publié le 29 juin 2022
Maïa Courtois sur https://rapportsdeforce.fr
Face à l’augmentation des prix de l’énergie, du carburant et de l’alimentaire, les grèves pour des augmentations de salaires se multiplient comme une traînée de poudre dans les entreprises. Depuis la rentrée 2021, ces conflits sociaux vont en s’intensifiant, allant jusqu’à toucher des secteurs entiers, comme dans le transport. Au point de devenir un mot d’ordre inter-professionnel ?
Au sein de la SNCF, une nouvelle date de mobilisation pour les salaires est posée : ce sera le mercredi 6 juillet, partout en France, annoncent la CGT, Sud Rail et la CFDT. « Confrontés à une inflation croissante et à l’absence d’augmentation générale depuis 2014, les cheminots subissent un recul net et fort de leur pouvoir d’achat », rappellent les organisations syndicales dans leur communiqué commun. Elles demandent des mesures de rattrapage salarial pour absorber l’inflation, un report systématique de la hausse du SMIC sur l’ensemble de la grille, et une augmentation générale des salaires. Une demande de concertation immédiate sur ces questions avait été émise par ces syndicats, aux côtés de l’UNSA. Mais la direction « a refusé de recevoir les OS dans le cadre de cette démarche, en renvoyant les échanges à des réunions bilatérales en cours », selon elles.
Comme à la SNCF, toutes les grèves en cours dans les entreprises autour des salaires mentionnent l’inflation. Celle-ci devrait s’accélérer encore pour atteindre un taux de 6,8% en septembre, selon l’INSEE. L’augmentation des prix du carburant, de l’énergie et des produits de première nécessité devient difficilement soutenable pour des franges entières de travailleurs.
Depuis la rentrée de septembre 2021, des actions se multiplient donc pour dénoncer les salaires qui ne suivent pas. « On a un niveau de conflictualité sur les salaires jamais atteint auparavant » observe Boris Plazzi, secrétaire confédéral CGT. En charge de la question des salaires depuis une dizaine d’années, il assure : « je n’ai jamais vu ça, sur une période aussi longue ».
Ces luttes émergent dans des entreprises avec un fort écho dans leurs secteurs respectifs. Très souvent, la demande d’une augmentation de 300 euros sur le salaire mensuel revient dans les revendications. C’est le cas dans l’aéronautique, avec les deux sites de la commune de Figeac (Lot) : une grève illimitée au sein de Ratier ; et des débrayages réguliers chez Figeac Aéro. Ou encore, dans la commerce : une cinquantaine de grévistes ont débrayé au Chronodrive de Basso Cambo à Toulouse le 25 juin, revendiquant des augmentations salariales pour les travailleurs souvent jeunes et précaires de ce secteur. Un appel national a été lancé aux autres Chronodrive pour une nouvelle journée de grève le 9 juillet.
Vers des grèves pour les salaires sectorielles ?
SNCF, commerces, chimie, métallurgie, aéronautique, agro-alimentaire, territoriaux… Une multitude de secteurs sont donc concernés par ces grèves autour des salaires depuis la fin 2021. Quelques évolutions sont à noter, pour comprendre la séquence actuelle de ce printemps 2022. D’abord, « les revendications ne sont plus forcément catégorielles. Il y a l’idée qu’il faut augmenter les salaires de tout le monde, de l’ouvrier au cadre en passant par le technicien. Et ça, c’est de plus en plus fort depuis septembre », analyse Boris Plazzi, à partir des recensements effectués par la coordination des luttes de la CGT.
Ensuite, les grèves sortent parfois des enceintes des entreprises pour s’ancrer dans des secteurs entiers. « C’est un phénomène un peu nouveau, mais encore assez marginal », temporise Boris Plazzi. « Faire converger des luttes au sein des filières, cela demande du temps », ajoute-t-il. Certains exemples récents témoignent de cette tendance, même timide.
Dans l’énergie, par exemple. D’abord, il y a eu cette grève chez Total le 24 juin, inédite parce qu’elle regroupait tous les syndicats CGT de toutes les filiales françaises de la multinationale. « En 20 ans je n’avais jamais vu ça. Nous voulons envoyer un signal fort dans les filiales et même au-delà : dans la sous-traitance », assurait Benjamin Tange, délégué syndical central CGT à la Raffinerie des Flandres, à Rapports de Force. À partir de ce mardi 28 juin, la Fédération des mines et de l’énergie (FNME) CGT lance une nouvelle journée de grève dans l’ensemble du secteur, à peine un mois après une première mobilisation unitaire.
L’aérien, exemple symptomatique
Dans les transports, également, cette tendance à une lutte sectorielle pour les salaires est claire. Ce lundi 27 juin, les routiers ont fait parler d’eux, dans une grève portée par une intersyndicale (FO, CGT, CFDT, CFTC et CGC). « L’ensemble de la branche transport et logistique est smicardisée, ça ne peut pas continuer comme ça » martelait Patrice Clos, de FO Transport, à nos confrères de France Info.
L’aérien, enfin, est peut-être l’exemple le plus symptomatique. RyanAir, EasyJet, et d’autres compagnies low cost sont parcourues par des grèves autour des salaires (et d’autres problématiques comme le manque de personnel) dans plusieurs pays d’Europe, dont la France. À l’aéroport de Roissy, après une grève le 9 juin, les syndicats annoncent une nouvelle journée de mobilisation le 1er juillet. Toujours autour d’une hausse de 300 euros des salaires, et toujours en intersyndicale. « Chez Roissy, les salariés des entreprises sous-traitantes sont très nombreux à se mettre en grève aux côtés des salariés des donneurs d’ordre. C’est intéressant et nouveau », insiste Boris Plazzi.
135 branches non-conformes au SMIC
L’aérien, les transports, mais aussi les commerces, sont des secteurs « où les minimas de branche sont sous le SMIC. Donc ce n’est pas par hasard que ces grèves se multiplient », décrypte Luc Mathieu, secrétaire national de la CFDT.
Prenons le cas des routiers : les négociations annuelles obligatoires (NAO) d’octobre 2021 avaient débouché sur une revalorisation des grilles salariales de 6 %. Or, les revalorisations successives du SMIC indexé sur l’inflation – quatre fois entre 2021 et 2022 -, ont, depuis, fait passer les minima en dessous de celui-ci.
À ce jour, la CFDT recense 135 branches non-conformes au SMIC. « C’est particulièrement élevé », commente Luc Mathieu. Parmi les accords de branche étudiés par son syndicat, « seulement une trentaine contiennent des clauses de revoyure ». Ce qui repousse donc, pour tous les autres, d’éventuelles augmentations aux prochaines NAO.
Le gouvernement a présenté les contours d’un projet de loi sur le pouvoir d’achat. Les organisations syndicales ont reçu les documents vendredi dernier, et sont en train de les étudier de près. « Ces mesures vont dans le bon sens. La question c’est : est-ce que le curseur est au bon niveau ? Est-ce que ce sera suffisant ? » juge avec prudence Luc Mathieu. Le gouvernement recense, lui, 120 branches avec des non-conformités au SMIC. Parmi les mesures annoncées, l’article 5 présente « la fusion administrative des branches » comme une réponse à étudier face à ce problème. Le texte sera présenté en Conseil des ministres le 6 juillet.
Une rentrée sous le signe de la conflictualité
Au vu de la conjoncture socio-économique, « la situation va être de plus en plus conflictuelle dans les entreprises », prédit Luc Mathieu. D’autres secteurs, plus propices à se faire entendre à la rentrée que durant l’été, pourraient se mettre en mouvement en septembre.
De quoi faire monter en puissance les journées interprofessionnelles ? Pas si certain. « Là où ça se mobilise vraiment, c’est dans les entreprises. Très proche des travailleurs, très concret. Je ne pense pas que ces grèves porteront davantage des journées interprofessionnelles un peu fourre-tout », juge Luc Mathieu.
« À la rentrée, on va essayer de planter un grand mouvement de mobilisation, en intersyndicale, pour faire converger les luttes actuelles et celles à venir autour des salaires » défend de son côté Boris Plazzi. Le tout en continuant de structurer les grèves à la base, au sein même des entreprises. Car lui aussi estime qu’il faut « partir des préoccupations quotidiennes des salariés, si on veut construire un mouvement profond et ancré dans le pays ».
publié le 28 juin 2022
par Lucas Sarafian sur www.politis.fr
Les secteurs de la santé, de l'énergie, de l'audiovisuel ou des transports se mobilisent pour demander des augmentations de salaire et défendre leur secteur.
Cette année, la rentrée sociale a lieu plus tôt que prévu. Les différentes mobilisations n'ont pas attendu septembre pour se réveiller. Et ce jour est plus que symbolique : avec sa première séance publique, l'Assemblée nationale inaugure la XVIe législature de la Ve République. Après la grève des routiers hier, les salariés de l'audiovisuel public, qui regroupe France Télévisions, Radio France, le groupe France Médias Monde, Arte ou l'Ina, sont en grève et manifesteront à Paris ce mardi 28 juin.
En cause : la suppression de la redevance audiovisuelle prévue dans le texte de loi sur le pouvoir d'achat qui devrait être présenté en conseil des ministres le 6 juillet au profit d'un budget courant sur plusieurs années. En plus de cette menace pour le financement et l'indépendance du secteur, les syndicats craignent une fusion de plusieurs entreprises de l'audiovisuel public depuis qu'un rapport sénatorial des Républicains publié le 8 juin a émis cette hypothèse entre France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Ina.
Dans le secteur de la santé aussi, on se mobilise. Les soignants du CHU de Bordeaux, l'un des plus importants de France, sont appelés à une grève illimitée. « Point d'indice gelé », « primes aléatoires », « manque de recrutement », « fermeture des services », « externalisation galopante », « rappel illégal sur repos et congés »... Les syndicats dénoncent des conditions de travail difficiles ; ils réclament des augmentations de salaires et des embauches urgentes dans un secteur qui peine à recruter. Dans cet hôpital, l'accès aux urgences est filtré à partir de 17 heures depuis la fin du mois de mai à cause d’un manque de bras.
Cette mobilisation s'inscrit dans la vague de grèves qui touche le secteur comme celles qui affectent CHU de Toulouse depuis plusieurs semaines, ou le CHU de Grenoble-Alpes, contraint de fonctionner en mode dégradé. Elle s’étend au domaine de la psychiatrie publique qui se met en grève aujourd'hui car, selon les syndicats, elle n'est plus « en capacité d'assumer les missions de services publics qui sont les nôtres ».
En parallèle aux négociations salariales avec l'employeur, c'est une journée de mobilisation pour le secteur de l'énergie. La Fédération nationale Mines-Energie de la CGT appelle à la grève et au blocage des infrastructures gazières pour défendre les salaires et le service public de l'énergie.
Au sein de la SNCF, une grève nationale est annoncé le 6 juillet, jour d'une rencontre entre les syndicats et la direction de l'entreprise, pour la défense des salaires et du pouvoir d'achat. Comme de nombreux salariés mobilisés depuis plusieurs jours, les syndicats pointent « l'absence d'augmentation générale depuis 2014 ». Signe que les mobilisations sociales ne sont pas prêtes de s'éteindre.
publié le 26 juin 2022
Guillaume Bernard sur https://rapportsdeforce.fr/
Ce 24 juin, tous les syndicats CGT des entreprises du groupe TotalEnergies appellent à la grève pour exiger des augmentations de salaire. Un appel inédit puisque, dans ce groupe qui compte plus de 200 filiales en France, ces syndicats entrent habituellement en conflit en ordre dispersé.
Les luttes dans les raffineries ? On connaît. On en a parfois une image claire : celle d’ouvriers tenant un piquet de grève au bas de colossales structures métalliques. On sait aussi que leur détermination et leur capacité à tenir un mouvement dans la durée effraient souvent le patronat et les pouvoirs publics lors des grands conflits sociaux.
Mais au sein du groupe TotalEnergies – communément appelé Total – les raffineries ne sont que la face émergée de l’iceberg. La multinationale emploie 35 000 salariés en France et possède 200 filiales dans le pays. Parmi elles : la SAFT, spécialisée dans la conception de batteries à usage industriel, Hutchinson connue pour ses pneus ou encore Argedis, qui gère les stations services.
Lorsque les désaccords surviennent avec leurs directions, ces diverses filiales entrent habituellement en conflit en ordre dispersé. Mais ce 24 juin, la coordination des syndicats CGT de Total, qui regroupe l’ensemble des syndicats CGT du groupe, filiales comprises, appelle à une journée de grève. La décision a été prise le 9 juin, soit une semaine avant les élections professionnelles. « En 20 ans je n’avais jamais vu ça. Nous voulons envoyer un signal fort dans les filiales et même au-delà : dans la sous-traitance », assure Benjamin Tange, délégué syndical central CGT à la Raffinerie des Flandres. La journée
Une grève pour l’augmentation des salaires
La cause de la grève, comme bien souvent en cette période, c’est la question des augmentations de salaires. Pour les salariés du groupe Total, les dernières négociations annuelles obligatoires (NAO) remontent à janvier 2022. L’accord entre les syndicats et les dirigeants du groupe s’était alors conclu sur 2,35 % d’augmentation générale des salaires, avec un plancher de 1000 € annuels brut.
Mais l’inflation, elle, ne s’est pas arrêtée en janvier. « 2,35% d’augmentation, ce n’est clairement pas assez. Vu l’inflation actuelle, il faudrait que nos salaires augmentent de 5,2% sur un an rien que pour ne pas perdre de pouvoir d’achat », explique Benjamin Tange de la CGT, se fiant à la dernière estimation de l’inflation calculée par l’INSEE.
Les syndicat de la coordination CGT Total exigent donc que les salaires soient réhaussés à minima de 5,2%. Ils rappellent également deux exigences. Celle de leur confédération : un SMIC à 2000€ brut. Et celle du syndicat des avitailleurs – travailleurs ravitaillant les avions en kérozène – déjà en grève à l’aéroport de Roissy et affiliés à Total, qui exigent 300€ d’augmentation de salaire.
S’appuyer sur les luttes dans les filiales
C’est dans ce contexte que l’appel à la grève dans les filiales françaises de la multinationale prend tout son sens. En effet, ces entreprises concentrent les salariés les plus mal payés. A la SAFT, les ouvriers, qui travaillent en 2×8, « touchent en moyenne 1500 euros net ». Chez Argedis : « 80% des salariés touchent 1350€ net en travaillant dimanche et jours fériés », rappelle le communiqué de presse de la coordination des syndicats CGT du groupe Total.
Le mouvement du 24 juin peut aussi s’appuyer sur des luttes déjà existantes dans ces filiales. Chez Hutchinson, dans les usines où la CGT est majoritaire, comme à Segré (Maine-et-Loire), des « Vendredis de la colère » sont organisés pour exiger des augmentations de salaire. Des débrayages de 30 minutes à 2 heures chaque vendredi ont lieu sur site depuis novembre 2021.
Quel sera le résultat de cette première initiative collective des syndicats CGT de Total ? Difficile à dire pour l’instant : « Le 24 sera une première date. Ce jour-là on va se compter et voir quelle suite on donne au mouvement », programme Benjamin Tange. Les élections profe
Une goûte d’eau au vu des bénéfices
« Augmenter de 300 € brut tous les salariés de Total en France coûte 200 millions à Total. », chiffre Benjamin Tange. L’équivalent de quelques pièces jaunes dans le portefeuille de la multinationale, car elle cumule 4,1 milliards d’euros de bénéfices net au premier trimestre 2022 et aurait même atteint les 9 milliards de bénéfices si elle n’avait pas souffert de 4,9 milliards d’euros de dépréciation d’actifs , liés à la guerre en Ukraine. Total a également reversé 9 milliards d’euros de dividendes aux actionnaires en 2021. La CGT n’oublie pas non plus de rappeler que Patrick Pouyanné, PDG de Total, a augmenté de 52% la part variable de son salaire entre 2020 et 2022. TotalEnergies lui a ainsi versé 5,9 millions d’euros cette année, au titre de 2021.
52% d’augmentation…soit pile poil 10 fois plus que ce que les salariés de Total demandent pour que leurs payes puissent suivre l’inflation (5,2%). C’est bien sur ce sujet que la CGT prévoit d’interpeller le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, le 22 juin, lors d’un comité de groupe européen.
publié le 21 juin 2022
Ludovic Lamant sur www.mediapart.fr
Les trois grands syndicats du royaume ont défilé lundi dans les rues de Bruxelles, réclamant des mesures d’ampleur face à la flambée des prix. Dans leur viseur, une loi de 1996 qui freine l’évolution des salaires.
Bruxelles (Belgique)– Après une longue pandémie, puis l’irruption de la guerre en Ukraine, les syndicats belges viennent de rappeler au gouvernement fédéral l’urgence de la question sociale. Quelque 80 000 personnes selon les organisateurs (70 000 selon les forces de l’ordre) ont participé lundi 20 juin à une manifestation dans les rues de Bruxelles, dans une ambiance plutôt bon enfant, pour dénoncer le recul du pouvoir d’achat et l’inflation galopante.
« Une manifestation immense en Belgique, c’est 100 000 personnes. On savait qu’à la veille de l’été, ce serait plus compliqué. Réunir 80 000 personnes, c’est fabuleux », assure à Mediapart Thierry Bodson, président de la FGTB, la centrale socialiste. Une grève a aussi perturbé les transports et d’autres services publics dans le pays, tandis que l’aéroport de Bruxelles a été contraint de fermer ses portes pour la journée, en raison de la mobilisation du personnel de sécurité.
Aux alentours de la gare du Nord, d’où le cortège s’est élancé dans la matinée, il était facile de reconnaître les troupes des trois syndicats qui ont fait front ce lundi : le rouge pour les socialistes (FGTB), le vert pour les chrétiennes (CSC, majoritaire dans le royaume) et le bleu pour les libérales (CGSLB). « Il n’y a rien de surprenant à ce que les syndicats mobilisent en cette période, étant donné la poussée des prix. Ce qui est plus rare, c’est que les libéraux se joignent à leurs homologues et réalisent un véritable front commun », observe Caroline Sägesser, du CRISP, l’un des principaux instituts d’études politiques belges. La Banque nationale de Belgique anticipe un taux d’inflation à 8,2 % sur l’année en cours, dont un pic à 9,9 % atteint en mai.
Dans la foule, on entend chanter : « De l’argent il y en a / Dans les poches du patronat. » Des syndicalistes portent des casques arborant de mini-caddies à leur sommet. Des membres du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté réclament, plutôt qu’un pouvoir d’achat en berne, le « pouvoir de vivre ». Une autre pancarte : « Début du mois = fin du mois ! » Des militant·es du PTB, le parti du travail de Belgique, formation marxiste dans l’opposition, tractent à tout-va des affiches de leur leader, Raoul Hedebouw, une pompe à essence retournée sur sa tempe, barrées du slogan : « Bloquez les prix, pas les salaires. »
Sur le podium, Marie-Hélène Ska, secrétaire générale du syndicat chrétien, reprend ce qu’elle a déclaré quelques heures plus plus tôt dans un entretien à la Libre Belgique: « L’augmentation des salaires est complètement verrouillée, mais les dividendes et rétributions versés aux grands patrons, eux, ont crû de plus de 14 %. » Le libéral Olivier Valentin exprime la même indignation: « Pour les dividendes, c’est open bar ! »
Quelques pancartes évoquent la guerre en cours en Ukraine, certaines rêvant d’un retour rapide à la paix, d’autres relayant un message plus radical : « Leurs sanctions contre Poutine ? C’est racketter le peuple pour plus de profits ! » Parmi les collectifs les plus visibles du cortège figure celui des aides ménagères. Elles se sont fait connaître, depuis le début d’année, en aspergeant de mousse des rues et des édifices, pour réclamer des aides, alors que la hausse des prix du carburant grève d’autant leurs faibles revenus. « Nous n’avons pas eu le droit cette fois d’asperger de mousse le parcours du défilé, sourit Martine, la cinquantaine, une aide ménagère venue d’une petite ville du Limbourg, dans l’est du royaume. Mais nos revendications n’ont pas bougé. »
Des divisions au sein de la coalition au pouvoir
Le mot d’ordre de la manifestation, pour la défense du pouvoir d’achat, peut sembler bien flou. Mais la plupart de celles et ceux qui battaient le pavé lundi veulent faire tomber une loi précise : un texte de 1996 qui encadre l’évolution des salaires en Belgique, révisé une première fois en 2017 sous le gouvernement du libéral Charles Michel. D’après le barème prévu par cette loi, les coûts salariaux ne peuvent grimper que de 0,4 % en 2022.
La difficulté, pour les syndicats, est que les sept partis qui forment la coalition hétéroclite qui gouverne la Belgique se sont tous engagés, Parti socialiste compris, à ne pas toucher à ce texte de 1996, dans leur accord de gouvernement en 2020. Lorsqu’on le signale à Thierry Bodson, de la FGTB, il réplique : « Un gouvernement, ça doit être autre chose qu’un clerc de notaire qui exécute un accord de gouvernement. D’autant qu’il y a une guerre à 2 000 kilomètres de nos frontières, que les prix de l’énergie et de l’alimentation explosent et que de plus en plus de personnes ne savent plus terminer leurs fins de mois. Je vous rappelle qu’on a adopté, par décret, du jour au lendemain, le principe d’un couvre-feu, pendant la pandémie. Donc on sait s’adapter. »
Autour de cette revendication - faire tomber la loi de 1996 - se sont fait entendre d’autres exigences, dans les rues de la capitale belge. Maximilien Herry, syndicaliste FGTB de 50 ans, arbore un slogan brodé au fil blanc sur le col de son polo rouge : « Repartir à l’offensive ». Résidant non loin de Louvain-La-Neuve, il a monté avec d’autres le collectif « Culture en lutte » qui s’oppose à la réforme en cours du statut de l’artiste. « Le gouvernement doit reconnaître le cas très spécifique des artistes précaires, en particulier pour leurs droits à la sécurité sociale. Mais cela n’en prend pas le chemin », regrette-t-il. Des revendications déjà portées par un autre collectif, Still standing for culture, qui avait décidé l’ouverture de lieux de culture - cinémas, théâtres - malgré les interdictions officielles prononcées en plein confinement.
Plus loin dans le cortège, Charlotte Renouprez est membre d’un mouvement d’éducation populaire dans la capitale belge, Les équipes populaires. Elle s’est jointe à la manif pour porter, entre autres dossiers chauds, celui du logement. L’activiste de 33 ans réclame, pas tant une augmentation des salaires comme beaucoup d’autres croisés dans le défilé, mais plutôt une baisse des loyers, doublée d’un gel de l’indexation des loyers, face au risque de voir les loyers grimper à chaque renouvellement de bail.
« Ce mécanisme dans l’immobilier locatif n’est pas un système juste, mais totalement inflationniste, avance celle qui est aussi militante au sein du collectif Action Logement Bruxelles. Ce que nous mettons en avant, ce n’est pas nécessairement l’idée d’augmenter le pouvoir d’achat, mais plutôt d’encadrer les prix. » Même approche sur le front énergétique : « C’est très bien d’avoir des aides individuelles au profit des consommateurs qui n’arrivent pas à payer leurs factures. Mais il faut des mesures structurelles d’encadrement du marché. La libéralisation ne fonctionne pas. Nous voulons un fournisseur public d’énergie. Les multinationales ne peuvent plus se faire des profits sur notre dos. »
Dimanche, le chef du gouvernement, Alexander De Croo, avait répondu par avance aux manifestant·es : « J’appelle surtout à ne pas ajouter de l’agitation à une situation qui est déjà très instable », en référence au Covid et à la guerre en Ukraine. Cette sortie n’est pas sans rappeler le ton très critique de certains éditorialistes, à l’instar du rédacteur en chef du quotidien économique L’Écho, écrivant samedi : « Perturber le fonctionnement d’un pays “parce que la vie est de plus en plus chère”, est-ce vraiment le moyen le plus [...] constructif de faire changer les choses ? Certains diront qu’à tout prendre, un mouvement organisé comme celui-là vaut mieux que des “gilets jaunes” en ordre dispersé. »
Mais le premier ministre Alexander De Croo s’est aussi défendu sur le fond. L’exécutif a décidé samedi de prolonger les mesures exceptionnelles de soutien aux ménages - censées prendre fin en septembre - jusqu’à la fin de l’année, dont une TVA à 6 % sur le gaz et l’électricité, ou encore la baisse de certaines taxes sur le carburant. Il a aussi rappelé l’existence en Belgique d’un mécanisme quasiment unique en Europe : « Selon les experts, notre pays bénéficie de la meilleure protection du pouvoir d’achat de toute l’Europe, grâce à l’indexation automatique des salaires [sur les prix - ndlr]. »
Ce système prévoit, dès que les prix d’un panier de produits dépasse un certain plafond, que les rémunérations du secteur public, mais aussi les allocations sociales, sont relevées mécaniquement, puis, dans un second temps, après négociations, les salaires du privé. Pour les syndicats, ce mécanisme controversé, s’il a servi d’amortisseur face à la dureté de la crise, ne suffit plus. Au sein de la coalition, les écologistes ont pris leur distance avec le libéral De Croo, se déclarant favorables à des « revalorisations salariales » : « Il faut permettre une négociation au niveau des secteurs, ceux qui ont fait des bénéfices pendant la crise comme le pharma, les banques, le secteur de l’énergie », a affirmé lundi le co-président des écologistes, Jean-Marc Nollet.
L’affaire est d’autant plus sensible qu’au même moment, l’exécutif vient de trouver un compromis, à l’approche du sommet de l’Otan à Madrid fin juin, sur la nécessité d’augmenter ses dépenses militaires jusqu’à 2 % du PIB d’ici 2035 - contre 1,07 % en 2021. Privilégier la défense aux dépens du social ? Ce fut, comme le nucléaire il y a quelques mois, un sujet d’intenses frictions au sein de l’exécutif fédéral, qui rassemble des écologistes, des socialistes mais aussi des libéraux et des conservateurs.
« Le gouvernement n’avance plus dans toute une série de dossiers, dont la réforme fiscale ou la réforme des retraites, observe Caroline Sägesser, du CRISP. L’échéance électorale de mai 2024 semble déjà très présente à l’horizon. Les partis essaient de rappeler au maximum leur ADN et leurs revendications. Ils n’hésitent pas à contester le travail du gouvernement auquel ils participent. Cela augure mal de la suite. »
publié le 4 juin 2022
sur https://basta.media/
Syndicats, collectifs de soignants et d’usagers appellent à une journée nationale de mobilisations pour l’hôpital et la santé le 7 juin, face à la situation de crise dans de nombreux établissements. Une grève est aussi en cours dans les Ehpad Orpea.
« Hôpital désespérément maltraité : faudra compter les morts ! » avertit l’appel unitaire à mobilisation pour l’hôpital public et la santé le mardi 7 juin. En 2019 déjà, des dizaines de services d’urgences avaient mené une longue grève à travers la France pour dénoncer le manque de moyens. Trois ans plus tard, de nombreux services d’urgences doivent fermer avant même les vacances d’été, faute de personnel en nombre suffisant.
« Trois ans que nous, organisations syndicales de personnels hospitaliers ou collectifs, alertons sur la situation de l’hôpital public et aussi celle du médico-social et du social, souligne l’appel. La Covid est passée par là, les promesses aussi. Et l’horizon apparaît plus sombre que jamais. Trois ans (au moins) de retard pour former des personnels et donner envie de travailler dans le soin ou le social. ... »
Le texte poursuit : « Les usagers sont en colère et très inquiets : l’accès aux soins de premiers recours est de plus en plus compliqué et l’hôpital n’assure plus son rôle de service public d’accueil en dernier recours. Les services d’urgence ferment les uns après les autres, ou restreignent l’entrée. Les retards de prise en charge se multiplient. Les blocs déprogramment des interventions et ferment des salles d’opération tous les jours par manque de personnel. Les personnels sont en colère et fatigués : ils ne peuvent plus remplir leur rôle de prise en charge correcte de la population malgré des contraintes professionnelles retentissant sur leur santé et leur vie privée. »
L’appel à mobilisation revendique : le recrutement de personnels supplémentaires immédiatement, avec un ratio de personnel adapté à la charge de travail ; la revalorisation générale des salaires pour rattraper les dix ans de blocage ; le renforcement des moyens financiers pour les établissements ; l’arrêt de toutes les fermetures d’établissements, de services et de lits, et réouverture de lits, là où c’est nécessaire.
Une grève reconductible est aussi en cours depuis le vendredi 3 juin dans les Ehpad de la multinationale Orpea, à l’appel de la CGT. Orpea est l’entreprise à but lucratif leader du secteur des Ehpad privés en France. Ses pratiques font l’objet d’un vaste scandale depuis plusieurs mois, entre les accusations de maltraitance des résidents et les révélations sur les flux financiers allant vers des paradis fiscaux. « Familles et salariés, même combat, des moyens dignes pour les personnels et les résidents », appelle aujourd’hui la CGT.
Hôpital désespérément maltraité :
il va y avoir des morts !
Faudra compter les morts !
appel commun de CGT, Solidaires, CFE-CGC, AMUF, Collectif Inter Hopitaux, Inter Urgences, Printemps de la Psychiatrie, Collectif Inter Bloc, Cordination Nationale des Comités de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité
Trois ans que nous, organisations syndicales de personnels hospitaliers ou collectifs, alertons sur la situation de l’hôpital public et aussi celle du médico-social et du social, en particulier lors de la manifestation du 14 novembre 2019. La Covid est passée par là, les promesses aussi. Et l’horizon apparaît plus sombre que jamais. Trois ans (au moins) de retard pour former des personnels et donner envie de travailler dans le soin ou le social.
Les usagers sont en colère et très inquiets : l’accès aux soins de premiers recours est de plus en plus compliqué et l’hôpital n’assure plus son rôle de service public d’accueil en dernier recours. Les services d’urgence ferment les uns après les autres, ou restreignent l’entrée. Les retards de prise en charge se multiplient. Les Blocs déprogramment des interventions et ferment des salles d’opération tous les jours par manque de personnel.
Les personnels sont en colère et fatigués : ils ne peuvent plus remplir leur rôle de prise en charge correcte de la population malgré des contraintes professionnelles retentissant sur leur santé et leur vie privée.
Même les médias alertent aujourd’hui sur la période estivale, mais la crise est déjà là, mettant en danger la santé de la population.
Sans aucune autre vision d’ensemble que celle de limiter l’augmentation des dépenses de santé, les gouvernements Philippe puis Castex ont géré à la petite semaine, répondant aux urgences par des mesures discriminatoires, comme des primes à l’embauche, sans considération pour les personnels déjà en poste, méprisés ! En filigrane, apparaît la volonté de casser les statuts pour singer la gestion privée, alors même que le scandale d’Orpéa montre combien cette gestion est contraire à l’intérêt général.
Au moment où notre pays va élire ses nouveaux députés, les personnels de santé et les usagers seront mobilisés le 7 juin : les revendications sont inchangées depuis 3 ans :
° Recrutement de professionnel·le·s supplémentaires immédiatement et plan de formation pluridisciplinaire, ratio de personnel adapté à la charge de travail, respect des équipes et des plannings
° Revalorisation générale des salaires pour rattraper les 10 ans de blocage, reconnaissance des contraintes et des pénibilités horaires (nuit, week-end) et reconnaissance des qualifications des professionnel·le·s
° Renforcement des moyens financiers significatifs pour les établissements, recrutement de personnels (brancardiers, coursiers, ouviers, logisticiens, secrétaires) permettant de recentrer les soignants sur leur métier
° Arrêt de toutes les fermetures d’établissements, de services et de lits et réouverture de lits, là où c’est nécessaire.
° De réelles mesures qui garantissent l’accès, la proximité et une prise en charge optimale en terme de qualité et de sécurité des soins pour tout.e.s et tous partout.
mardi 7 juin 2022
Population et professionnels
tous ensemble disons :
« La mort de l’hôpital, les morts à l’hôpital
STOP ÇA SUFFIT »
à
Montpellier :
12h00 : rassemblement des personnels devant le centre André Benech
puis départ en manifestation vers le centre-ville ;
14h30 : avec la population, rassemblement devant la préfecture
publié le 31 mai 2022
Marie Toulgoat sur www.humanite.fr
Commerce. - En grève nationale il y a une semaine, les salariées de Marionnaud, en très grande majorité payées au Smic, espèrent que les négociations annuelles obligatoires aboutiront à une revalorisation digne.
« E n 2014, les salaires ont été augmentés de 40 euros par mois, nous n’irons pas en dessous », indique Marilyn Gentil, déléguée syndicale CGT Marionnaud. À la veille de la seconde session des négociations annuelles obligatoires, ce mercredi, l’intersyndicale Unsa, CFDT, CGT, CFE-CGC de l’enseigne de parfumerie s’apprête à reprendre les armes. Il y a une semaine, mardi 24 mai, les salariées de la marque – en écrasante majorité des femmes – menaient un mouvement de grève inédit, le premier en dix ans. Environ 40 % des 420 points de vente gardaient leurs portes closes, tandis que plus de 200 employées se rejoignaient devant le siège de l’entreprise pour clamer leur colère. Une semaine plus tard et après le succès de la mobilisation, l’objectif n’a guère changé pour les organisations syndicales : grappiller coûte que coûte une revalorisation des rémunérations, malgré la posture inflexible de la direction.
La question est devenue une nécessité : les employées de Marionnaud doivent aujourd’hui se contenter de salaires insignifiants et sont contraintes de vivre l’intégralité de leur carrière au Smic. Certaines directrices adjointes de magasin, malgré leurs fonctions d’encadrantes, ne gagnent que 1 700 euros brut par mois . « 75 % des salariées sont payées au Smic, même après vingt-cinq années d’ancienneté. Il n’y a aucune reconnaissance de l’expertise à long terme », indique l’Unsa dans un communiqué. Bien que les salaires soient gelés depuis 2014 au sein de l’enseigne, la direction de Marionnaud n’a proposé que 5 euros d’augmentation des rémunérations lors de la première session des négociations annuelles obligatoires, il y a quelques jours. Indigne pour les organisations syndicales et les salariées, réunies devant leurs magasins la semaine dernière. « Nos salaires ne sont pas du luxe », pouvait-on lire sur les pancartes brandies de certaines d’entre elles.
Charge de travail décuplée et harcèlement
D’autant plus que, en dépit de salaires invariablement bas, les conditions de travail n’ont de cesse de se dégrader. Contraintes par les sous-effectifs chroniques à accélérer les cadences, les conseillères en boutique doivent également assurer l’entretien des magasins, la sécurité, le nettoyage et la manutention. Une charge de travail décuplée, doublée d’une surveillance de tous les instants par la direction, voire de harcèlement. « Les managers guettent grâce aux codes caisses qui vend quoi et en quelle quantité. Ils surveillent que les vendeuses écoulent bien les produits qu’on leur demande de vendre », explique Marilyn Gentil. « La conséquence, c’est que de nombreuses salariées décident de démissionner. Il y a aussi beaucoup de ruptures conventionnelles. »
Ce mercredi, les organisations syndicales attendent donc une proposition de la part des dirigeants à la hauteur du travail effectué par les salariées. En cas de conflit persistant sur la question des rémunérations, la CGT n’exclut pas d’appeler à un nouveau mouvement de grève lors du très animé week-end de la Fête des pères.
publié le 19 mai 2022
Loan Nguyen sur www.humanite.fr
Métallurgiste, la tête de liste Nupes dans la 11 e circonscription du Rhône aux législatives compte bien ravir le siège au sortant macroniste en capitalisant sur l’union populaire, qu’il représente à Givors et aux alentours.
«Ma démarche, ça a toujours été de porter les revendications du bas vers le haut », clame le syndicaliste.
« J e ne savais pas que vous alliez prendre des photos, je me serais mieux habillé ! » s’excuse-t-il presque avant de concéder qu’il ne porte de cravate « que pour les mariages ». Abdel Yousfi ne fait pas semblant, il assume ce qu’il est. « Je n’ai pas honte d’être ouvrier, fils d’ouvrier et petit-fils de mineur », explique-t-il simplement. À 54 ans, ce régleur sur machine chez Jtekt, équipementier automobile filiale de Toyota situé à Irigny (métropole de Lyon), a été investi comme tête de liste Nupes dans la 11 e circonscription du Rhône pour les élections législatives. Un territoire qui recouvre les villes populaires de Givors et de Grigny, mais aussi des communes plus rurales et résidentielles comme Saint-Symphorien-d’Ozon, Mornant ou Condrieu. Une circonscription sociologiquement hybride, qui avait élu en 2017 un député LaREM, Jean-Luc Fugit. Candidat à sa succession, le macroniste devra faire face à un candidat Rassemblement national et à un autre Lutte ouvrière. Mais, surtout, à Abdel Yousfi, porteur de tous les espoirs FI-EELV-PCF-PS-Génération∙s.
« Une dynamique très forte »
Les chances de ravir cette circonscription à la Macronie et de battre l’extrême droite sont donc réelles pour le communiste. « Je sens qu’il y a une dynamique très forte. Quand je rencontre les habitants de la circonscription, ils me parlent tous du pouvoir d’achat, de l’inflation galopante. Alors, évidemment qu’il faut augmenter les salaires et les pensions de retraite, donner aux étudiants les moyens de vivre et d’étudier », souligne-t-il. La défense du système de santé public s’impose également comme une priorité, alors que l’hôpital Montgelas a été contraint de fermer son service d’urgences depuis le mois d’octobre 2021. Un combat incarné dans le choix de sa suppléante, Pia Boizet, agente aux Hospices civils de Lyon.
Autre revendication qui lui tient fortement à cœur : le retour de la retraite à 60 ans. « Quand on est usé pour avoir subi quotidiennement les ravages du travail physique, on se dit qu’il faudrait reparler de la pénibilité. C’est aussi vrai pour certains travailleurs intellectuels, qui sont dans les bureaux. Mais, moi, je vois tellement de collègues dans les ateliers qui n’arrivent pas à tenir jusqu’à 57 ans et qui partent en inaptitude, on fait quoi d’eux, si on recule encore l’âge de la retraite ? Des SDF ? » dénonce le syndicaliste CGT de la métallurgie.
