% en moyenne en 2021 selon Eurostat – a mis en difficulté des millions d’Européens. Selon le Réseau action climat, 80 millions d’entre eux seraient prêt·es à basculer dans la précarité. En France, où la hausse des prix des produits énergétiques a atteint 28% en mai, selon l’Insee, les signaux indiquant une précarisation grandissante de certains foyers se multiplient. D’après les chiffres collectés par le Médiateur national de l’énergie, les interventions pour impayés de factures ont ainsi frôlé les 800 000 en 2021, soit un bond historique de 17%. D’autre part, 25% des consommateur·rices interrogé·es ont déclaré avoir rencontré des difficultés pour payer leurs factures de gaz ou d’électricité en 2021. Elles et ils étaient 18% l’année précédente. Du reste, les centres communaux d’action sociale (CCAS) ont ressenti cette vague de détresse et signalé à l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) une hausse des demandes d’aides au paiement des factures.

La Commission européenne, l’AIE et même l’OCDE (l’organisation de coopération économique des pays développés) ont suggéré aux États européens de mettre en place un prélèvement exceptionnel sur les surprofits des grands groupes d’énergie afin de financer les mesures de soutien aux ménages, et plus généralement la transition énergétique. Jusqu’ici, la plupart des gouvernements font la sourde oreille, à commencer par la France. D’abord seule à passer le pas, l’Italie a été rejointe par la Hongrie puis par le Royaume-Uni. Le gouvernement de Boris Johnson a cédé face à la volonté populaire et annoncé une taxe de 25% sur les bénéfices des producteurs de gaz et de pétrole. Elle pourrait rapporter jusqu’à 5,8 milliards d’euros, directement affectés au budget du programme Cost of living (coût de la vie), un nouveau plan d’aides destiné à compenser l’inflation subie par les ménages modestes.

En France, le gouvernement a indiqué avoir déboursé 30 milliards d’euros dans des mesures à larges spectres (c’est-à-dire non ciblées sur les ménages les plus pauvres), telles que le bouclier sur les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité ou la ristourne de 15 centimes d’euros à la pompe. Les aides aux plus modestes (prime inflation de 100 € et bonification de 100 € du « chèque énergie ») ont cruellement manqué d’efficacité jusqu’ici.

Le gouvernement exclut fermement de taxer les superprofits des entreprises énergétiques, mais a tout de même mis à contribution les acteurs des énergies… décarbonées. Il a ainsi contraint EDF à céder de l’électricité issue du nucléaire à prix cassé aux fournisseurs alternatifs, afin de limiter la hausse des factures. L’énergéticien estime le manque à gagner à huit milliards d’euros. D’autre part, le gouvernement prévoit de récupérer quelques milliards d’euros auprès des producteurs de solaire et d’éolien (Les Échos). Grand prince, TotalEnergies a décidé de son propre chef d’accorder un chèque gaz de 100 euros à 200 000 de ses client·es les plus précaires et une ristourne de dix centimes à la pompe dans ses stations-services situées en zone rurale. Coût estimé de la manœuvre : 50 millions d’euros. Soit un 280ème des bénéfices réalisés en 2021.

publié le 1° juin 2022

Urgences saturées,
une politique de la santé intenable

Sasha VERLEI sur https://altermidi.org/

L’hôpital public est à saturation. 120 services d’urgence sont contraints de fermer leurs portes ou de s’y préparer. Des soignants alertent sur les conséquences graves à l’approche de l’été et appellent le gouvernement à prendre au plus vite des mesures efficaces.

La dégradation des hôpitaux publics n’est pas récente, « elle est la conséquence des politiques d’austérité depuis des décennies », comme le souligne le collectif inter-hôpitaux. La désorganisation et les conditions de travail qui en découlent n’ont fait qu’empirer, provoquant des départs en cascade.