De nombreux motifs de tension
La dureté des rapports d’exploitation, Abdel Yousfi l’a subie de plein fouet en tant qu’ouvrier, mais aussi en tant que syndicaliste combatif contre une direction qui ne lui a pas fait de cadeau. Embauché en 2000 après quelques missions d’intérim, le tourneur-fraiseur-ajusteur de formation rejoint vite la CGT pour y faire remonter les revendications de ses collègues. Délégué syndical sur le site d’Irigny, puis délégué syndical central dans le groupe, il n’hésite pas à aller au front face aux attaques de la hiérarchie. Cadences infernales, licenciements, suppressions de RTT… les motifs de tension sont nombreux dans les ateliers.
En 2015, un salarié se suicide en se jetant du toit de l’usine. « Il subissait des pressions, on a fait une expertise qui a prouvé le lien avec le travail », se souvient-il, encore bouleversé par ce drame. Quelques semaines après, la direction de Jtekt essayait de licencier le syndicaliste pour un arrêt maladie qu’elle jugeait irrégulier. Il a fallu la mobilisation de ses collègues, d’autres syndicalistes CGT, de militants communistes locaux et une décision de l’inspection du travail pour que la direction le réintègre. « J’ai eu le soutien de ceux qui me ressemblent, et on est nombreux ! On a l’impression que c’est un peu le pot de terre contre le pot de fer, mais on peut vraiment inverser la courbe », estime-t-il.
Un engagement syndical, puis politique lorsqu’il adhère au PCF en 2014, qu’il vit comme une « continuité ». « Ma démarche, ça a toujours été de porter les revendications du bas vers le haut, c’est comme ça que je construis cette campagne, et c’est comme ça que j’exercerai mon mandat de député : dans le collectif, insiste-t-il. On a un seul ouvrier à l’Assemblée nationale (Alain Bruneel, député PCF et ouvrier retraité – NDLR), comment peut-il y arriver tout seul ? Il faut qu’on se réapproprie cette institution, mais plus globalement toutes les institutions ! Quand un ouvrier meurt au travail, on finit au mieux dans la rubrique des faits divers. On a cru qu’on devait laisser la politique aux technocrates parce qu’ils avaient la tête bien pleine. Mais, là-haut, ils ne nous entendent pas. Si nous ne parlons pas de nous, personne ne le fera ! »
Clotilde Mathieu sur www.humanite.fr
L’industriel accélère sa stratégie de délocalisation vers le Brésil et l’Asie, envisage de supprimer 2 900 postes en Europe, dont 320 en France, et ferme une usine dans le Nord. Syndicats et élus locaux appellent le gouvernement à « intervenir ».
À peine arrivé, Philippe Guillemot, le PDG de Vallourec, à la tête du groupe depuis trois mois, applique à la lettre et en vitesse accélérée la règle à calcul fixée par les actionnaires majoritaires (38 %), les fonds d’investissement américains Apollo et SVP Global. « Ce même fonds a pompé Ascometal, dans les aciers spéciaux sans rien y injecter, laissant le groupe en grande difficulté, comme d’autres proies en France », rappelle la CGT. Lors de la présentation des comptes du groupe, au premier trimestre, le champion des tubes en acier sans soudure pour le secteur pétrolier et gazier a annoncé, mercredi soir, la suppression dans le monde de 2 900 emplois, la plupart en Allemagne (2 400), 70 en Écosse et 320 en France, dont 65 au siège de Meudon (Hauts-de-Seine), 100 à Aulnoye-Aymeries (Nord), 60 au centre de services de Valenciennes (Nord), mais aussi 104 dans son usine de Saint-Saulve (Nord), qui devra fermer. La poursuite de la délocalisation de la production vers le Brésil et l’Asie est, pour le cost killer, « une étape nécessaire, pour ne pas dire vitale », afin de « permettre au groupe d’être profitable quelles que soient les conditions de marché ».
Dans les usines du groupe, malgré le dégoût, la colère, la riposte se prépare, avec l’objectif de « faire le maximum » pour le faire « revenir sur sa décision ». À Saint-Saulve, beaucoup de salariés sont des quinquagénaires, explique le délégué syndical CFDT de l’usine, Michaël Tison. « À 50 ans, dans l’industrie, vous n’êtes plus valable », résume-t-il. Et les propositions de « retraite, préretraite et reclassement interne » de la direction pour seulement « un tiers des suppressions d’emplois en France » n’offrent aucune véritable perspective. L’inquiétude est palpable. « C’est pour cela qu’ils ne veulent pas et qu’ils ne peuvent pas accepter la fermeture », explique le député communiste de la circonscription, Fabien Roussel, présent sur le site ce jeudi matin. « Sinon, poursuit-il, cela veut dire deux ans de cellule de reclassement, deux ans de chômage et ensuite le RSA. » Après six plans de suppressions d’emplois, les 104 ouvriers sont échaudés. En 2014, ils étaient encore 1 400 à travailler dans la tuberie. Une saignée qui illustre la politique industrielle conduite par le président de la République. Dans le dossier Vallourec, Emmanuel Macron a été aux premières loges : en 2016, avec la fermeture de Déville-lès-Rouen, lorsqu’il œuvrait comme ministre de l’Économie, puis en 2018 et encore en 2020, après avoir conquis l’Élysée.
Un pognon de dingue
Certes, pour socialiser les pertes, l’État, au travers de la BPI, était monté au capital du groupe mais, très vite, sans volonté politique, le marché a repris ses droits. Le bras armé financier de la France ne possède plus désormais que 2 % du capital. Le groupe a également pu profiter d’une montagne d’argent public. La CGT dénombre près d’un milliard d’euros d’opérations de recapitalisation et de crédits d’impôt de toutes sortes, auxquels il faut ajouter un prêt garanti par l’État d’un montant de 262 millions d’euros. Un pognon de dingue, sans aucune condition. « Vallourec a eu de l’argent public pour faire des investissements au Brésil ou en Chine, ils vont là-bas construire des usines, et c’est la France qui trinque », se désole le syndicaliste de la CFDT.
Malgré les appels des syndicats au gouvernement, ce jeudi matin, aucun conseiller de Bercy ou de Matignon n’a pris la peine de leur répondre. La première ministre, tout juste entrée en fonction, n’a pas non plus pris le temps de réagir. Seul un communiqué du ministère de l’Économie appelant Vallourec à « minimiser (…) les conséquences du plan sur les activités françaises » a été publié. « Le gouvernement nous parle tous les jours d’industrie, de réindustrialisation, mais que fait-il pour empêcher cette délocalisation, pour maintenir ces savoir-faire, cet outil industriel dans notre pays ? La première chose à faire, c’est d’empêcher cette nouvelle délocalisation ! » lance à l’intention de la première ministre le candidat de la 20e circonscription du Nord, investi par la Nupes.
Car, insiste-t-il, « préserver ces outils industriels, ces savoir-faire », c’est aussi garder « notre capacité à produire ici, ce dont nous avons besoin, demain, pour faire des éoliennes, par exemple ». D’autant que, comme le rappelle la CGT dans son communiqué, « Vallourec n’est pas en difficulté. (…) Le groupe a même redressé ses résultats financiers. C’est donc un renforcement du groupe qu’on serait en droit de demander ». Outre le plan annoncé, les organisations syndicales craignent à terme une menace plus importante. « Nos usines dépendent de l’activité allemande, et je ne suis pas sûr que se faire livrer des tubes en bateau depuis le Brésil soit vraiment mieux. J’ai de gros doutes en termes écologiques et économiques, quand on voit le prix du transport », explique par exemple Michaël Tison.
Rosa Moussaoui sur www.humanite.fr
Propreté - Les femmes de ménage de l’université Sorbonne Paris Nord à Villetaneuse (Seine-Saint-Denis), salariées d’Agenor, ont débrayé, jeudi, pour exiger des conditions de travail dignes, des horaires décents et de meilleurs salaires.
Elles n’en peuvent plus d’être prises « pour des serpillières ». Jeudi matin, les femmes de ménage de l’université Sorbonne Paris Nord à Villetaneuse (Seine-Saint-Denis) ont stoppé le travail pendant 59 minutes – pas une de plus, pour s’épargner une retenue sur leurs maigres salaires.
Sous les verrières du forum, au centre du campus, elles sont rassemblées, serrées les unes contre les autres, entourées par les personnels de l’université et les militantes et militants syndicaux venus les soutenir .
Brimades et insultes
Zhor Rifi, 53 ans, a commencé à travailler sur ce site en 1996 ; elle a vu défiler les sous-traitants : Arcade, Derichebourg, Arc en ciel. Elle est aujourd’hui, comme ses collègues, salariée d’Agenor. Sa rémunération : 1 100 euros par mois, pour six heures de travail par jour, éclatées dans la journée : trois heures aux aurores, trois heures au crépuscule. Sa journée ne s’achève qu’à 20 heures. « Ils refusent de regrouper nos heures pour nous laisser finir à midi. Pour celles qui habitent loin, c’est l’enfer ! » s’emporte-t-elle. Foulé Sissako, 47 ans, mère de huit enfants, travaille ici depuis 2004. « On a besoin de ce travail mais ils nous chargent trop, on a trop de salles de cours à faire, soupire-t-elle. Tout le monde souffre, on a des douleurs, on n’est pas beaucoup respectées. »
Certaines de ces travailleuses ne savent ni lire ni écrire : Zhor se souvient d’une collègue à qui l’employeur aurait fait signer, voilà deux ans, une lettre de démission sans même qu’elle s’en rende compte : « Elle est partie sans rien, la pauvre. Après ça, on est devenues méfiantes. Un jour, on m’a demandé de signer un papier. J’ai refusé, je voulais que quelqu’un me le lise d’abord. Quelques jours plus tard, j’ai reçu un avertissement par lettre recommandée. »
Ces femmes de ménage font toutes état de brimades, d’insultes, de sanctions injustifiées, de comportements autoritaires de leur cheffe d’équipe. « La sous-traitance implique la maltraitance. Quand on choisit la prestation la moins chère, les droits et la dignité des salariées n’entrent pas en ligne de compte », regrette Salim Hocini, de l’union locale CGT de Villetaneuse-Pierrefitte.
Précarité absolue
Ceint de son écharpe tricolore, le député communiste de la circonscription, Stéphane Peu, de nouveau candidat sous les couleurs de la gauche unie, est venu lui aussi manifester son soutien à ces travailleuses en colère.
« Les larmes de crocodile du confinement sur les travailleuses essentielles ont vite séché, grince-t-il. Dans le secteur de la propreté, la précarité est absolue : contrats de courte durée, fractionnement du temps de travail qui démolit la vie familiale, salaires de misère. Les établissements publics devraient cesser de recourir à la sous-traitance pour ce genre de tâches. » Le groupe Agenor, de son côté, jure au contraire placer « l’humain au cœur de (ses) préoccupations ».
publié le 11 mai 2022
sur https://rapportsdeforce.fr
En 2019, plusieurs dirigeants de France Télécom ont été condamnés pour harcèlement moral institutionnel. Le procès n’aurait jamais eu lieu sans action syndicale. À l’occasion de l’ouverture du procès en appel le 11 mai, retour, avec plusieurs protagonistes de l’époque, sur la mobilisation et la stratégie adoptées.
« On s’est dit qu’on ne pouvait pas laisser faire sans réagir », se remémore simplement Patrick Ackermann, ancien délégué syndical central Sud PTT chez France Télécom. Des représentants du personnel de l’entreprise publique en pleine mutation avaient déjà interpellé la direction sur la souffrance au travail. Et sur les premiers suicides au début des années 2000. En vain.
En 2007, deux ans après son arrivée à la tête de l’entreprise, Didier Lombard lance le plan Next. L’objectif : supprimer en trois ans 22 000 postes, soit un travailleur sur cinq, sans licenciement. La solution retenue : un management aux forceps ordonné par la hiérarchie. « En 2007, je ferai les départs d’une façon ou d’une autre, par la fenêtre ou par la porte », avait lâché Didier Lombard en octobre 2006 devant des cadres supérieurs et dirigeants de France Télécom. La souffrance au travail se répand et, au cours des années 2008 et 2009, 35 salariés se suicident.
Alors, en 2008, la mobilisation syndicale prend un autre tournant. Elle débouchera onze ans plus tard sur un procès. Les cas de 39 salariés (19 se sont suicidés, 12 ont tenté de le faire, et huit ont subi un épisode de dépression ou un arrêt de travail) y seront examinés, l’entreprise et plusieurs de ses anciens dirigeants condamnés pour harcèlement moral institutionnel. Comment ce tour de force a-t-il pu avoir lieu ?
Dans ce contexte si particulier de réorganisation, « les mouvements syndicaux commençaient à être en difficulté, avec le départ de militants et les collectifs de travail bouleversés », raconte Patrick Ackermann. Il poursuit : « Les syndicats étaient en panne de stratégie et en panne de grévistes, avec des taux de mobilisation descendus à 50 % en 2007 ». Une analyse contestée par Rachel Beauséjour, déléguée syndicale centrale adjointe CGT : « Nous appelions à des débrayages et les gens sortaient. Il y avait bien des rassemblements en bas des services ! », assure-t-elle.
Pour autant, les suicides s’accumulent. Et à l’époque, alors que France Télécom se mue en entreprise privée, devenant ultérieurement Orange, les nouvelles instances représentatives du personnel (IRP) ont du mal à fonctionner. En résumé, « le droit des fonctionnaires avait disparu et le droit privé avait du mal à se mettre en place », explique Patrick Ackermann. Ce que confirme Sébastien Crozier, à l’époque élu CFE-CGC du comité central : « d’une part, les instances étaient très jeunes et non maîtrisées et d’autre part elles n’avaient pas de majorité ». Certains syndicats, historiquement plus présents dans la fonction publique, découvraient à peine les rouages des CHSCT du secteur privé (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, supprimé depuis 2017 par les ordonnances dites Macron).
Divisions syndicales à France Télécom
En 2007, les syndicats Sud PTT et CFE-CGC, dont l’alliance peut surprendre, lancent ensemble l’observatoire du stress et des mobilités forcées. « La création de cet outil commun résulte de l’impossibilité que nous avions à nous coordonner dans les instances », justifie Sébastien Crozier. Il explique : « Il était la résultante de deux courants de gens qui faisaient le même diagnostic. Cela ne signifie pas que la façon dont on voulait résoudre les problèmes était identique. Mais il y avait bien une analyse partagée de la situation et des conséquences que l’organisation déployée avait ».
Aujourd’hui, Sud PTT et la CFE-CGC se disputent la paternité de l’observatoire. En tout cas, « cette alliance a bien fonctionné », commente Patrick Ackermann. Selon Sébastien Crozier, « c’était une richesse d’avoir des points de vue différents ». Sud PTT se fait écho des expériences concrètes des agents, notamment techniciens, et la CFE-CGC, comme elle représente l’encadrement, collecte des informations lors des réunions de managers notamment.
Mais tout n’est pas rose. « Il y avait des divisions syndicales, cela ne simplifiait pas les choses », raconte Patrick Ackermann. De fait, les autres organisations, pourtant invitées, ne souhaitent pas participer à l’observatoire du stress et des mobilités forcées. Pourquoi ? « La CFDT misait sur les CHSCT et la CGT sur la grève », raconte Patrick Ackermann. « FO et la CFDT étaient dans une forme de déni de la situation. La CGT avait des relations épouvantables avec Sud », croit résumer Sébastien Crozier. « Nous n’étions pas pour. Pour nous, le stress ne s’observe pas, mais se combat », justifie Rachel Beauséjour de la CGT, qui assure pour autant que « toutes les ficelles ont pu être tirées. Nous avons, nous, ressorti les cahiers revendicatifs, exigé des négociations et imposé des ordres du jour à la direction ».
L’Observatoire chez France Télécom
En tout cas, l’observatoire permet de comptabiliser les morts. Au total, 60 personnes se sont suicidées entre 2006 et 2009, dont 35 entre 2008 et 2009. Fort de cette vigie, les élus demandent une expertise CHSCT à chaque suicide. Mais « 30 % des demandes d’expertise ont été contestées par la direction au Tribunal de Grande Instance et déboutées, dont un cas de risque grave avec suicide », observera le cabinet Technologia, cabinet mandaté par les organisations syndicales et la direction en 2009. Lors du procès, des mails prouveront la politique délibérée de l’entreprise pour enrayer les demandes d’expertise. Si Patrick Ackermann parle d’entrave aux IRP, ce sujet n’a pas été retenu par la justice.
Face à l’hécatombe qui se poursuit, l’idée d’une plainte au pénal germe dans la tête des élus de Sud PTT. « Mais tous les avocats consultés nous l’ont déconseillé. Ils nous expliquaient que ce serait impossible de faire reconnaître la responsabilité patronale d’un mort vu le nombre de niveaux hiérarchiques au-dessus ». Puis ils rencontrent Sylvie Catala, inspectrice du travail, destinataire de plus en plus de saisines de différents syndicats. L’agent transmet un procès-verbal au procureur de la République dénonçant des faits de harcèlement moral, mise en danger de la vie d’autrui et entraves aux IRP. « Elle nous dit : ” Si vous voulez que mon PV ne soit pas classé sans suite, il faut qu’un syndicat porte plainte », rapporte Patrick Ackermann. Le syndicaliste aujourd’hui à la retraite synthétise : « Nous n’avons pas choisi le terrain juridique, nous y avons été contraints ” ».
D’ailleurs, cette stratégie ne fait pas l’unanimité au sein de son syndicat. « Un grand nombre disait : ” on se bat contre un patron, mais on ne porte pas plainte contre lui “. Certains étaient contre la juridicisation à cause du temps très long que cela impliquait. Mais on se disait qu’il fallait au moins faire cela pour mettre la pression sur l’entreprise et en mémoire des victimes ». Finalement, Sud PTT se lance dans cette bataille fin 2009, suivi par les autres syndicats ensuite. Le procès aura bien lieu. En 2019.
Temps long
Patrick Ackermann tente l’autocritique : « Rétrospectivement, je dirais que nous avons eu tort de ne pas envisager cet angle d’attaque plus tôt. Cela aurait peut-être économisé des vies. Mais ce n’était pas notre ADN. Peu de syndicats l’ont. En partie parce que le temps judiciaire est long et que les équipes syndicales ont le temps de changer ».
Et effectivement. Dix ans de procédures. De secret de l’instruction. De « syndicats spectateurs », d’après les mots de Patrick Ackermann. De plus, « la gestion de l’attente des parties civiles, qui trouvaient le temps long et venaient nous voir pour cela, était du temps et de l’énergie consommés non utilisables pour gérer les situations d’urgence », analyse Sébastien Crozier. Pourtant, « nous les avons quand même gérées », fait remarquer le syndicaliste de la CFE-CGC.
Mythe de Sisyphe
« La santé au travail est un sujet exigeant pour les militants. En matière d’emploi ou de salaire, les mobilisations sont sur un temps court. Les questions de conditions de travail demandent un engagement sur la durée et nécessitent d’être imaginatif », analyse Éric Beynel, qui donne l’exemple de l’observatoire du stress et des mobilités forcées chez France Télécom. Mais aussi la collaboration avec des collectifs de riverains dans le combat des salariés de Triskalia, exposés aux pesticides par leur employeur, une coopérative des Côtes-d’Armor.
Quelle leçon, celui qui animait la commission conditions de travail de Solidaires à l’époque de la crise, tire-t-il de la mobilisation chez France Télécom ? « Il y a toujours cette opposition entre les questions d’emploi et de salaires et les questions de santé au travail », observe-t-il. Il poursuit : « Faire émerger le sujet pour qu’il soit pris en compte au même niveau que les autres est difficile. Il suffit qu’il y ait une crise financière et des suppressions d’emplois pour que ces questions soient reléguées au second plan ». Par conséquent, pour un syndicaliste, « c’est un peu le mythe de Sisyphe. Il faut régulièrement remonter la pierre ». D’après lui, agir en intersyndicale est particulièrement difficile sur ce sujet ; certains syndicats acceptant les compromis salariaux proposés par les directions.
Aussi, sur ces sujets, les salariés sont moins reconnaissants de l’activité syndicale. La mobilisation autour des suicides chez France Télécom témoigne, selon lui, de l’importance de s’associer à d’autres acteurs pour traiter des questions de santé au travail (experts, sociologues, médecins du travail…). Solidaires a appris de son expérience avec l’affaire France Télécom, ou encore Renault et a depuis mis sur pied des outils pour ses équipes syndicales. Eric Beynel résume : « Le travail sur ces questions existait dans certaines organisations de Solidaires, mais était clairsemé. Ces affaires ont permis de donner une impulsion ».
publié le 7 mai 2022
par Gérard Noiriel sur https://www.monde-diplomatique.fr
Le 3 mai 1936, le gouvernement de Léon Blum parvenait au pouvoir dans une France affaiblie par la crise économique et menacée par la guerre. Cette date constitue le point de départ politique du Front populaire. Mais elle occulte les conditions d’émergence et les racines sociales d’un mouvement de grèves sans précédent, qui permit des avancées considérables.
Lors du discours qu’il a prononcé, le 3 mai 2016, en introduction du colloque « La gauche et le pouvoir (1) », M. François Hollande a félicité les organisateurs d’avoir tenu cette rencontre le jour du 80e anniversaire de la victoire du Front populaire. C’était un bon moyen, selon lui, de « faire des comparaisons utiles dans le temps, dans l’espace, et de tirer les leçons pour aujourd’hui ».
Commémorer le Front populaire en privilégiant les élections législatives d’avril-mai 1936 n’est évidemment pas anodin. Cela permet de mettre l’accent sur le rôle des partis, de leurs dirigeants et de leurs programmes, au détriment des luttes populaires. C’est l’histoire vue d’en haut et non d’en bas. Pourtant, le Front populaire est le meilleur exemple que l’on puisse trouver dans notre histoire contemporaine quand on veut montrer que les progrès sociaux dépendent bien plus des mobilisations populaires que des programmes électoraux.
La victoire de la gauche en mai 1936 ne suffit pas, par elle-même, à donner son importance historique au Front populaire. Les radicaux, les socialistes et les communistes — les trois principales forces politiques réunies sous sa bannière — l’ont emporté d’une courte tête (37,3 % des inscrits, contre 35,9 % pour la droite). Pour parvenir à une entente, ils ont adopté un programme extrêmement modeste, résumé par le slogan : « Pain, paix, liberté ». Sur le plan social, leurs promesses se limitaient à des mesures visant à réduire la durée du travail sans diminution de salaire et à créer un fonds national de chômage. Cette timidité explique en partie que le Parti communiste ait refusé de participer au gouvernement dirigé par Léon Blum.
Si le Front populaire est devenu un moment marquant de notre histoire contemporaine, c’est avant tout parce qu’il a pris sa source et trouvé sa raison d’être dans une extraordinaire mobilisation collective, qui n’a pas eu d’équivalent à l’époque en Europe.
Pour tenter d’expliquer les raisons de ce soulèvement des classes populaires, il faut commencer par replacer l’événement dans l’histoire longue de la classe ouvrière française (2). À la différence de ce qui s’est passé au Royaume-Uni, la première révolution industrielle n’a pas entraîné, en France, une rupture radicale avec le monde rural. La grande industrie se développe en prolongeant le modèle économique antérieur, dominé par des marchands-fabricants qui distribuent la matière première transformée en produits finis par une multitude d’ouvriers-paysans enracinés dans leurs villages et travaillant en famille. Dans les grandes villes, et notamment à Paris, on trouve surtout des ouvriers-artisans, issus du monde des corporations d’Ancien Régime. Héritiers des sans-culottes, ils sont les principaux acteurs de tous les mouvements révolutionnaires qui secouent la capitale de 1789 jusqu’à la Commune de Paris, en 1871. Un immense fossé sépare ces deux composantes du monde ouvrier. Cette hétérogénéité freine la constitution d’une classe ouvrière possédant une identité propre, entrave la naissance du droit du travail, pérennise les formes juridiques traditionnelles que sont le louage d’ouvrage et le marchandage (3).
Véritable point de départ en 1933
À la fin du XIXe siècle, la première crise majeure du capitalisme, appelée Grande Dépression par les historiens, débouche sur une nouvelle révolution industrielle, qui ouvre l’ère des grandes usines. Touchées de plein fouet par ces bouleversements, les deux principales composantes du monde ouvrier engagent un combat radical et multiforme contre l’ordre nouveau. Les grèves et les manifestations, souvent réprimées dans le sang, se multiplient. C’est à ce moment-là que s’impose dans l’espace public la figure du mineur, que naissent les syndicats et les partis se réclamant du prolétariat (Confédération générale du travail [CGT], Parti ouvrier français [POF], etc.). Cette mobilisation massive contraint le patronat des mines à signer les premières conventions collectives. C’est aussi le début de la législation sociale, illustrée notamment par les lois sur le repos hebdomadaire, la retraite ouvrière et paysanne, et surtout la naissance du code du travail (1910) (4).
Néanmoins, le pouvoir républicain ne s’engage pas sur la voie d’un système global de protection sociale comparable à celui qu’Otto von Bismarck a imposé en Allemagne au cours des années 1880. Pour satisfaire leur électorat, composé surtout de paysans propriétaires et de petits patrons, les dirigeants de la République française optent pour un protectionnisme économique qui vise à taxer les marchandises, mais aussi la main-d’œuvre étrangère. Ce n’est pas un hasard si la loi dite de « protection du travail national » (adoptée en 1893) se focalise sur des mesures d’identification des travailleurs étrangers. En freinant l’exode rural, ce protectionnisme aggrave la pénurie d’ouvriers dans la grande industrie. Le recours massif à l’immigration s’impose au moment même où se multiplient les discriminations de tous ordres à l’égard des non-nationaux.
La première guerre mondiale et la période de reconstruction qui la suit creusent de nouveaux clivages entre les composantes du monde ouvrier. Dans les secteurs les mieux protégés (chemins de fer, postes, services publics, etc.), la cogestion tripartite (État, patronat, syndicat), institutionnalisée pendant la guerre grâce à l’union sacrée, est pérennisée. C’est dans ces branches que la CGT réformiste recrute la plus grande partie de ses adhérents.
En revanche, dans la grande industrie, le mouvement ouvrier s’effondre après la répression féroce des grèves insurrectionnelles de 1919-1920. Comme l’ont montré Edward Shorter et Charles Tilly, c’est dans les entreprises de plus de cinq cents ouvriers, là où la combativité était la plus forte avant 1914, que le recul des grèves est le plus net au cours des années 1920 (5). Cette démobilisation s’explique par deux raisons. Dans l’industrie lourde du Nord et de l’Est, le recours massif à l’immigration pour remplacer les ouvriers morts au combat ou qui ont fui les zones sinistrées affaiblit fortement les traditions de lutte forgées dans les décennies antérieures. Dans l’industrie de transformation, les nouvelles usines se développent surtout au sein des banlieues des grandes villes. Elles attirent des ouvriers qualifiés qui privilégient des solutions individuelles en changeant constamment d’entreprise pour vendre leur force de travail au patron le plus offrant. Cette instabilité massive entrave l’action collective, malgré les efforts du Parti communiste et de la Confédération générale du travail unitaire (CGTU (6)).
La nouvelle crise du capitalisme, déclenchée par l’effondrement de la Bourse de Wall Street en octobre 1929, atteint la France en deux temps. Jusqu’en 1933, ses effets sont beaucoup moins visibles que dans les autres pays, car elle frappe surtout les franges les plus marginales de la société industrielle. Des centaines de milliers de travailleurs immigrés sont renvoyés dans leurs pays d’origine, et les ouvriers-paysans (qui sont encore très nombreux en France) trouvent dans leur environnement rural des ressources qui limitent le recours aux fonds de chômage.
Mais, à partir de 1933, la dépression touche de plein fouet le cœur d’un monde ouvrier plus français, plus masculin, plus qualifié, plus urbain que dans la période précédente. Le chômage prend des proportions gigantesques, alors même que le système d’indemnisation est encore archaïque. De nombreux ouvriers qualifiés sont bloqués dans leur mobilité, et sont parfois contraints d’occuper les emplois auparavant réservés aux immigrés. Les patrons, n’ayant plus les ressources nécessaires pour intensifier la mécanisation des tâches manuelles, privilégient désormais la « rationalisation du travail ». La rémunération au rendement et le travail à la chaîne se diffusent rapidement, notamment dans l’automobile.
Contrairement à ce qui est fréquemment affirmé, le mouvement de grèves qui caractérise le Front populaire n’a pas débuté au lendemain de la victoire électorale de la gauche, le 3 mai 1936. Son véritable point de départ date de 1933, lorsque les ouvriers qualifiés des grandes usines de construction mécanique sont directement frappés par la crise économique. C’est à ce moment-là que le Parti communiste commence à récolter les fruits d’une stratégie privilégiant l’action dans l’entreprise. S’il fallait désigner un événement fondateur, nous pourrions volontiers choisir l’accident qui s’est produit le 6 février 1933 à l’usine Renault de Billancourt. L’explosion d’une chaudière fait huit morts et de nombreux blessés. Lors de l’enterrement, le patron (Louis Renault) et le maire socialiste font face aux familles des victimes, soutenues par les élus communistes, les militants et vingt mille ouvriers qui crient : « Assassins ! Assassins ! ». Relayé sur tout le territoire national par L’Humanité (le journal de Jean Jaurès, passé sous la coupe du Parti communiste en 1920), cet événement tragique contribue fortement au processus d’identification des travailleurs à un « nous » ouvrier qui ne cessera de se consolider dans les mois et les années suivants.
La conjoncture politique va jouer un grand rôle, elle aussi, dans le développement des luttes sociales. Le 6 février 1934, les ligues d’extrême droite organisent une manifestation qui vire à l’émeute. La crainte d’un coup d’État suscite une réaction qui précipite la réunification du mouvement ouvrier et l’alliance des forces de gauche au sein d’un front antifasciste qui ouvre la voie au Front populaire. Ce réflexe unitaire encourage les travailleurs à s’engager dans l’action collective. Les grèves se multiplient, touchant des secteurs très divers ; fait nouveau, elles sont désormais souvent victorieuses. Preuve du rôle essentiel que les femmes commencent à jouer dans ce mouvement, en mai 1935 plus de deux mille ouvrières de la confection, réparties dans de petites entreprises de la région parisienne, se mettent en grève contre des diminutions de salaire ; elles obtiennent gain de cause.
La lutte paye
Cette première phase de l’histoire du Front populaire est essentielle, car c’est à ce moment-là que les ouvriers vont inventer les modes d’action et mettre au point les revendications qui se généraliseront en mai-juin 1936. L’exemple du conflit qui touche en novembre 1935 les forges d’Homécourt à Saint-Chamond (une usine qui fabrique du matériel pour la marine nationale) est à cet égard emblématique. Motivée par le rejet des mesures de « rationalisation du travail », la grève s’accompagne (pour la première fois) d’une occupation des locaux qui durera cinq semaines. Les grévistes obtiennent non seulement des hausses de salaire, mais aussi l’instauration de délégués du personnel et une classification des ouvriers en trois catégories, en fonction de leur qualification.
La victoire électorale de mai 1936 peut être vue comme l’étincelle qui a provoqué l’embrasement général à partir des foyers allumés par le petit noyau des ouvriers qualifiés de la grande industrie. Le mouvement des grèves avec occupation connaît un premier point culminant au début du mois de juin 1936 (cent cinquante entreprises occupées). Le patronat accepte alors d’entamer des négociations, qui aboutissent le 8 juin aux accords de Matignon (hausse des salaires, limitation de la durée du travail hebdomadaire à quarante heures, congés payés, généralisation des conventions collectives, etc.). Mais ces acquis ne suffisent pas à mettre un terme au mouvement, bien au contraire. Découvrant que la lutte paye, les fractions les plus éloignées de l’action syndicale et politique prennent ensuite le relais. Pratiquement toutes les branches de l’économie seront touchées par ce mouvement, à l’exception des secteurs les mieux protégés (services, fonction publique), qui resteront fidèles à la collaboration de classe prônée par la CGT réformiste.
Finalement, la principale leçon que l’on peut tirer du Front populaire, c’est que des revendications sociales que les experts, les gouvernants et les patrons jugeaient « utopiques », « irréalistes », voire « suicidaires » deviennent légitimes quand les dominés parviennent à construire un rapport de forces qui leur est favorable. Certes, le combat ne s’est pas arrêté en juin 1936. Au cours des mois et des années suivants, les accords de Matignon seront constamment attaqués par le patronat, et ce n’est qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale qu’ils s’installeront durablement dans le droit français. Le démantèlement actuel du droit du travail marque sans doute une nouvelle étape dans cette histoire longue de la lutte des classes.
Le Front populaire montre aussi que les représentations collectives de la société sont bouleversées quand la classe ouvrière fait entendre sa voix. À la Belle Époque, le mouvement social avait permis l’irruption de la figure du mineur du Nord dans l’espace public. En 1936, c’est le « métallo de Billancourt » qui prend sa place. Ce nouveau personnage, incarné au cinéma par Jean Gabin (La Belle Équipe), occulte certes le rôle joué par les femmes, par les immigrés, par les travailleurs coloniaux dans l’immense mobilisation populaire de cette période. Néanmoins, même si le métallo de Billancourt ne représente qu’une partie du peuple en lutte, sa présence impose le respect pour le peuple tout entier. La droite et l’extrême droite tenteront de discréditer le mouvement en affirmant que les grèves ont été orchestrées par les bolcheviks depuis Moscou. Mais jamais Léon Blum ne cautionnera cet argument.
Un demi-siècle plus tard, la société française est à nouveau confrontée à une crise économique qui provoque l’effondrement des bastions de la grande industrie. En mai 1981, la victoire de François Mitterrand suscite un espoir dans les classes populaires. Un « printemps syndical » émerge dans l’industrie automobile, sous l’impulsion des ouvriers spécialisés (OS). Mais ceux-ci ne parviennent pas à entraîner dans leur sillage les autres composantes du monde ouvrier. Le rapport de forces est insuffisant pour donner sa légitimité au mouvement dans l’espace public. Sous l’influence des médias, qui multiplient les reportages montrant des musulmans faisant leurs prières dans les ateliers, Pierre Mauroy, le premier ministre socialiste, finira par déclarer en janvier 1983 : « Les principales difficultés qui demeurent sont posées par des travailleurs immigrés (…) qui se déterminent en fonction de critères ayant peu à voir avec les réalités sociales françaises (7). » L’argument traditionnel de la droite, visant à discréditer les luttes sociales en présentant les grévistes comme des agitateurs à la solde de l’étranger, est alors avalisé par celui qui appartient au même parti et qui occupe la même fonction que Léon Blum en 1936.
Le Front populaire est définitivement mort ce jour-là.
Gérard Noiriel - Historien, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Dernier ouvrage paru : Chocolat. La véritable histoire d’un homme sans nom, Bayard, Paris, 2016.
Notes :
(1) Colloque organisé par la Fondation Jean-Jaurès, la Fondation européenne d’études progressistes et le think tank Terra Nova.
(2) Pour une analyse approfondie, cf. Les Ouvriers dans la société française, XIXe-XXe siècle, Seuil, Paris, 1986.
(3) Le « marchandage » désigne la pratique consistant, pour un intermédiaire ou « sous-entrepreneur », à revendre le travail d’ouvriers à un autre employeur.
(4) Claude Didry, L’Institution du travail. Droit et salariat dans l’histoire, La Dispute, Paris, 2016.
(5) Edward Shorter et Charles Tilly, Strikes in France, 1830-1968, Cambridge University Press, 1974.
(6) Syndicat issu d’une scission de la CGT, qui a existé de 1921 à 1936.
(7) Cité par Nicolas Hatzfeld et Jean-Louis Loubet, « Les conflits Talbot, du printemps syndical au tournant de la rigueur (1982-1984) », Vingtième Siècle, no 84, Paris, 2004.
publié le 3 mai 2022
Entretien par Pierre Jacquemain | 3 mai 2022
Lendemain de 1er mai, fête internationale des droits des travailleurs et travailleuses, peut-on se diriger vers un troisième tour social ? Simon Duteil, porte-parole de Solidaires, est l’invité de #LaMidinale.
Sur le troisième tour social
« Pour nous, ça n’est pas un troisième tour. Nous avons été là avant l’élection présidentielle, pendant - notamment mobilisés contre l’extrême droite - et nous serons présents après. »
« On peut penser que la période est propice à des mobilisations sociales fortes. Au moins pour trois aspects : 1- La question des salaires et des minima sociaux - il y a un appauvrissement de millions de personnes qui ne date pas d’il y a quelques semaines -. 2- La volonté d’attaquer nos retraites et nos protections sociales. 3- La crise écologique (…). Tout ça, ça peut faire des ingrédients favorables pour des mobilisations sociales. »
Sur le bilan du 1er mai
« On n’a pas encore tiré de bilan collectif du 1er mai qui s’est déroulé dimanche dernier. »
« Le 1er mai n’était pas plat. Il n’était pas non plus totalement extraordinaire, c’est évident, mais il y avait du monde et surtout, il n’y avait pas que des permanents syndicalistes. »
« Le 1er mai cette année est tombé un dimanche et c’est pas un jour pratique pour mobiliser. Par ailleurs, c’est les vacances pour plusieurs zones. »
« On sort aussi d’un moment Covid qui a fait perdre des réflexes collectifs en terme de participation à des manifestations. »
« Dans les grandes villes, on a encore du mal à venir aux manifestations avec des enfants parce qu’on se souvient des attaques violentes des forces de l’ordre et ça ne permet pas encore de venir de manière sereine aux manifestations. »
Sur le contexte économique et social
« C’est compliqué d’anticiper les destructions d’emplois à venir. »
« Ce qu’on redoute le plus en ce moment, c’est que l’écart continue de se creuser dans l’accaparement des richesses. »
« Ce qu’on voit depuis des décennies, c’est que sur les richesses produites, il y a un accaparement de plus en plus grand de la part du patronat et des actionnaires. »
Sur les emplois non pourvus
« Les salaires peu attractifs n’aident pas à pourvoir certains emplois. L’autre aspect, c’est les conditions de travail : il n’y a pas juste ce qu’on touche à la fin du mois, il y a aussi la façon dont on travaille et il y a plein de secteurs et milieux où le travail est dégradé. »
« Le gouvernement nous explique qu’on approche du plein emploi mais il a tendance à oublier que d’une part il y a beaucoup de gens radiés qui disparaissent des statistiques du chômage. D’autre part, il y a beaucoup d’emplois qui sont de très mauvaises qualités et avec la réforme de l’assurance chômage on oblige beaucoup de monde a accepter des boulots de merde. Enfin, il y a des gens qui sont obligés d’accepter tout ça, de part leur statut et je pense aux travailleurs sans papiers qui se retrouvent sur des emplois sous payés avec des conditions de travail hyper dégradées. »
Sur l’inflation et la hausse des prix
« On souhaite une hausse des salaires. On est pour un SMIC à 1700 euros nets et pas de pension de retraite en dessous du SMIC. »
« L’enjeu, c’est quand même de donner les moyens à tous de vivre et non de survivre. »
« Il faut une augmentation immédiate des salaires de 400 euros. »
« Il faut limiter les revenus de 1 à 5. »
Sur la réforme des retraites
« On se prépare à tout de la part du gouvernement. »
« On veut aller vers un maximum de salariés pour leur ré-expliquer ce qu’est notre système de protection sociale et où sont les mensonges du gouvernement. »
« On va aussi se préparer avec d’autres syndicats à faire face s’il y a nécessité. »
« Le dialogue social avec le gouvernement ressemble souvent à de la soumission sociale. »
Sur les accords de la gauche et des écologistes aux législatives
« Le premier débouché politique des mobilisations sociales c’est des victoires sur les luttes. »
« On préfère un gouvernement qui affiche qu’il veut être progressiste. »
« Le mouvement syndical n’oublie pas ce qu’il s’est passé en 1983 ou plus récemment ce qu’il s’est passé en Grèce avec Alexis Tsipras. Il y a toujours les promesses et puis la réalité derrière. »
« En tant que travailleurs et travailleuses organisé.e.s, il y a en a qui participent aux élections. »
« La séquence aux législatives se finit le 19 juin et nous, en tant que travailleurs organisés, notre séquence ne s’arrête pas le 19 juin. »
Sur le social et le politique
« En tant que syndicalistes, on fait de la politique. On ne pense pas que la politique, c’est juste des élections. »
« Plus Jamais Ça était une coalition d’associations et de syndicats. Pas avec des organisations politiques même si on a des liens, des passerelles et qu’on discute. »
« On n’est pas en 1936. »
« Ce qu’on veut, c’est construire les choses par les luttes. »
« Le cœur du pouvoir est économique. »
publié le 1er mai 2022
Cécile Rousseau, Clotilde Mathieu et Ludovic Finez sur www.humanite.fr
Mobilisations Partout, les manifestants ont exigé plus de justice sociale lors de ce 1er Mai marqué par une opposition frontale au président réélu et émaillé d’incidents.