Les associations d’urgentistes, syndicats et collectifs inter-hôpitaux, qui alertent depuis plusieurs années, n’obtiennent pas de réponses efficaces de la part du gouvernement. L’arrivée des congés d’été, alors que la situation est déjà très critique en matière d’hospitalisation et de capacité de fonctionnement des urgences, fait plus qu’inquiéter. Le Pr Rémi Salomon, président de la conférence médicale des Hôpitaux de Paris (AP-HP) explique à francetvinfo qu’« il y a un risque imminent de rupture d’accès aux soins. C’est déjà en train de se produire et ça risque de s’aggraver de manière assez considérable pendant l’été, au moment des congés ». Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes hospitaliers de France (AMUHF) accuse les pouvoirs publics de vouloir « créer une situation de chaos pour fermer des structures ».

Dans toute la France, les équipes sont épuisées physiquement et psychologiquement, les arrêts maladie se succèdent et des services ferment par manque de personnel. « Des milliers de postes sont vacants, de lits et de blocs opératoires fermés », témoigne le collectif inter-hôpitaux dans un communiqué.

 Urgences : de nouvelles fermetures et limitations d’activité

Au moins 120 services d’urgence limitent déjà leur activité ou s’y préparent (« délestages » sur d’autres hôpitaux, accès filtrés par les Samu). Selon une liste établie par l’association Samu-Urgences de France (SudF) que l’AFP s’est procurée, cette démarche doit toucher pratiquement 20 % des quelque 620 établissements — publics et privés — hébergeant un ou plusieurs services d’urgences. Aucun territoire n’est épargné, 60 départements dans toutes les régions, sans compter la Corse, les Antilles et la Guyane et 14 des 32 plus gros hôpitaux français (CHU et CHR) figurent sur cette liste.

Quelques exemples, le CHU de Bordeaux n’accueillera désormais que les cas jugés « graves », entre 20h00 et 08h00 et préalablement confirmés par le 15. Pour combler le manque de personnel, le service avait déjà fermé 8 des 20 boxes aux urgences, précise le Pr Philippe Revel, chef de service, à Sud-Ouest. À Grenoble, le syndicat des médecins hospitaliers SNMH-FO craint un « risque de fermeture » la nuit « à très court terme » car « de nombreux médecins quittent le service ». À Chinon (Indre-et-Loire), « l’activité des urgences est carrément suspendue depuis mercredi car la plupart des infirmières du service sont en arrêt maladie et la maternité n’assure plus les accouchements », écrit la Dépêche. La liste est malheureusement loin d’être exhaustive.

 Accès aux soins : perte de temps = perte de chance

Côté patients, les témoignages sont nombreux et ils confirment les alertes des soignants de l’hôpital public. Accidents, crise d’asthme, douleurs abdominales, Covid… l’attente pour les soins peut durer jusqu’à 10 heures lors des pics et la situation est pire dans les territoires d’Outre-mer.
Les malades sont alignés sur des brancards dans les couloirs, les salles d’attente sont bondées. Le personnel est débordé entre soins et recherche de lits vacants. Des patients estimés en état d’aller consulter ailleurs, sont renvoyés après passage devant un infirmier. le but est de « réguler », de se décharger des cas les moins graves sur d’autres structures, urgences hospitalières et privées, SOS médecins et généralistes libéraux.

« Il va y avoir des morts, je ne fais pas les Cassandre, je ne cherche pas à faire peur, c’est juste une réalité. »

Si les urgences sont surchargées, c’est aussi car une prise en charge rapide par les cliniques privées ou par les médecins traitants n’est pas possible. « La médecine de ville, libérale, est en crise : il n’y a pas assez de médecins généralistes, donc les gens se tournent vers les urgences », explique à France 3 Centre-Val de Loire, Matthieu Lacroix, porte-parole des médecins urgentistes en grève d’Orléans.

Qui plus est, les services d’urgence dans les cliniques privées se font rares et nécessitent d’avancer le tiers payant ou les dépassements d’honoraires pratiqués par les spécialistes.