« Emmanuel Macron, suppôt des patrons ! » En ce 1er Mai post-réélection, les slogans scandés depuis cinq ans sont toujours d’actualité. Quelque 50 000 personnes ont défilé à l’appel de la CGT, de l’Unsa, de la FSU et de Solidaires, mais aussi des organisations de jeunesse, dans les rues de Paris. À Lyon, ce sont entre 4 000 et 6 000 manifestants qui ont battu le pavé, plus que l’an dernier selon la CGT, qui comptabilisait 255 rassemblements en France. Dans la capitale, des incidents ont émaillé les début et fin de parcours de cette journée où se mêlaient revendications sociales et politiques. De son côté, Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, a adressé un message clair au locataire de l’Élysée : « Nos exigences sont toujours là sur l’augmentation du Smic et le refus de la retraite à 65 ans ! » Sur ce projet de réforme, il estime qu’une journée d’action « est possible avant la rentrée ».
Paris : le pouvoir d’achat dans toutes les têtes
En tête de cortège, un gilet jaune tentait de résumer le sentiment général sur une peluche géante : « Emmanuel Macron, je te déteste de tout mon cœur. » Sous les blouses blanches, la colère gronde aussi depuis un bon moment. Christine Huet, infirmière de bloc à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise) et élue CGT, ne supporte plus ce système en bout de course : « Nous n’avons pas les budgets pour notre projet d’ouvrir 120 lits d’Ehpad et un centre de soins de suite et de réadaptation. Il reste difficile de recruter. Avec la renégociation des grilles salariales, certains collègues n’ont touché que 4,60 euros en plus par mois ! » Des services publics aux usines, le pouvoir d’achat est dans toutes les têtes. « Il y a un problème avec les salaires dans ce pays ! tacle Marc Darcy, élu CGT chez Stellantis à Poissy (Yvelines). Il faut reprendre le chemin des luttes pour obtenir des résultats ! Nous avions demandé 400 euros d’augmentation annuelle il y a deux ans, sans tenir compte de l’inflation. Au final, nous avons dû nous contenter de 40 euros brut. » Choqué par le salaire astronomique du PDG Carlos Tavares (19 millions d’euros), il dénonce les milliards versés aux actionnaires « grâce aux cadences soutenues que nous avons fournies et au chômage partiel financé par l’État. Les élections ne sont pas finies mais nous devons aller chercher l’argent là où il est tout de suite ! » Du côté des métiers du soin, la solidarité intergénérationnelle joue à plein. Aide médico-psychologique retraitée, Anise le répète plusieurs fois : elle est venue en soutien à ses ex-collègues. « Je refuse de rester sur mon canapé tant que nos métiers ne sont pas reconnus et revalorisés ! » lance-t-elle. Sylvie, aide à domicile de 58 ans, chasuble FO sur le dos, réalise au quotidien des toilettes, pourtant non incluses dans son contrat, en plus de ses tâches de ménage et de courses. « Je ne suis pas payée pour ça. Je cours partout dans Paris, je monte les escaliers et je soulève des gens. Je ne me vois pas faire ça jusqu’à 65 ans. Si nous ne sommes plus là, qui va s’occuper des personnes âgées et des personnes en situation de handicap ? » Derrière la bannière de l’union syndicale Solidaires, des dizaines de sans-papiers employés par Chronopost à Alforville (Val-de-Marne) exigent toujours leur régularisation. Au bout de six mois de lutte, l’attente devient insoutenable pour Djibrirou : « Macron n’a jamais rien fait pour nous ! Il est temps de nous donner des papiers et de nous rendre notre dignité. »
Lille : à la recherche d’un relais politique pour les luttes
« Nous demandons l’annulation de la réforme de l’assurance-chômage et le retour à la retraite à 60 ans. » Parmi les 2 000 manifestants à Lille, Nathalie Renard, danseuse et comédienne, est venue avec des camarades du SFA-CGT (Syndicat français des artistes interprètes). Elle évoque les réalités du spectacle vivant : « Nos cachets sont bloqués. Dans la plupart des compagnies, on gagne la même chose qu’il y a quinze ans. » « Cela en décevra beaucoup si l’union ne se fait pas à gauche », conclut-elle, évoquant les législatives. « On espère une nouvelle majorité », confirme Corinne Veegaete, drapeau SUD santé sociaux à la main. Agent dans un établissement pour personnes handicapées, elle pointe la chute du pouvoir d’achat. Pour ses collègues, dont les salaires sont au ras des pâquerettes, mais aussi pour les usagers, dont l’allocation aux adultes handicapés (AAH) « n’est pas revalorisée ».
Même « espoir d’une majorité à gauche » chez Marie Bernyn et Sandrine Desmettre, chasubles de la CGT sur le dos, qui travaillent respectivement à la Carsat (Caisse d’assurance-retraite et de santé au travail) et dans le groupe de protection sociale Malakoff Humanis. « Il faut augmenter les salaires, les minima sociaux, les pensions et préserver les cotisations sociales, qui permettent de financer l’assurance-chômage, les retraites, la Sécurité sociale… Les services publics sont également au cœur des débats : hôpitaux, pompiers, écoles… » résument-elles. Au démarrage du cortège, c’est d’ailleurs aux « camarades députés ou futurs députés » que s’est notamment adressé Stéphane Vonthron, de l’union locale CGT de Lille, face à un groupe fourni aux couleurs de l’Union populaire. « Nous avons besoin que nos revendications soient portées par la lutte mais aussi dans l’Hémicycle. Sans luttes syndicales, il n’y aurait pas eu les congés payés, la Sécurité sociale… » rappelle-t-il, insistant particulièrement sur la précarité des livreurs à vélo. « Le blocage des prix, l’augmentation du Smic, la baisse du temps de travail, oui, c’est toujours possible ! » embraye le député lillois FI Adrien Quatennens, quand le micro lui est passé, appelant à une « revanche dans les urnes en juin ».
« Aucune élection n’ira dans le sens du peuple. On veut une vraie révolution, obtenir par la rue le RIC (référendum d’initiative citoyenne), la justice fiscale, sociale et écologique ! » tranche de son côté Sylvain « Robespierre », à la tête d’un petit groupe de gilets jaunes. Il le reconnaît : les règlements de comptes internes sont sévères depuis l’élection de Macron face à Le Pen.
Saint-Nazaire : de nombreux combats dans les usines
L’horizon était toujours nuageux, ce dimanche, place de l’Amérique-latine à Saint-Nazaire, où 700 personnes se sont rassemblées face aux imposants blocs de béton de la base sous-marine. L’appel à la mobilisation lancé par les syndicats n’a guère fait mouche auprès des salariés. Seuls les plus militants étaient présents, déçus du niveau de mobilisation. « Les salariés sont désabusés », « dépités », « repliés sur eux-mêmes », même « s’il y a une prise de conscience des dangers que comporte la réélection d’Emmanuel Macron », en pointant notamment le recul de l’âge de la retraite à 65 ans, estiment Fabien Pouessel et Christophe Grigard, CGT territoriaux. En 2010, pointe un autre syndicaliste, « la place était noire de monde ». La séquence électorale n’a pas aidé, estiment-ils. Dans les terres périphériques, où les usines s’étendent, comme à Donges, Montoir-de-Bretagne, le Rassemblement national est arrivé en tête aux premier et deuxième tours de l’élection présidentielle. Ceux qui votent « Marine » en parlent désormais « ouvertement », sans d’ailleurs penser « extrême droite », raconte Benoît. Face à sa montée, les responsables de l’union locale CGT souhaitent aller dans les entreprises, dans la perspective des élections législatives, faire campagne « sur les dangers du programme de Marine Le Pen », même si la tâche est « très compliquée ».
Cette place clairsemée où les interrogations sont nombreuses fait toutefois contraste avec ce que vit Karl, ouvrier chez Airbus. Dans son usine, les mouvements sur les salaires, mais aussi et surtout sur les conditions de travail se sont multipliés. Depuis le début de l’année, ce sont treize débrayages sur le site, avec à chaque fois 260 à 300 ouvriers « qui sortent », sur les 840 à statut, poursuit le délégué syndical. Tout comme à la raffinerie Total de Donges, où les « cols bleus » ont tenu trois semaines en grève pour exiger l’embauche des intérimaires en production. Les luttes ruissellent. Dans de toutes petites entreprises sous-traitantes, « des salariés nous appellent pour savoir comment s’y prendre pour faire grève sur les salaires », affirme Sabine Bernard, cosecrétaire générale de la CGT locale. Autant de forces qui manquent ce dimanche. Sabine, Karl et tant d’autres restent optimistes et motivés. Les militants savent que pour « faire bouger », il faudra « énormément de travail de terrain ».
ublié le 30 avril 2022
Sur https://solidaires.org/
Les élections présidentielles ont confirmé l’exaspération d’une grande partie des salarié·es et de la population devant les mesures anti-sociales prises par le gouvernement Macron, pour le plus grand bénéfice d’une minorité de riches et de grandes entreprises. Les politiques liberticides des gouvernements successifs enferment la société dans une spirale sécuritaire. Elles sont un tremplin pour l’extrême-droite.
Les élections ont aussi à nouveau été l’occasion pour l’extrême-droite d’instrumentaliser la peur du déclassement social, de la précarité et de la pauvreté, au point qu’une partie de la population a été séduite par ses fausses mesures sociales. Comme à son habitude, l’extrême-droite a tenu un discours de rejet et de haine des étranger.es et des immigré-es.
Emmanuel Macron et ses ami-es de tout bord entendent amplifier l’action entamée au précédent quinquennat : austérité pour les salarié-es et attaque contre la protection sociale avec l’annonce d’une nouvelle contre-réforme des retraites. C’est cette politique qui a constitué, pour une large part, le terreau sur lequel l’extrême droite ne cesse de se développer en entretenant un climat raciste et haineux.
Si Emmanuel Macron a été élu, c’est en grande partie pour éliminer la menace, pire encore. L’Union syndicale Solidaires a toujours combattu, et combattra les mesures qui, plutôt que de s’en prendre aux actionnaires, au patronat, opposent les travailleurs et travailleuses entre elleux, les pressurisent et pointent les immigré·es comme responsables de tous les maux. Notre Union rejette et combat le fascisme, la xénophobie, le racisme, l’impérialisme et la haine de l’autre.
Contre l’extrême-droite et l’ultralibéralisme, nous devons renforcer les luttes sociales et mettre plus que jamais en avant la solidarité et la paix entre les peuples. Seules les luttes à venir, des mobilisations massives pourront mettre le rapport de force du côté des intérêts des travailleur-euses, et de tous et toutes, et nous permettre de riposter aux attaques qui s’annoncent. Dans ce contexte, ce 1er mai revêt une importance toute particulière : il doit donc montrer que le mouvement social est présent et dans la rue !
Pour l’Union syndicale Solidaires, il est plus que jamais nécessaire de mener le combat pour les droits sociaux, les libertés publiques et l’égalité réelle. C’est l’ensemble de nos luttes, si essentielles, comme celles pour le climat, l’égalité femmes hommes, les droits des personnes discriminées, stigmatisées, handicapées, qui sont aussi en jeu à travers ce premier mai. Solidaires appelle l’ensemble des salarié·es, des privé·es d’emploi, des retraité·es, étudiant·es à la vigilance, à la mobilisation et à l’action.
Rosa Moussaoui et Stéphane Guérard sur www.humanite.fr
Entretien Après un premier quinquennat macronien d’une violence sans nom à l’égard des travailleurs, Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, appelle à donner, dès le 1er Mai, le ton d’une riposte d’ampleur propre à faire plier l’hôte de l’Élysée sur les retraites, sur les salaires, sur toutes les exigences sociales et environnementales.
Emmanuel Macron a fait campagne en rejetant le principe du front républicain, pour mieux se prévaloir des suffrages qui se sont portés sur lui pour barrer la route au RN. Il a défendu un programme de démolition sociale. Comment affronter ce projet, dans ces conditions ?
Philippe Martinez : Il avait adopté la même attitude en 2017. Il a fait campagne, au premier tour, en éludant son bilan, tout comme les mobilisations sociales qui ont rythmé son premier quinquennat. Et au second tour, il a voulu se prévaloir d’un vote d’adhésion à son programme. La meilleure réponse à lui apporter se trouve dans la rue, en intensifiant les mobilisations sur les questions sociales qui se sont imposées malgré tout dans cette campagne présidentielle. Ce 1er Mai, nous avons une occasion en or, une semaine après le second tour, de porter plus haut et plus fort des exigences sociales et environnementales aux antipodes de son programme. Il n’y a pas eu de trêve sociale pendant cette campagne, il n’y aura pas d’état de grâce. Emmanuel Macron a les pieds décollés du sol, mais il va redescendre : d’autres avant lui étaient droits dans leurs bottes et puis ils ont plié parce qu’il y avait du monde dans la rue. Le rapport de forces, ça reste une valeur sûre.
L’une de ses mesures phares : la retraite à 65 ans. Cette promesse de régression a soulevé un tollé… Devant cette ligne dure, comment le faire reculer ? Peut-on espérer la constitution d’un front syndical uni sur les retraites ?
Philippe Martinez : Les retraites sont un marqueur essentiel. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce sujet a fait l’objet de discussions ardues durant son précédent quinquennat : l’opposition à un nouveau recul de l’âge du départ à la retraite est claire et je ne comprends pas comment il espère nous refaire le coup de la « concertation ». On a assez usé notre salive. Le front syndical uni, sur ce terrain, existe dans les paroles. Il reste à le concrétiser dans les actes et à tout faire ensemble, dans la rue, dans les mobilisations, pour empêcher le report de l’âge de la retraite à 65 ans. Nous avons engagé, avec les autres centrales syndicales, de premiers échanges. L’opposition reste unanime.
L’opposition à un nouveau recul de l’âge du départ à la retraite est claire et je ne comprends pas comment il espère nous refaire le coup de la « concertation ».
Il est question d’une grande « conférence sociale », de consultation des partenaires sociaux sur la pénibilité, sur les mesures d’accompagnement. Y voyez-vous un changement de méthode ?
Philippe Martinez : Nous avons discuté pendant deux ans. Ce projet de réforme a donné lieu à l’une des plus grosses mobilisations du quinquennat, pendant trois mois. Tout le monde s’y oppose. Lors du premier quinquennat, la « concertation » s’est traduite par : « Donnez votre avis mais je fais ce que je veux. » Si Emmanuel Macron avait effectivement changé, il aurait tout simplement abandonné ce projet de porter l’âge de départ à la retraite à 65 ans.
C’est la bataille principale de ce début de quinquennat ?
Philippe Martinez : C’est une bataille cruciale, au même titre que les salaires. Nous vivons dans un pays où les salariés sont de plus en plus pauvres. Certains même basculent dans l’extrême pauvreté. L’augmentation des salaires est donc une priorité. Le Smic va augmenter : cela ne tient pas à une décision de l’Élysée mais à un calcul automatique. Ce n’est pas une décision politique, c’est une formule mathématique établie par des « experts ». Or, avec cette augmentation mécanique du Smic, on va se retrouver avec 171 minima de branches au-dessous du salaire minimum. Nous proposons donc une automaticité du relèvement des minima de branches quand le Smic augmente. Voilà une première mesure nécessaire et urgente que devrait prendre Emmanuel Macron au lendemain de son élection.
Le combat des travailleurs sans papiers met en lumière les responsabilités du capital, des grandes entreprises qui les exploitent par l’intermédiaire de sous-traitants pour disposer d’une main-d’œuvre sans droits et bon marché.
Comment évaluez-vous l’impact des luttes salariales qui rythment la vie sociale en France depuis l’automne dernier ?
Philippe Martinez : Ces luttes ont contribué à placer la question du pouvoir d’achat au cœur d’une campagne qui s’annonçait dominée par les thèmes de la sécurité et de l’immigration. Ces revendications n’ont pas commencé avec l’envolée de l’inflation et les effets de la guerre en Ukraine : elles ont émergé bien avant, avec le débat sur la reconnaissance des salariés qui se sont trouvés en première, en seconde ligne dans la pandémie de Covid-19.
Et ça continue, avec, par exemple, les salariés d’Amazon, ou encore ceux de Dassault, qui viennent de gagner une augmentation moyenne de 300 euros net par mois. Ces derniers ne sont pas les plus mal rémunérés de France mais leur victoire est très importante d’un point de vue symbolique puisque le PDG de Dassault, Éric Trappier, est en même temps président de l’UIMM. J’imagine qu’il a dû hésiter avant de plier devant la colère de ces salariés, vu le précédent qu’il entérine ainsi et la pression de ses collègues patrons de la métallurgie.
Le gouvernement avait annoncé entre les deux tours l’instauration d’un mécanisme pour empêcher le basculement des salaires des agents publics au-dessous du Smic.
Philippe Martinez : Pour l’instant, ce sont des promesses. Comme les promesses d’augmentation du point d’indice gelé depuis douze ans. Ce n’est pas seulement l’inflation qu’il faut rattraper, c’est douze ans de retard !
Le mouvement social a ses responsabilités, il essaie de les assumer, mais il y a un vrai problème de relais politique et les élections que nous venons de vivre posent cette question de façon plus aiguë encore.
Les centrales syndicales ont cultivé ces dernières années une stricte séparation du politique et du revendicatif. Cette stratégie ne trouve-t-elle pas ses limites dans la présente situation de crise démocratique marquée par des régressions, sans victoires significatives du mouvement social ? Un front de résistance et de progrès social peut-il prendre forme par-delà ces démarcations ?
Philippe Martinez : Je ne suis pas d’accord sur le fait que les syndicats aient entretenu une forme de neutralité dans le débat politique. Le rôle d’une organisation syndicale, c’est de changer le quotidien et de travailler pour l’avenir. On s’est quand même beaucoup exprimé dans la dernière période, avant le premier tour, entre les deux tours. Par exemple, que les secrétaires généraux de la CFDT et de la CGT s’expriment d’une voix pour faire entendre un message fort appelant à la bataille commune contre les idées fascistes et l’extrême droite, ce n’est pas anodin. Nous sommes indépendants, mais pas neutres. Ensuite, je crois qu’on fait peser beaucoup de responsabilités sur le mouvement social, alors même que nos luttes peinent à trouver des relais politiques. Peut-être que ceux qui nous renvoient la patate chaude devraient la garder dans leurs mains. Il y a eu beaucoup de mobilisations sociales ces cinq dernières années, et j’y inclus bien sûr les gilets jaunes. Comme secrétaire général de la CGT, j’ai été confronté à deux présidents de la République aux étiquettes politiques différentes, avec les mêmes résultats en matière de casse du Code du travail. Le mouvement social a ses responsabilités, il essaie de les assumer, il le fait imparfaitement mais il y a un vrai problème de relais politique et les élections que nous venons de vivre posent cette question de façon plus aiguë encore.
Le Rassemblement national confirme son ancrage électoral dans le monde du travail. Et parmi les sympathisants de syndicats, le vote d’extrême droite progresse : 21 % pour le RN au premier tour, soit 8 points de plus qu’en 2017, et 22 % chez les sympathisants de la CGT, malgré le travail dans ses rangs pour faire reculer les idées d’extrême droite. Comment l’expliquez-vous ?
Philippe Martinez : Le vote en faveur du RN est plus faible parmi les salariés proches des organisations syndicales ; cela dit, il progresse, quelle que soit la proximité syndicale. Ce qui veut dire que le travail important que nous faisons sur ce terrain n’est pas suffisamment efficace. Nous devons y réfléchir, nous adresser plus directement à ceux qui sont tentés par le vote d’extrême droite. Les formations que nous proposons confortent pour l’essentiel ceux qui sont déjà convaincus. On ne peut pas s’en tenir là. Il faut aller maintenant dans les syndicats, dans les entreprises, cesser d’éluder ces questions, discuter avec ceux qui votent RN plutôt que de les envoyer sur les roses.
Il faut aller maintenant dans les syndicats, dans les entreprises, discuter avec ceux qui votent RN plutôt que de les envoyer sur les roses.
Des secteurs entiers de l’économie s’effondreraient sans les travailleurs migrants. Les organisations syndicales, leur activité reflètent-elles cette réalité sociale française ?
Philippe Martinez : Je n’ai pas tendance à faire de l’autosatisfaction : nous devons faire mieux et plus. Cela dit, la CGT est l’une des rares organisations syndicales en France à lutter aux côtés des travailleurs sans papiers et c’est pour nous une grande fierté, malgré ce climat ambiant détestable. Leur combat met en lumière les responsabilités du capital, des grandes entreprises qui les exploitent par l’intermédiaire de sous-traitants pour disposer d’une main-d’œuvre sans droits et bon marché. Nous ne devons surtout pas lâcher ce combat auprès de ces travailleurs essentiels. Quand ils gagnent des droits, ils font reculer le dumping social ici même et font avancer les droits de tous.
Donc, de nombreuses raisons de manifester ce dimanche 1° mai,
à Montpellier c’est à 10h30 au Peyrou
publié le 28 avril 2022
Cyprien Boganda et Clotilde Mathieu sur www.humanite.fr
MOBILISATION Une semaine après la réélection du président, le 1er Mai va prendre une coloration particulière. Les syndicats veulent lancer le début de la riposte dans la rue, face à un locataire de l’Élysée qui promet des lendemains très libéraux.
Un peu désuète, l’expression n’a jamais semblé aussi anachronique. « L’état de grâce », sorte de lune de miel supposée unir le dirigeant fraîchement intronisé avec les citoyens, n’aura même pas duré le temps d’une soirée. Président mal élu et déjà contesté, Emmanuel Macron va peut-être ressouder à ses dépens une forme d’unité syndicale, en accumulant des réformes très décriées : le recul de l’âge de départ à la retraite est ainsi dénoncé aussi bien par la CGT que par la CFDT, dont le dirigeant, Laurent Berger, évoque une mesure « injuste » et « brutale ». Ce dimanche 1er mai, les syndicats veulent sonner le début de la riposte, autour de mots d’ordre sociaux et politiques (lire aussi l’encadré page 4). « La meilleure réponse à apporter (à Emmanuel Macron) se trouve dans la rue, en intensifiant les mobilisations sur les questions sociales qui se sont imposées malgré tout dans cette présidentielle », prévient Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, dans l’Humanité magazine.
1. Retraites, une réforme rejetée en bloc
Le président-candidat a cherché à rassurer sur sa gauche, en promettant qu’il réformerait dans la « concertation ». Las ! Le lendemain de sa réélection, son ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, ne fermait pas la porte à l’utilisation du 49-3 pour entériner l’une des réformes les plus explosives de son nouveau quinquennat, celle des retraites. De 62 ans aujourd’hui, l’âge de départ passerait à 64 ans vers 2027 (donc à la fin du quinquennat), avant d’être porté ensuite à 65 ans après une mystérieuse étape de « revoyure ». Pour les syndicats, c’est niet. « Nous considérons que cette réforme ne répond en rien à une nécessité incontournable », nous confiait Yves Veyrier, secrétaire général de FO, en début de semaine.
Pour Régis Mezzasalma, conseiller confédéral sur les retraites à la CGT, les deux mesures censées atténuer le choc – le maintien du dispositif « carrières longues », permettant à certains assurés de partir plus tôt, et la prise en compte de la pénibilité – ne constituent pas des contreparties acceptables. « Aujourd’hui, le dispositif “carrières longues” relève de plus en plus de la chimère : ses critères sont très restrictifs et les avantages peu généreux. Cela ne concerne que des gens justifiant d’une année de cotisation complète avant 20 ans, qui ont donc commencé à travailler extrêmement tôt. En comptant 43 annuités (désormais nécessaires pour partir à taux plein – NDLR), cela fait partir à 62 a ns… »
Quant à la prise en compte de la pénibilité promise par Emmanuel Macron, le syndicaliste demande à voir, mais critique la philosophie de la mesure : « Au lieu d’œuvrer à l’amélioration des conditions de travail en amont, on persiste dans une logique de réparation des dégâts en fin de carrière. » Reste à savoir si les syndicats, aujourd’hui opposés au principe même de la réforme, sauront faire front le cas échéant… Ils pourront en tout cas s’appuyer sur une opinion publique opposée, à 69 %, au recul de l’âge de départ, selon un sondage d’Elabe de mars 2022.
2. Les plus précaires pris pour cibles
Emmanuel Macron s’acharne à stigmatiser les chômeurs et les plus précaires, au nom d’une relecture punitive du contrat social selon laquelle les « devoirs » passeraient « avant les droits ». Sa proposition de conditionner le RSA à des heures de travail hebdomadaire plaît à la droite mais hérisse les syndicats. Même chose pour sa volonté d’accentuer la pression sur les chômeurs. « D’ici à la fin de l’année, nous allons devoir renégocier une convention d’assurance-chômage, rappelle Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO. Mais, depuis 2018, la loi prévoit que les syndicats doivent s’inscrire dans une lettre de cadrage du premier ministre : nous aurons très peu de latitude pour revenir, par exemple, sur la réforme restreignant l’accès aux indemnités chômage (entrée en vigueur fin 2021 – NDLR). On risque d’avoir droit à un nouveau tour de vis sur les chômeurs, pour les contraindre à accepter n’importe quel boulot… »
Le nouveau président a également l’intention de transformer Pôle emploi en un organisme nommé France Travail, avec la création d’un guichet unique réunissant les compétences de Pôle emploi, des communes et autres missions locales. « On se demande quelle forme cette fusion prendrait, s’inquiète Francine Royon, de la CGT Pôle emploi. Une chose est sûre : cette transformation est guidée par une volonté de réaliser des économies à tout prix, ce qui n’est jamais une bonne chose. La fusion de l’ANPE et des Assedic, décidée par Nicolas Sarkozy dans un souci de “simplification” (en 2008 – NDLR), a abouti à une dégradation de la qualité du service et des conditions de travail… »
3. Les salaires dans toutes les têtes
Chez les salariés, la colère suit la courbe des prix. Les annonces d’Emmanuel Macron au fil de sa campagne ont attisé la contestation sociale. Le chèque alimentaire n’a toujours pas de montant et la prime inflation s’est évaporée aussi vite qu’un plein d’essence. Les Français attendent toujours la réindexation des pensions de retraite à l’inflation ou le dégel du point d’indice des fonctionnaires. D’autant qu’aucun coup de pouce au Smic n’est envisagé.
Sur le terrain, la colère gronde toujours. Dans l’agroalimentaire, la CGT engrange les victoires sur les salaires, où les augmentations arrachées se situent en moyenne autour de 5 %. En ce moment, les actions se multiplient chez Danone, Évian, Badoit ou Volvic. Pour tenter d’apaiser ce climat social tendu, les patrons prennent exemple sur le gouvernement et multiplient les primes. À l’image du groupe Nestlé, qui a proposé aux syndicats une hausse de 2,3 % à laquelle s’ajoute un « abondement » de 850 euros à l’intéressement, permettant de faire gonfler l’enveloppe jusqu’à 2 000 euros.
D’autres préfèrent jouer la montre, en envoyant les CRS sur les piquets de grève. Chez RTE, dans les établissements de maintenance, les salariés débrayent depuis dix semaines. « À Lyon, l’arrêt de travail est de deux heures par jour », raconte le délégué syndical CGT Francis Casanova. Avec un salaire minimum de branche à seulement 30 euros au-dessus du Smic pour ces métiers très techniques, la proposition d’une revalorisation salariale de « 0,3 % » pour 2022 a fait descendre les techniciens de leurs poteaux. D’autant que le résultat net de l’entreprise, de 661 millions d’euros, est « pompé à 60 % par les actionnaires », lance le syndicaliste.
4. Un big bang pour les fonctionnaires
La poursuite de la réforme de la fonction publique inquiète les fonctionnaires. Le dégel du point d’indice ne va pas refroidir le climat. Attendu « avant l’été », celui-ci devrait être loin des attentes syndicales, qui prônent une hausse de 10 %. « Depuis 2011, la hausse des prix est supérieure à 13 %. Depuis le début du quinquennat actuel, elle est de l’ordre de 7,5 %. En juin 2022, les prévisions évoquent une inflation proche de 6 % sur un an. Il s’agit donc, à la fois, de rattraper, mais aussi d’anticiper », rappelle l’Unsa dans son communiqué.
Durant l’entre-deux-tours, le président de la République a annoncé vouloir « faire une réforme complète des grilles et de l’organisation » de la fonction publique, en indiquant qu’une partie de la rémunération se ferait au « mérite ». Car, a-t-il argumenté, « le système en catégories C, B et A a beaucoup de rigidités ». Une réforme dangereuse pour la représentante de la CGT, Céline Verzeletti, qui n’est toutefois pas opposée à « revoir la grille » sur la « question de l’égalité femme-homme » avec des « métiers fortement féminisés » du social, de la santé, de l’éducation, où les femmes se retrouvent dans les mêmes catégories, mais avec des grilles de rémunération différentes. En revanche, poursuit-elle, « les différentes catégories correspondent à la reconnaissance de nos qualifications ». Le risque pour les fonctionnaires est de se retrouver dans la même situation que les salariés du privé, où « les blocs de compétences n’ont rien à voir avec les diplômes », et d’exacerber encore plus les inégalités.
à Montpellier, manif du 1° mai : 10h30 au Peyrou
publié le 27 avril 2022
communiqué CGT, UNSA, Solidaires, FSU, UNEF, VL, MNL, FIDL
La situation économique et sociale est en effet marquée par l’aggravation des inégalités, de la précarité et par la crise écologique qui s’accélère dangereusement. Les questions des salaires, des services publics, de protection sociale et de transition écologique devraient être au cœur des débats et amener des réponses concrètes.
Enfin, l’exigence de paix est aussi une revendication syndicale dans le contexte terrible des guerres notamment en Ukraine. C’est pourquoi les organisations syndicales CGT, UNSA, Solidaires, FSU, UNEF, VL, MNL et FIDL appellent d’ores et déjà à préparer un 1 er mai revendicatif pour faire de cette journée un temps fort de la mobilisation pour les salaires, les pensions, la protection sociale, les emplois, les services publics, l’engagement de la rupture écologique, la paix.
Pour une rupture profonde en matière salariale et pour les pensions. Avec un taux d’inflation qui s’emballe, la situation faite aux agent-es du public comme aux salarié-es, aux retraité-es, aux privé-es d’emploi comme aux étudiant-es n’est plus tolérable tandis que les milliardaires en France ont accumulé 236 milliards supplémentaires lors de la pandémie. Dans le public comme dans le privé, le travail des salarié-es doit être reconnu à la hauteur de sa valeur, des richesses qu’il crée, et garantir l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Les étudiant- es doivent pouvoir faire leurs études sereinement sans subir la précarité. Les pensions de retraites doivent être également revalorisées. Le 1 er mai, exigeons des mesures fortes et générales d’augmentation des salaires et des pensions, des bourses étudiantes et un plan de rattrapage des pertes accumulées.
Pour arrêter de malmener les services publics. Alors que les services publics contribuent à répondre aux besoins de la population et à réduire les inégalités, pour les organisations syndicales, il est aujourd’hui temps de reconnaitre la valeur et l’engagement de leurs agent-es en améliorant leurs conditions de travail et en revalorisant d’urgence le point d’indice. L’urgence est en effet au renforcement et à la consolidation des statuts, à l’embauche massive et à la juste rémunération de tous les fonctionnaires. Pour défendre et conforter notre modèle social. Les organisations syndicales continuent d’exiger la suppression de la réforme de l’assurance chômage, comme elles s’opposeront à tout projet visant à reporter l’âge légal de départ en retraite. La préservation de notre modèle social et de son financement passe par la lutte contre le chômage, par les augmentations de salaires, par la lutte contre l’évasion fiscale ou encore par la fin des exonérations de cotisations sociales non compensées par l’État.
Pour la transition écologique. Ce 1 er mai doit être l'occasion d'exprimer la nécessité de mesures fortes et immédiates pour éviter les conséquences dramatiques du dérèglement climatique pour les écosystèmes et les populations. Cette question concerne au tout premier chef le monde du travail.
Pour lutter contre les semeurs de haine. Les organisations s’indignent de la montée des discours d’extrême droite qui propagent la xénophobie, le racisme et l’antisémitisme et qui rejettent les luttes sociales, féministes, humanistes, ou encore d'identités sexuelles et de genre. Les organisations appellent à faire de ce 1 er mai un moment fort de réaffirmation des valeurs de solidarité et d’égalité et d’opposition à toutes les formes de discriminations.
Pour la paix et la solidarité internationale. Fidèle à sa tradition internationaliste, le mouvement syndical placera aussi ce 1 er mai sous le signe de sa solidarité avec le peuple ukrainien, et tous les peuples victimes des guerres. Les réfugié-es, d’où qu’elles et ils viennent doivent être accueilli-es dignement et sans discrimination, les citoyen-nes russes et biélorusses qui expriment leur opposition à la guerre doivent être soutenu-es. Nos organisations dénoncent l’agression de la Russie et militent pour la paix. Celle-ci passe par un retrait immédiat des troupes russes du sol ukrainien et par le retour à la diplomatie afin de dégager une solution respectueuse des droits des peuples et du droit international. Les crimes de guerre doivent être dénoncés et punis quel que soit le pays où ils sont commis. Enfin, les organisations syndicales exigent une politique d’accueil humaniste qui soit la même pour toutes et tous les réfugié-es quels que soient leurs pays d’origine.
Pour toutes ces raisons, la CGT, l’UNSA, Solidaires, la FSU, l’UNEF, la VL, le MNL et la FIDL appellent salarié-es, agent-es public-ques, jeunes, retraité-es ou encore les privé-es d’emploi à participer aux rassemblements et aux manifestations le plus massivement possible le 1er mai.
À Montpellier
la manifestation du 1° mai est à 10h30 au Peyrou
publié le 26 avril 2022
sur www,humanite,fr
Dans le collimateur du patronat et des gouvernements libéraux, l’action syndicale concourt à l’expression démocratique des travailleurs.
Le syndicalisme permet par l’action collective de faire reculer le pouvoir unilatéral des employeurs et parfois même l’État. Maryse Dumas, ancienne secrétaire confédérale de la CGT (1995-2009)
La démocratie ne peut se résumer à mettre périodiquement un bulletin dans l’urne. Elle doit surtout permettre au plus grand nombre, de toutes catégories sociales, de peser sur toutes les décisions et lieux de pouvoir. C’est l’une des missions et non des moindres du syndicalisme.
Par nature, il intervient directement au cœur du système d’exploitation, là où se noue la contradiction fondamentale d’intérêts entre capital et travail qui se répercute sur toute la société. Par son implantation et sa pratique, il permet à celles et ceux que la société brime de trouver un chemin pour s’exprimer, se faire entendre et respecter. Par l’action collective, il fait reculer le pouvoir unilatéral des employeurs, voire du pouvoir politique.
Il fait entendre les réalités sociales et parvient souvent à les modifier. Ses valeurs intrinsèques sont à l’opposé du libéralisme. À la destruction des collectifs de travail et aux mises en concurrence des salariés entre eux, il oppose, en actes, la recherche de solidarités d’intérêts et de luttes. À l’obligation d’adhérer aux objectifs stratégiques de l’entreprise pour la rentabilité du capital, il oppose la valorisation du travail et l’objectif de sa transformation pour lui donner un sens d’utilité sociale au service du bien commun. Affaibli, il a du mal aujourd’hui à déployer toutes ses potentialités, et cela participe de la crise démocratique profonde que traverse notre pays.
Sur les trente dernières années, la courbe est presque parallèle entre, d’un côté, l’affaiblissement syndical, notamment là où est son essence, c’est-à-dire sur les lieux de travail, et, de l’autre, l’accentuation des phénomènes de ressentiment et de violence tous azimuts, exacerbés par les impasses auxquelles ils conduisent. Quand on se sent isolé, impuissant à changer sa situation, quand on n’est ni respecté ni entendu, on devient une proie facile pour toutes les formes de rejet de l’autre dont l’extrême droite fait son fonds de commerce.
« L’action syndicale reste un puissant levier d’émancipation collective et d’affirmation de soi. »
C’est en se ressourçant sur ses spécificités que le syndicalisme pourra le mieux se mettre à la hauteur des défis du moment. Comme le démontrent nombre de luttes récentes, l’action syndicale reste un puissant levier d’émancipation collective et d’affirmation de soi. La déployer au maximum, notamment dans les catégories les plus malmenées par le libéralisme, est un objectif majeur. Offrir à chacune et à chacun la possibilité de s’exprimer, de débattre, de se confronter avec d’autres avant de décider collectivement est la condition d’une inversion des rapports de forces à tous les niveaux.
Rien ne peut remplacer l’expérience de la construction de luttes collectives par les salariés eux-mêmes sur leurs lieux de travail, pour faire évoluer leurs conditions de travail et d’existence. C’est le point de départ, incontournable, pour vivifier des luttes d’ensemble aux objectifs plus vastes. C’est une condition essentielle de démocratie.
Le syndicalisme a contribué à « la démocratisation de la démocratie » en permettant la participation des classes populaires. Karel Yon, sociologue, Idhes (université Paris-Nanterre, CNRS)
On tend de plus en plus à vouloir confiner l’action des syndicats à la sphère de la démocratie sociale, souvent réduite à la pratique du « dialogue social » légitimée par les élections professionnelles. Or, le syndicalisme est essentiel à la démocratie « tout court ». Il a, pour commencer, joué un rôle décisif dans la démocratisation des sociétés nées du capitalisme industriel.
De la conquête « politique » des libertés collectives (d’organisation, de grève, de négociation) au tournant du XIX e siècle jusqu’à la construction de la Sécurité sociale au milieu du siècle suivant, syndicats et syndicalistes ont su édifier leurs propres institutions, façonner celles de l’État et des entreprises pour imposer des formes de citoyenneté sociale et industrielle qui ont permis que les classes populaires ne restent pas aux marges de la société.
« Les syndicats apparaissent aujourd’hui d’autant plus essentiels qu’ils se retrouvent bien seuls. »
Ce concours du syndicalisme à la « démocratisation de la démocratie » s’est longtemps fait de concert avec toute une nébuleuse de partis, associations et coopératives constituant le « mouvement ouvrier ». Mais force est de constater que les syndicats apparaissent aujourd’hui d’autant plus essentiels qu’ils se retrouvent bien seuls. Face à des mondes partisans, associatifs et mutualistes où les salarié·e·s du bas de l’échelle sont devenu·e·s rares, les syndicats restent l’un des rares cadres rendant possibles l’engagement de militant·e·s issu·e·s des classes populaires et leur promotion à des rôles de porte-parole.
Directement branché sur les espaces de travail – ce qui n’est pas le cas dans tous les pays –, le syndicalisme offre un espace de participation aux groupes socialement, symboliquement ou juridiquement dépourvus du droit de cité. En cela, il a été et reste à ce jour un puissant vecteur d’émancipation, au-delà même du périmètre institué de la citoyenneté politique, comme le rappellent régulièrement les remarquables grèves des travailleur·se·s sans papiers.
Mais cette vocation démocratique n’a rien de naturel. Elle dépend d’un travail militant et de pratiques organisationnelles. Les syndicats sont des caisses de résonance des contradictions de la société. En attestent les problèmes de violences sexistes dans certaines organisations, ou l’écho que rencontrent par endroits les idées d’extrême droite.
Maintenir l’actualité d’un syndicalisme inclusif, attentif à représenter la classe laborieuse dans sa diversité, suppose de multiples efforts : efforts d’éducation politique à l’histoire du mouvement ouvrier, aux valeurs et aux pratiques de la démocratie, de l’égalité et de la solidarité ; efforts de développement et d’intégration pour représenter les jeunes, les femmes, les étrangers, les fractions les plus précaires et les plus exploitées du monde du travail qui recoupent souvent toutes ces catégories. Un gouvernement soucieux de revitaliser la démocratie serait bien avisé de rendre aux syndicats les moyens de se consacrer à ces efforts.
À lire. Sociologie politique du syndicalisme par Sophie Béroud, Baptiste Giraud et Karel Yon, Armand Colin, 2019.
sur https://france.attac.org
Le scrutin présidentiel qui vient de se terminer par l’élection d’Emmanuel Macron, représentant du néolibéralisme autoritaire, laisse un goût amer pour toutes les forces qui se réclament des combats écologistes, de la justice sociale et de l’égalité des droits.
La défaite de Marine Le Pen écarte pour l’instant le danger d’une prise en main de l’État et de ses administrations par l’extrême droite. Mais le score très élevé des candidat·es d’extrême droite (Le Pen, Zemmour, Dupont-Aignan) au premier tour, confirmé par celui du second, est une alerte sérieuse, qui pourrait être la dernière si une alternative progressiste de gauche ne se renforce pas au plus vite. Cela devient même vital tant les groupes fascistes et identitaires ont montré ces derniers jours le vrai visage de l’extrême droite en multipliant les agressions à l’encontre de musulman·es, de syndicalistes, de militant·es de gauche, dans le silence assourdissant de la plupart des médias. Cela devient aussi vital pour tou·tes celles et ceux, en grande souffrance sociale qui verront se dégrader encore davantage leurs conditions de vie.
E. Macron porte une responsabilité majeure dans la progression de l’extrême droite : d’une part, en banalisant avec ses ministres les thématiques de l’extrême droite et, d’autre part, en creusant les inégalités et renforçant les injustices sociales durant son quinquennat.
Président mal élu et fuyant le débat, il accède une seconde fois à la présidence de la République sans projet légitimé. Sa persistance à aggraver les injustices fiscales et sociales, à vouloir faire payer la dette aux plus pauvres et sa proposition de repousser la retraite à 65 ans ne rencontrent pas l’adhésion. Ses annonces de dernière minute sur l’écologie, ou sur les droits des femmes, ne laissent personne dupe. E. Macron bénéficie d’un mode de scrutin majoritaire à bout de souffle qui oblige les électeurs et électrices à donner leur suffrage au moindre mal au second tour. L’abstention, qui atteint un nouveau record de 28,01 %, reflète un rejet de l’offre électorale.
Ce résultat électoral pourrait provoquer démoralisation et démobilisation. Dans la mesure de ses moyens, Attac doit, avec les autres mouvements sociaux, lutter contre ces deux phénomènes. C’est par les mobilisations que nous pouvons défaire le projet néolibéral macroniste. La construction de projets émancipateurs se fait au quotidien dans les cadres collectifs que sont les associations, les syndicats, les collectifs, à toutes les échelles. La vie démocratique ne s’est jamais résumée aux échéances électorales.
Les luttes collectives à mener dès maintenant sont confrontées à deux dangers : celui des régressions sociales néolibérales et la menace identitaire, nationaliste et xénophobe. Pour faire une première démonstration qu’une dynamique collective existe en faveur de la justice sociale, environnementale et de la solidarité, nous descendrons massivement dans la rue le 1er mai pour construire une large opposition aux projets d’E. Macron.
Renforçons nos campagnes pour un autre monde !
La progression des gauches lors du premier tour de la présidentielle, notamment autour du programme de l’Union Populaire, a vu de nouvelles et nouveaux électeurs se prononcer pour une rupture avec le libéralisme, pour la justice sociale et écologique, et la construction d’une société féministe et antiraciste. Les dynamiques au sein des quartiers populaires et de la jeunesse sont un encouragement à poursuivre nos combats afin de nous défaire du néolibéralisme et faire régresser l’extrême droite qui s’en nourrit.
La progression des idées de gauche dans cette séquence électorale est aussi le fruit des mobilisations de ces dernières années : le refus de l’allongement de l’âge de départ à la retraite s’est construit dans les mobilisations syndicales, l’exigence de justice fiscale et sociale n’aurait pas été aussi forte sans la présence des gilets jaunes sur les ronds-points, l’aspiration à répondre à l’urgence écologique a mûri grâce aux grandes manifestations pour le climat, la dénonciation du racisme systémique a été parmi les mobilisations les plus massives au sortir du confinement tandis que les luttes féministes ont montré leur force numérique depuis 2017 et le mouvement #MeToo.
Malgré leur dynamique, ces mouvements n’ont pas trouvé un débouché victorieux à cette élection présidentielle. Mais les législatives de juin peuvent permettre de renforcer un projet de rupture avec le néolibéralisme productiviste, fossoyeur du modèle social conquis par les luttes.
Attac, comme d’autres organisations, va une fois encore se retrouver en première ligne face aux offensives du pouvoir. Il s’agira de poursuivre notre action pour promouvoir des alternatives au service de la justice sociale, fiscale et environnementale, pour déconstruire les discours néolibéraux et lutter contre les attaques envers les services publics et la protection sociale menées au nom de la réduction du déficit et de la dette publique.
Le travail de notre association et de ses comités locaux a été précieux au cours de cette période électorale. Elle poursuivra ce travail en vue des législatives pour dénoncer les candidat·es des inégalités fiscales, sociales et climatiques.
Attac poursuivra ces actions pour imposer une première défaite à E. Macron sur la question des retraites. Elle s’appuiera pour cela sur les fortes dynamiques qui ont émergé en 2019 et qui sont parvenues à faire reculer le gouvernement.
Forte d’une centaine de comités locaux présents sur l’ensemble du territoire, notre association invite toutes les personnes qui aspirent à plus de justice et d’égalité à la rejoindre pour porter haut et fort l’ensemble de ces combats.
sur https://www.ldh-france.org
Les urnes ont tranché et Marine Le Pen est battue.
Si la Ligue des droits de l’Homme (LDH) salue cette conclusion, les résultats laissent un goût amer et de lourdes inquiétudes sur notre démocratie.
L’abstention à cette élection présidentielle atteint un niveau le plus élevé depuis 1969 et plus de 3 millions de bulletins sont blancs ou nuls ; le président réélu l’est sans adhésion à son programme mais largement en rejet de la menace de l’extrême droite qui atteint elle un score inégalé, lourd de sens et de menaces.
Autant de signes négatifs qui imposent d’agir d’urgence pour refonder notre démocratie et nos institutions. Il s’agit aussi de répondre aux aspirations sociales, environnementales, d’égalité, de justice et de participation effective laissées sans perspective.
Une majorité parlementaire est encore à constituer dans un paysage politique éclaté qui oblige à travailler les conditions d’un rassemblement positif face à l’extrême droite et à ses idées, comme aux logiques ultralibérales qui les entretiennent et contre lesquelles il sera nécessaire de se mobiliser encore.
La LDH participera activement à ces combats et portera, comme elle l’a fait durant le précédent quinquennat, ses mêmes exigences de réponses démocratiques, de lutte contre les injustices et les inégalités.
sur https://www.greenpeace.fr
Dimanche 24 avril, Emmanuel Macron a remporté l’élection présidentielle face à Marine Le Pen. Après une campagne où l’enjeu écologique a été largement négligé et où la menace de l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir a une fois de plus été forte, Greenpeace France appelle la société civile à se mobiliser pour contraindre le prochain exécutif à un sursaut social et écologique absolument indispensable.
“La réélection d’Emmanuel Macron face à la candidate du RN ne signifie pas qu’il y a une adhésion forte à son projet. Au vu de son bilan sur le front climatique et écologique durant le dernier quinquennat, nous ne pouvons pas apporter de crédit aux quelques promesses qu’il a avancées de façon opportuniste pendant le second tour sur ces enjeux, nous jugerons sur pièce. Fondamentalement, son programme politique reste ancré dans une logique productiviste, libérale et technocentrée, incompatible avec les objectifs climat de l’accord de Paris qui impliquent une transformation profonde de nos modes de production et de consommation vers plus de solidarité, de justice sociale et de sobriété . Des enjeux qui semblent toujours échapper au Président Macron, au-delà de ses déclarations incantatoires.” réagit Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France.
Alors que le GIEC vient une nouvelle fois de sonner l’alarme, Greenpeace France rappelle que la France a été condamnée deux fois par la justice en 2021 pour son inaction climatique.
“Hausse des températures, destruction des ressources planétaires, effondrement de la biodiversité, ces phénomènes atteignent un seuil critique. Face au déni ou au cynisme de certains décideurs politiques, Emmanuel Macron en tête, nous sommes nombreux et nombreuses à aspirer à une société respectueuse des limites planétaires, plus juste et plus solidaire. Avec le mouvement climat et le mouvement social, nous exercerons notre rôle de contre-pouvoir pour imposer la justice sociale et l’urgence écologique et climatique au cœur de l’agenda politique, du débat public et des prochaines échéances électorales. Chaque fois que cela sera nécessaire, nous dénoncerons les “fausses solutions”; “les petits pas” et les “grandes reculades.” poursuit-il.
A court terme, Greenpeace France appelle notamment tous les citoyens et les citoyennes à manifester le 1er mai dans la
rue, aux côtés des organisations syndicales et du mouvement social, pour faire entendre une voix forte de la société civile immédiatement après la réélection d’Emmanuel Macron.
Greenpeace France appelle également à se mobiliser massivement dans les urnes à l’occasion des élections législatives les 12 et 19 juin pour élire un maximum de député·es défendant une vision
ambitieuse et juste de l’écologie.
sur https://www.confederationpaysanne.fr
Réélu grâce à la mobilisation citoyenne contre Marine Le Pen, Emmanuel Macron entame un second mandat. Dont acte. A la veille du premier tour, nous avions dit en quoi notre projet d'agriculture paysanne, en capacité de répondre aux urgences sociales et environnementales, est aux antipodes du néolibéralisme antisocial et anti-écologique, obstacle à la mise en œuvre de politiques égalitaires et émancipatrices.
Le bilan agricole du précédent quinquennat est catastrophique : la promesse d'une loi foncière ambitieuse a accouché d'une souris ; les deux lois Egalim, dépourvues d'outil de régulation, n'ont évidemment rien réglé aux problèmes de revenu des paysans.nes ; une nouvelle PAC* dite de la « stabilité» arcboutée sur des aides à l'hectare avec un plan stratégique national dont le peu d'ambition agro-environnementale est dénoncée jusque dans les rangs de la Commission européenne ; aucun investissement dans la formation et l'installation alors que dans 8 ans la moitié du monde agricole partira à la retraite ; les mégabassines comme réponse aux enjeux de transition et d'adaptabilité de l'agriculture face à la raréfaction de l'eau ; une gestion catastrophique et dogmatique de la plus grave crise de grippe aviaire jamais survenue en France …. La liste est bien trop longue.
La responsabilité face aux enjeux de transition agro-écologique et de renouvèlement paysan oblige de ne pas perdre 5 années supplémentaires. Il est donc impossible de repartir dans la cogestion gouvernement-FNSEA*, portée à son paroxysme dans le précédent quinquennat. La ou le futur ministre de l'agriculture devra donc s'extraire de ce seul tête à tête.
La Confédération paysanne a des propositions qui ne sont ni la robotique, ni le numérique, ni la génétique, ni le « produire plus ». L'enjeu principal pour le monde agricole est de s'attaquer aux ravages du néolibéralisme et protéger économiquement les paysan.nes pour installer massivement, imposer une répartition équitable des richesses et permettre l'accès de toutes et tous à une alimentation de qualité.
Dès le premier mai, nous serons donc mobilisés pour faire vivre nos propositions dans la rue, dans les luttes, dans les débats politiques et dans les différents lieux de pouvoir. Les attentes et les urgences que nous portons au travers de notre projet de transformation agricole, alimentaire, sociale et environnementale doivent être prises en compte. En tant que syndicat, nous nous mobiliserons pendant la campagne des législatives pour que ces propositions soient portées par les député.es élu.es et réellement prises en compte dans le quinquennat qui débute.
Emilio Meslet sur www,humanite,fr
Dans la foulée d’une présidentielle où la planète est restée en marge des débats, les ONG veulent créer un nouveau souffle propice à l’engagement. Pour cela, une réorganisation paraît nécessaire.
« Une défaite pour le climat ». Au sein du mouvement climat, on peine à trouver d’autres mots pour décrire la séquence présidentielle qui s’est achevée, dimanche, par le moins terrible des deux scénarios. Emmanuel Macron est réélu, Marine Le Pen n’accède pas à l’Élysée. « Nous avons évité le pire, mais ce n’est pas pour autant qu’on a le meilleur », résume Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. Et Élodie Nace, porte-parole d’Alternatiba, de compléter : « Maintenant, on se remet au travail, cinq ans de lutte nous attendent. » À peine le temps de souffler qu’il faut déjà penser un après qui ne sera pas une sinécure pour l’environnement. Surtout que, dans l’entre-deux-tours, le greenwashing du président-candidat n’a pas pris sur les ONG. « Rien ne prouve qu’Emmanuel Macron numéro 2 va être meilleur que Macron numéro 1. Son bilan plaide contre lui, donc je le jugerai sur les actes », prévient Jean-François Julliard.
Une fois ce constat posé, il ne reste alors qu’une seule option : la riposte. Et elle commence tout de suite, disent les associations. Ce mardi, avec une série de manifestations et d’actions coups de poing dans le pays, Résistances locales, un agrégat de 120 collectifs, ouvre le bal pour mettre la pression. « Il n’y a que peu d’espoir à avoir dans la voie institutionnelle. Nous devons accentuer le rapport de forces. Et la meilleure stratégie, selon moi, est de se mobiliser localement, là où il y a le plus de brèches, donc de chances d’obtenir des victoires », appelle Léna Lazare, membre de Terres de luttes, qui veut mettre à profit une « culture de résistance » construite depuis l’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Sans pour autant « oublier l’échelon national et international », précise la jeune militante.
« Vers un projet de société commun »
À court terme, les ONG ont coché deux dates sur leur calendrier : le 1er Mai, puis la mi-juin, avec les élections législatives. Des discussions sont en cours afin de définir le rôle que peuvent tenir les associations dans cette séquence électorale pour « envoyer un maximum de députés proches de (leurs) causes ». Ensuite, viendra le temps de la restructuration d’un mouvement climat assez hétérogène qui n’a eu que peu de succès face au mur Macron. « En 2019, on a gagné la bataille culturelle sur le changement climatique. Maintenant, on doit dépasser ce constat, préconise Élodie Nace. Pour cela, nous avons besoin de connecter la question climatique à la vie des gens en montrant que nous portons, avec d’autres mouvements sociaux (féministes, antiracistes…), un projet de société commun. »
Dans cette optique, même si « elles n’ont pas eu jusqu’ici l’impact escompté », selon Jean-François Julliard, les marches pour le climat continueront de façon à être une « porte d’entrée » vers la lutte. « Il nous faut continuer les recours juridiques comme la désobéissance civile pour rehausser notre influence », ajoute le patron de Greenpeace. Et Élodie Nace de conclure : « Il y a certainement encore plein de formes à inventer à partir du travail déjà effectué. »
publié le 24 avril 2022
Bruno Vincens sur www.humanite.fr
Les salariés aveyronnais mettent fin à leur présence continue, depuis cinq mois, dans la fonderie de Viviez. Leur objectif est atteint : l’outil de travail ne sera pas dilapidé. Le groupe MH Industries se positionne pour racheter l’entreprise
Toulouse (Haute-Garonne), correspondance.
Quelques larmes coulent. Un mélange de joie et d’émotion. L’assemblée générale vient de se terminer. Au 150e jour, ce jeudi 21 avril, les salariés de la SAM, à Viviez (Aveyron), ont voté à l’unanimité la fin de leur présence continue dans cette usine pour laquelle ils ont livré une incroyable bataille. Pour que cette fonderie à l’arrêt retrouve vie. Pour empêcher la dispersion et la vente aux enchères des machines-outils et du gigantesque stock de pièces en aluminium. Un candidat à la reprise de la SAM se profile : MH Industries, groupe industriel basé dans le Lot voisin. Les fours, espèrent les métallos aveyronnais, seront bientôt rallumés et l’aluminium liquide coulera dans les moules. Le site est appelé à produire de nouveau des pièces automobiles et, surtout, à se diversifier vers le ferroviaire et l’aéronautique.
Depuis le 23 novembre, les salariés de la SAM protégeaient jour et nuit leur outil de travail. Ce lundi, ils mettent fin au mouvement. À midi, ils se regrouperont une dernière fois puis se disperseront avec au cœur une immense satisfaction : au bout de cette longue lutte, de cette aventure collective, leurs revendications ont abouti. Jeudi, avant l’assemblée générale, une réunion en préfecture a en effet scellé un protocole qui comporte deux points essentiels : les mandataires liquidateurs de la SAM – le cabinet toulousain Egide – s’engagent par écrit à ne pas saisir et vendre les machines et le stock contenus dans l’usine ; une société de gardiennage va désormais veiller sur la fonderie. Le document est également signé par la région Occitanie, l’intercommunalité de Decazeville et les représentants du personnel.
Le protocole est valable jusqu’au 30 juin. Le groupe MH Industries dispose de ce délai pour confirmer sa reprise du sous-traitant automobile. Une étude de faisabilité est en cours et les négociations semblent, de source syndicale, assez avancées. Dans un premier temps, l’intercommunalité de Decazeville va prendre à sa charge les frais de gardiennage, renforcé par des rondes de la police municipale. Pas question que le lieu soit pillé ou vandalisé ! Surtout, MH Industries rachèterait les machines tandis que la région Occitanie ferait l’acquisition des murs, jusqu’ici propriété de la société chinoise Jinjiang.
Du côté des salariés, l’optimisme est de rigueur : la reprise de l’activité, prévue pour janvier 2023, aurait lieu dès le mois de septembre 2022. « C’est notre grande fierté : donner la possibilité à MH de concrétiser son projet industriel », s’écrie David Gistau (CGT).
Un combat historique, qui se poursuit aux prud’hommes
Cependant, une grande inconnue demeure : parmi les 333 emplois de la SAM, combien seront préservés par le repreneur ? « Le projet de MH Industries est ambitieux et la SAM serait la vitrine de ce groupe », estime le syndicaliste. D’où l’espérance de voir une majorité de salariés retrouver leur travail à la fonderie, même si beaucoup d’entre eux devront être formés à de nouvelles tâches. MH Industries ne cache pas son envie de grandir et veut doubler son chiffre d’affaires dès 2023. Son patron, Matthieu Hède, voit dans la SAM l’opportunité d’une diversification inscrite dans sa stratégie, après avoir acquis un site industriel à Brive (Corrèze) en 2019.
La région Occitanie s’est fortement engagée pour trouver une issue industrielle à la SAM et sa présidente, Carole Delga, entrevoit une « sortie de crise ». Elle souligne « l’abnégation et la responsabilité » des métallos de Viviez. Leur lutte figure d’ores et déjà dans l’histoire sociale du bassin de Decazeville, dans l’histoire de la classe ouvrière aveyronnaise. À la grève mythique des mineurs en 1961 et 1962, longue de 66 jours, où les gueules noires avaient passé le réveillon de Noël au fond des galeries, s’ajoute désormais le combat pour la SAM. Un combat déterminé et lucide. Depuis un an, les salariés de la fonderie ont organisé 83 assemblées générales ; 15 rassemblements ont permis à la population du bassin, et bien au-delà, de manifester sa solidarité. La lutte se poursuit désormais aux prud’hommes pour obtenir des indemnités supralégales du donneur d’ordres Renault, coupable d’avoir abandonné son fournisseur en pièces métalliques.
Au cours de ces cinq mois de présence permanente dans la fonderie, des liens très forts se sont créés entre ces femmes et ces hommes qui ont vécu une aventure commune. Ce lundi, à midi, viendra le moment de la séparation. « Ça va être très douloureux, prévoit David Gistau. Mais nous avons la fierté d’être allés au bout de ce qu’on pouvait faire. »
publié le 17 avril 2022
Guillaume Bernard sur https://rapportsdeforce.fr
Les grèves ne disparaissent pas entre les deux tours de l’élection présidentielle. Elles sont pourtant quasi absentes des discours des candidats. Ainsi, pendant que les caméras sont braquées sur Emmanuel Macron et Marine Le Pen, on en oublierait presque que les luttes continuent dans les entreprises. Tour d’horizon.
En 2017, il y avait Whirlpool. L’entreprise d’électroménager avait servi de ring de boxe à Emmanuel Macron et Marine Le Pen, dans l’entre-deux-tours de la présidentielle. Cinq ans plus tard, pas de grande rencontre orchestrée dans une usine en lutte pour tenter de s’attirer les grâces de la France qui fait grève.
Pourtant, les luttes continuent dans les entreprises. Près de Bordeaux, les employés de Capgemini sont entrés en grève jeudi 14 avril, et ce pour la première fois depuis 2008. Ils exigent des augmentations de salaire. Chez les hôtesses de l’air, les stewards et les pilotes de la compagnie espagnole à bas coût Volotea, un mouvement de grève est prévu à partir du 16 avril pour protester contre des salaires jugés indécents. A la SMAD, entreprise pharmaceutique près de Lyon, une centaine de salariés entament actuellement une grève reconductible, une fois encore sur la question des salaires. Dans les services publics, chez RTE, à la SNCF, les conflits régionaux et locaux ne s’arrêtent pas non plus en période présidentielle. Enfin, en grève depuis maintenant six mois, les travailleurs sans-papiers de La Poste demandant toujours leur régularisation.
La Sam aurait pu être le nouveau Whirlpool
Occupée depuis 144 jours, la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM) aurait pu être le Whirlpool de l’élection présidentielle 2022. La liquidation de l’entreprise aveyronnaise en novembre 2021 incarne la désindustrialisation des campagnes françaises. 347 salariés risquent de perdre définitivement leur travail et tout un bassin d’emploi est menacé.
Après une lutte longue de plus d’un an, les salariés attendent désormais beaucoup du plan de reprise, proposé par une entreprise du Lot : MH Industries. Une discussion rassemblant l’État, les collectivités, les salariés et cette entreprise devrait avoir lieu en juin ou en juillet.
En attendant, les fondeurs de la SAM se relaient nuit et jour pour « protéger l’outil industriel ». Comprendre : éviter que les machines ne soient vendues aux enchères. « Il y a, à la SAM, des machines et des savoir-faire que l’on ne trouve plus en France. Toute notre action aujourd’hui consiste à les préserver pour que nos métiers ne disparaissent pas », explique David Gistau, représentant CGT des ex-salariés de la Sam.
Dans le bassin decazevillois, pas question de faire appel à un providentiel candidat à l’élection présidentielle pour espérer sauvegarder des emplois. « Lors d’une AG, mercredi soir, nous avons décidé que ni Macron ni Le Pen ne seraient les bienvenus à la SAM dans le cadre de leur campagne. On ne pense pas que les promesses d’entre-deux-tours puissent nous apporter quoi que ce soit. Nous, on croit à la lutte », affirme David Gistau de la CGT.
Chez Amazon, bataille pour les salaires
Dans un contexte d’inflation généralisée, les luttes pour les augmentations de salaire se multiplient dans les entreprises françaises. Depuis peu, Amazon a ouvert des négociations autour des salaires de ses employés. Et cela se passe mal. Le géant du e-commerce a lui-même mis le feu aux poudres en annonçant son augmentation de salaire, via CHIME, la messagerie interne de l’entreprise.
L’anecdote vaut la peine d’être racontée tant elle en dit long sur la manière dont Amazon traite ses syndicats. « Le 31 mars, alors que tous les syndicalistes de la boîte sont réunis pour un comité social et économique (CSE) central, ils constatent, à la pause café, qu’Amazon annonce sur CHIME des augmentations de salaire de 3 %. Ils n’ont pourtant rien négocié du tout ! », s’indigne Jean-François Bérot, syndicaliste Sud-Commerce chez Amazon.
Lundi 4 avril, une intersyndicale rassemblant la totalité des syndicats français du géant du e-commerce annonce une série de débrayages pour une période indéterminée. « L’objectif c’est qu’Amazon nous lâche au moins 5 % d’augmentation. C’est un minimum dans un contexte où l’inflation atteint 4,5 % », fulmine Jérôme Guislain, de Sud-Commerce. Mais Amazon ne l’entend pas de cette oreille. Malgré une pression continue et des débrayages dans au moins 7 des 8 plus grands entrepôts de France, lors de la réunion de négociation ce jeudi 14 avril, la direction a concédé seulement 3,5 % d’augmentation. Trop peu pour les syndicats, qui prévoient de continuer leurs actions.
À la raffinerie de Donges, Total ne lâche rien
Malgré 20 jours de grève, la direction de la raffinerie Total de Donges reste inflexible. Pourtant, sur le papier, le rapport de force semblait en faveur des grévistes. La grève est massive (250 des 300 salariés postés), l’outil industriel est bloqué, alors même que la raffinerie entame son redémarrage, et les revendications des grévistes sont largement accessibles à une multinationale qui se targue d’avoir réalisé 13,5 milliards d’euros de profit en 2021. « On veut que la direction embauche 43 salariés précaires en CDI », rappelle David Arnould, élu CSE sur le site Total de Donges et militant CGT.
Niet. « Total est sur une ligne dure : refus absolu de négocier avec des grévistes. Du côté de l’État, la sous-préfecture a refusé de nous recevoir et de nommer un médiateur, sous prétexte que nous avions organisé une manifestation non déclarée devant ses fenêtres. » Pour les salariés de la raffinerie de Donges, l’embauche des précaires est aussi une question de sécurité. « Faire tourner une raffinerie avec autant de précaires c’est dangereux. On saura se rappeler l’attitude de la direction s’il y a un problème un jour », affirme David Arnould. Une assemblée générale des grévistes doit se tenir ce vendredi matin pour décider de la suite du mouvement.
Grève du nettoyage à l’ARS Marseille
Les grands collectifs de travail ne sont pas les seuls à être engagés dans de longues grèves dans cet entre-deux-tours. De nombreuses grèves ont lieu dans des entreprises de taille plus modeste. A Marseille, les 7 agents qui nettoient les locaux de l’agence régionale de santé (ARS) sont en grève depuis le 29 mars.
« Au départ ils étaient 8 à assurer le nettoyage de ces locaux, puis ils sont passés à 7 et finalement à 6. C’était impossible de nettoyer ces locaux en étant si peu, le chef d’équipe s’est opposé à cette décision… et il a finalement été muté. C’est ça qui a déclenché la grève », raconte Camille El Mhamdi, juriste à la CNT-SO, le syndicat des grévistes. Ces derniers exigent l’annulation de la mutation du chef d’équipe, le retour à 8 salariés et le paiement d’un certain nombre d’heures supplémentaires indues.
Comme souvent dans le nettoyage, ces agents – 3 hommes et 4 femmes – sont employés par une entreprise sous-traitante : Laser. Or, cette dernière refuse catégoriquement d’accéder à leur requête et envoie d’autres membres de ses équipes pour nettoyer l’ARS lorsque les grévistes ne sont pas sur le piquet.
publié le 15 avril 2022
par Rémi Yang sur https://basta.media/
Depuis plus d’un mois, l’association Droit au logement a installé un campement en plein Paris pour exiger le relogement des 200 personnes. Des familles menacées d’expulsion ou logées dans un logement insalubre, pourtant reconnues comme prioritaires Dalo.
Cet après-midi, le soleil baigne le campement de l’association Droit au logement (DAL), place de la Bastille à Paris. Sur des chaises, à l’extérieur, un groupe d’adhérentes et d’adhérents se préparent à aller coller des affichettes alors que la sono crache tantôt du R&B, tantôt du reggae. Dans la tente, Passy, un militant du DAL, supervise la préparation de l’action de l’après-midi. « Le camp, on l’a installé pour les 15 ans de la loi Dalo [Droit au logement opposable]. On voulait marquer le coup. Ça fait trois semaines qu’on est là ! » Derrière lui, le sol est recouvert de tapis colorés, et du matériel de couchage est entreposé aux extrémités de la tente, qui s’allonge sur plusieurs mètres de profondeur. Une seconde zone, dans le fond du campement, abrite des tentes individuelles Quechua montées sur des palettes. « Ici, il y a des familles et des personnes isolées qui vivent dans des conditions indignes ou sous la menace d’une expulsion alors même qu’elles sont prioritaires Dalo », ajoute Passy. 200 familles en attente d’un relogement, dont l’urgence de la situation, comme celle de centaines de milliers de mal-logés, est ignorée par les deux finalistes de la campagne présidentielle.
« Il y a des familles et des personnes isolées qui vivent dans des conditions indignes ou sous la menace d’une expulsion alors même qu’elles sont prioritaires Dalo »
Depuis début mars, le DAL organise une « manifestation permanente » place de la Bastille pour réclamer leur relogement. La préfecture de police de Paris a bien essayé d’empêcher la tenue du rassemblement, mais l’arrêté produit par Didier Lallement a été retoqué au tribunal administratif. Le 7 mars, la juridiction a estimé que « l’interdiction partielle de la manifestation était disproportionnée par rapport aux impératifs de protection de l’ordre public », après avoir rappelé « que le droit de manifester était une liberté fondamentale ».
Les deux grandes tentes blanches ont été érigées près de l’accès au canal de l’Arsenal. Une cinquantaine de personnes y dorment tous les soirs, selon Passy. Toutes « auraient déjà dû être relogées en HLM mais l’État, responsable de la bonne application de la loi, et les autres réservataires de logements sociaux (maires, bailleurs HLM, dispositif du 1 % logement), sont souvent défaillants », dénonce le DAL. La loi Dalo, adoptée en mars 2007, oblige en théorie l’État à offrir un « logement décent et indépendant » à toute personne qui en est privée. Depuis son application, 209 770 demandeurs ont été relogés grâce à cette loi.
Appartements insalubres
Emmitouflée dans sa doudoune, Faïza garde un œil sur le camp. Elle en est un des piliers et sa présence est quotidienne. La quadragénaire rencontre des problèmes d’humidité dans le deux pièces où elle habite à Paris, avec son mari en situation de handicap, son fils de 20 ans, et sa fille de 21 ans. « Il y a une chambre, un salon, un petit coin et une salle de bain, décrit-elle. L’appartement est vraiment sale, surtout dans la cuisine, je dois toujours acheter des produits d’entretien chers pour nettoyer. Il faudrait aussi faire des travaux de plomberie, mais quand j’ai demandé à ma propriétaire, elle m’a dit qu’elle accepterait à condition d’augmenter le loyer de 200, puis de 500 euros. » Pour payer son loyer de 1000 euros actuellement, Faïza cumulait deux boulots pendant le confinement. Un travail d’après-midi qu’elle enchaînait avec un travail du soir. « Il n’y a pas de place pour dormir chez moi, alors des fois je m’endormais dans le métro ou sur les marches des stations parce que c’était plus confortable. »
À ses côtés, Francis s’occupe de la sécurité et de la sono du campement. Depuis sept ans, l’ancien agent de sécurité vit avec sa femme et ses trois filles dans un trois pièces insalubre. Comme Faïza, il raconte lutter contre l’humidité, qui a favorisé la propagation de moisissure. « La salle de bain n’est pas ventilée, explique-t-il. Les champignons ont commencé à atteindre le couloir, la cuisine, et là c’est entré dans le salon. J’ai essayé de les retirer et de mettre un revêtement spécial, mais ça reprend quand même. » Sa famille est logée via le dispositif Solibail, une association agréée par l’État qui sous-loue à des ménages aux revenus modestes et logés jusqu’ici à l’hôtel. Solibail est censée se charger de l’entretien de l’appartement et du suivi social des locataires. Mais l’accompagnement semble défaillant : Francis assure n’avoir jamais eu de nouvelles de son assistante sociale. « On a changé trois fois d’assistante sociale, et la dernière ne nous a jamais rencontrés. Je ne l’ai jamais vue, je connais juste son nom, rien de plus. »
Menacés d’expulsion sans option de relogement
Sur son téléphone, Faïza fait défiler les SMS de sa propriétaire. Celle-ci lui demande à plusieurs reprises son accord pour augmenter le loyer. Dans le dernier, la propriétaire fait part à Faïza de sa volonté de vendre l’appartement et lui demande de plier bagages. « Mon mari a un pacemaker, il est handicapé. Lorsqu’il a lu les messages sur mon téléphone, il a fait une crise. On a dû l’emmener à l’hôpital », raconte la mère de famille. Une lettre d’huissier exigeant de vider les lieux lui est parvenue en janvier dernier.
« En 2016, je suis passée devant le tribunal et le juge a dit “installez tout de suite cette famille”. Mais il n’y a aucun résultat ! »
Francis et sa famille vivent aussi sous le menace de l’expulsion. En 2020, le père de famille à la moustache fournie s’est cassé l’épaule en tombant sur une plaque de verglas. Un accident de travail qui l’a empêché de retourner bosser. La Sécurité sociale a tardé à reconnaître le handicap du quadragénaire, le privant d’allocation. Résultat, il n’a reçu aucun salaire pendant deux ans. « Du coup, on ne pouvait pas payer notre loyer - on payait des petites sommes mais bon… On est en train de régulariser, mais ils n’ont pas voulu reconduire le bail. Depuis août de l’année dernière, on est expulsable. » Un passage devant les tribunaux, avec l’appui de l’avocat du DAL, lui a permis d’obtenir un sursis de trois ans. Il n’empêche que pour la famille, déménager est devenu encore plus une urgence depuis la naissance de la petite dernière, en 2020.
Francis et Faïza sont pourtant reconnus prioritaires Dalo depuis 2009 pour le premier et 2016 pour la seconde. « Je suis passée devant le tribunal et le juge a dit “installez tout de suite cette famille”. Mais il n’y a aucun résultat ! » se désespère Faïza, qui garde la décision rendue par le tribunal administratif sous la main. « Il est enjoint au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, d’assurer le relogement de [Faïza et sa famille] », renseigne le document. Cinq ans plus tard, l’État refuse toujours de respecter la loi.
Repère : Les 10 % les plus pauvres consacrent plus de 40 % de leurs revenus pour se loger
Le coût du logement pèse de plus en plus sur la grande majorité des ménages français et leur pouvoir d’achat, en particulier les plus modestes : les 10 % les plus pauvres consacrent plus de 40 % de leurs revenus pour se loger (loyer, remboursement d’un emprunt...). Quatre millions de personnes sont considérées comme mal-logées. Malgré l’importance de ces questions, la campagne présidentielle n’a quasiment pas traité du logement. Le programme d’Emmanuel Macron sur le sujet se résume à deux proposition, très vagues, rappelant notamment qu’il faut sanctionner « les mauvais payeurs »... alors que plus de 14 millions de personnes sont fragilisées par la crise du logement, selon la Fondation Abbé Pierre. Quant au « projet pour la France » de Marine Le Pen, la question du logement est tout simplement totalement absente.