Qui peut ignorer la difficulté d’accès aux soins à l’hôpital public ? Pour un rendez-vous avec un spécialiste ou pour des suivis médicaux (traitements, examens, etc.), il faut attendre des semaines voire plusieurs mois, toutes spécialités confondues, imagerie médicale ou chirurgie et de nombreuses déprogrammations d’opérations sont décidées pour libérer des lits.

« C’est l’ensemble de l’hôpital qui craque […] tous les dysfonctionnements à la fois de l’hôpital et de la ville arrivent aux urgences, on ne peut plus faire », explique Patrick Pelloux.

Pour l’urgentiste, les mesures prisent par le gouvernement, notamment le service de filtrage pour freiner la fréquentation des urgences, n’ont rien amélioré. Il prédit pour la période estivale « des décès inopinés et involontaires de patients » : « Il va y avoir des morts, je ne fais pas les Cassandre, je ne cherche pas à faire peur, c’est juste une réalité.» Car plus le délai de prise en charge est retardé, plus la perte de chance de survie ou la consolidation est importante.

Patrick Pelloux a d’ailleurs averti la nouvelle ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon, lors d’une réunion de crise le 20 mai dernier : les médecins et les personnels n’ont pas à porter devant la justice la responsabilité des conséquences de cette crise majeure sur les patients : « Il faudra que ce soit une responsabilité collective. L’État a comme responsabilité, dans les textes de loi, un service d’urgence ouvert H24. Ils ne le respectent pas. Quand ils ont signé le fait que tout Français devait être à moins de 30 minutes d’un service d’urgence, l’État ne le respecte pas. »

 Les raisons du renoncement des personnels hospitaliers

La fuite des personnels soignants s’est accéléré avec la crise du Covid 19 (défaut de matériel, écart de rémunération avec la médecine de ville, pas d’augmentation des permanences de soins ni sur la rémunération du travail de nuit, mutualisation des personnels, excès de bureaucratie…). Les conditions de travail épouvantables provoquent « isolement, peur de l’erreur, perte de l’estime de soi, déshumanisation et burn out », affirme le collectif inter-hôpitaux. « Regardons les choses en face : qu’ils soient infirmiers, aides-soignants ou médecins, les jeunes diplômés se projettent aujourd’hui partout ailleurs mais pas à l’hôpital public. » Les personnels se sont sentis abandonnés et le Ségur de la Santé est considéré par la majorité des personnels de santé comme un échec.

Quelles sont les solutions ?

Syndicats, associations et collectifs hospitaliers dressent une liste des solutions les plus urgentes : revoir un management axé « sur la rentabilité des services et l’humiliation », limiter la tarification à l’activité (T2A)1; faire revenir les médecins à l’hôpital : obliger les doyens des facultés à augmenter de 50 % le nombre d’étudiants reçus en première année de médecine; études : plus de places pour les étudiants infirmiers et médecins et plus de formateurs; revaloriser les gardes et le travail de nuit en créant une égalité de salaire pour tous; rémunérer les infirmières, les aides-soignants et les ambulanciers quand ils sont dans leur deuxième ou troisième année de formation; réintégrer le personnel non-vacciné contre le Covid 19; mettre en place des quotas de personnels nécessaires dans chaque unité de soin et des ratios de sécurité : 1 infirmier.ère pour 15 malades ce n’est plus possible (1 pour 4 à 1 pour 8 à l’étranger); embaucher du personnel essentiel, secrétaires, brancardiers, coursiers, logisticiens; restaurer une Sécurité sociale solidaire…

Par ailleurs, le collectif inter-hôpitaux souligne dans un communiqué de presse : « la stratégie actuelle est de pallier les déficits de personnels en payant une fortune des intérimaires non formés au détriment du personnel actuel peu valorisé. […] La piste qui vise à avancer le calendrier des diplômes, comme l’a suggéré la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) le 17 mai 2022 à Santexpo2, pour avoir des ressources pas trop tardivement dans l’été ne résoudra rien, les conditions de travail étant la cause des difficultés de recrutement. »

Pour Patrick Pelloux, « Rien n’est sorti » de la réunion avec Brigitte Bourguignon. Il ne s’agit pas de rééquilibrer entre la ville et l’hôpital comme le suggère le gouvernement, mais de travailler « ensemble dans le souci du service public et de l’intérêt général », souligne-t-il.