C’est tout le contraire pour les candidats de gauche, éliminés après ce 1er tour. L’Avenir en commun, porté par Jean-Luc-Mélenchon, propose d’inscrire « le droit à un logement digne » dans la Constitution, d’interdire les expulsions sans relogement, d’augmenter les contingents d’attribution de logements sociaux pour les personnes prioritaires (Dalo), d’encadrer les loyers à la baisse, et de produire un million de logements sociaux. Le mouvement a consacré un livret de son programme au logement. De son côté, EELV souhaitait créer 700 000 logements sociaux sur cinq ans, instaurer une « garantie universelle des loyers » et mettre en place un plan de « rénovation des logements et bâtiments de 10 milliards d’euros par an pour atteindre une réduction de 50 % de la consommation d’énergie ». La facture énergétique pour se chauffer pèse aussi considérablement sur de nombreux ménages. RY et IDR
14 millions de personnes vivaient dans des conditions de logement difficile en 2021. En 2019, 16 700 foyers ont été expulsés.
Une personne reconnue prioritaire au titre de la loi Dalo doit normalement se voir proposer une solution de relogement ou d’hébergement par la préfecture dans un délai de six mois. En six ans, Faïza raconte n’avoir eu qu’une proposition de relogement, qu’elle a acceptée. Mais son dossier n’aurait pas été retenu. « J’attends que tout le monde soit relogé dans de bonnes conditions, on n’en demande pas plus », revendique Francis. Selon les chiffres de la fondation Abbé Pierre, 14 millions de personnes vivaient dans des conditions de logement difficile en 2021. En 2019, 16 700 foyers ont été expulsés.
Mi-mars, après un rassemblement devant la préfecture de région, une délégation de militants a été reçue par les autorités. « C’était plutôt positif, on a senti qu’ils étaient prêts à négocier, mais nous n’avons toujours pas de retour concret, déplore Passy, qui précise avoir saisi le ministère et la préfecture en amont de l’installation du campement. Ils étaient au courant de l’action. »
Le QG des mal logés
Dans la tente du camp de Bastille, Francis exhibe fièrement son duvet militaire qu’il trimballe depuis 1996, un souvenir de ses années passées à l’armée, en volontariat. Il fait partie de la cinquantaine de personnes qui restent dormir sur le camp, chaque soir. Faïza, elle, pointe ici tous les jours, après le boulot. Elle ne rentre chez elle qu’à minuit pour s’occuper de son mari, nettoyer et se reposer un peu avant de prendre le travail.
« À 5 h du matin, un gros groupe part prendre les premiers transports pour aller bosser, amener les enfants à l’école, ou encore se reposer, parce que les nuits ici sont difficiles », explique Passy. « Les premières soirées, c’était dur. On n’était pas assez préparés, rembobine le militant, en faisant référence au froid des nuits de début mars. Mais ça commence à prendre forme. D’autres assos nous aident en nous donnant par exemple du matériel ou de la nourriture. » Les initiatives de solidarités se succèdent aussi. Un street-artist, Vince, est venu grapher en soirée une banderole de soutien aux demandeurs de logement. Elle est accrochée sur des palettes à l’entrée du camp. On peut y lire : « Un toit est un droit », « Le QG des mal logés », « Plus personne à la rue… tout le monde dans la rue ». Le campement sert aussi de QG pour préparer les prochaines actions. « Ils sont autonomes, je n’ai presque rien à superviser », s’amuse Passy.
Le 26 mars, de nombreux militants et militantes du camp se sont retrouvés place de la Bourse pour défiler jusqu’au ministère de la Transition écologique, dont dépend Emmanuelle Wargon, la ministre chargée du Logement. Avant de se mettre en marche, Faïza et Wassina ont pris le micro pour témoigner de leur situation devant une centaine de personnes. « Je serai expulsable après la trêve hivernale [le 31 mars 2022] et j’habite dans un logement insalubre où il n’y a ni douche, ni WC, affirme Wassina. Quand je dois descendre ou monter les marches pour accéder à mon appartement, je dois me mettre à quatre pattes, comme un animal », s’indigne-t-elle, dans son fauteuil roulant.
Dans la manifestation, Francis surveille la foule depuis la camionnette alors que Faïza rejoint le service d’ordre. En tête de cortège, Dalila bat le pavé pour la première fois de sa vie. La sexagénaire, lunettes de soleil sur le nez et long manteau noir sur le dos, habite dans un « tout petit studio » dont la proximité des quatre murs lui mine le moral. Son statut de prioritaire Dalo a été reconnu l’année dernière. Au même moment, elle a commencé à fréquenter le DAL et rend visite presque tous les jours à ses nouveaux amies et amis sur le campement. « Il y a de la solidarité ici, ça fait du bien », sourit-elle. Sur la pancarte qu’elle tient, il est écrit : « Il taxe l’APL et les HLM, c’est le président des riches et des rentiers ».
Le 12 avril, alors que ces « oubliés du Dalo » manifestent une nouvelle fois devant le ministère du Logement, les forces de l’ordre sont intervenues « brutalement ». « Elles ont violemment plaqué au sol Jean-Baptiste Eyraud [porte parole du DAL], tout en gazant les familles qui ont ensuite été nassées plus d’une heure », a dénoncé le DAL dans un communiqué. Jean-Baptiste Eyraud a été placé en garde à vue pour « rébellion » puis libéré dans la nuit. Plusieurs des manifestants ont été blessés, selon le DAL.
publié le 10 avril 2022
Bruno Vincens sur www.humanite.fr
Depuis plus de quatre mois, les employés de la Société aveyronnaise de métallurgie veillent sur la fonderie d’aluminium de Viviez, alors qu’un projet de reprise semble possible. Une présence jour et nuit qui a renforcé les liens de solidarité.
Viviez (Aveyron), envoyé spécial.
Une pancarte égrène le temps qui passe : 137 e jour, ce vendredi, de présence dans l’usine. Des conteneurs alignés protègent l’entrée. Un petit groupe s’affaire à la cuisson des merguez pour le couscous préparé au même moment par Zine. Près du barbecue, Nathalie raconte qu’elle a consacré vingt-six ans de sa vie à la SAM (Société aveyronnaise de métallurgie) : « Je m’occupais de la conception des moules (qui produisaient les pièces pour automobiles – NDLR). » Nathalie est là « depuis le premier jour », le 22 novembre, lorsque le personnel du sous-traitant de Renault décida de veiller 24 heures sur 24 sur les machines-outils, les moules, l’immense stock de pièces usinées. Pas question de voir l’outil de travail s’envoler ! Face au retrait du constructeur, la lutte est tenace pour maintenir la fonderie d’aluminium à Viviez, dans le bassin de Decazeville.
« Je serai là jusqu’au dernier jour ! »
Comment tuer le temps dans une usine à l’arrêt ? « Je trouve à m’occuper, répond Nathalie. Je fabrique des tracts, des affiches. Il y a toujours un sujet de conversation avec les collègues ou un journal qui traîne avec un sudoku à faire. » Les concours de belote ? « Non, je connais à peine les règles. Mais on a en permanence des gâteaux apportés par des habitants du bassin. Certains ont pris des kilos ! »
Nathalie l’avoue tout de même : « Parfois, les journées sont longues. » Près du barbecue, Bernard est attentif aux merguez. Cet ancien responsable de l’équipe de nuit à la fonderie totalise trente-sept ans d’ancienneté à la SAM. Comme beaucoup, il assure ici une présence régulière : « Et je serai là jusqu’au dernier jour ! Avec cette lutte, on a créé des liens forts. Des collègues de travail sont devenus des copains. Cette amitié, c’est énorme, et personne ne pourra nous l’enlever. »
« Même pas peur ! »
Bernard raconte les journées : « On parle de chasse, de pêche, de tout, de la vie. Avec certains, on parle de la présidentielle. » Il ajoute, l’œil malicieux : « J’ai parié avec un collègue que Macron ne serait pas au second tour. »
Le couscous est fin prêt. Zine, aux fourneaux depuis la veille, est le boute-en-train de l’équipe : « J’usinais des pièces pour Renault, maintenant je suis cuistot. Il faut savoir tout faire à la SAM ! » explique celui qui porte un tablier à l’effigie de la Joconde. En sortant de la cuisine, il montre un carter d’embrayage qu’il a produit : « C’est vache ce que nous a fait Renault, alors qu’on commençait à travailler pour des véhicules électriques. »
Depuis le 5 avril, la présence des salariés dans les murs de l’usine est jugée illégale par le tribunal de Rodez. « Les CRS peuvent venir avec leurs boucliers et leurs matraques ! Même pas peur ! » rigole Zine. Comment se passent les journées ? « On parle de nos déboires, alors qu’on ne boit pas ! »
Le bâtiment de maintenance, transformé en salle à manger
Les couscoussiers sont posés sur un Fenwick qui d’habitude transporte de l’aluminium liquide. L’engin est conduit par JR. Il peste contre les mandataires du cabinet toulousain Egide qui veulent l’évacuation de la fonderie et, sans doute, vendre tout ce qu’elle contient : « Ils n’ont pas d’âme, ils ont un cœur de pierre. » Mais, pour Zine : « Les mandataires sont tombés sur plus forts qu’eux ! »
Vient le moment tant attendu de la dégustation avec 70 convives attablés dans le bâtiment de maintenance, transformé en salon-salle à manger et lieu de vie. Applaudissements pour le cuistot. Ici sont pris les repas. Ici les métallos aveyronnais ont suivi sur un écran plat la marche du XV de France vers le Grand Chelem.
« Plus jamais de ma vie je n’achèterai une Renault ! »
Au moment du café, Joris, 30 ans, explique qu’il y a passé les 24, 25 et 31 décembre : « Je n’ai pas vu ma famille à Noël. C’est atypique de passer les réveillons dans une usine ! » Avant de s’orienter vers la métallurgie, il avait obtenu un bac professionnel hôtellerie : « Ça me sert pour la préparation des repas ! L’après-midi, je m’occupe des dossiers pour les prud’hommes (282 salariés demandent des indemnités supra- légales à Renault – NDLR). » Si la voiture de Joris arbore un losange, il assure : « Plus jamais de ma vie je n’achèterai une Renault ! »
Embauchée en 1996, Stéphanie a été ouvrière de production avant de travailler au service des expéditions et emballages. « À 20 ans, je pleurais pour ne pas rester à la SAM, aujourd’hui je pleure pour ne pas en partir. »
« Tant qu’on est ensemble, ce n’est pas fini »
Elle est née « à Decaze », y a toujours vécu, a vu ses parents perdre leur emploi. « C’est la tragédie du bassin. » Les dirigeants de Renault ? « Ils ont arrêté nos projets de vie. Ils n’ont pas le droit ! » Stéphanie, « maman solo », parle de Lucas, son fils de 11 ans : « Quand on a un enfant, on a envie de lui promettre plein de belles choses. »
Tous les jours, elle est donc présente et espère voir aboutir le projet de reprise par MH Industries : « Tant qu’on est ensemble, ce n’est pas fini. » Joris approuve : « Il y a un horizon pour la SAM, sinon je ne serais pas là. » Dans cette fonderie d’aluminium, c’est Zine qui le dit : « J’y crois dur comme fer. »
publié le 8 avril 2022
Luis Reygada et Joseph Korda sur www.humanite.fr
La mobilisation est sans précédent. Les huit grands centres logistiques que compte le géant du e-commerce en France sont en grève. L'objectif : obtenir une revalorisation bien plus haute que celle de 3 % proposée par la direction de la filiale hexagonale. La bataille est d'envergure, malgré les pressions. Récit.
La mobilisation est sans précédent. Voilà en effet plusieurs jours que les salariés des huit grands centres logistiques que compte la filiale tricolore d’Amazon sont en grève, à l’appel d’une large intersyndicale, pour réclamer de meilleurs salaires.
Fruit de négociations annuelles obligatoires dans lesquelles la direction campe sur une augmentation salariale de 3 %, la contestation s’est propagée ce jeudi à huit entrepôts de préparation de commandes du géant du commerce en ligne. Entre 1 200 et 1 500 salariés (selon SUD) auraient cessé le travail sur les sites de Brétigny-sur-Orge (Essonne), Boves (Somme), Saran (Loiret), Montélimar (Drôme), Lauwin-Planque (Nord), Metz (Moselle), Senlis (Oise), et Sevrey (Saône-et-Loire).
Une hausse minimale de 5 % pour entamer de véritables discussions
Sur le site de Saran, qui compte 2 200 salariés, des salariés avaient spontanément cessé le travail avant même que les cinq syndicats représentatifs (CAT, CFE-CGC, CFDT, CGT et SUD) n’aient lancé le mouvement, lundi dernier. « Ça s’est passé vendredi 1er avril, explique Jean-François Bérot, représentant syndical SUD. Une trentaine de collègues ont débrayé pour protester, entre autres, contre la proposition de la direction. »
Alors que l’inflation fait s’envoler les prix, il précise que les organisations syndicales tablent sur une hausse minimale de 5 % pour entamer de véritables discussions. « Il faut voir l’argent qu’ils se mettent dans les poches depuis la crise sanitaire ! renchérit-il. Au lieu d’augmenter les salaires, ils proposent de revaloriser la prime de départ à la retraite, ainsi que les ruptures conventionnelles pour les employés présents depuis plus de quatorze ans. Ce qui n’arrive quasiment jamais sur nos sites. »
Filtrage des camions à l’entrée du site
Ses camarades grévistes du site de Boves montrent sur les réseaux sociaux une détermination entière et une organisation à faire pâlir d’envie leur employeur : stocks de palettes et de pneus, braseros copieusement alimentés, barnums ornementés de drapeaux aux couleurs de l’intersyndicale et même présence d’un DJ pour ambiancer le tout…
Des dizaines de travailleurs en tenue, chasuble orange de sécurité de rigueur, apparaissaient dans l’après-midi à l’entrée de l’entrepôt situé en périphérie d’Amiens, tandis qu’un barrage filtrant ne laissant passer les transporteurs qu’au compte-gouttes créait une file d’attente de camions. « C’est parti pour un bon moment, prévient dans une vidéo un représentant du personnel CGT d’Amazon France Logistique. Tant qu’on n’aura pas gain de cause, on continuera. Aujourd’hui on (sera) là jusqu’à minimum minuit, une heure, voire jusqu’à demain matin… »
Certains sites s’étaient déjà mis en grève quelques semaines auparavant, mais c’est la première fois que les huit méga-entrepôts placés au cœur du dispositif logistique du numéro un mondial de la livraison à domicile coordonnent une action en même temps. Et coupent ainsi l’herbe sous le pied aux dirigeants de la filiale aux 7,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires (2020), habitués à dérouter les livraisons lorsque l’entreprise doit faire face à des mobilisations ponctuelles.
Des pressions pour briser le mouvement
Pour l’heure, les témoignages faisant état de « pressions » de la part des managers pour briser le mouvement s’accumulent. Dans une communication, la CGT Beauvais dénonce une « entrave au droit de grève » et prévient : « L’inspection du travail va être saisie. » Joint par téléphone, Mathieu Ciserane, représentant du personnel SUD à Brétigny-sur-Orge, confirme : « Des managers sous-entendent aux grévistes qu’ils n’auront pas d’avancement, ni de prime ou d’intéressement… » Pas de quoi casser, selon lui, le « ras-le-bol général. Les cadences sont toujours plus élevées et on est de plus en plus surveillés. Au pack, si tu es à 60 colis préparés à l’heure, ils viennent te voir pour te demander de monter à 100 ».
Une « intensification de la charge de travail » que met en lumière un nouveau rapport rendu en février par Progexa, missionné par le CSE d’Amazon. « L’amélioration des conditions de travail devra être un des défis majeurs » des années à venir, indiquait le cabinet indépendant, tout en soulignant une « précarisation de la rémunération ».
L’actuel mouvement social semble confirmer cette tendance. La multinationale se glorifiait de payer ses employés au-dessus du Smic. Mais les seules revalorisations successives et mécaniques de ce dernier, du fait de l’augmentation de l’inflation, risquent de voir la majorité des payes versées par la multinationale rejointes par le salaire minimum légal.
Pour l’heure, la direction justifie sa proposition de faible augmentation collective par « des augmentations de salaire supérieures à la moyenne de la branche transport et logistique, ainsi que d’autres avantages ». L’argument tiendra-t-il encore, jeudi 14 avril, date de l’ultime réunion de négociation avec l’intersyndicale ?
publié le 6 avril 2022
Maïa Courtois sur https://rapportsdeforce.fr/
Les AESH, accompagnantes d’élèves en situation de handicap, étaient de nouveau en grève ce mardi 5 avril. L’appel national, porté par une intersyndicale (CGT éduc’action, la FSU, Sud…), a mobilisé dans plusieurs villes françaises. Dans le cortège parisien, les manifestantes tirent un bilan sévère d’un quinquennat qui avait promis, pourtant, de faire progresser l’« inclusion scolaire ». Et portent un regard peu enthousiaste sur les candidats aux présidentielles.
Durant le quinquennat Macron qui se clôt désormais, l’« inclusion scolaire » fut un mot d’ordre répété par la secrétaire d’État au handicap, Sophie Cluzel. Le Président de la République lui-même a insisté sur cet enjeu. Sans compter sa « grande cause du quinquennat » que devait être l’égalité femmes-hommes. De quoi toucher au coeur les AESH (accompagnantes d’élèves en situation de handicap), un secteur très majoritairement féminisé ? Pas vraiment. Dans le cortège parisien de ce 5 avril, les manifestantes partagent une conclusion amère des cinq années écoulées.
« Je me rappelle, au début du quinquennat, Macron et les députés LREM avaient parlé des AESH. Mais c’est un sujet qu’ils ne maîtrisent pas vraiment. On ne peut pas laisser encore des gens à un niveau de salaire si dérisoire ! » fustige Farimata, AESH dans le 10ème arrondissement de Paris. « Globalement, il faut le dire : rien n’a été fait. On attend des mesures fortes ». Entre autres : un vrai statut professionnel, et la sortie de la précarité.
Ce que les AESH retiennent du quinquennat Macron
« Ce quinquennat n’a pas pris la question de l’inclusion au sérieux », estime Blandine Turki, enseignante syndiquée à la FSU. Cette dernière a fait la route depuis le Doubs pour soutenir « ses collègues, dont on ne reconnaît pas l’importance. Sans AESH, l’école ne fonctionne pas. La reconnaissance passe par un nombre d’heures digne, un salaire, et de la formation. Et ça, actuellement, elles ne l’ont pas ».
Au sein de son établissement scolaire, le manque de moyens pour accompagner les élèves en situation de handicap est prégnant, assure-t-elle. Elle regrette qu’il n’existe toujours pas de temps de formation des enseignants sur le sujet. Ni de temps dédié à la coordination avec leurs collègues AESH.
Il y a bien eu quelques mesures, notamment du budget débloqué pour des embauches d’AESH durant le quinquennat. Des « pansements », balaie Blandine Turki. « Ils nous ont fait croire qu’il y aurait des recrutements en nombre suffisant, mais ce n’est toujours pas le cas ».
Le contexte de la pandémie a alourdi la colère des AESH. Thibault, un collègue de Farimata, rattaché à une ULIS (unité localisée pour l’inclusion scolaire), garde de mauvais souvenirs des premiers mois. « On nous a envoyé sans considération, comme au front à la guerre… Mais sans protection, sans rien. Il fallait être avec les élèves, peu importe qu’on soit malades, peu importe nos conditions de travail ».
Les PIAL, point de crispation central
Mais ce qui reste en travers de la gorge dans le bilan du quinquennat, c’est la mise en place des PIAL (pôles inclusifs d’accompagnement localisés). Ces pôles ont réorganisé le temps de travail des AESH, dans un objectif de mutualisation. « Depuis l’année dernière, on m’a affectée à quatre écoles élémentaires différentes. C’est fatiguant : on reste une ou deux heures avec un enfant, puis il faut bouger… Je peux être amenée à avoir trois enfants dans la même journée » raconte Mireille Tefaaora, AESH sur Paris.
Les PIAL ont saupoudré les heures de travail hebdomadaires sur davantage d’enfants. Et multiplié les lieux d’intervention. « Certains ne supportent pas la mutualisation car elles imposent des contraintes. On peut se retrouver avec plusieurs élèves en même temps, c’est vrai. Mais je pense aussi qu’on peut trouver parfois de meilleures organisations entre établissements », tient à nuancer Farimata, qui est devenue elle-même coordinatrice d’un PIAL.
Son collègue Thibault, qui marche à ses côtés, reste sur un avis très critique. À ses yeux, ce système empêche un accompagnement individualisé en profondeur. Il fragilise aussi « le suivi scolaire et des devoirs en dehors de la classe ». C’est également l’opinion de l’enseignante Blandine Turki. D’après ce qu’elle observe dans le Doubs, les PIAL ont « dégradé les conditions d’accueil des élèves et les conditions de travail des collègues… On demande aux AESH de se déplacer beaucoup alors qu’elles n’ont déjà pas beaucoup de finances ». Cela implique en effet, en zone rurale, des kilomètres de voiture à avaler chaque jour.
« Moi, je n’y crois plus aux promesses de Macron »
Les AESH disposent généralement d’un contrat de 24 heures par semaine. Dans le cadre de sa candidature pour un nouveau mandat, Emmanuel Macron a évoqué l’idée de l’augmenter à 35 heures. « Oui, mais au même salaire que le SMIC… Donc ça ne changera rien pour nous », réagit immédiatement Thibault. « N’oublions pas qu’un prof, c’est 18 heures face aux élèves, et ce n’est pas payé au SMIC. 35 heures face à l’élève, moralement, ce n’est pas possible. On travaille avec de l’humain ! »
Ce seuil de 35 heures serait atteint, selon la vision du candidat Macron, en « prolongeant leur accompagnement sur le temps de cantine, après l’école et pendant les vacances (…) Toutefois, il ne dit pas comment s’articuleront ces différents temps : qui sera l’employeur, qui sera le coordonnateur (…) ? » décrypte le site spécialisé Café Pédagogique.
Au-delà de ce qu’implique cette orientation, beaucoup demeurent désabusés dans le cortège. « Moi je n’y crois plus aux promesses de Macron. Macron et Blanquer, ce sont ceux qui ont détruit l’école publique. Ils ne pourront pas la réparer avec des promesses », souffle Blandine Turki.
Mireille Tefaaora, l’AESH à Paris, balaie aussi : « c’est la période de vote, je ne sais pas s’il tiendra parole s’il est réelu ». Elle est venue manifester avec sa collègue Hachimiat. Toutes deux travaillent sur la base d’un CDD de 24 heures hebdomadaires. Le tout pour près de 800 euros net par mois. « C’est difficile de vivre avec ça. C’est même invivable », résume Hachimiat.
« Il faut que les candidats sachent que c’est un problème majeur »
Dans le cortège, quelques élus franciliens sont présents. C’est le cas des écologistes Julien Bayou et Nour Durand-Raucher, par exemple. Au loin, une grande silhouette se détache : celle du candidat Yannick Jadot. Les AESH qui le reconnaissent passent le mot à leurs collègues. D’autres, comme Farimata, sont loin d’être impressionnés. « Aujourd’hui, on sent la récupération politicienne », siffle-t-elle. « Il ne suffit pas d’en parler au moment des élections. Pour que les candidats soient crédibles, il faut qu’ils se saisissent du sujet en amont. C’est un travail de longue haleine que de faire reconnaître notre métier indispensable… », insiste-t-elle.
Les mobilisations successives des AESH ces derniers mois leur ont permis de mieux se faire entendre du grand public et des responsables politiques. Mais quand on demande à Farimata et son collègue Thibault quelle place a pris la question des AESH et de l’inclusion scolaire dans la campagne, ils répondent en choeur : « aucune ! »
Personne, parmi les personnes interrogées dans la manifestation, ne retient de proposition pertinente de la part d’un candidat. Or, « il faut que les candidats sachent que c’est le problème majeur des enseignants actuellement », appuie Blandine Turki. Les CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) sont saisi « essentiellement » de ce problème, relate la responsable syndical. « C’est la préoccupation première des enseignants en ce moment – avec les salaires… », précise-t-elle en souriant. « Quand on est en salle des maîtres, c’est de cela dont on discute en premier ! »
En restant sur une base de 24 heures temps plein, « Poutou, Roussel, Mélenchon, Hidalgo et Jadot veulent en faire un statut pérenne, intégré à la fonction publique avec un salaire décent », analyse l’article de Café Pédagogique. « Roussel se distingue des autres candidats de gauche en proposant un recrutement de 90 000 AESH en plus des 125 000 actuels (…) Mais aucun des candidats n’évoque le support budgétaire nécessaire ni les changements législatifs indispensables ».
Toutes et tous, dans le cortège, semblent se préparer à un nouveau quinquennat de mobilisations. « Les enfants en situation de handicap demandent du temps. Du temps de confiance. Ils ne se rendent pas compte… Ils devraient venir sur le terrain pour voir comment cela se passe » soupire Hachimiat. Comme ses collègues, elle mise sur le soutien des parents d’élèves et d’enseignants pour peser davantage dans le rapport de forces. Au quotidien comme dans la mobilisation, « c’est un travail d’équipe », sourit-elle.
publié le 3 avril 2022
sur https://france.attac.org
Ce dimanche 3 avril, 70 militants et militantes d’Attac, du Droit Au Logement, du collectif Inter-Urgences et du syndicat Solidaires Finances publiques ont investi à 11h30 la Samaritaine pour l’occuper. Face à la traque des précaires, organisée et annoncée par Emmanuel Macron, ils sont venus démasquer les véritables « assistés » de son quinquennat : les plus riches et les multinationales. Les premiers, grands héritiers pratiquant l’évasion fiscale pour la plupart, les secondes, abreuvées d’aides publiques sans conditions pendant la crise du Covid, ont considérablement profité des choix politiques d’Emmanuel Macron. On assiste ainsi à une concentration inédite des richesses et au creusement des inégalités.
Dans le hall du bâtiment, les activistes ont déployé sous une pluie de billets une banderole à l’effigie des ultra-riches « Françoise Bettencourt, Vincent Bolloré, Bernard Arnault, François Pinault, Xavier Niel, Patrick Drahi » portant le message « Profiteurs des aides publiques, fraudeurs fiscaux, héritiers... c’est qui les assistés ? ». En contrebas, alors que les interventions des différents porte-paroles se succèdent, les militants brandissent des pancartes reprenant les slogans de l’action pendant que d’autres organisent un simulacre de jeu télévisé nommé « L’injuste prix » étrillant les vrais assistés du quinquennat Macron.
Pour Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac "Chaque campagne présidentielle fournit son lot d’attaques contre les plus précaires. A droite et à l’extrême droite, on promet de faire la chasse aux « fraudeurs sociaux », quand, de fait, Macron s’y est déjà allègrement prêté dans son quinquennat. Le ton est cependant bien plus doux, et les mesures proposées floues, voire inexistantes, quand il s’agit de s’attaquer à la fraude fiscale et aux aides publiques des vrais assistés : les plus riches et les multinationales. Emmanuel Macron et les autres candidats des inégalités (Valérie Pécresse, Eric Zemmour et Marine Le Pen) proposent même de diminuer les droits de succession, accroissant l’injustice fiscale et les inégalités en faveur des plus riches."
Comme l’ont montré les rapports « Allo Bercy » de l’Observatoire des multinationales, les aides publiques massives sont à l’origine des records de bénéfices pour les entreprises du CAC 40. Ainsi, en 2021, elle ont accumulé 160 milliards d’euros de bénéfices : il s’agit là d’un nouveau record de profits, « dépassant de plus de 60 % son précédent pic de 2007 ».
Pour justifier la fortune indécente des milliardaires, il est régulièrement expliqué que les « premiers de cordée » ont un incroyable talent, prennent des risques et que leur rémunération reflète leur mérite. Or, quel est leur mérite alors que 80 % des milliardaires français sont des héritiers selon Forbes, à part celui d’être bien nés et que 100 % des milliardaires sont des actionnaires. Une récente note du Conseil d’analyse économique alerte sur le fait que la France est en train de redevenir une « société d’héritiers ».
Par ailleurs, le quinquennat d’Emmanuel Macron a été marqué par un net durcissement du « contrôle social » et un affaiblissement préoccupant du contrôle fiscal alors que la fraude aux prestations sociales représente 1 à 3 milliards d’euros, contre 80 à 100 milliards pour la fraude et l’évasion fiscales. Comme révélé par la récente affaire du "McKinseyGate", le contrôle fiscal est atrophié par une législation complaisante et une baisse de moyens considérable : ce recul des contrôles n’est qu’un choix politique soigneusement dissimulé !
Par rétablir justice fiscale, Attac propose les mesures suivantes :
le rétablissement et le renforcement de l’ISF ;
le rétablissement de la progressivité de l’imposition des revenus financiers avec la suppression de la flat tax ;
le remboursement des aides publiques aux entreprises du CAC 40 qui ont été utilisées pour gonfler le versement de dividendes plutôt que dans des plans d’investissement ou d’embauches ;
le renforcement des moyens humains et financiers du contrôle fiscal ;
la réhabilitation des droits de succession et de donation.
publié le 31 mars 2022
par Jean de Peña et Nina Hubinet sur https://basta.media/
À Gémenos, près de Marseille, les « Fralib », ex-salariés d’Unilever, ont repris leur usine de thé sous une forme coopérative en 2015. Depuis, même si rien n’est facile, les salariés-coopérateurs ne sont pas prêts de revenir en arrière.
Les petites boîtes en carton siglées « 1336 » défilent sur la ligne. Dans l’immense salle de production des Fralib, cathédrale industrielle baignée dans le brouhaha des machines, Nasserdine Assaoui, opérateur mécanicien, a les yeux rivés sur la chaîne. Il vérifie que tout se déroule normalement, que chaque sachet de thé en mousseline tombe bien dans une des boîtes rectangulaires, dont le logo rappelle les 1336 jours de lutte des anciens salariés de la marque Éléphant pour récupérer leur usine.
1336 jours de lutte - Le logo de la marque de thé rappelle les 1336 jours de lutte des anciens salariés de la marque Éléphant, propriété d’Unilever, pour récupérer leur usine.
En 2010, le groupe Unilever, propriétaire d’Éléphant, annonçait vouloir délocaliser la production en Pologne. La multinationale laissait alors le choix aux 182 salariés du site entre un déménagement vers l’est de l’Europe et un licenciement économique. Les Fralib se sont alors inventé un autre avenir : récupérer leur usine et créer une coopérative pour relancer la production (voir notre article). C’est finalement en 2015 que les machines ont redémarré, avec 42 salariés-coopérateurs aux manettes, tous et toutes venues de la lutte.
Solidarité - « Il y a une solidarité nouvelle. Quand on a un problème sur une machine, les autres viennent nous aider. »
À quelques mètres de Nasserdine, Fabrice Caillol est en train de réparer une pièce. « À l’époque d’Unilever, on avait tout un stock de pièces détachées. Quand une pièce était défectueuse, on la jetait et on en prenait une neuve. Alors qu’aujourd’hui, on n’a pas les mêmes moyens… donc on répare ! » sourit le technicien de 49 ans, qui travaille dans cette usine depuis 1994. Même si cette « frugalité » lui demande plus d’efforts, il ne regrette pas l’époque de la multinationale. « On n’a plus quelqu’un qui nous surveille en permanence, et on est soudés… Donc on vient pas bosser la boule au ventre », explique-t-il. Son collègue Nasserdine, 46 ans dont 25 passés à l’usine de thés de Gémenos, opine du chef : « Il y a une solidarité nouvelle. Quand on a un problème sur une machine, les autres viennent nous aider. Alors qu’avant, le mécanicien faisait que de la mécanique et l’électricien que de l’électricité. Il fallait faire venir un intérimaire pour réparer un truc. »
Nasserdine Assaoui, opérateur mécanicien : « La coopérative, c’est comme une famille. Donc comme dans une famille, il y a des hauts et des bas. C’est pas le monde des bisounours ! »
Pour autant, l’un comme l’autre ne cherchent pas à gommer les tensions ou les désaccords. « La coopérative, c’est comme une famille. Donc comme dans une famille, il y a des hauts et des bas. C’est pas le monde des bisounours ! » sourit Nasserdine. Et le passage d’une multinationale de l’agroalimentaire à une société coopérative de production (Scop) qui se lance comporte aussi des désagréments financiers : finies les primes de fin d’année et les augmentations. « Nos salaires étaient un peu plus élevés à l’époque d’Unilever, reconnaît Fabrice. Et puis on s’est fixé une règle : pour l’instant, on ne s’augmente pas et on ne verse pas de treizième mois, parce que notre priorité, c’est de pérenniser l’entreprise. » Après six années de fonctionnement, la nouvelle coopérative est encore fragile : 2020 a été la première année à l’équilibre, en partie grâce aux aides gouvernementale liées au Covid.
« On sait qu’on représente un espoir dans la lutte contre les multinationales »
Malgré les inquiétudes que peut susciter ce nouveau modèle, Nasserdine et Fabrice ne voudraient pour rien au monde revenir à un modèle capitaliste et hiérarchique classique. « On a établi les nouveaux horaires ensemble, et chacun a choisi s’il voulait faire quatre ou cinq jours dans la semaine », détaille Nasserdine. Il n’y a par ailleurs plus de travail de nuit ou le week-end. Mais ce n’est pas vraiment un choix : si les Fralib parviennent à avoir plus de commandes, ils ne s’interdisent pas de relancer la production la nuit et le week-end. En termes de santé au travail aussi, l’ambiance n’est pas la même qu’à l’époque d’Éléphant. « Si l’un de nous a une fragilité, on essaie d’aménager son poste pour qu’il se fatigue moins ou qu’il ne se fasse pas mal », souligne Nasserdine, en étirant justement une épaule un peu douloureuse.
Fabrice Caillol, technicien : « À l’époque d’Unilever, on avait tout un stock de pièces détachées. Quand une pièce était défectueuse, on la jetait et on en prenait une neuve. Aujourd’hui, on n’a pas les mêmes moyens… donc on répare ! »
« Dans tous les cas, maintenant, s’il y a un souci de planning, on monte à l’étage en parler, dit l’opérateur mécanicien. Avant il n’y avait aucune relation entre les gens de la ligne et ceux des bureaux. » Peut-être aussi important que les horaires ou l’ambiance dans l’usine, les deux ouvriers évoquent aussi la « fierté » qui les animent. « Maintenant, quand on a des stagiaires, on les prend vraiment en charge. On a quelque chose à leur transmettre, affirme Nasserdine. Et puis, il y a des gens qui nous soutiennent partout en France, on nous envoie de l’argent... On sait qu’on représente un espoir dans la lutte contre les multinationales. Donc on veut pas décevoir. »
Repère : Un équilibre financier
encore fragile
L’année 2020 a été la première à l’équilibre pour Scop-Ti, en partie grâce aux aides versées par le gouvernement. « En 2021, notre chiffre d’affaires a subi un recul de
8 %, mais nous restons à l’équilibre », fait savoir Olivier Leberquier. Et sur les 220 tonnes produites, 80 % sont des « marques repères » destinées à la grande distribution,
pour seulement 20 % de thé et tisanes de marque 1336. Si la coopérative a encore du mal à se développer, c’est notamment parce que la nouvelle marque peine à trouver ses circuits de diffusion.
« Au-delà du sud de la France, les thés 1336 sont encore peu présents dans les rayons des supermarchés », déplore Gérard Cazorla. L’un des espoirs des ex-Fralib se situe du côté de la vente
en ligne : les commandes passées via leur site internet représentent aujourd’hui 15 % de leur chiffre d’affaires, et sont en augmentation constante. Un collectif de mutuelles envisage par
ailleurs de racheter le terrain sur lequel l’usine est installée, pour y créer, autour du lieu de production des thés, un pôle dédié à l’économie sociale et solidaire. De quoi soulager Scop-Ti d’un
loyer qui dépasse les 100 000 euros par an.
De manutentionnaire à comptable
Dans les bureaux, à l’étage, où le bruit des machines n’est presque plus perceptible, un même sentiment de responsabilité se fait entendre. « Beaucoup de gens nous voient comme une solution pour conserver les emplois industriels et inventer un autre modèle social, assure Rim Hidri, assise face à son ordinateur. On y croit, mais ça met la pression ! » Le passage à la Scop a transformé sa vie professionnelle : manutentionnaire à l’époque d’Unilever, intérimaire pendant six ans, Rim, 45 ans, est aujourd’hui comptable. « Grâce à ma formation initiale, j’avais des compétences en ressources humaines que j’ai mises au service du groupe pendant la lutte, pour monter les dossiers juridiques des salariés notamment. »
Rim Hidri, comptable de la coopérative : « Comme d’autres ici, je me suis rendue compte que j’étais capable de faire quelque chose que je n’aurais pas imaginé possible avant », Rim Hidri, ancienne manutentionnaire, est devenue comptable de la coopérative.
Lorsque les Fralib réussissent enfin à récupérer l’usine, les cadres sont partis, il faut tout réorganiser pour assurer toutes les fonctions dans l’entreprise. Le groupe propose alors à Rim de se former pour devenir assistante comptable. « Au départ, j’ai eu peur ! D’autant que je n’étais pas très "chiffres"... », sourit l’ancienne intérimaire. Mais elle suit alors un principe que s’est fixé le collectif soudé par le long conflit social : « Il n’y a pas un métier qu’on ne peut pas apprendre ! On a chacun était obligé de dépasser nos limites. » Touchée par leur combat, l’ancienne directrice financière d’une autre entreprise agro-alimentaire vient accompagner Rim dans son apprentissage de la comptabilité. « Comme d’autres ici, je me suis rendue compte que j’étais capable de faire quelque chose que je n’aurais pas imaginé possible avant. »
Olivier Leberquier, président du conseil d’administration : « L’assemblée des 58 coopérateurs élit le conseil d’administration, qui lui-même désigne un comité de pilotage », Olivier Leberquier, président du conseil d’administration de Scop-TI, était délégué CGT du temps d’Unilever.