Vers un accès aux soins à deux vitesses

Malgré les difficultés budgétaires qui ont toujours existé et l’augmentation des fréquentations due à la crise sanitaire, l’hôpital ne doit pas devenir une entreprise qui ne serait accessible qu’à ceux qui en ont les moyens. « Le soin n’est pas une marchandise s’échangeant entre le public et le privé » et « le cri des soignants doit être entendu », proclame Philippe Bizouarn, médecin-anesthésiste réanimateur au CHU de Nantes, dans une tribune.

L’été s’annonce malheureusement plutôt sombre pour l’hôpital : fermetures, restrictions, soignants en congés, personnel intérimaire, afflux de touristes, canicule… Les délais d’accès aux soins augmentent d’autant plus que les services encore ouverts sont saturés. Si des mesures concrètes ne sont pas prises rapidement, ce seront les plus fragiles, les pauvres, mais aussi les malchanceux qui seront particulièrement touchés.

L’hôpital public s’éloigne de plus en plus de ses valeurs collective, sociale et humaniste, de son engagement dans l’accès aux soins pour tous les citoyens sans discrimination. Fondement de la société solidaire, s’il s’effondre « c’est le service public, le service rendu aux patients qui s’écroule », a déclaré Patrick Pelloux.

Pour aller plus loin, la santé physique et psychologique n’est-elle pas justement le fondement de la cohésion sociale, du bien-être, de la productivité et de la prospérité ? De bonnes relations et conditions de travail, un logement décent, la pratique d’un sport, une alimentation et un environnement sains, toutes ces données contribuent au maintien de notre forme et pourraient diminuer à l’avenir la fréquentation des hôpitaux.

Alors pourquoi ne pas changer de système pour un système préventif « qui ne rendrait pas  malade » ?

 

De 2005 à 2006, Jean Castex, directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, participe à la restructuration du système hospitalier et introduit la notion d’objectif, de rentabilité et de rationalisation des coûts. Il promeut la gouvernance administrative de l’hôpital et, notamment, la tarification à l’activité T2A qui va déshumaniser l’hôpital et en faire une usine à soins. À sa suite, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé de 2007 à 2010 (présidence Sarkozy, gouvernement Fillon) mettra en place la loi Hôpital Patient Santé Territoire (HPST) dite loi Bachelot, promulguée en 2009. La loi Bachelot a précipité l’hôpital dans un goulot d’étranglement, un hôpital étranglé par « un système devenu comptable », selon les termes du Chef de l’État en 2018.

publié le 1° juin 2022

Législatives.
La Nupes rêve de
jeunes enfin égaux

Cyprien Caddeo sur www.humanite.fr

La gauche coalisée promet de mettre en place « dès la rentrée 2022 » une allocation d’autonomie mensuelle de 1 063 euros pour les 18-25 ans en études ou en formation.

Un contraste. D’un côté, les affiches et autres tracts « Macron président des jeunes », slogan clinquant massivement distribué par l’organisation de jeunesse des marcheurs, les « Jam » (Jeunes avec Macron), pendant la campagne présidentielle et au-delà. De l’autre, les images, que chacun a encore bien en tête, de files d’attente de jeunes précaires qui n’en finissent plus de s’étendre, devant les banques alimentaires du pays, constituées en urgence face aux conséquences de la crise sanitaire.

Un jeune sur cinq vit en France en dessous du seuil de pauvreté (réévalué par l’Insee à 1 102 euros en novembre 2021) ; 16 % d’entre eux sont au chômage. Et les moins de 25 ans n’ont toujours pas accès au RSA. « Il y a en France une partie de la jeunesse qui a le droit de voter pour le président mais qui n’a pas le droit au minimum social », résume Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Ce n’est peut-être pas pour rien si le « président des jeunes » a été réélu en avril essentiellement par les plus âgés, réalisant ses meilleurs scores chez les plus de 65 ans.