Malgré la joie d’être partie prenante de cette aventure collective, Rim souligne aussi que travailler dans une coopérative, « c’est parfois dur, il faut beaucoup s’investir ». Son nouveau métier comme le nouveau statut de l’entreprise génèrent aussi du stress. « Avant, quand j’étais manutentionnaire, je pointais en arrivant ici, et quand je rentrais chez moi je me déconnectais totalement. Là, évidemment, ce n’est pas la même chose. »
« Avant on devait deviner quelle était la stratégie de l’entreprise »
Pour Olivier Leberquier aussi, la « charge mentale » liée à la coopérative est plus prenante. Et ses horaires de travail ont plutôt enflé par rapport à ce qu’ils étaient du temps d’Unilever. « Je quitte rarement les lieux avant 20 h », regrette – avec le sourire – le président du conseil d’administration de Scop-Ti, toujours aussi enthousiaste et déterminé. L’ancien délégué CGT est aujourd’hui l’un des coordinateurs de la coopérative, dont il détaille volontiers l’organisation : « L’assemblée des 58 coopérateurs élit le conseil d’administration, qui lui-même désigne un comité de pilotage. »
« Les salariés ont leur destin en main » - « Avant on devait deviner quelle était la stratégie de l’entreprise… Maintenant les salariés ont leur destin en main », Gérard Cazorla, désormais retraité, est président de l’association Fraliberthé.
Ce comité, qui se réunit au minimum deux fois par mois, fait des propositions de décision envoyées au conseil d’administration puis à l’ensemble des coopérateurs. « Si une décision prise est remise en cause par les coopérateurs, on détricote », explique Olivier. La prise de décision collective ne peut fonctionner que si les salariés-coopérateurs se tiennent informés des discussions et réflexions de ce comité de pilotage, rapportées dans des compte-rendus par mail. « Malheureusement, il y a toujours quelques coopérateurs qui viennent travailler à Scop-Ti comme ils venaient avant travailler dans l’usine Unilever. Ils ne lisent pas les mails et disent ensuite "J’étais pas au courant !"… », déplore Olivier.
Henri Soler, ancien magasinier : Henri Soler, ancien magasinier, désormais à l’accueil de l’usine. C’est aussi l’un des artisans de la pièce de théâtre que les ex-Fralib ont créée sur leur combat contre Unilever.
Si le temps passé en réunion est pris sur le temps de travail, l’investissement que demande la coopérative n’a en effet rien de naturel. « Les gens ont besoin de hiérarchie, ils préfèrent souvent qu’il y ait une personne qui prenne les décisions, alors que nous on veut au contraire responsabiliser, se désole Gérard Cazorla, autre ancien leader de la lutte contre Unilever. La transformation prend du temps... On a été élevé comme ça, pour obéir plus que pour réfléchir et prendre des initiatives. »
Elargir la distribution - L’enjeu pour la coopérative est de trouver de nouveaux réseaux de distribution, pour assurer sa pérennité.
Aujourd’hui retraité, il n’en est pas moins très investi dans l’association Fraliberthé, qui s’occupe d’élargir la diffusion des produits 1336 comme de promouvoir le modèle coopératif. L’ancien secrétaire CGT de l’usine est lui persuadé que la coopérative, « ça change tout ! » : « Avant on devait deviner quelle était la stratégie de l’entreprise… Maintenant les salariés ont leur destin en main. »
publié le 30 mars 2022
par Ludovic Simbille sur https://basta.media/
La filière du recyclage promet d’allier défense de l’environnement et de l’emploi. Derrière cette économie vertueuse, les travailleurs triment entre cadences effrénées, risques d’accidents et expositions aux produits chimiques.
C’est un combat quotidien auquel nous incite la pub d’Ecosystem, un organisme public qui promeut le tri des déchets. Un combat pour l’environnement que mènerait 48 % de la population française en apportant au recyclage ses appareils défectueux, ses piles usagées ou en jetant ses emballages dans le bon conteneur. Ce simple « geste citoyen » qui réduirait les consommations d’énergie et éviterait l’émission de millions de tonnes de CO2... « Trier, c’est donner », insiste Citeo, entreprise créée par le secteur de la grande consommation et de la distribution pour « réduire l’impact environnemental de leurs emballages et papiers ». « Aujourd’hui, 68 % des emballages ménagers et 60,5 % des papiers sont recyclés grâce au geste de tri des Français, devenu premier geste écocitoyen du recyclage », vante Citeo.
Pour accomplir ce « geste citoyen », Fofana Yoro se lève toutes les nuits à 3 h. Depuis son orientation professionnelle en 2015 vers ce secteur dit d’avenir, ce Malien de 37 ans prend trois bus pour arriver au centre de tri du Syctom (l’agence parisienne de tri des déchets) de Paris, dans le 15e arrondissement, aux alentours de 5h30. Une fois sa tenue enfilée et un café plus tard, il se positionne à 6h sur la chaîne de triage gérée par l’entreprise Xveo, filiale du groupe Véolia. Fofana Yoro occupe l’un de ces dizaines de milliers d’« emplois verts » que doit générer la transition écologique.
Trier cartons, seringues et couteaux
Son collègue Ibrahima Baradji, 64 ans, conduit déjà sa pelleteuse depuis dix minutes. Depuis l’ouverture de ce site de traitement parisien en 2011, l’homme bientôt retraité a vu défiler plusieurs entreprise (Coved, Ihol, Xveo) à qui Paris externalise le tri des déchets. Au volant de son engin, Ibrahima récupère dans le hall de déchargement les ordures que les camions-bennes ont acheminées après le ramassage des poubelles en ville [1]. Il les déverse ensuite dans la trémie, un grand conteneur alimentant la ligne de tri d’où les déchets filent sur les tapis, traqués par des lecteurs optiques, par des aimants aspirant les éventuels métaux. Une trommel, sorte d’énorme tambour rotatif troué de machine à laver, les dispatche par type de matière. Le tout termine sa course dans une cabine où une armada de petites mains trie ce que la mécanique n’a pas passé au crible.
Bouteilles, papier, canettes… les déchets sont ici compactés en masses appelées « balles » et deviennent ainsi de la « matière première secondaire », qui est vendue. Les déchets refusés à cette étape iront à l’incinérateur. En tout, seulement 20 % de nos ordures seraient réellement valorisés. « On aide la machine, car le tri sélectif à la maison n’est pas bien fait », regrette Ibrahima. Nos poubelles réservent toutes sortes de surprises à ces travailleurs à l’ombre de la société de consommation.
Sur le tapis dédié aux cartons, Fofana ôte les intrus, place dans les bacs les éventuels vêtements, chaussures, bouts de ferraille... « Au bout d’un mois, plus besoin de regarder, c’est automatique ». Mais il faut rester à l’affut d’éventuelles coupures et du risque d’infection... Car avec la crise sanitaire, les blouses et masques médicaux, dits « déchets d’activités de soins à risques », ont encombré les conteneurs.
Fofana s’est déjà piqué avec des seringues que jettent les hôpitaux environnants, et s’est fait soigné d’un simple pansement, sans vraiment s’arrêter... Au site de traitement des déchets Paprec du Blanc-Mesnil (93), Moustafiha Diabira fixe des yeux l’amont du tapis roulant pour repérer, par exemple, la viande avariée, les couches pleines, les couteaux ou autres « seringues de crackés » défilant à 70km/h, avec des pics à plus de 80km/h. Le quinquagénaire arrivé du Mali en 1997, tente d’éviter qu’une bouteille de verre lui coupe ses gants mal adaptés. « Heureusement que je les avais doublés moi-même, sinon je m’entaillais le doigt », dit-il. À cette vitesse, « on est comme prisonnier » du tapis, dit-il. Après quinze mois à tendre ses bras au milieu du tapis, « j’avais l’impression que mes épaules allaient tomber ».
Dans sa cabine, Fofana, en poste depuis l’aube, trépigne de son côté des heures durant, en posture statique, jusqu’au changement d’équipe de 13h30. Ses chevilles gonflent, lui font mal. Les anciens lui conseillent de « bouger toutes les deux heures ». « Le plus dur c’est de rester debout », concède aussi l’ex-trieur Ibrahima. Des chaises assis-debout ont finalement été installées.
« Le tri nécessite une bonne condition physique »
À pousser, soulever, basculer, et renverser 70 kilogrammes de ferrailles jusqu’à vingt fois par jour, les muscles se raidissent, le dos se tasse et se casse. L’année dernière, un journaliste de l’émission Cash Investigation a filmé en caméra cachée une travailleuse paralysée par la douleur sur une chaîne de tri de Paprec. En réponse, le géant du recyclage s’est dit conscient que « le tri nécessite une bonne condition physique » et a déclaré faire des « efforts permanents » d’amélioration des conditions de travail en recrutant des ergonomes et en modernisant ses centres automatisés.
« Beaucoup d’entreprises mettent en avant leurs outils technologiques sans que certains principes de base, comme des marquages au sol, ne soient respectés », déplore de son côté auprès de basta! un inspecteur du travail francilien. En 2018, un agent du site de traitement des déchets de La Courneuve a filmé des conditions plutôt éloignées des recommandations de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) [2]. Cette vidéo, diffusée par Cash Investigation et que Basta! s’est procurée, montre des travailleurs sans casque à proximité des grappins mécaniques, ou marchant sur un tapis menant à un broyeur, avant que des engins ne leur déversent des détritus dessus.
Des travailleurs morts dans les centres de tri
Recycler, « ça sauve peut-être la planète mais pas les travailleurs », constate au quotidien le trieur francilien Fofana. Vue de sa cabine de tri, l’aventure verte promise par les éco-organismes n’est pas si rose. Vacarme, poussière, substances chimiques… Le traitement du déchet demeure un métiers des plus dangereux, et les accidents y sont fréquents et graves, rappelle l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). La filière « Déchets d’équipement électrique et électronique », celle vantée par la pub d’Ecosystem, présente notamment des « risques chimiques ou biologiques élevés », souligne l’Anses.
Au centre de tri, les rares pauses sont souvent synonymes de pannes ou d’incidents. Comme cette matinée où Ibrahima a dû stopper la chaîne « pour laisser l’air rentrer », car du gaz a explosé à cause d’un aérosol. En cas de « bourrage » de la goulotte d’arrivée, Fofana va la désencombrer, non sans risque. « Le débourrage est une des zones accidentogènes les plus dangereuses du recyclage », appuie Ali Chaligui, coordinateur CGT du groupe Véolia Propreté.
Vacarme, poussière, substances chimiques : le traitement du déchet demeure un métiers des plus dangereux
En 2009, un trieur non formé a été tué lors d’une telle opération chez Coved, filiale de Paprec. L’entreprise a été condamnée pour homicide involontaire. En janvier, le parquet d’Évry a requis 150 000 euros d’amendes pour homicide involontaire contre Paprec suite à la mort d’un salarié en 2014. L’homme était mort broyé, happé par une machine de tri de déchets sur son lieu de travail dans l’Essonne. Mais le 8 mars, le tribunal correctionnel d’Évry a déclaré « l’extinction des poursuites judiciaires » qui visaient Paprec Environnement suite à ce décès. Une décision motivée par « la fusion par absorption de l’entreprise par Paprec Grand Île-de-France ».
2014 toujours, c’est sur un autre site de la même entreprise, à La Courneuve, qu’un travailleur décède sous le poids des balles de papier. En décembre 2021, un salarié d’un centre de tri d’une autre entreprise, dans les Pyrénées-Orientales, a perdu la vie en chutant dans un cylindre (lire aussi notre reportage dans une usine de Montluçon en 2015).
« Avec la grève, ils ont été respectés par la direction »
À Xveo, la grève lancée le 14 octobre dernier par les trieuses et trieurs du site s’est interrompue sans que les négociations avec Véolia n’aboutissent. Mais « ce n’est que partie remise », préviennent les ex-grévistes, réunis début février pour décider des suites de leur mouvement et du partage de leur caisse de grève [3]. Leur but : une revalorisation de salaire de 200 euros et une prime « qualité » de 150 euros. En dix ans, ces recycleurs n’ont pas vu leur rémunération augmenter au même rythme que la masse de détritus traités sur le site. Officiellement, celle-ci a plus que doublé, passant de 30 à 70 tonnes journalières sur la période, bien davantage, selon les trieurs.
Repère :
De fausses promesses suite à l’émission de Cash Investigation ?
Lors de son émission du 11 novembre 2021 consacrée à « La grande illusion »
des déchets, l’émission Cash Investigation de France2 avait montré que la moitié des équipes d’un centre de tri de Paprec étaient constituées de travailleurs temporaires. Dans un communiqué
en « réponse à Cash », le groupe a tenu à rectifier que son taux
d’intérimaires représentait 14 % des 12 500 salariés. La moyenne du secteur serait de 5 % d’intérimaires parmi les emplois.
Interrogé par la journaliste Élise Lucet sur ce recours abusif à des salariés externes, le patron du groupe Paprec, Jean-Luc Petithuguenin, a pris un
engagement : « Si ça existe, ils peuvent aller voir ma DRH pour être titularisés, demain
matin ». Alors « CDI pour tout le
monde », comme l’a suggéré la voix off du documentaire ? Pas vraiment... Selon nos informations, au moins une quinzaine
d’intérimaires (sur deux sites franciliens), enthousiasmés par les promesses de leur PDG, ont été remerciés au lendemain de la diffusion de l’émission.
Pourtant, ces salariés, employés par différentes entreprises de travail temporaire, présentaient l’ancienneté suffisante avec un cumul de 20, 25, ou plus de 30 mois d’intérim... Une trentaine, issue de deux sites franciliens, avaient signé une pétition pour demander leur requalification et un réaménagement du planning sur le site de Blanc-Mesnil. À l’origine de la requête collective, Moustafiha Diabira s’est ainsi vu notifier sa fin de mission le 22 novembre après deux ans d’intérim. « On m’a dit "tu défends trop les gens" », raconte ce père de six enfants à qui une titularisation avait été promise peu de temps avant. La CGT s’apprête à saisir les prud’hommes pour une demande de requalification en CDI. À ce jour, l’entreprise n’a toujours pas répondu à nos sollicitations.
Dans le viseur également : le donneur d’ordre public. « Le Syctom ne doit pas fuir ses responsabilités », tancent les grévistes. L’agence francilienne de traitement du déchet, administrée par des élus de la ville de Paris, a en effet toute maîtrise sur la mission privatisée [4]. En novembre 2021, le conseil municipal de Paris s’est tout de même prononcé pour la « création d’un groupe de travail sur la commande publique responsable ». Jugé trop léger et peu concret par l’élue insoumise Danielle Simonnet qui en appelle à « un service public », ambitieux en terme écologique et... social.
Si les grévistes n’ont pas encore obtenu gain de cause, ils ont gagné « la conscience de leur force, se réjouit Ibrahima Baradji, devenu représentant CGT du site. Avec la grève, ils ont été respectés par la direction. » Cadres et DRH ont découvert les difficiles conditions de travail du tri sélectif lors du blocage du site. « Certains ont reconnu que c’était un métier très dur et que nos demandes étaient légitimes », se satisfait Ibrahima.
Des intérimaires « kleenex » ?
Beaucoup des employés du secteur enchaînent des emplois peu qualifiés, précaires, entre CDD, contrats d’insertion ou missions d’intérim. Les directions peuvent s’en séparer facilement. « Les intérimaires sont comme des kleenex », lâche un titulaire. L’action collective des salariés Xveo n’est donc pas anodine dans une profession, peu syndiquée, où la moindre revendication peut coûter cher. Mahamadou Kanté en sait quelque chose. Le représentant CGT Paprec-Île de France a fait l’objet de deux procédures de licenciement de la part du géant recycleur. Deux procédures refusées par l’inspection du travail.
Condamnée en 2018 pour « discrimination », la firme aux 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires a dû réintégrer le salarié avant qu’une rupture conventionnelle ne soit finalement négociée. Son actuel successeur a quant à lui été mis à pied à deux reprises depuis qu’il a pris sa carte syndicale.
À l’heure où le gouvernement s’apprête à verser 370 millions d’euros aux industriels de cette « filière d’avenir », veillera-t-il à ce que le recyclage ne repose pas sur une main-d’œuvre jetable ?
[1] Ce centre réceptionne les déchets ménagers des villes de Bagneux, Montrouge, Malakoff et des 5e, 6e, 7e, 13e, 14e et 15e arrondissement de Paris.
[4] Le principe dit de « gestion déléguée » permet à la collectivité de garder le contrôle de démocratique de la mission confiée au privé.
publié le 27, mars 2022
L’extrême droite est, et sera toujours,
l’ennemie du monde du travail
communiqué CGT, FSU, Solidaires sur https://solidaires.org
Depuis janvier 2014, nos organisations ont lancé une campagne de longue haleine intitulée « Uni·e·s contre l’extrême droite, ses idées, ses pratiques », dans le prolonge- ment de l’appel « La préférence nationale n’est pas compatible avec le syndicalisme », signé en mars 2011.
Les politiques gouvernementales– dont notamment les mesures favorables au capital, la gestion catastrophique de la crise sanitaire –, subies par les salarié ·e ·s, les privé ·e ·s d’emploi, les retraité ·e ·s, les jeunes, les femmes, fournissent un terreau exploité par l’extrême droite. Les politiques d’austérité, sous l’aiguillon des organisations patronales et plus particulièrement du Medef, génèrent une aggravation du chômage, le développement des inégalités sociales, de la précarité, de la pauvreté et des processus d’exclusion. Elles accroissent la désespérance sociale et peuvent pousser dans les bras de l’extrême droite certain ·e ·s salarié ·e·s. Incontestablement, les politiques autoritaires et attentatoires aux libertés nourrissent également l’extrême droite.
« Respectabilité » de façade du RN et l’ultra-libéralisme raciste de Zemmour
Ce n’est pas le changement de nom en Rassemblement national et leur volonté de donner l’image d’un parti à la fois respectable et différent des autres qui change la donne : ce parti est fonda- mentalement fasciste, raciste, violent, divise les salarié·e·s et au-delà tend à toujours plus opposer les habitant·e·s entre elles et eux.
Sa stratégie de dissimulation en un « parti respectable » nourri par la colère sociale (retraite à 60 ans, augmentation de l’allocation aux adultes handicapé ·e· s et du minimum vieillesse, « défense » des services publics) n’est qu’un leurre pour cap ter des voix de salarié·e·s frappé·e·s par les politiques néolibérales et des choix austéritaires qui se suc cèdent depuis des années. Les cri- tiques sociales proclamées par ce parti sont une stratégiDécryptage. Cette école de la concurrence que le candidat Macron veut pour les élèvese masquant leur absence totale de volonté de renverser le déséquilibre à l’œuvre entre celles et ceux qui possèdent du capital et les salarié·e·s ne vivant que de leur travail. Rien à attendre de leur part pour nos salaires et nos pensions, notre protection sociale, les services publics, la sortie de l’austérité.
Zemmour, lui, ne fait même pas semblant et ne cache pas ses positions qui reprennent celles du Medef. Il est directement le produit des puissants qui l’ont créé comme personnage médiatique. C’est notamment Bolloré, grand patron, milliardaire et propriétaire de Cnews qui s’est assuré de lui donner une grande audience.
Obsédé par sa haine des immigré ·e ·s et des musulman ·e ·s, il essaie de détourner la colère populaire en créant des boucs-émissaires, fantasmant un monde qui n’a jamais existé où les seules différences seraient la couleur de peau ou la religion !
A l’opposé des orientations mortifères de l’extrême droite, nos organisa- tions syndicales portent un ensemble de propositions alternatives visant à changer le travail pour changer la société.
Nos organisations proposent aux étudiant·e·s, aux salarié·e·s, aux agent ·e·s de la Fonction publique, aux privé·e·s d’emploi, aux retraité·e·s de s’organiser au quotidien, sur les lieux de travail, d’études ou de vie, pour améliorer les droits et combattre les discriminations. De nombreuses mobilisations le montrent : la solidarité, l’égalité des droits, la justice sociale sont des aspirations fortes dans le monde du travail !
Par ailleurs, L’extrême droite joue aussi sur la corde « antimondialiste ». Pour notre part, nous revendiquons une autre mondialisation où les solidarités internationales priment en termes économiques, politiques et sociaux, contrairement à l’opposition entre les peuples prônée par l’extrême droite.
Nous diviser sous couvert de « préférence nationale » ne peut servir que ceux qui exploitent et accaparent les richesses.
La haine, l’exclusion, le racisme, ne sont plus le monopole des partis d’extrême droite, elles se sont largement diffusées dans toute la classe politique et participent d’une atmosphère délétère. Que le capitalisme soit d’ici ou d’ailleurs, peu im- porte : pour les salarié·e·s, c’est bien l’exploitation qui est en cause.
C’est bien ce système qui permet l’appropriation des richesses par une minorité . Et c’est bien l’unité des salarié·e·s dans la combativité, quels que soient leur nationalité et leur lieu de travail, qui permettra un meilleur partage des richesses.
Et c’est aussi parce que nos métiers et missions sont au service de l’intérêt général ou que nous voulons les transformer dans ce sens que nous n’acceptons pas de les voir remis en cause par la diffusion des idées d’extrême droite : que ce soit dans les services publics ou dans les entreprises privées, nous voulons travailler à l’égalité de traitement, à l’émancipation, au vivre ensemble, pas à la division et à l’exclusion.
publié le 25 mars 2022
sur https://lepoing.net/
Entre 1000 et 1500 retraités étaient venus de toute la région ce jeudi 24 mars pour manifester sur Montpellier. Les revendications portaient sur le pouvoir d’achat, la santé et la qualité des services publics.
Ce jeudi 24 mars des rassemblements et manifestations de retraités étaient prévus dans 28 villes, portés par une intersyndicale large regroupant neuf organisations (CGT-FO-CFTC-CFE CGC-FSU-Solidaires-Ensemble et Solaidaires-LSR-Rtraité Fonction Publique).
Sur Montpellier, ils auront été entre 1000 et 1500 à se retrouver autour du kiosque de l’esplanade Charles de Gaulle, venus de tout l’Hérault, mais aussi de Lozère, du Gard, de l’Aude ou des Pyrénées-Orientales.
Les pensions de retraites sont indexées sur l’indice des prix, en théorie. Mais le calcul ne se fait qu’une fois dans l’année, il est donc inefficace en cas d’inflation rapide et brutale comme nous la connaissons en ce moment. Ajoutons que les gouvernements successifs contournent la loi de 1993, de plusieurs manières : décalage de la date de revalorisation sans rattrapage entre les mois qui se sont écoulés entre l’ancienne et la nouvelle date, gel des pensions en 2014 et 2016, amendement au projet de loi de finances de la Sécurité sociale qui est voté chaque année… Le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites estime que ces mécanismes « expliqueraient un peu moins de la moitié (44 %) de la perte de pouvoir d’achat du cadre né en 1932 et environ un tiers (entre 32 % et 35 %) de celles des autres générations, le reste étant expliqué par la hausse des prélèvements ».
La désindexation des pensions sur le salaire en 1987 a entraîné aux dire de nombreux participants une baisse de pouvoir d’achat constante, équivalente selon les syndicats à « 10% du montant des pensions perdues en 10 ans ».
Ils demandent donc la réindexation sur les salaires, avec compensation des pertes de pouvoir d’achat entraînées au fil des années, et la revalorisation des pensions de reversion qui sont versées aux conjoint veufs ou veuves. Pour les veufs et veuves toujours, comme pour les parents isolés, le rétablissement de la demi part fiscale supprimée. Tout en exigeant un minimum retraite équivalent au SMIC.
La hausse de la CSG de 1,7 point décidée par le gouvernement Macron dès 2017 est également dans le viseur.
Avant le départ de la manifestation colère et émotion se font sentir au moment d’évoquer la crise sanitaire, dont la gestion a laissé à bon nombre de retraités l’impression d’être sacrifiés. Le souvenir de ces périodes de saturation des hopitaux, pendant lesquelles les résidents infectés dans les EHPAD y sont restés, heurte encore les mémoires. On évoque les dizaines de milliers de morts. « Des milliers de décès auraient pû être évités si on n’avait pas supprimé autant de postes et de lits ces dernières années », tonne un orateur. Une fois la tempête passée, les conditions de vie parfois désastreuses dans les EHPAD, comme l’a montré le scandale autour d’ORPEA, n’ont pas donné l’impression aux anciens d’être plus pris en compte.
D’où tout un panel de revendications portant sur les services de santé. Prise en charge de l’autonomie par la Sécu et création d’un grand service public s’y consacrant, création de 300 000 postes dans le médico-social (200 000 en EHPAD et 100 000 dans l’aide à domicile), ouverture de lits supplémentaires en EHPADs publics, une meilleure formation et de meilleurs salaires pour les salariés du médico-social, l’arrêt des fermetures de lits dans les hopitaux publics, et le réouverture de tous les services et établissements fermés pour raisons budgétaires.
Le maintien et le renforcement de services publics de qualités dans tous les domaines a été également posé comme un préalable au droit à une vie digne pour nombre de personnes âgées : les manifestants se sentent sérieusement impactés par le tout numérique austéritaire qui s’impose dans de nombreux services publics.
La manifestation durera près de deux heures, passant par la Comédie, la rue de la Loge, la rue Foch, le Peyrou, le Jeu de Paume, et la rue de Maguelone.
En fin de cortège la sono de l’intersyndicale avance le chiffre de 30 000 manifestants dans tout le pays, sans avoir pû prendre en compte les tout derniers départs de cortèges. Quoiqu’il en soit les particiapants se voient bien repartis pour un tour. « Macron n’en a pas fini avec nous », promet-on à la sono avant que le rassemblement ne se disperse.
sur https://lepoing.net/
Environ mille personnes on fait le déplacement pour soutenir les trois représentants CGT du personnel de la fonderie SAM qui étaient assignés devant le tribunal de Rodez par les mandataires liquidateurs ce jeudi 24 mars. La justice devait statuer sur la légalité du maintien d’une occupation qui dure depuis quatre mois.
Reprise en 2017 par le groupe chinois Jinjiang, la Société Aveyronnaise de Métallurgie (SAM) -qui fabrique des carters et a pour principal donneur d’ordres Renault- avait été placée en redressement judiciaire fin 2019. A la fin du mois de juillet 2020, le Tribunal de Commerce rejette deux offres de reprises. Vient la liquidation judiciaire de septembre 2021, puis un nouveau passage le 22 octobre devant le Tribunal de Commerce : celui-ci est censé étudier les offres de reprise. Sauf qu’il n’y en a pas. Les délais sont donc allongés jusqu’au 19 novembre. Des repreneurs se proposent, mais auraient besoin d’aide financière pour pouvoir poursuivre l’activité de la SAM.
S’ensuit une occupation de l’usine, qui dure depuis le 22 novembre 2021. La CGT demande un engagement des mandataires liquidateurs sur le maintien de l’outil de travail, se désolant de la disparition de l’emploi industriel dans le bassin de Decazeville. Trois représentants syndicaux CGT sont alors assignés devant le tribunal de Rodez pour l’occupation. Dans le viseur, l’occupation de l’usine, et le fait que les fours continuent à tourner à l’intérieur.
Une audience est programmée jeudi 24 mars au tribunal de grande instance de Rodez. Environ mille personnes font le déplacement pour soutenir les syndicalistes. Il faut dire que la mobilisation n’en estr pas à ses débuts, avec au total plus d’un an et demi de bataille, et une mobilisation massive de la population avec des milliers de manifestants à plusieurs reprises.
Le délibéré sera rendu le 29 mars à 14h. La CGT plaide la poursuite des médiations.
Quelques 300 anciens salariés de la fonderie préparent leurs dossiers pour assigner les mandataires liquidateurs et les groupes Renault et Jinjiang aux prud’hommes. L’ensemble sera plaidé collectivement à Rodez.
publié le 24 mars 2022
Alexandre Fache sur www.Humanite.fr
En préparation de la journée d’action du 26 mars, et à quelques jours de la fin de la trêve des expulsions, les signataires de la Plateforme Logement pour Tou. te.s (DAL, CGT, CNL…) ont déployé une banderole devant le ministère d’Emmanuelle Wargon.
C’est sans doute le sujet qui prend le plus de place dans le budget des ménages, et le moins d’espace dans la campagne présidentielle : le logement. Pour tenter de faire entendre un peu mieux la voix des mal-logés, des précaires et, plus généralement, de tous ceux qui souffrent de la crise de l’habitat en France, un collectif d’associations (DAL, Attac France, CNL, Mrap…) et de syndicats (CGT, Solidaires, FSU, CSF…), signataires de la Plateforme Logement pour Tou. te.s (www.pourlelogement.org), appelle à la mobilisation ce samedi 26 mars. Une dizaine de rassemblements sont prévus dans l’Hexagone, dont une manifestation à Paris, qui reliera, non sans arrière-pensées, la place de la Bourse (à 15 heures) au ministère du Logement, 246, boulevard Saint-Germain, en passant par quelques immeubles symboles de la spéculation immobilière dans la capitale, comme l’ancienne grande poste de la rue du Louvre, ou la Samaritaine du milliardaire Bernard Arnault. « Ce sera aussi une journée européenne de mobilisation et plus d’une centaine de rassemblements sont prévus sur le continent, notamment en Allemagne ou en Belgique », souligne Jean-Baptiste Eyraud, l’infatigable président du DAL, qui a déployé, jeudi 24 mars, avec quelques autres militants, la banderole de la « Plateforme » devant le ministère.
« En dix ans, les recettes fiscales liées au logement sont passées de 57 à 79 milliards d’euros. Et pourtant, la part des dépenses, elle, a fondu, de 44 à 37 milliards d’euros, constate Jean-Baptiste Eyraud. Résultat, on ne consacre plus que 1,6 % du PIB à ce secteur, contre 2,2 % il y a dix ans. Il faut revenir à ce chiffre et réinvestir massivement si on veut loger dignement les gens et sortir ce bien essentiel des griffes du marché. » Un objectif qui n’est sans doute pas celui du président-candidat Macron, qui reste toutefois très discret sur le sujet. « Pas la peine qu’il nous donne le détail, on a vu son bilan, poursuit le président du DAL : baisse des APL, ponctions des bailleurs sociaux, constructions en berne, suppression de l’ISF… Et on a peur que demain, il fasse encore pire. » Une crainte partagée par les autres organisations présentes ce jeudi matin. « Macron, il veut faire du Thatcher vingt ans après, alors que même les plus libéraux outre Manche en sont revenus, de cette politique », résume Alain Gaulon, secrétaire confédéral de la CNL, qui alerte sur la reprise imminente des expulsions locatives.
Repoussée de plusieurs mois en 2020 et 2021, du fait de la crise sociale engendrée par le Covid, la fin de la trêve hivernale est bel et bien fixée cette année au 31 mars 2022. Aucune prolongation n’a été accordée, malgré la résurgence de la pandémie ces derniers jours. « On craint un raz-de-marée d’expulsions, 30 000 familles pourraient être concernées, alors qu’il s’agit d’une solution parfaitement indigne, abjecte, et même contre-productive économiquement. Car expulser des gens, puis les héberger après, coûte très cher. On ferait mieux de les accompagner pour qu’ils retrouvent la voie vers une autonomie financière », détaille Alain Gaulon. Secrétaire confédérale de la CGT chargée du logement, Véronique Martin s’indigne, elle, de l’immobilisme assumé de l’exécutif sur ce dossier, alors que des solutions existent. « Il n’y a jamais eu autant de logements vides en France, 3,1 millions en 2020 selon l’Insee, et le gouvernement ne fait rien. Il n’y a aucune politique de réquisition, les taxes sur la vacance ne sont pas dissuasives, et l’encadrement des loyers est beaucoup trop faible et limité géographiquement. » Résultat, l’écart se creuse d’année en année entre des super-propriétaires de plus en plus riches et des classes populaires écrasées par le coût du logement et de l’énergie.
Le coup de pouce au chèque énergie et le bouclier tarifaire sur le gaz protégeront-il suffisamment les plus modestes ? Les militants signataires de la Plateforme Logement pour Tou. te.s en doutent. « Ce sont des mesures insuffisantes pour les ménages, dont les conséquences financières vont par ailleurs retomber sur les bailleurs et les collectivités locales », analyse Alain Gaulon, de la CNL. « Ces petites aides sont toujours bonnes à prendre. Mais on ne fait que réparer le fait d’avoir livré le secteur de l’énergie au marché. La vraie solution, c’est qu’il revienne dans le giron du public, comme d’ailleurs le logement », suggère Véronique Martin, de la CGT. Jeudi après-midi, les militants apprenaient que leur manifestation de samedi était interdite par la préfecture de police, au motif que le trajet prévu empruntait « des rues commerçantes, étroites et touristiques ». « Cela fait deux fois en quelques semaines que la préfecture nous interdit de nous mobiliser, après le campement des mal-logés place de la Bastille. On avait fait casser cet arrêté, on espère faire de même avec cette interdiction », confie Jean-Baptiste Eyraud. Un référé-liberté doit être examiné sur le sujet ce vendredi 25 mars.
publié le 22 mars 2022
Le 24 mars,
les Retraités seront dans la rue
pour les pensions, la santé
et les services publics
sur le site : https://solidaires.org
Appel des organisations syndicales de retraités : CGT, FO, CFTC,CGC, FSU et Solidaires.
POURQUOI les retraités sont sacrifiés ? •
• Pourquoi nos pensions « décrochent » chaque année et baissent régulièrement au regard du coût de la vie ? Pour- quoi en 10 années avons-nous perdu près de 10 % du mon- tant initial de nos pensions ?
• Pourquoi a-t-il fallu le scandale ORPEA pour que les mé- dias s’intéressent à la situation des personnes très âgées dans les EHPAD, situation que nos organisations dénoncent de- puis des années ? Pourquoi les résidents des EHPAD ont-ils été interdits d’accès aux urgences hospitalières au beau mi- lieu de la pandémie, entraînant ainsi 34 000 décès parmi les 600 000 résidents des Ehpad, soit plus d’un décès sur trois constaté en France ? Retraités, nous sommes : - sciemment appauvris, - volontairement sacrifiés.
Nous ne l’accepterons jamais !
Le 24 mars 2022, nous manifesterons dans les régions et les départements pour dire notre colère et nos revendications. En pleine période électorale présidentielles et législatives, nos 9 organisations tiennent à imposer le social dans l’actualité et rappellent leurs revendications
Pouvoir d’achat :
• Retour à l’indexation de nos pensions sur les salaires ! C’est la désindexation, depuis 1987, qui a entraîné une baisse continue des revenus des retraités. Alors que les entre- prises du CAC 40 ont enregistré 137 mil- liards d’euros de profit en 2021, que les grandes banques ont réalisé plus de 31 mil- liards d’euros de profit, il est inadmissible que des retraités perçoivent moins de 800 eu- ros par mois.
• Pas de pension inférieure au SMIC !
• Rattrapage des pertes de pouvoir d’achat équivalent à un mois de pension par an.
• Annulation de la hausse de la CSG de 1,7 point décidée par le gouvernement actuel en 2017 !
• Rétablissement de 1⁄2 part fiscale supplémen- taire pour les parents isolés, les veufs-veuves qui a été injustement supprimée !
• Amélioration des pensions de réversion versée aux conjoints survivants !
Santé
La situation sanitaire des EHPAD est le résultat d’un sous-in- vestissement drastique de l’Etat et des régions dans les établis- sements des retraités, ce que la création d’une 5 e branche auto- nome ne fera qu’entériner, faute de moyens suffisants en person- nels et en dotations.
Aussi, nos 9 organisations exigent :
- La prise en charge de l’autonomie par l’Assurance maladie de la Sécurité Sociale et la création d’un grand service public de l’autonomie.
- La création de 300 000 postes dans le secteur médico-social, 200 000 dans les EHPAD et 100 000 dans l’aide à domicile.
- La création de lits d’EHPAD dans le secteur public pour faire face aux besoins et arriver à 1 soignant pour 1 résident alors que nous sommes à 0,63 actuellement.
- L’amélioration de la situation professionnelle des person- nels médico-sociaux par une meilleure formation et de meil- leures rémunérations.
La situation de l’hôpital public inquiète profondément les re- traités car nous sommes persuadés que des milliers de décès au- raient pu être évités si 1 700 postes n’avaient pas été supprimés l’an passé et plus de 100 000 autres dans la dernière décennie : on meurt du manque de lits de réanimations autant que de la COVID19 elle-même.
- Non aux suppressions de lits !
- Réouverture des services et des hôpitaux fermés pour des économies budgétaires !
Les droits et les services publics
Les Retraités sont des ci- toyens comme les autres : ils veulent vivre, vivre dans la dignité et le respect de leurs droits, avec des services publics de proximité : droit d’accès aux soins, aux trans- ports, aux services sociaux, aux services des Impôts, etc.
Nous avons droit à une pension permettant de faire face au coût de la vie qui ex- plose actuellement et à un lo- gement digne et adapté.
Nous refusons la dématé- rialisation à outrance des re- lations avec les administra- tions et les services : Non au tout-internet ! Près d’une personne sur quatre n’a ni or- dinateur ni tablette, il faut avoir la possibilité de rencon- trer un agent, d’avoir un ac- compagnement.
Malgré un contexte anxiogène (pandémie et Ukraine), les Retraités n’accepteront pas de payer le prix des sacrifices annoncés.
Avec nos organisations, toutes et tous dans la rue le 24 mars dans 28 villes pour imposer le social dans l’actualité, pour dire à tous les candidats : Les Retraités sont des citoyens, ils sont en colère, ils veulent être entendus et voir leurs revendications satisfaites !
En avant le 24 MARS !
Pour le Languedoc :
manifestation à Montpellier
Rendez-vous : 13h30 sur l’Esplanade (devant l’Office de Tourisme)
départ manifestation à 14h, jusqu’à la Préfecture
publié le 16 mars 2022
Rosa Moussaoui et Stéphane Guérard, sur www.humanite.fr
Mobilisations sociales. L’intersyndicale CGT, FSU, Solidaires et UNSA appelle ce jeudi 17 mars à des grèves et manifestations pour la hausse des salaires. Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, revient sur les conflits que nourrit, ces derniers mois, la baisse du pouvoir d’achat. Entretien.
Il y a déjà des conséquences, à commencer par les prix de l’énergie qui s’envolent, avec un impact direct sur le pouvoir d’achat des salariés. Des entreprises commencent à fermer pour cette même raison : je pense par exemple à des fonderies qui travaillent le verre ou la céramique. Les patrons – de PME/TPE – n’arrivent plus à payer les factures. Dans certains secteurs comme la sidérurgie, des problèmes d’approvisionnement commencent déjà à entraver la production, ce qui fait planer des menaces de fermeture – provisoire ou définitive, on ne sait pas encore – sur certains sites. Des mesures d’urgence sont indispensables, comme au début de la pandémie : si la nature de la crise est différente, les conséquences sont semblables. Il faut des mesures de chômage partiel, d’activité partielle de longue durée (APLD), voire des prêts permettant de couvrir des factures d’énergie à court terme. Et puis un geste simple s’impose : une baisse de la TVA sur les produits pétroliers et les produits énergétiques. La TVA est l’impôt le plus injuste puisqu’il pénalise de la même façon les citoyens quel que soit leur niveau de revenus. Quand j’ai suggéré ça à Bruno Le Maire, il s’est fâché, en s’inquiétant subitement de la façon dont on allait, avec une telle baisse d’impôts, financer les écoles. Ce qui est plutôt savoureux, venant d’un gouvernement qui a couvert les plus riches de cadeaux fiscaux.
En Russie, c’est compliqué d’avoir des informations, même si nous entretenons des relations avec une confédération syndicale (pas la plus grande alignée sur Poutine). Il y a des problématiques de livraisons de pièces – pas seulement en Russie, d’ailleurs. Dans les pays frontaliers de l’Ukraine, où sont implantées des entreprises françaises – je pense à la Roumanie, avec Renault – des problèmes de livraisons se posent déjà : à juste titre, les chauffeurs routiers redoutent d’aller livrer dans cette région du monde. Quant aux salariés russes, ils continuent de travailler dans des conditions dégradées, que les sanctions rendent encore plus difficiles, quand leurs emplois ne sont pas tout simplement menacés. En France, au-delà des problèmes posés par les prix de l’énergie, des entreprises vont voir leur activité se contracter du fait de l’embargo sur certains produits.
« Les armes restent pour le capital une marchandise très rentable, bien plus rentable que les autres. »
Nous. Le budget militaire avait déjà augmenté dans la loi de finances adoptée à l’automne ; maintenant la course à l’armement va s’accélérer encore. Parce que les armes restent pour le capital une marchandise très rentable, bien plus rentable que les autres. Dès le déclenchement du conflit, des entreprises comme Thalès ou Dassault ont vu le cours de leur action en bourse augmenter de façon considérable. La facture de cette course à l’armement, c’est autant d’argent prélevé sur le budget de la nation : ce sont les citoyens qui paient. On n’est plus sur une conception de défense nationale mais sur l’objectif d’être les premiers sur le marché mondial de l’armement. La France s’est d’ailleurs déjà hissée sur le podium des plus gros exportateurs d’armes dans le monde, à la troisième place.
Non. La seule solution contre la vie chère, pour soutenir le pouvoir d’achat, c’est l’augmentation des salaires et des pensions. C’est d’ailleurs ce qui fait l’objet de nombreux conflits en France depuis plusieurs mois. Les hausses de salaires doivent aller de pair avec une baisse des taxes, qui sont très fortes sur l’énergie. Après, à plus long terme, mais assez rapidement, il faudra une vraie réflexion sur les questions énergétiques. Dans le cadre de la transition énergétique, il nous faut une entreprise publique en position de maîtriser les prix de l’énergie, gaz et électricité. Aujourd’hui par exemple, EDF vend à perte son électricité, en tout cas très, très en dessous du prix du marché. Quand des mesures ont été prises sur la maîtrise du coût de l’électricité, l’État a demandé à EDF de donner huit milliards d’euros aux entreprises privées, non pas pour qu’elles baissent leurs prix, mais pour qu’elles préservent leurs marges.
Il faut retrouver une vraie entreprise publique, au service des citoyens, qui ne soit pas contrainte de financer les entreprises privées de distribution d’énergie. On a vu tout le débat qu’il y a eu à EDF autour du projet Hercule, qui consistait à démonter l’entreprise. Les salariés sont mobilisés pour faire reculer de tels projets, mais ça ne suffit pas. On ne veut pas uniquement faire reculer un plan de privatisation. On veut redonner tout son sens à l’idée d’une entreprise publique nationalisée, mettre sur la table des projets contribuant à la réindustrialisation du pays, tout comme des propositions permettant de réaliser des économies d’énergie. Il faut par exemple un grand plan de rénovation thermique des logements. Je refuse, en revanche, d’employer le terme de « sobriété » énergétique, qui vise à culpabiliser les citoyens. En France, des millions de foyers sont en situation de précarité énergétique. Ceux-là sont déjà en dessous de la sobriété.
L’État a recapitalisé d’un côté, il en a piqué le double de l’autre côté. Ce n’est pas une stratégie. Au lieu de piquer les fruits du travail des agents EDF, les fameux 8 milliards, pour les donner au privé, cet argent aurait dû être réinvesti dans l’entreprise pour moderniser, rénover, internaliser des fonctions, travailler sur la recherche. Voilà à quoi pourrait ressembler une vraie stratégie industrielle sur une question essentielle comme l’énergie qui doit relever du domaine public.
Le gouvernement persiste dans sa politique d’aides aux entreprises sans conditionnalité, ni contrôle. Les salariés et plus largement les citoyens restent de nouveau les grands oubliés de ce nouveau plan.
« En 2021, les entreprises du CAC 40 ont battu des records de bénéfices et de dividendes versés aux actionnaires. »
Pas pour les salariés, dont les mobilisations se poursuivent. La guerre en Ukraine, qui est très grave, n’y met pas un terme. On retrouve un peu la petite musique de 2020 quand a surgi la pandémie de Covid-19 : « C’est la guerre, ça va être dur, il faut faire des sacrifices, on va mettre dix ans à s’en remettre ». Et puis en 2021, ce n’était pas tout à fait les prévisions annoncées : les entreprises du CAC 40 ont battu des records de bénéfices et de dividendes versés aux actionnaires, tandis que les inégalités ont explosé. Ce qui est sur la table aujourd’hui, c’est bien la question des salaires. Tout ce que nous avons dit sur les salariés de première et de seconde ligne, sur les métiers à prédominance féminine reste plus que jamais d’actualité. On ne va pas mettre ça de côté parce qu’il y a la guerre. Et ce n’est pas se désintéresser de la situation en Ukraine que de faire vivre les revendications des salariés ici.
Oui, je le pense. On a rarement vu autant de conflits de cette nature, jusque dans des entreprises où il n’y a pas de syndicat, où les salariés viennent nous chercher. Je crois que certaines des entreprises concernées n’avaient plus connu de grève depuis 1968. On est dans une dynamique solide, dans tous les secteurs. Et ces luttes donnent lieu à de vrais débats sur le salaire, le SMIC, le salaire de base, le salaire brut, le salaire net, les cotisations sociales.
C’est toujours difficile de parler de confluence, de convergence. Ce qui est certain c’est que les salariés, les gens qui se battent ont besoin de se retrouver, de s’inscrire dans un élan collectif. Il y a de vraies possibilités de convergence sur l’augmentation du salaire minimum, parce que beaucoup de travailleurs sont payés au SMIC, et même en dessous. Mais nous voulons que tous les repères de grilles augmentent. Ce qu’il faut, c’est que les salariés soient en capacité de rassembler tous ceux qui se battent dans leur entreprise, avec la conviction qu’en se retrouvant avec d’autres, ailleurs, on peut avancer plus vite. C’est ça l’enjeu de ce 17 mars.
Les mobilisations dans les entreprises, très souvent unitaires, pèsent aussi sur les directions nationales des organisations syndicales…
Les salaires des fonctionnaires sont gelés depuis plus d’une décennie. À la SNCF, ça va faire huit ans maintenant. On voit bien là que cette question n’oppose pas le gouvernement et le patronat. Au contraire : une logique commune les pousse à considérer le travail comme un coût à comprimer. Et nous, notre logique, c’est de dire que le capital est un coût et que c’est ce coût qu’il faut baisser. Ces deux conceptions s’affrontent.
Ils sentaient déjà ces mobilisations, ces conflits arriver. Mais si, aujourd’hui, les salariés gagnent des augmentations, ce n’est pas grâce à Le Maire, ni à Roux de Bézieux. C’est le fruit de leurs mobilisations, pour des revalorisations à tous les niveaux, pas seulement pour les bas salaires. Il y a des conflits chez Thalès, chez Dassault. Chacun veut une meilleure reconnaissance de son travail et la meilleure des reconnaissances, c’est celle qui se traduit sur la feuille de paye. Ce qui est nouveau, c’est que ces mobilisations durent, et elles auront rarement été aussi nombreuses si près d’une élection présidentielle.
« Soit le fruit du travail va dans la poche des actionnaires, soit il va dans la poche des salariés. »
C’est dommage !
Premièrement, je pense que les salariés, grâce à leurs mobilisations, ont permis que ces questions s’imposent dans le débat public, alors que le début de la campagne présidentielle était dominé par les thèmes chers à l’extrême droite : identité, immigration, sécurité.
Beaucoup de candidats se sont exprimés sur les salaires. Pas tous de la même façon mais en soi, voir ce thème reprendre le dessus, c’est positif. C’est la preuve que lorsque les salariés interviennent, ils bousculent l’agenda politique. Comment financer cette augmentation du SMIC ? Ce n’est pas très dur : soit le fruit du travail va dans la poche des actionnaires, soit il va dans la poche des salariés. De ce point de vue, 2021 est une année symbolique. C’est qu’il y a eu beaucoup, beaucoup, de richesses produites et l’immense majorité de ces richesses est partie dans les poches des actionnaires.
On vient de constater, avec les sanctions prises contre la Russie suite à l’invasion de l’Ukraine, qu’on est capable de bloquer les transactions financières d’un pays en un claquement de doigts. Et on ne serait pas capables de faire la même chose avec la fraude fiscale ? C’est quand même surprenant. On parle de dizaines de milliards d’euros : voilà de l’argent qui échappe à la rémunération du travail. Il y a des ressources pour payer le travail. Elles existent.
Je n’aime pas tellement cette expression mais c’est du populisme, de la politique à deux balles. Certes, il y a des impôts qu’il faudrait baisser. Le refus de baisser le plus injuste, le plus inégalitaire, la TVA, en dit long sur ceux qu’on veut favoriser dans ce pays : les riches. Quant à la redevance, je ne suis pas sûr que le pluralisme et le débat démocratique sortent gagnant de cette stratégie de casse du service public pour faire émerger des Bolloré.
La plupart des candidats ont progressé sur ce point. Au début, tous ne parlaient que de salaires nets. Certains, à gauche notamment, font désormais la différence entre salaire net et salaire brut. Ils commencent à prendre en compte les cotisations sociales, donc à parler de sécurité sociale, de santé, de retraite. Le clivage est là. De la droite à l’extrême droite, de Macron aux majorités précédentes, ils ont toujours proposé de donner d’une main aux salariés, à travers la baisse des cotisations, ce qu’ils leur enlevaient de l’autre avec l’affaiblissement de la protection sociale. Parler de salaire, c’est aussi poser des enjeux majeurs comme la reconnaissance des qualifications, la place des femmes au travail et dans la société. Certains candidats nous font croire qu’ils vont faire du neuf en piochant dans les cotisations sociales. Ça fait quarante ans que ça dure.
« Proposer la retraite à 65 ans, c’est ne rien connaître à la réalité du monde du travail, aux inégalités d’espérance de vie entre cadres et ouvriers. »
S’il y a une mesure qui fait l’unanimité contre elle parmi les organisations syndicales, c’est bien celle-là. Alors soit il nous écoute, soit il continue comme avant ses fameuses concertations qui depuis cinq ans s’apparentent à du « cause toujours ». Proposer la retraite à 65 ans, c’est ne rien connaître à la réalité du monde du travail, aux inégalités d’espérance de vie entre ouvriers et cadres, à la diminution de l’espérance de vie en bonne. C’est accepter que les soignants des EHPAD aient le même âge que les résidents dont ils s’occupent, c’est ignorer que les égoutiers de Paris n’atteindront jamais l’âge de départ à la retraite.
Le même a supprimé trois des cinq critères de reconnaissance de la pénibilité. La seule vraie question qui vaille est la suivante : peut-on financer la retraite à soixante ans ? Nous disons oui. C’est comme pour l’impôt : si on continue de supprimer les cotisations, on assèche le financement de la Sécurité sociale. Voilà pourquoi nous parlons d’augmenter les salaires avec leurs cotisations pour financer la retraite à 60 ans.
L’égalité salariale est la première revendication du monde du travail. La logique du patronat, du gouvernement et d’un certain nombre d’hommes politiques est de toujours parler de dépenses, jamais d’investissements. Mettre de l’argent dans la santé, est-ce une dépense ou un investissement ? Payer les femmes au même salaire que les hommes à qualification égale, est-ce juste ? Le faire, c’est aussi augmenter les recettes via les cotisations sociales, les impôts. Là encore, nous sommes face à deux choix de société. Dans sa lettre aux Français, Emmanuel Macron n’a pas écrit une seule fois le mot femme. C’est étrange pour quelqu’un qui prétendait en faire une priorité.
« Dire de Macron qu’il est le président des ultra-riches n’a rien d’une caricature. »
Pas globalement négatif : complètement négatif pour le monde du travail. Dire de Macron qu’il est le président des ultra-riches n’a rien d’une caricature. En 2021, Bernard Arnault a augmenté son patrimoine de l’équivalent du budget de l’Éducation nationale. Voilà qui résume ce quinquennat.
D’abord, restons fidèles à nos valeurs. Je suis abasourdi par les distinctions faites en ce moment entre les réfugiés selon leur provenance. Il y aurait ceux qui mériteraient d’être accueillis, et puis les autres, auxquels il faudrait fermer la porte. Les Syriens, les Afghans ont pris sur la tête les mêmes bombes que celles lâchées sur les Ukrainiens. Ensuite, il faut rappeler que Marine Le Pen est dans le camp du capital. Elle aussi dit qu’elle va augmenter les salaires en baissant les cotisations sociales. Elle aussi parle de « coût du travail », de réduction des dépenses publiques. Elle se livre à la même surenchère ultralibérale que Valérie Pécresse ou Emmanuel Macron.
Redoutez-vous que la guerre en cours ne vienne recouvrir la question sociale ?
La situation est grave en Ukraine ; nous réitérons notre appel à la paix. Cela ne doit pas pour autant occulter les questions sociales. Ce gouvernement, comme les précédents, parie sur une stratégie du renoncement : « Ce n’est pas la rue qui commande ». Mais les mobilisations pèsent. Le Ségur de la santé, même si ses résultats sont insuffisants, ne serait pas advenu sans les deux années de mobilisations des personnels de santé qui l’ont précédé. Le projet Hercule (de découpe d’EDF, N.D.L.R.) n’aurait pas été remisé dans un tiroir sans les journées d’action des agents énergéticiens. Sans mobilisation sociale, la réforme des retraites aurait été adoptée avant l’arrivée du virus.
Non. Les retraités vont retourner dans la rue pour leurs pensions le 24 mars. Ils ont de solides raisons : la petite revalorisation du début d’année a fait automatiquement augmenter la CSG. Certains retraités, par ce mécanisme, se retrouvent à percevoir moins ! Le 31 mars, les cheminots manifesteront pour leurs revendications salariales. Là aussi, les mobilisations locales débouchent sur un mouvement national. Et il y a des grèves tous les jours un peu partout. D’autres temps forts viendront encore avant le 1er mai, qui ne sera pas un entre-deux, entre présidentielle et législatives.
publié le 15 mars 2022
sur le site https://solidaires.org/
Les luttes sur les salaires continuent et doivent s’amplifier -
En grève le 17 mars
Après un mois de janvier marqué par des luttes multiples, notamment dans l’éducation et le secteur social, et la grève interprofessionnelle du 27 janvier, le mois de février a vu encore d’autres mobilisations naître autour des revendications d’augmentation des salaires (RATP, Chimie..). Dans le même temps, les annonces de bénéfices faramineux des plus fortunés ou des entreprises du CAC40 ont continué : 237 milliards de plus pour les 5 personnes les plus fortunées de France pendant la pandémie…(rapport Oxfam) !
Et pour l’ensemble de la population ? Pas d’augmentation du SMIC, pas de valorisation du point d’indice dans la fonction publique, et des augmentations très limitées lors des Négociations annuelles obligatoires (NAO)… tandis que l’inflation s’emballe et les prix à la consommation augmentent !
Ce mois de mars, sera marqué par des mobilisations féministes, écologistes et antiracistes et verra aussi plusieurs secteurs professionnels se mobiliser, dans la santé et le social, à l’inspection du travail, dans l’éducation… Parce que pour les salarié-es, les précaires, celles et ceux qui subissent des discriminations, un monde où le capitalisme ronge tout est invivable et inacceptable !
Faisons converger ces luttes, où la question salariale est centrale !
Solidaires revendique :
un SMIC à 1 700 euros net
la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique
l’égalité salariale et la revalorisation des métiers les plus féminisés
des augmentations de salaires, pensions, minima sociaux de 400 euros
un écart de salaires de 1 à 5 (entre les plus bas et plus hauts salaires dans les entreprises, administrations)
le RSA pour les moins de 25 ans
Grève et manifestations le 17 Mars
L’augmentation des salaires et des pensions :
Une priorité pour toutes et tous !
Les salarié-es du secteur public comme privé, les retraité-es, les jeunes partagent toutes et tous une même priorité face à l’augmentation du coût de la vie, il faut augmenter les salaires, les pensions, les allocations et les bourses étudiantes.
Beaucoup ont exprimé leurs exigences en se mobilisant, ces dernières semaines, dans leur entreprise, leur service, leur branche professionnelle.
Ainsi en est-il des personnels des services publics, à l’instar de celles et ceux de l’éducation nationale, des soignant-es, des travailleurs sociaux… De nombreux débrayages, lors des NAO (négociations annuelles obligatoires), dans les secteurs notamment industriels ont permis également des avancées à l’échelle des entreprises. Tout au long du mois de janvier, les différentes professions et la jeunesse ont su se mobiliser ensemble pour défendre les salaires et l’emploi dans beaucoup de localités. Plus de 150 000 manifestants, de nombreux secteurs professionnels ont débrayé, la question sociale et salariale s’ancre dans le quotidien des salarié-es dans les entreprises et les services.
La jeunesse est-elle aussi est confrontée à une grande précarité de vie et de travail et à la pauvreté.
En décembre 2021, l’inflation en France a atteint 2,8% sur un an.
Près de la moitié provient directement de l’augmentation du prix de l’énergie (carburants, électricité, gaz).
En effet, l’énergie a vu son prix augmenter de 18,6%. Il y a également une augmentation importante des prix des produits alimentaires de première nécessité.
Force est de constater que c’est l’évolution des revenus par rapport à l’inflation qui est déterminante. C’est un levier essentiel pour maintenir le pouvoir d’achat des ménages et agir sur la répartition entre les revenus du capital et du travail ; les entreprises cherchant, en effet, même dans le contexte de la pandémie, à augmenter leurs profits.
L’enjeu majeur est donc de combattre la stagnation des salaires plus que d’agir sporadiquement sur l’évolution des prix.
Pour les organisations syndicales CGT, FSU, Solidaires et UNSA, et les organisations de jeunesse FIDL, MNL, UNEF et VL : Il faut une revalorisation immédiate de l’ensemble des salaires dans le secteur privé et des traitements dans la fonction publique, en commençant par les plus bas salaires. Ainsi, il est urgent d’agir sur le SMIC et le point d’indice.
Il est indispensable que les minimas de branche dans le privé et les grilles de salaires dans la Fonction Publique soient automatiquement relevés au niveau du SMIC.
Cela doit se compléter d’une ouverture rapide de négociations sur la répercussion de ces augmentations sur les échelles de carrière dans le public et les classifications dans le privé.
Il est aussi important d’augmenter les bourses pour les étudiants et les pensions pour les retraités.
Tout au long du mois de février, les mobilisations doivent se poursuivre et s’amplifier.
Il y a urgence également à mettre en oeuvre l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes. Aussi, nos organisations appellent à une forte journée de mobilisation, le 8 mars prochain, lors de la journée internationale des droits des femmes. Alors que la première loi sur l’égalité professionnelle fête ses 50 ans et que les luttes féministes exemplaires se sont développées, gouvernement et employeurs refusent de financer des mesures pour s’attaquer véritablement aux racines des inégalités salariales. Les organisations syndicales appellent à rejoindre les mobilisations organisées le 8 mars prochain partout pour exiger des mesures concrètes afin d’éradiquer les inégalités et revaloriser les métiers féminisés.
Il faut imposer que les qualifications acquises, l’expérience professionnelle soient corrélées aux niveaux de rémunération et agir pour une limitation des écarts de salaires au sein des entreprises.
Pour agir sur ces revendications essentielles, les organisations syndicales CGT, FSU, Solidaires et UNSA, et les organisations de jeunesse FIDL, MNL, UNEF et VL appellent à une journée de grève et de manifestations interprofessionnelles le 17 mars prochain.
Dans l’attente, elles soutiennent les mobilisations qui se développent dans les entreprises et le secteur public. Elles s’adressent aux salarié-es du privé et aux agent-es du secteur public pour maintenir la pression et exiger l’augmentation des salaires et du pouvoir d’achat.
Elles proposent de construire, dès à présent, les conditions d’un grand 1er mai unitaire.
ublié le 10 mars 2022
par Emma Bougerol sur https://basta.media
Les mobilisations pour l’augmentation des salaires, des pensions et des minima sociaux continuent. Alors que se profile une nouvelle réforme des retraites, une journée de grève et de mobilisation est prévue en amont du 1er mai.
« Les salarié-es du secteur public comme privé, les retraité-es, les jeunes partagent toutes et tous une même priorité face à l’augmentation du coût de la vie, il faut augmenter les salaires, les pensions, les allocations et les bourses étudiantes », revendiquent les syndicats dans un communiqué commun. La CGT, la FSU, Solidaires et l’UNSA, accompagnés de syndicats étudiants et lycéens (FIDL, MNL, Unef et VL), appellent à se retrouver dans la rue le jeudi 17 mars pour une nouvelle journée de mobilisation.
Le prix du carburant ne cesse d’augmenter, celui de l’énergie a bondi de presque 19 % - et devrait encore augmenter. L’inflation des prix à la consommation pour l’année 2021 avoisine les 3 %, du jamais vu depuis une décennie, soulignent Les Échos. Que faire ? « Combattre la stagnation des salaires », répondent les organisations syndicales d’une seule voix. « Force est de constater que c’est l’évolution des revenus par rapport à l’inflation qui est déterminante. » Augmenter les salaires, serait un « levier essentiel pour maintenir le pouvoir d’achat des ménages », affirment-elles.
Ces hausses de prix atteignent d’abord les plus précaires : retraités, bénéficiaires de minima sociaux, salariés au SMIC, mais aussi les fonctionnaires. « Il est urgent d’agir sur le SMIC et le point d’indice. Il est indispensable que les minima de branche dans le privé et les grilles de salaires dans la fonction publique soient automatiquement relevés au niveau du SMIC », demandent les syndicats.
Les syndicats de la fonction publique répondent aussi présents [1]. Ils appuient la demande d’un dégel du point d’indice et d’une possibilité de renégociation de leur grille de salaires. « Les employeurs publics ne peuvent se dire exemplaires sans montrer l’exemple », rappellent-ils. La situation des établissements d’enseignement est un exemple parlant de la situation des services publics : recours à de plus de plus de contractuels aux contrats précaires, manque de professeurs, personnel à bout … Des récits d’une souffrance de l’éducation nationale à retrouver au fil des articles de basta!.
« La jeunesse est, elle aussi, confrontée à une grande précarité de vie et de travail, et à la pauvreté », précise le communiqué. Ils voient leur pouvoir d’achat baisser, à la fin d’un quinquennat pauvre en soutien. L’Unef souligne une hausse de 2,5 % du coût de la vie étudiante en 2021, dans une étude annuelle du syndicat étudiant : « Cette année, plusieurs mesures gouvernementales ont d’autant plus aggravé la précarité des étudiant·e·s : la suppression du repas Crous à 1 € pour tous et toutes, la réforme des APL. Cela se rajoute déjà au fait que le coût du logement ne cesse d’augmenter du fait de loyers plus élevés. »
Les syndicats soutiennent et appellent aussi à d’autres mobilisations. Celle du 8 mars, pour l’égalité salariale femmes-hommes et la revalorisation des « métiers féminisés » et celles des différents secteurs, pour créer les conditions, ils l’espèrent, d’un « grand 1er mai unitaire ».
Clotilde Mathieu sur www.humanite.fr
Les salariés des sites de Saint-Aignan, de Pont-Château, de Malville et de Saint-Herblain ont arraché, après trois semaines de grève, à l’appel de la CGT, une hausse des salaires supérieure à l’inflation.
Le regard est soutenu, pas une once de fatigue ne se lit sur son visage. Le réveil à 1 heure du matin, les huit heures de travail passées sous une température qui n’excède pas 10 degrés, la routine quotidienne qui broie les os et provoque une multitude de douleurs… Ces conditions de travail ne semblent pas atteindre l’« animatrice » qui met en musique les recettes de macarons et orchestre le placement de chaque framboise sur la tartelette avant que celle-ci ne glisse sur le tapis de la chaîne de fabrication pour finir dans les congélateurs de l’enseigne Picard. Julie, ouvrière chez Tipiak, est fière. Depuis quelques jours, elle voit ceux qui n’ont eu pour leurs salariés que du « mépris » « raser les murs ». Ce patronat de l’agroalimentaire a été forcé de capituler devant les ouvriers après que les quatre usines de Loire-Atlantique sur les sept sites que compte le groupe en France se sont mises en grève pour obtenir des augmentations de salaires.
Sur le site de Saint-Aignan (Loir-et-Cher), d’où est parti le mouvement, « la direction pensait qu’on ne tiendrait pas plus d’une semaine », s’amuse Mélinda, conductrice de machine. Sept jours plus tard, pas un gréviste ne manquait à l’appel. Mieux : dans les trois usines de la filiale Tipiak Traiteur-Pâtisserie, où la direction poursuivait les négociations sur les salaires, les ouvriers ont décidé de stopper les machines.
L’indigne revalorisation salariale générale de 1,8 % proposée par la direction a fourni l’étincelle à un climat social digne d’un baril de poudre. « Ça fait deux ans que ça couvait, explique Damien, le délégué syndical CGT du site de Saint-Aignan. En 2020, nous avons déjà été les oubliés de la prime Covid. Malgré plusieurs débrayages, nous n’avions rien obtenu. La colère n’est jamais retombée. » Il faut dire qu’avec un salaire de 1 300 euros par mois, c’est la « dèche » tous les jours, explique de son côté Julie. D’autant que, avec les « horaires à la con » de Madame employée par Tipiak, Monsieur a du mal à trouver un travail avec des « heures correctes » qui permettent la garde de leurs enfants, en dehors du temps scolaire. Alors Julie compte. Pour tout. Du lundi au vendredi, le trajet domicile- travail est de 80 kilomètres aller-retour, soit 250 euros tous les mois. Une fois additionnées toutes les dépenses contraintes, ne restent que 23 euros par semaine pour les courses. La quatrième vitesse, qui ne passe plus sur la voiture depuis deux ans, attendra bien une année de plus. « Tant que ça roule. »
Et encore, à l’usine, « certains retournent chez leurs parents quand d’autres dorment dans leur voiture ». La semaine dernière, raconte-t-elle, une collègue a fait deux heures de marche, son mari avait besoin de la voiture. « Comme si la boîte ne pouvait pas organiser le covoiturage », interroge la syndicaliste. Dans l’agroalimentaire où les chaînes sont très féminisées, les postes les mieux rémunérés sont attribués aux hommes, explique Catherine. Même sur un poste identique comme « conducteur de ligne », les hommes sont mieux payés, poursuit la syndicaliste CGT, « soit parce que nous nous sommes arrêtées pour faire des gosses, soit parce que les hommes partent faire des formations et changent d’échelon ». Il arrive, raconte-t-elle, que des femmes conductrices soient renvoyées sur les lignes pour laisser leur poste à un homme revenu de formation. « Ce n’est même pas intentionnel, c’est ancré, alors que ce sont des femmes qui font les plannings. »
Cette colère, la direction avait tenté de la contenir en fin d’année, au moment des grosses commandes. Une prime de 300 euros en novembre 2021, puis une autre en décembre de 200 euros avaient été versées. En vain. D’autant qu’aux salaires insuffisants s’ajoutent les cadences de travail qui s’intensifient. Certes, évoque Catherine, les lignes ont été automatisées, « mais, désormais, c’est au salarié de suivre la machine, qui va beaucoup plus vite que nous ».
Les 2,5 % d’augmentation générale des salaires, le 1,5 % de plus sur le panier- repas arraché par les Tipiak Traiteur-Pâtisserie ou les près de 4 % gagnés par les Tipiak Épicerie après trois semaines de grève représentent donc un sacré succès. Pourtant « certains grévistes sont écœurés, prêts à quitter l’usine ». C’est le cas de Pascal, cuisinier. « J’ai envoyé 18 candidatures, j’ai eu une seule réponse, mais il fallait que j’embauche le lendemain. Ce qui n’est pas possible. » Pour beaucoup d’autres, quitter l’entreprise n’est pas une option. « Dès que tu as un crédit, tu es pris dans l’engrenage de la peur, encore plus quand tu as des enfants. » Julie, Damien, Pauline, Catherine, Mélinda, Nadine, Pascal ont donc choisi la lutte. « On a été soudés, nous avons créé entre nos sites, entre nous, un lien unique, celui qui fait changer le rapport de forces. »
publié le 8 mars 2022
Guillaume Bernard sur https://rapportsdeforce.fr/
L’égalité salariale et la lutte contre les violences sexuelles étaient au cœur de cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes du 8 mars. Les manifestations du jour sont venu rappeler que, bien que déclarée « grande cause du quinquennat » par Emmanuel Macron, l’égalité entre les femmes et les hommes est encore loin d’être acquise.
Déclarée grande cause du quinquennat par Emmanuel Macron en 2018, l’égalité entre les femmes et les hommes n’a pas suscité une ligne dans la « lettre aux Français » qui marque l’entrée officielle en campagne du président de la République. Pourtant, des féminicides ponctuent toujours tragiquement l’actualité – à raison d’un tous les trois ou quatre jours – et les salaires des hommes sont toujours supérieurs de 28,5 % à ceux des femmes dans le privé, selon les derniers chiffres de l’Insee.
Or les revendications salariales sont au cœur de cette édition 2022 de la journée internationale des droits des femmes qui prend la forme d’une grève féministe, à un mois du premier tour des présidentielles. Un peu partout en France, des manifestations ont d’ailleurs commencé à 15h40. Cet horaire est, symboliquement, le moment à partir duquel, tous les jours, les femmes travaillent gratuitement alors que les hommes continuent à être payés. Outre la question des salaires, celle des violences sexistes et sexuelles a également été portée dans les nombreux cortèges qui ont défilé cet après-midi.
Avec les manifestations de ce 8 mars, le mouvement féministe souhaite marquer la « fin d’un quinquennat qui n’a rien fait pour l’égalité professionnelle et les violences faites aux femmes », expliquait Sigrid Girardin, co-secrétaire générale du Snuep FSU, lors d’une conférence de presse de préparation de la journée.
A Paris, plusieurs milliers de personnes ont ainsi défilé derrière une banderole « déferlante féministe pour l’égalité ». La manifestation a relié la Gare du Nord à l’hôpital Tenon, les manifestantes, en majorité des femmes, brandissaient des pancartes : « ni les femmes ni la terre ne sont des territoires de conquête », ou « féministe en colère, je ne vais pas me laisser faire », rapporte l’AFP.
Campagne présidentielle oblige, les six candidats de gauche étaient présents dans le cortège parisien, en soutien à la lutte de jour. En revanche, de l’autre côté de l’échiquier politique, le 8 mars n’a pas été une journée favorable à Éric Zemmour. Le matin même, Mediapart a publié une vidéo (en accès libre) dans laquelle le candidat d’extrême droite est accusé par huit femmes d’agressions sexuelles.
L’actualité ukrainienne a également été évoquée dans le cortège parisien. Avant le départ de la manifestation, les militantes ont lu au micro une lettre adressée par des « féministes russes », explique l’AFP. La guerre en Ukraine « apporte les violences des balles mais aussi les violences sexuelles », ont-elles affirmé.
Dans le même registre, à Montpellier, une pancarte « féministes contre la guerre des hommes » est aperçue dans la manifestation. Celle-ci a rassemblé plus d’un millier de personnes, dont une grande majorité de jeunes femmes. A Toulouse, où la tête de la manifestation s’était organisée en mixité choisie, les organisatrices ont choisi un parcours long, dont le départ était volontairement éloigné du centre ville pour « se rapprocher des personnes qui rejoignent rarement les manifestation », explique Nous Toutes 31. A Rennes, plus d’un millier de personnes ont manifesté, rapporte le Télégramme. Quelques manifestations ont été programmées en fin de journée. C’est le cas à Marseille, où la manifestation a commencé à 17h30 sur le Vieux-Port. Mais aussi à Lyon, où la manifestation devait partir à 18h. Dans cette ville de nombreuses rues ont été renommées avec des noms de femmes, par des militantes, en amont de la journée du 8 mars. Bilan de la journée : la CGT parle de dizaines de milliers de salariées mobilisées dans plus de 200 initiatives. Enfin, le 7 mars au soir, des manifestations nocturnes ont également eu lieu, notamment à Paris.
Pour rappeler que la lutte contre le sexisme est aussi une lutte salariale (voir notre long article à ce sujet), des actions de soutien à des piquets de grève ont également été organisées en plus des manifestations de ce 8 mars. Un rassemblement a ainsi été organisé devant l’Ehpad Bracieux (Loir-et-Cher) en soutien à des salariées victimes des propos sexistes et du mépris de leur directeur. A l’Ehpad Orpea de la Défense, une manifestation a mis en lumière les mauvaises conditions de travail des salariées du secteur. À Montreuil, un piquet de grève de la Maison des femmes Thérese-Clerc, a été tenu de 7h00 à 18h00, pour accueillir les femmes grévistes mobilisées pour dénoncer les atteintes aux droits des femmes.
publié le 4 mars 2022
Maïa Courtois sur https://rapportsdeforce.fr
La grève du 8 mars, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, fera la part belle aux enjeux du travail. Égalité professionnelle, revalorisation des salaires dans les secteurs majoritairement féminins… Des organisations syndicales comptent mettre en avant ces luttes pour ce 8 mars particulier – parce qu’il s’inscrit en fin de quinquennat, au sortir d’une crise sanitaire supportée par les travailleuses du soin et du lien.
La grève du 8 mars de cette année aura une teneur particulière. D’abord, la solidarité internationale entre mouvements féministes sera plus que jamais à l’honneur. Lors d’une conférence de presse le 1er mars, les représentantes des collectifs et organisations signataires de l’appel unitaire ont exprimé leur soutien aux femmes d’Europe de l’Est, en première ligne du conflit. Ensuite, parce que les élections présidentielles approchent. La grève du 8 mars marquera donc la « fin d’un quinquennat qui n’a rien fait pour l’égalité professionnelle et les violences faites aux femmes », expose Sigrid Girardin, co-secrétaire générale du Snuep FSU.
Les organisations syndicales mobilisées pour cette journée (CGT, Solidaires, FSU,…) ont en commun des commissions internes dédiées à la lutte contre le sexisme et pour l’égalité professionnelle. Mais s’engager dans la grève du 8 mars n’a rien d’évident. Pour certains syndicats, historiquement moins mobilisées sur ces questions, « c’est plus laborieux », glisse Sophie Binet, dirigeante confédérale de la CGT en charge de l’égalité femmes-hommes.
Même dans les syndicats les plus avancés, le mot d’ordre « grève féministe » fait grincer des dents. « Ça a interpellé dans nos syndicats. Certains hommes nous ont dit : “comment ça, une grève ? Une grève, c’est quelque chose de grave… Attention, il ne faut pas diviser le mouvement social…” » soupire Murielle Guilbert, de Solidaires.
Pourtant, construire un 8 mars unitaire, en y faisant peser des revendications salariales, est plus que jamais d’actualité. « Bien sûr, ce n’est pas que la question de l’égalité professionnelle. S’il y a des violences sexistes et sexuelles au travail, il n’y a pas d’évolution de carrière… S’il n’y a pas d’éducation non-sexiste, on rate aussi une marche importante… Tous ces sujets sont imbriqués », souligne Murielle Guilbert.
Tout de même : depuis deux ans, la crise sanitaire et sociale est passée par là. « Ce qu’on dénonce à longueur d’années a pris plus d’ampleur pendant cette pandémie », résume la responsable de Solidaires. Les femmes ont été les plus touchées par ses effets. Il y a la hausse des violences conjugales et intrafamiliales durant les confinements. La charge mentale décuplée. Mais aussi les conséquences sur l’emploi. D’après les chiffres du ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, pas moins de 41 % des femmes ont vu leur revenu diminuer pendant la crise sanitaire. En juillet 2020, 11 % des femmes entre 18 et 34 ans ont déclaré avoir perdu leur emploi, contre 9 % des hommes.
« Il faut tirer les leçons de la crise », presse Sophie Binet de la CGT. Nombre de secteurs n’ont pas attendu pour le faire. Durant l’année et demie qui vient de s’écouler, des « mobilisations sans faille des femmes ont eu lieu. Et ce, dans des métiers très féminisés, qui n’ont pas bénéficié de politiques ambitieuses en termes de revalorisation salariale et de carrière. Il faut continuer à batailler auprès de ces femmes », appuie Sigrid Girardin de la FSU. Parmi ces dernières : les AESH. Leur lutte est citée en exemple par les intervenantes de la conférence de presse. « Elles sont à 93 % des femmes. Et elles gagnent moins de 800 euros par mois : sous le seuil de pauvreté » déplore Sigrid Girardin. Pourtant, les AESH sont à la croisée des deux prétendues « grandes causes » du quinquennat : le handicap, et les femmes.
D’autres franges du salariat majoritairement féminines se sont fait entendre ces derniers mois. Travailleuses sociales, infirmières, enseignantes, assistantes maternelles, soignantes… Autant de salariées de première et seconde ligne pendant la crise sanitaire. « On exige la revalorisation salariale de ces métiers féminisés, la reconnaissance de leurs compétences » martèle Murielle Guilbert.