Face à cela, les forces de gauche coalisées dans la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) souhaitent mettre en place « dès la rentrée 2022 » une allocation d’autonomie pour les jeunes, en cas de victoire aux législatives, les 12 et 19 juin. Son montant serait fixé à 1 063 euros mensuels, au niveau du seuil de pauvreté. Elle serait ouverte à tous les jeunes de 18 à 25 ans (voire 16 ans pour les lycéens en formation professionnelle), en études ou en formation.

« À 18 ans, on est majeur légalement, mais pas ce n’est pas vrai économiquement »

L’objectif ? Garantir aux jeunes les meilleures conditions d’apprentissage . « Le constat, c’est que de plus en plus d’étudiants issus des classes populaires sont contraints d’avoir un emploi en parallèle de leurs études, explique Emma Fourreau, elle-même étudiante, coanimatrice des Jeunes insoumis et candidate de la Nupes dans le Calvados. Or on sait que faire une double journée, c’est moins de temps consacré aux révisions, aux devoirs à rendre et au repos. C’est un facteur d’échec. Il ne peut y avoir d’égalité à l’université sans revenu d’autonomie. » La nécessité de travailler pour payer ses charges s’ajoute aux déterminismes sociaux qui pèsent déjà sur les milieux les plus défavorisés, qui ne peuvent profiter du même capital social, culturel et, évidemment, économique que les enfants de cadres supérieurs. Les plus favorisés n’ont pas à se poser la question d’avoir un travail à côté, un temps précieux dans un milieu de plus en plus compétitif après les réformes des dernières années.

À ceux qui n’accèdent jamais aux études supérieures, s’ajoutent aussi ceux qui abandonnent le marathon en cours de route, faute d’argent. Autant de compétences qui s’évaporent. « Le pays a tout intérêt à avoir la jeunesse la mieux formée possible ! clame Léon Deffontaines, secrétaire général du Mouvement jeunes communistes de France (MJCF). L’objectif à terme, c’est que chaque jeune soit en emploi ou en formation. » Parallèlement, les jeunes salariés profiteront d’autres mesures, comme la hausse du Smic à 1 500 euros et la revalorisation des rémunérations pour les alternances ou les apprentissages (ces derniers seront alignés sur le Smic complet).

La mesure reprend ce que proposent de longue date les organisations de jeunesse, comme les Jeunes communistes, chez qui elle s’est appelée « revenu étudiant », ou encore les syndicats lycéens ou universitaires. Imane Ouelhadj, présidente de l’Unef, salue ainsi une mesure qui va « dans le bon sens » : « Quand on est étudiant ou en formation, on est des travailleurs en devenir, donc utiles à la société. À 18 ans, on est majeurs légalement, de plein droit, mais ce n’est pas vrai socialement, ni économiquement. C’est un âge intermédiaire et de dépendance. La proposition de la Nupes nous semble être une mesure qui montre que les jeunes sont partie intégrante de la société, en tant que salariés en d evenir. »

D’autant que la situation reste tout aussi urgente qu’il y a quelques mois : « La crise sanitaire s’est relativement résorbée en termes de cas hospitalisés, mais ses conséquences économiques, elles, ne se sont pas résorbées, ­reprend Imane Ouelhadj . Or la contribution à la vie étudiante et de campus a augmenté à 95 euros au lieu de 92. C’est 3 euros qui font la différence dans un contexte d’inflation où le prix de l’alimentaire et des loyers augmente déjà. Sur les Crous, les loyers devraient être gelés mais les charges vont augmenter. » Et ce ne sont pas les éventuelles bourses qui suffisent à compenser cela : moins de 20 % des étudiants sont boursiers et plus de la moitié d’entre eux sont à l’échelon zéro bis, c’est-à-dire 1 042 euros sur dix mois, soit 100 euros par mois seulement.

Une mesure financée en partie par la hausse d’impôts sur les gros héritages

Alors, pourquoi ne pas simplement revaloriser les bourses en réformant les échelons ? L’allocation d’autonomie pour les jeunes soulève en effet une critique sur son caractère universel. Faut-il donner 1 063 euros à des jeunes qui ont des parents aisés pour assurer leurs arrières ? N’est-ce pas finalement donner de l’argent à des riches qui n’en ont pas besoin ? « L’idée est de considérer les jeunes comme des adultes autonomes et de troquer une solidarité familiale aléatoire et inégalitaire par une solidarité nationale, où personne n’est exclu du mécanisme, répond le communiste Léon Deffontaines. Un fils ou une fille de bourgeois aura le droit aussi à cette aide, mais par ailleurs ses parents auront payé plus d’impôts et davantage participé à la solidarité nationale qu’aujourd’hui. »

En résumé : à partir du moment où tout le monde participe, à hauteur de ses moyens, à l’effort fiscal, tout le monde a accès aux mêmes droits. Or, l’allocation d’autonomie pour les jeunes serait financée en partie par la hausse des impôts sur les gros héritages et la nouvelle fiscalité sur les entreprises. Prendre au capital pour assurer l’autonomie des travailleurs de demain : du Robin des bois dans le texte.

 


 

« Mille euros,
ça pourrait vraiment
changer mon quotidien »

Pablo Patarin sur www.humanite.fr

Bourses insuffisantes, absence de revenus, inflation, de nombreux jeunes ne s’en sortent plus. La mesure de la Nupes limiterait la pauvreté d’une tranche d’âge oubliée des allocations.

À Bastille, dans le 11e arrondissement de Paris, comme partout en France, la file d’attente pour l’aide alimentaire destinée aux étudiants est impressionnante. Trois fois par semaine, l’association Co’p1-Solidarités étudiantes propose aux jeunes de venir remplir leurs paniers de courses sans frais. Masques chirurgicaux, jus de fruits, serviettes hygiéniques : tous les produits de première nécessité y sont proposés. En raison de la faiblesse des bourses, d’une absence de revenus ou de l’inflation, de nombreux jeunes, précaires, viennent y chercher de quoi se sustenter. À l’image de Magalie, étudiante au conservatoire, pour qui cette aide est parfois la seule solution : « Avec 200 euros de CAF, sans bourse, c’est très compliqué. Venir ici me permet d’éviter de réclamer sans cesse à mes parents, qui ont aussi du mal à suivre. » Sur l’année 2020-2021, un étudiant sur deux estime ne pas avoir mangé à sa faim de façon répétée, d’après une enquête de l’association.

À l’aube des élections législatives, la Nouvelle Union populaire écologique et ­sociale (Nupes) promet à la jeunesse une allocation d’un peu plus de 1 000 euros par mois, dans l’objectif de résorber la pauvreté parmi une population peu considérée sous le dernier quinquennat. En 2021, l’Observatoire national de la vie étudiante révélait que 40 % des étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur travaillaient en parallèle de leurs études. Un « boulot » qui influence évidemment la réussite de leur parcours.

Afin d’éviter aux étudiants une telle précarité, la Nupes propose, sur les bases du programme de la France insoumise (FI), une « allocation d’autonomie » de 1 063 euros par mois qui s’appliquerait à tous les jeunes jusqu’à 25 ans. L’an passé, la FI avait déjà proposé une loi visant à étendre le RSA aux jeunes entre 18 et 25 ans, finalement refusée par la majorité.

Pour Samuel, étudiant en parfumerie et présent à l’aide alimentaire, ces 1 063 euros lui permettraient de vivre plus sereinement ses études : « Je ne viens pas d’une famille très à l’aise, et le loyer à Paris est très cher. Cette mesure m’aiderait. Et elle serait aussi utile à ma sœur qui rentre bientôt dans le supérieur. » Même son de cloche pour Magalie : « Je ne sais pas comment on peut mettre en place cette aide, mais je sais que j’y serai évidemment favorable. » D’autant que le taux de pauvreté des 18-25 ans est aujourd’hui près de trois fois plus élevé que chez les 65-74 ans. « C’est difficile de se concentrer sur ses études quand on doit constamment réfléchir à gérer son budget au centime près, estime Alma, étudiante en licence de psychologie. Mille euros, ça pourrait vraiment changer mon quotidien. »

Un droit à coupler au blocage des prix

Chef de file FI dans la 2e circonscription de Rennes et pressenti candidat aux législatives, Tao Chéret, lui-même étudiant en droit, s’est retiré dans le cadre des accords de la Nupes. Il estime que cette allocation pourrait être d’un grand secours : « Objectivement, on voit aujourd’hui que, pour les jeunes en difficulté financièrement, les bourses ne suffisent pas. Cette aide permettrait aux étudiants d’être vraiment autonomes de leur famille, de leurs patrons, pour se nourrir correctement et éviter les situations insupportables où l’on voit des centaines d’étudiants faire la queue pour l’aide alimentaire. » La mesure viendrait, ­explique-t-il, se coupler « au blocage des prix, par exemple. Le RSA, que l’on souhaite rehausser, viendrait prendre le relais ».

Si cette mesure va dans le bon sens à la quasi-unanimité, Alissa, du syndicat Solidaires étudiant-e-s, estime qu’elle reste insuffisante : « C’est encourageant, mais les étudiants et étudiantes ne peuvent pas payer un loyer et vivre décemment avec 1 063 euros, pas plus que les travailleurs et travailleuses. Cela ne suffira pas à abolir l’exploitation étudiante, les “petits boulots” avec des contrats précaires, qui sont l’une des principales sources d’échec à l’université. » Pour Solidaires, la solution viendrait plutôt d’un salaire étudiant, à hauteur du Smic, au minimum.


 

De l’audace
pour la jeunesse

  éditorial

Maud Vergnol sur www.humanite.fr

Comment oublier ces files interminables d’étudiants venus chercher de l’aide alimentaire pendant la crise du Covid ? Comment fermer les yeux devant une jeunesse la tête pleine de rêves mais les mains vides pour les réaliser ? La pandémie a dévoilé cette rupture de « la loi du progrès générationnel », selon laquelle, pour la première fois en temps de paix, une génération est confrontée à des conditions de vie plus mauvaises que la précédente. Ces vingt dernières années, une majorité de jeunes ont sombré dans la précarité permanente, abonnés au chômage, au temps partiel, à la galère quotidienne. Chez les 18-25 ans, un sur dix est aujourd’hui en situation de pauvreté, une progression de 50 % en seulement quinze ans ! 20 % des étudiants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Un logement indépendant ? Une ­véritable quête du Graal.

La manière dont la France traite sa jeunesse n’est pas à la hauteur de ce qu’un pays aussi riche devrait lui offrir. En la matière, de la sélection organisée par le dispositif Parcoursup aux emplois au rabais, l’autoproclamé « président des jeunes » a sévèrement failli. Emmanuel Macron s’est contenté de quelques pansements quand les inégalités qui fracturent cette tranche d’âge explosent, recréant une société d’héritiers, dans laquelle l’idéologie du succès, ersatz de la méritocratie républicaine, viendrait sauver les « bons pauvres » qui prendraient la peine de traverser la rue. Pire, quand le président de la République consent à parler de la jeunesse, c’est pour servir de caution à toute une série de reculs sociaux : retraites, baisse des dépenses publiques au nom de la dette… Autant de sales coups emballés dans le joli papier cadeau de l’équité intergénérationnelle.

À l’opposé, la gauche a compris que la jeunesse n’est pas un « problème à traiter » mais bien l’une des solutions aux crises que nous affrontons. Si la Nupes remporte les élections législatives, elle fera voter au Parlement la création d’une garantie d’autonomie de 1 063 euros, l’une de ses mesures phares en faveur de la jeunesse, qui doit redevenir le temps de la découverte, de l’expérimentation, de l’émancipation.

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