En toute première ligne, demeurent les travailleuses sans-papiers. Celles-ci se retrouvent « dans des secteurs en tension, principalement dans le nettoyage » rappelle Ana Azaria, du collectif Femmes Égalité. Ces dernières bataillent pour obtenir une régularisation. Prétendre à une admission au titre du travail implique de disposer d’une promesse d’embauche… au SMIC, au minimum. Or, les secteurs où elles décrochent quelques heures sont très précaires. Ana Azaria dénonce une politique « hypocrite. On sait qu’elles sont là, et ça arrange tout le monde ! ». Avec l’engorgement des préfectures et la dématérialisation croissante, les casse-tête administratifs empirent. Certaines perdent leur titre de séjour au moment du renouvellement… Et leur emploi. Le cortège de la grève du 8 mars leur donnera la parole.
Sigrid Girardin insiste, elle sur les mobilisations de ces derniers mois dans la fonction publique. « Il y a un préjugé tenace : l’idée que les statuts dans la fonction publique protègeraient des inégalités. Or, c’est faux. Les femmes y gagnent un quart de moins de salaire que les hommes ! » De quoi rappeler la responsabilité de l’État, premier employeur en France. La lutte contre les inégalités professionnelles ne se jouent pas seulement dans le contrôle des employeurs privés.
Il existe bien un index de l’égalité professionnelle dans les entreprises, développé par le ministère du Travail. Mais voilà : « 99,9 % des entreprises ont eu plus de 75 sur 100 à l’index, donc elles ne seront pas sanctionnées » relève Sophie Binet. Or, l’écart salarial entre hommes et femmes dans le privé est toujours de 28,5 % selon les derniers chiffres de l’INSEE. « On voit bien qu’il y a un problème…»
Et pour cause : cet index repose sur un système d’auto-notation. « Ni les syndicats ni l’inspection du travail n’ont un regard là-dessus. Encore moins un pouvoir de sanction », explique Sophie Binet. En outre, plusieurs modes de calcul lissent les écarts et seraient à revoir, selon elle. La CGT oeuvre en ce sens, au niveau national… Comme au niveau européen. Car une directive européenne sur la transparence salariale est en cours de négociation.
Mettre en lumière cet enjeu le 8 mars apparaît d’autant plus crucial. « On est très inquiets des positions que prendra Emmanuel Macron à ce sujet », indique Sophie Binet, alors que la France a pris la présidence de l’Union Européenne. Les organisations syndicales craignent que la directive ne suive le même modèle, peu efficient, de l’index utilisé en France. « L’index actuel, c’est l’inverse de la transparence… Il organise l’opacité sur les écarts de salaire », juge-t-elle.
« Le rôle des syndicats sur ces questions reste majeur, pour ce 8 mars et au-delà » conclut Murielle Guilbert. De la même manière que la CGT, Solidaires a lancé une campagne internationale sur l’égalité salariale. Une cause « centrale » pour l’année qui se joue, en raison des présidentielles. Mais aussi parce que le calendrier des mobilisations pourrait la porter haut et fort.
Les mobilisations actuelles dans le secteur de la santé, du travail social, ou encore la grève de la RATP du 25, dynamiseront le mois de mars. Sans compter la journée de grève interprofessionnelle du 17 mars. « C’est le mois que l’on appelle “le vent se lève”, parce qu’il y a plein de secteurs qui vont faire grève », sourit Murielle Guilbert. « On espère que le 8 mars sera un point important pour initier cette mobilisation interprofessionnelle ».
C’est aussi ce qu’espèrent les autres responsables d’organisations et de collectifs présentes lors de la conférence de presse du 1er mars. Toutes le concèdent : la pandémie a porté un coup aux mouvements sociaux. La grève du 8 mars leur apparaît comme l’occasion de mettre en lumière les secteurs qui sont malgré tout restés en lutte. Et, peut-être, d’impulser une nouvelle vitalité.
Luis Reygada sur www.humanite.fr
Travail Le rapport publié jeudi par Oxfam vient confirmer l’insuffisance des moyens mis en œuvre durant le quinquennat pour résorber le fossé des inégalités, notamment en matière professionnelle et économique.
Rendez-vous manqué. À cinq semaines du premier tour de l’élection présidentielle, le rapport rendu public ce 3 mars par l’ONG Oxfam (1) juge sévèrement le bilan du président Emmanuel Macron, qui avait promis de faire de l’égalité femmes-hommes la « grande cause nationale » de son quinquennat. Celui qui, en 2017, disait être un « candidat féministe » est loin de s’être montré à la hauteur des enjeux. « Nous prenons acte des efforts mais les mesures entreprises n’ont pas permis de transformer un système profondément sexiste, note le document de près de 50 pages. Les moyens ont été trop faibles et de multiples erreurs et ambiguïtés ont questionné la réalité de l’engagement. »
Les auteures du rapport reconnaissent que des engagements allant dans la bonne direction ont été pris par les pouvoirs publics en matière de « diplomatie féministe » et de « droits sexuels et reproductifs », mais l’action gouvernementale est qualifiée d’ « insuffisante » en matière de « budget dédié à l’égalité femmes-hommes » et de « lutte contre les violences ». Le compte n’y est pas du tout dans une société où « les femmes continuent de gagner et posséder moins que les hommes ». Le document pointe de nombreuses insuffisances tout en rappelant que les femmes « sont surreprésentées dans les emplois les plus précaires et les moins valorisés, exclues des sphères de pouvoir et assurent une part disproportionnée des tâches domestiques non rémunérées au sacrifice de leur vie professionnelle ».
« Ce qu’on attendait, c’étaient de grandes mesures structurelles qui transforment le système en profondeur », explique Sandra Lhote-Fernandes. « Il aurait fallu beaucoup plus d’ambition », insiste la responsable plaidoyer chez Oxfam France, qui remarque que la « grande cause du quinquennat » n’a bénéficié que de 0,25 % du budget de l’État. « Il y a un écart trop important entre l’affichage politique et la réalité des moyens alloués », souligne-t-elle. Si des actions ont bien été entreprises, comme le renforcement des obligations de transparence en matière d’égalité professionnelle, l’introduction de quotas dans la direction des grandes entreprises ou encore l’augmentation des salaires dans le secteur – très féminisé – de la santé, l’ONG juge néanmoins ces dispositions insuffisantes. « Oui le congé paternité a été allongé (de onze à vingt-huit jours – NDLR), mais on partait d’une situation scandaleuse », rappelle la responsable d’Oxfam. « Et ça reste insuffisant pour faire pleinement face aux enjeux d’égalité des droits, de répartition des tâches domestiques et parentales et de discrimination dans le cadre du travail. » Alors que l’Unicef préconise un congé parental payé d’au moins six mois pour les deux parents, Oxfam ne se prive pas de comparer les quatre semaines françaises aux seize semaines accordées en Espagne, trente-quatre au Danemark ou encore soixante-dix-huit en Suède.
D’autres mesures sont quant à elles carrément jugées contre-productives, comme l’index de l’égalité professionnelle. Des paramétrages de calcul biaisés permettraient en effet aux entreprises d’obtenir de très bons scores (note moyenne de 86/100 l’année dernière), reflétant donc assez mal la réalité. « L’index permet un certain “gender washing” et les entreprises peuvent se prévaloir d’une bonne image comme s’il n’y avait pas encore 16,5 % d’écart de salaire entre femmes et hommes à poste égal », souligne Sandra Lhote-Fernandes. La revalorisation des salaires des métiers fortement féminisés (institutrices, aide à la personne, entretien…) représente un autre point noir de ce quinquennat, tout comme le « droit à la garde d’enfants ». Alors qu’Emmanuel Macron avait promis l’ouverture de 30 000 places supplémentaires en crèche, on n’en dénombre aujourd’hui que la moitié. Les estimations les plus basses font pourtant état de besoins à hauteur de 230 000 places ! Sur 2,3 millions d’enfants de moins de 3 ans, 40 % n’ont aucune solution de garde, une situation qui représente un véritable frein à l’autonomisation économique des femmes, qui se voient obliger de renoncer à travailler pour s’occuper de leur progéniture.
« Il faut vraiment mettre les moyens sur la table et mettre en place des mesures ambitieuses si on veut transformer un système sexiste et patriarcal qui pénalise encore beaucoup trop les femmes », conclut Sandra Lhote-Fernandes. Son organisation attend un engagement fort du prochain président de la République et demande « 1 milliard d’euros et un plan d’urgence » pour réellement changer les choses. « Nous n’accepterons pas moins. »
(1) Rapport réalisé en collaboration avec Equipop et Care, avec la contribution de la Fondation des femmes, du Planning familial et de One France.
publié le 1° mars 2022
Marie Toulgoat sur www.humanite.fr
Après les révélations de maltraitance contre des résidants des Ehpad de leur groupe, les soignantes sont sorties de leur silence. Mobilisées pour la première fois, elles assurent souffrir aussi et refusent de poursuivre ainsi.
Derrière les tourelles d’une luxueuse bâtisse de la ville de Suresnes (Hauts-de-Seine), le soleil commence à poindre. Dans le creux d’un virage, la toute neuve maison de retraite Orpea, inaugurée en 2019, surveille le flot matinal de véhicules. Sur le trottoir, une dizaine de salariées se saisissent de drapeaux aux couleurs de la CGT et enfilent une chasuble. Les gestes sont mal assurés : pour la majorité, la grève est une grande première. Habituellement, la poignée de soignantes de l’Ehpad agit dans l’ombre, œuvrant de chambre en chambre et surtout en gardant le silence. Mais lorsque le scandale autour des cas de maltraitance observés dans les établissements du groupe privé a éclaté, la mobilisation s’est imposée.
« On nous a fait signer notre contrat en nous assurant qu’on aurait entre 6 et 7 résidants par jour. Pourtant, le compte est plus proche des 15 à 20 patients, et nous ne sommes pas plus payées pour la surcharge de travail », confie Irène (1), aide-soignante de nuit. Lorsqu’elle prend son service le soir, à 20 heures, elle prie pour qu’aucune de ses collègues ne soit absente : elle devra, sinon, prendre le relais et superviser plusieurs dizaines de personnes âgées. Servir les petits-déjeuners, assurer les toilettes, répondre aux sollicitations de familles parfois peu compréhensives, donner les médicaments… Les auxiliaires de vie et aides-soignantes sont devenues de véritables couteaux suisses, éreintées par la multitude de leurs tâches. « Quand j’arrive, je vois mes collègues qui travaillent le jour partir en pleurant, épuisées », poursuit Irène. Sous une grande banderole érigée par la toute nouvelle section CGT, vieille de quelques semaines, Aya (1) acquiesce : elle n’a pas encore la trentaine que la fatigue ne la quitte déjà plus. Éreintée par le tourbillon des tâches qui se répètent et du temps qui manque, elle en vient à craindre un accident. « Il n’y a plus d’infirmière le soir, donc on doit donner les médicaments à l’avance. On doit laisser la plaquette de comprimés entière à des gens qui n’ont plus toute leur tête, comment savoir s’ils ont pris la bonne dose ? », se désole-t-elle.
Ces conditions de travail à la limite de la « maltraitance » seraient un peu moins dures à supporter si elles n’étaient pas assorties d’un salaire de misère. Dans les étages de l’Ehpad, pourtant, les rémunérations se suivent et se ressemblent : 1 380 euros pour toutes, qu’importe qu’elles soient dans le métier depuis trente ans ou doivent sauter leur pause repas pour finir leur travail. « On a des primes de nuit, de week-end, mais ce qu’on veut, c’est du vrai salaire. On nous avait promis 1 700 euros avant de nous révéler que ce n’était que le brut, une fois le contrat signé », s’insurge Irène, employée des Vignes de Suresnes depuis son ouverture en 2019. Une cigarette à la main, un autocollant CGT négligemment apposé sur sa veste, elle prend à partie ses jeunes camarades : « vous n’aurez que 700 euros de retraite ! » Emmitouflée dans une écharpe noire, Aimée (1) écoute tranquillement. Elle ne contredit pas. Elle non plus n’a pas de salaire mirobolant, malgré ses efforts quotidiens, toujours plus intenses. « Heureusement que mes enfants sont grands et dans la vie active, ça fait des bouches en moins à nourrir. Certaines de mes collègues font deux boulots, moi je ne peux pas, sinon je mourrais », souffle-t-elle dans un rire léger, comme pour masquer la cruauté de la situation. Une vingtaine d’années auparavant, la soignante aurait bien aimé poursuivre une formation pour devenir aide-soignante et prendre du galon. Mais impossible de trouver du temps – et de l’argent – entre le boulot d’un côté et deux jeunes enfants de l’autre. Maintenant employée en CDI à Orpea, la salariée espère pouvoir suivre sa formation prochainement. « Mais avec cette grève, j’ai des doutes maintenant », réalise-t-elle.
Baffles et sifflets hurlant, la joyeuse parade remue sous les fenêtres de la maison de retraite, tirant sans doute de leur torpeur les quelques résidants encore endormis. Qu’importe, tous sont certainement dans le même camp : celui de la maltraitance subie par la politique du moindre sou d’Orpea, perpétuée de direction en direction. Le livre enquête de Victor Castanet, les Fossoyeurs, n’a rien appris aux soignantes, mais il les a rassurées, réconfortées. « On se sent moins isolées », glissent-elles. Toutes espèrent toutefois que les révélations, couplées à leur mobilisation inédite, sauront enfin faire bouger les lignes au plus haut niveau du groupe. En attendant, elles continuent la grève, illimitée.
(1) Les prénoms ont été modifiés.
publié le 25 février 2022
Guillaume Bernard sur https://rapportsdeforce.fr
Depuis 16 jours, les salariés de Biomérieux, dans l’ouest lyonnais, sont en grève. L’entreprise affiche des bénéfices records depuis le début de la crise sanitaire, mais les augmentations de salaire restent en deçà de l’inflation. Retour sur un conflit qui tente de s’étendre dans la chimie lyonnaise.
Depuis ses bureaux de Marcy-L’Étoile, dans l’Ouest lyonnais, Anne Gander réagit à un mail intitulé « crise sociale ». La DRH France de Biomérieux peste contre Émilie Senty, déléguée syndicale CGT sur le site de Craponne. « Elle va chercher à nous faire craquer…mais on va résister. Je vais aller à mon cours de Yoga avant de répondre », croit-elle écrire à une de ses collègues.
Le mail auquel elle répond à été envoyé par la CGT. Mais il ne contient pas la liste des divers destinataires habituels auxquels le syndicat s’adresse. Suspect. « Il faudra comprendre la tactique des destinataires qui évoluent », théorise la DRH, finalisant son mail et cliquant malencontreusement sur « répondre à tous ». Le vocabulaire martial de la DRH colle à la situation. Voilà 15 jours que, chez Biomérieux, deux camps se font face, se demandant chaque jour qui craquera le premier.
Dans le premier de ses camps, on trouve la CGT Biomérieux et des salariés grévistes. Le syndicat est minoritaire dans l’entreprise, face à une CFDT hégémonique. Mais depuis les débuts de la grève chez Biomérieux, il affirme que 200 grévistes adhèrent à ses revendications. Ce sont essentiellement des ouvriers de la partie production de l’entreprise, répartis sur deux sites, celui de Craponne (1300 salariés dont 75% de cadres) et celui de Marcy-L’Étoile (1200 salariés, même proportion de cadres). « Cette grève est essentiellement une grève de la production, des chaînes sont impactées et certains labos ne reçoivent plus nos livraisons », assure Michel Montoro, délégué syndical CGT sur le site de Craponne.
Le second camp, c’est celui de la direction de Biomérieux. L’entreprise lyonnaise, qui emploie 12 800 salariés à travers le monde, dont 4000 en France, en grande partie situés dans l’Ouest lyonnais, est un des leaders du diagnostic in vitro. Elle fabrique, entre autres, les réactifs qui permettent de détecter le Covid-19 et affiche ainsi une croissance record. Après deux ans de crise sanitaire, son résultat opérationnel est passé de 389 millions d’euros à environ 800 millions. Elle affirme dans la presse que la grève n’affecte pas la production, que les grévistes ne sont pas si nombreux et ne représentent qu’eux même. Sans concéder aucune augmentation de salaire, elle attend que l’orage passe.
Les très bons résultats de l’entreprise ne sont pas étrangers à la grève chez Biomérieux. « Je me suis mis en grève parce qu’avec de tels bénéfices, je ne comprends pas qu’on ne nous accorde pas une augmentation générale au moins au niveau de l’inflation », déplore David, technicien. « On a fait beaucoup d’efforts mais ils ne sont pas reconnus. On est venus bosser pendant le premier confinement, on nous a demandé de produire plus. Et tout ce qu’on nous propose, c’est une hausse de l’intéressement ? Nous, ce qu’on veut, c’est du salaire ! », affirme Sylvie, opératrice de production.
Comme dans de nombreuses entreprises en cette période, la lutte qui s’est engagée chez Biomerieux porte sur l’augmentation des salaires. Mercredi 9 février, c’est le site de Craponne, qui débraye le premier. Après trois semaines de négociations annuelles obligatoires (NAO), la CFDT, syndicat majoritaire, accepte une augmentation de salaire relativement faible. Ce sera 2,3% pour le collège ouvrier, 2% pour les agents de maîtrise, et 0% pour les cadres. Pour les plus bas revenus de l’entreprise, dont le salaire hors prime est pratiquement au niveau du SMIC, cela représente une augmentation de 38 euros brut. La CGT ne signe pas.
« Les NAO sont un théâtre. A chaque fois on nous fait le même sketch sur 3 semaines et à la fin la CFDT signe ce que le patron avait prévu qu’elle signe », dénonce Michel Montoro, de la CGT sur le site de Craponne. Or, selon la dernière estimation de l’INSEE (janvier 2022) les prix à la consommation ont augmenté de 2,9% sur un an.
De son côté, la direction de Biomérieux affirme que l’augmentation salariale négociée lors des NAO est de 4%. Mais elle inclut dans son calcul, l’augmentation individuelle de 0,9%, délivrée « au mérite », ainsi que l’ancienneté annuelle de 1% (plafonnée à 16 ans d’ancienneté). Des mesures que les grévistes refusent de considérer comme des « augmentations générales », puisqu’elles ne concernent qu’une partie des salariés. Contactée, sur ce point, Biomérieux n’a pas répondu aux questions de Rapports de Force.
« Lundi 7 février, deux jours avant la grève on a appelé la direction. On leur a dit que les salariés étaient énervés. On exigeait 100€ d’augmentation mensuelle, sinon il y aurait une grève. Ils ont cru qu’on ne ferait qu’un débrayage d’une journée, comme d’habitude. Mais cette fois la grève a bien pris et on la reconduit chaque jour. Maintenant on demande 300€ brut d’augmentation », explique Michel Montoro.
Depuis, la grève s’est étendue sur le site de Marcy-L’Étoile, à quelques kilomètres de Craponne. Le piquet de grève déménage régulièrement d’un site à l’autre et « le nombre de grévistes se maintient », explique la CGT. Une tentative d’étendre la grève de Biomérieux à d’autres entreprises, comme Sanofi, a vu le jour le 23 février.
La situation chez Biomerieux rappelle de nombreuses autres batailles sur les salaires menées notamment dans la chimie lyonnaise. Après deux semaines d’une grève historique fin décembre, les salariés d’Arkema, leader français de la chimie des matériaux, ont obtenu 70€ d’augmentation de salaire mensuel. Leur direction leur en proposait 50€. Le leader du PVC, Kem One a également essuyé une grève de 13 jours suite à des NAO jugées insatisfaisantes. Cette situation se retrouve ailleurs en France. Chaque semaine, de nouveaux conflits éclatent dans les entreprises sur la question des salaires.
« C’est comme si tous les patrons s’étaient passé le mot de ne pas augmenter les salaires », ponctue Émilie Senty, déléguée syndicale CGT. De fait, les dernières négociations de la branche « fabrication à façon », dont dépendent les employés de Biomérieux n’ont porté les augmentations salariales qu’à 2,4%, soit, encore une fois, en dessous de l’inflation. Même si celle-ci n’a pas valeur d’obligation, « toutes les organisations syndicales ont refusé de signer, sauf la CFDT », explique Murielle Morand, membre du comité exécutif de la FNIC-CGT et ingénieure d’application chez Biomérieux, qui a participé à ses négociations. D’où la volonté des grévistes d’élargir la lutte à d’autres entreprises locales.
Mercredi 23 janvier, le piquet des grévistes de Biomérieux est installé sur le site de Marcy l’Etoile, soit à quelques centaines de mètres d’un des principaux sites de Sanofi en France (5000 salariés), notamment chargé de la production de vaccins. « Le but c’est de faire une jonction avec les salariés de Sanofi. Tout comme les capitalistes sont unis, les salariés doivent l’être aussi. C’est aussi cela qui leur fait peur », affirme Michel Montoro. Ainsi certains grévistes sont venus tracter dès 4h du matin, à proximité des locaux de Sanofi, pour alerter les salariés.
Deux délégués syndicaux CGT et quelques salariées rejoignent effectivement le piquet. Mais la jonction en restera là pour le moment et il n’y aura pas, chez Sanofi, de grève pour rejoindre Biomérieux. « Les salariés ne sont pas dans une dynamique de grève. On va avoir des baisses d’effectifs, le souci c’est plutôt de garder de l’emploi en ce moment », explique Laurent Biessy, délégué syndical CGT chez Sanofi. « L’extension, forcément, ça prend du temps », constate Michel Montoro. Mercredi après-midi, les grévistes ont déplacé leur piquet en bas des bureaux de leur direction. En fin de journée, ils ont voté la reconduction de leur mouvement.
publié le 16 février 2022
communiqué de presse
Montpellier le 16 février 2022
CGT – FAPT34 Syndicat départemental de la fédération des activités postales et des télécommunications
Les Postier.e.s du Centre de Distribution de MONTPELLIER RONDELET seront en grève demain jeudi 17 février 2022.
Un mois après la mise en place de la réorganisation ayant supprimée 15 tournées Facteur et des graves perturbations que cela a entrainé, nombre de postières et postiers sont au bout du rouleau.
Devant cette crise sans précédent, ou les salarié.e.s se retrouvent parfois en pleurs et ou les altercations se sont multipliées, la Direction répond par la menace de répression, par l’insulte en tenant des propos stigmatisants.
Elle souhaite « remettre les postières et postiers au travail », ces derniers devant être soignés médicalement si elles ou ils ne s’en sortent pas, si elles ou ils craquent du fait de l’organisation du travail. La direction a clairement choisi d’ignorer les alertes de la CGT FAPT 34. Pourtant le risque est bien présent de voir ce type de management détruire la vie de salariés.
Nous le disons clairement à La Poste: sans changement le risque de suicide chez les agents est très présent.
Nous revivons aujourd’hui au sein des services de La Poste et notamment à Rondelet une forme de management proche de celui qu’ont connu les collègues de France Télécom.
Pour le service rendu aux usagers le constat est là, des commerçants et particuliers du centre ville sont parfois restés deux semaines sans courrier. Des courriers n’arrivent jamais et les réclamations se multiplient.
Les postières et postiers sont tous les jours en première ligne pour absorber le mécontentement des usagers.
La direction du Centre argumente sur le manque de professionnalisme et l’individualisation du problème. Pour les postières et postiers c’est le fait d’avoir parfois 6H de distribution à faire en 3H prévues par la réorganisation ainsi que la perte de temps engendrée par le fait d’avoir plusieurs intervenants entre le tri, le classement et la distribution d’une tournée.
Nous faisons face à une désorganisation généralisée du service.
Dès l’ouverture des négociations ce jour à 11 Heures la direction refuse toute négociation, insulte les salariés et les représentants de la CGT.
Nous serons présents avec les salarié.e.s demain jeudi 17 février 2020 à partir de 6H et jusqu'à 12h devant l’entrée des salariés de La Poste de RONDELET.
publié le 15 février 2022
SAUVONS LE CAPS
EN URGENCES !!!
communiqué :
-de la section CGT de l’hôpital de Lodève,
- de l’Union Locale CGT de Lodève-Clermont
- et de l’Association pour de véritables Urgences au Centre Hospitalier de Lodève
Depuis 13 ans, le CAPS (Centre d’Accueil pour la Permanence des Soins) du Centre Hospitalier de Lodève accueille des personnes de tout le territoire du Lodévois et Larzac et même du Cœur d’Hérault. D’années en années, il est monté en charge jusqu’à arriver en 2019 à plus de 10 000 passages.
Un service reconnu par tous les usagers mais pas par l’Agence Régionale de santé !!
Il faut savoir que le CAPS reçoit une enveloppe financière de l’ARS depuis son ouverture qui couvre l’ensemble des dépenses. Pour 2021, l’ARS a décidé de ne pas financer les salaires des nouveaux médecins salariés (290 000 €). Ce manque va mettre en péril financièrement d’une part le CAPS et le CH de Lodève et va dans un deuxième temps se répercuter sur les conditions de travail du personnel et de la prise en charge des usagers, qui en 2018, a subi et ce malgré l’opposition de la CGT, une néfaste réorganisation du temps de travail engendré par un plan de retour à l’équilibre financier.
L’urgence est de réagir au fait que le CAPS ne soit pas reconnu par l’ARS !! Celle-ci peut remettre en cause chaque année son fonctionnement en lui attribuant ou pas une enveloppe pour subsister mais jusqu’à quand ?
Quand on voit « l’oubli » des 290.000 €, on est en droit de s’interroger sur les raisons qui ont conduit l’ARS à pénaliser ce service indispensable pour la population !!!
Aussi, depuis de nombreuses années, la CGT et l’association « Pour de véritables urgences au CH de Lodève » demande la transformation du CAPS en véritable service d’urgence avec de ce fait une véritable assise juridique qui du coup, ne serait plus sous perfusion de l’ARS mais avec des moyens à la hauteur des besoins.
Qu’est-ce qu’un véritable service d’urgences ? ▪
▪ Les urgences vitales (celles qui seront donc traitées en premier) ▪ Les urgences fonctionnelles : blessures, maladies... qui entraînent un pronostic lourd et assez urgent
▪ Les urgences ressenties : le patient est angoissé et se sent mal mais ne présente pas de danger absolu.
▪ Les urgences sociales : la personne se rend aux urgences parce qu’elle ne sait pas vers qui se tourner ou se retrouve dans une situation difficile. Elle sera le plus souvent orientée vers un service de police et/ou un assistant social. Il ne s’agit pas d’une urgence médicale à proprement parler.
▪ Un plateau technique permettant de réaliser des opérations... et de sauver des vies !
Il y a également besoin de développer l’imagerie médicale et de doter le CH Lodève d’une IRM : trop d’attente pour avoir un rendez-vous, parfois plus d’un mois !
Alors l’urgence est à la mobilisation de toutes et tous !
Notre territoire ne doit pas devenir un désert médical !!!
Exigeons des moyens pour le CAPS, exigeons un vrai service d’urgence !!!
Rejoignez-nous, signez la pétition pour gagner un vrai service d’urgence.
Grand rassemblement
Samedi 19 février 2022 à 11h00.
Devant la Sous-Préfecture de Lodève
la pétition est en ligne : https://www.mesopinions.com/petition/sante/urgences-vital/116794
publié le 2 février 2022
Maïa Courtois sur https://rapportsdeforce.fr/
À nouveau, les travailleurs sociaux (handicap, grand âge, protection de l’enfance…) étaient en grève nationale, ce 1er février. Dans la foulée de leur mobilisation inédite du 7 décembre, ce rendez-vous visait à maintenir la pression. Et pour cause : une Conférence nationale des métiers de l’accompagnement social et médico-social se tiendra mi-février. Or, les pistes envisagées par le gouvernement, loin de répondre aux attentes des salariés, soulèvent leurs inquiétudes.
« Il va falloir revenir, encore et encore et encore » martèle Noureddine, d’une voix forte amplifiée par un haut-parleur. Éducateur de rue en Seine-Saint-Denis, exerçant dans la prévention spécialisée, ce salarié n’en est pas à sa première manifestation. Il était au rendez-vous toutes les fois où une grève nationale des travailleurs sociaux a été lancée : le 11 et le 27 janvier ; ou encore le 7 décembre. Ce jour-là, « c’était du jamais vu », se souvient-il. Entre 55 000 et 80 000 manifestants avaient défilé partout en France.
Ce 1er février, seules 6 000 personnes, selon les estimations syndicales, composent le cortège parisien. D’après les premières remontées de terrain, on dénombrait aussi 1500 manifestants à Nantes, 600 à Nîmes, 450 à Poitiers, 700 à Grenoble… Une mobilisation « moindre que le 7 décembre, mais toujours pêchue », commente Ramon Vila, secrétaire fédéral SUD Santé Sociaux.
L’appel à la grève nationale a de nouveau été porté par l’ensemble des syndicats de salariés du secteur (Sud, CGT, FO, CNT…), et des collectifs de travailleurs sociaux. Les accords du Ségur, signés à l’été 2020, ont laissé de côté des branches entières de professionnels, créant des différences de traitement au sein d’un même établissement. Depuis, les travailleurs sociaux descendent régulièrement dans la rue pour exiger, entre autres, la revalorisation de leurs salaires.
Une grève des travailleurs sociaux qui « ne s’essouffle pas »
Au milieu du cortège, Violette, éducatrice depuis douze ans dans le secteur du handicap, rappelle pourtant à quel point il est difficile de faire grève. D’une part, cela a des conséquences sur les fins de mois, alors que les bas salaires sont légion. Surtout, cela signifie rompre l’accompagnement. « C’est compliqué de demander aux familles de récupérer les personnes chez elles », souligne-t-elle. Elle et ses collègues sont venues à la manifestation parce qu’une réunion était prévue cet après-midi. L’impact sur le fonctionnement de leur structure est donc moindre.
Elles s’étaient aussi arrangées pour être là le 7 décembre. En douze ans, « c’est la première fois qu’il y a autant de manifestations à si peu d’intervalles. C’est bon signe, ça ne s’essoufle pas » positive Violette.
Si le mouvement reste dynamique, malgré la difficulté de se mobiliser, c’est aussi parce que la colère ne retombe pas face à l’absence de réponse gouvernementale. Depuis l’été 2020, aucun cadre de négociation réel n’a été ouvert par le ministère des Solidarités et de la Santé. Sollicité, celui-ci n’a pas, pour l’heure, répondu à nos questions.
Une campagne de recrutement observée avec méfiance
Quelques avancées émergent cependant en ce début d’année. Le 4 janvier, une circulaire interministérielle, adressée aux préfets, directions départementales de l’emploi et agences régionales de santé, a lancé une campagne de recrutement. Le sanitaire, le grand âge et le handicap sont les secteurs concernés. Dès février, une campagne de communication doit être menée auprès du grand public.
Marthe, cheffe de service dans un centre d’activité de jour pour adultes en situation de handicap, confirme faire face à des difficultés de recrutement « inédites ». Elle travaille depuis huit ans dans le secteur. « Nos métiers intéressent moins, parce qu’ils ne sont pas valorisés. Ni au niveau des salaires, ni au niveau de la protection dans notre travail », regrette-t-elle. Dans sa structure, par exemple, cela fait deux mois qu’un poste est à pourvoir.
Mais la cheffe de service n’est pas convaincue, a priori, par cette campagne de recrutement. « S’il s’agit d’ouvrir à un maximum de monde, il faut savoir qu’on en a plein, des gens qui postulent alors qu’ils viennent de boulots éloignés de notre secteur et n’ont pas les diplômes… On se retrouve, parfois, à devoir les recruter », soupire-t-elle.
Conférence nationale des métiers : « je ne me fais pas d’illusions »
Le gouvernement a aussi fixé un rendez-vous important, en ce premier trimestre 2022 : la Conférence nationale des métiers de l’accompagnement social et médico-social. Plusieurs fois repoussée, elle se tiendra le 18 février.
Teddy et Alicia, salariés au sein d’un foyer de vie pour personnes en situation de handicap, n’en attendent pas grand-chose. « Les politiques n’ont même pas connaissance de nos métiers, de nos établissements : foyers de vie, maisons d’accueil spécialisées, foyers d’accueil médicalisés… On part de zéro ! » estime Alicia. Le manque de reconnaissance, ancré depuis des années, laisse peu d’espoir à ces professionnels. « On a tellement été maltraités que je ne me fais pas d’illusions », résume Teddy. D’après lui, « on reste mis de côté, parce que les personnes que l’on accompagne sont déjà mises au ban de la société ».
Mobiliser les personnes accompagnées, ainsi que leurs familles, pourrait changer le rapport de forces aux yeux d’Alicia. « Ce sont les premières personnes concernées. Si elles se mobilisent davantage avec nous, on serait plus entendus ». Teddy, lui, aimerait que les responsables politiques visitent davantage les établissements sociaux et médico-sociaux. La méconnaissance de leurs métiers, de même que le manque de médiatisation de leurs luttes, est décrié par tous les travailleurs sociaux rencontrés ce 1er février.
L’inquiétude grandit autour de la refonte des conventions collectives
Obtenir l’extension de la prime Ségur (183 euros net par mois) à de nouveaux secteurs reste, pour ces manifestants, un horizon possible. L’enjeu sera au coeur de la conférence nationale du 18 février. Des pistes de revalorisation salariale seront aussi décortiquées dans un rapport commandé à l’Inspection générale des affaires sociales.
Mais au fil de ces derniers mois, un « deal » se dessine. Revaloriser les salaires, pourquoi pas… À condition de réformer en profondeur les conventions collectives. Une position de plus en plus assumée le gouvernement, en particulier depuis la mission Laforcade initiée fin 2020.
La fusion des deux conventions collectives principales du médico-social, la 51 et la 66, sont à l’ordre du jour. En tête du cortège parisien, Florence Pik, membre de la commission de mobilisation du travail social Île-de-France, appelle au micro ses collègues à la vigilance. Cette refonte aura pour objectif de « casser nos droits, casser nos congés », selon cette éducatrice spécialisée. « Ce serait catastrophique qu’ils nous abaissent les petits acquis sociaux que l’on a, autour des congés et des RTT… Et qui sont ridicules par rapport à d’autres secteurs », déplore Alicia.
Maintenir une dynamique nationale et locale
Peu satisfaits des perspectives qui se présentent à eux, les travailleurs sociaux entendent donc maintenir la pression. Teddy et Alicia se sentent encore l’énergie de participer aux grèves nationales, tant qu’il le faudra. « Jusqu’au bout », promettent-ils.
D’autres se feront entendre localement. « On est en train de construire, avec les collègues du Val d’Oise, un mouvement de grève pour les moniteurs et éducateurs qui sont les oubliés du Ségur », explique Adolphine. Cette éducatrice-coordinatrice « en colère », comme elle se présente en riant, travaille dans un foyer de vie pour personnes en situation de handicap. Quant à Noureddine, l’éducateur de rue, il est en train de constituer un collectif de prévention spécialisée du 93.
Du côté des organisations syndicales, plusieurs dates « vont s’imposer à nous », évoque Ramon Vila. Le 8 mars, par exemple. « On ne peut pas faire l’impasse dessus » : les métiers de l’accompagnement sont majoritairement exercés par des femmes. Le 15 mars également. « Ce sera l’anniversaire d’une des principales conventions collectives du secteur. Et c’est la journée mondiale du travail social », rappelle le responsable syndical. Et d’ici là, bien sûr, le 18 février. À l’occasion de cette conférence nationale des métiers, « il faudra que l’on se manifeste »
sur https://lepoing.net
Beaucoup d’innovation pour la troisième journée d’action des acteurs et actrices du médico-social. La dégradation de leur profession est celle de toute une vision de la société, partagée sur la Comédie avec tous les citoyens.
Pour sa troisième journée de mobilisation depuis décembre dernier, le milieu du médico-social s’était réuni, ce mardi 1er février place de la Comédie à Montpellier. Cette fois pas de cortège traditionnel, avec déambulation dans les rues de la ville, mais un tout autre programme à l’ordre du jour. Plusieurs signes faisaient présager un moment particulier, différent des deux rassemblements passés.
Avec quelques centaines de personnes réunies ce mardi midi, les syndicats présents (Sud Solidaires, CGT, FSU) et regroupements de professionnels du milieu médico-social (dont la très active CAASOS*) avaient réussi à mobiliser une population plutôt jeune et revendicative. Cela alors que la mobilisation n’a rien d’évident dans un secteur éclaté en petites structures, parfois perçues comme protectrices par leurs employés, très attachés au service à rendre coûte que coûte aux plus défavorisés ; sans oublier que la grève ne coûte pas rien pour des salariés souvent précaires ou très peu payés.
La nouveauté de la forme d’action choisie tenait à l’ajout – outre les prises de paroles de différents syndicats – d’une proposition de témoignage au micro ouvert, tourné vers les professionnels en grève. Une occasion d’offrir à cette place de la Comédie un moment de parole en public aux accents citoyens. C’est peut être ici que le symbole du jour était le plus fort : la place publique devenue un lieu d’échanges et de témoignages, prend des airs d’agora et retrouve l’attribut premier des aires communes. Et comme par définition, les problèmes du secteur social sont alors perçus comme étant ceux de la société, et no des seuls employés du dit secteur.
Aux revendications de manques de moyens financiers et humains dans les secteurs de la santé et du social s’ajoute la non reconnaissance, voire le mépris des institutions (ville, département, préfecture, qui sous-tendent l’action sociale) à l’endroit de ces travailleurs. Passant de main en main, le micro porte la voix de personne de différentes professions, ici un infirmier du samu social, là une assistante sociale, ou encore un apprenti moniteur éducateur, qui tour à tour pointent les difficultés rencontrées dans leur métiers respectifs.
Ces prises de paroles, préparées ou spontanées, révèlent toutes des similitudes criantes : demande d’intégration des étiers du médico-social au Ségur de la santé, manque cruel de reconnaissance des métiers du lien, dénonciation de la gestion managériale des institutions publiques et de la course aux profits (impossible de ne pas songer à l’affaire en cours dans les EHPAD privatisé), et la perte du sens du travail qui s’ensuit. Tout cela traduit par un mal être profond dans l’exercice de leur métier, souvent pratiqué avec passion, les actrices et acteurs du médico-social révèlent les défaillances de l’Etat dans ses missions de service public. La gorge serré pour certains déclarant que «si rien n’est fait rapidement, d’ici moins de dix ans, les travailleurs sociaux n’existeront plus ».
Tandis que des membres du collectif CAASOS installaient des
reproduction de chambre de 8m2 au sol de la place de la Comédie, un autre prenait la parole de façon déterminée rappelant dans le style l’appel d’un certain Coluche dans un contexte politique
similaire : «Notre lutte est commune, j’appelle donc les précaires, chômeurs, facteurs, cheminots, fous, drogués, personnel du service public et tous citoyens à
continuer le combat ». En effet, si les travailleurs sociaux ne semblent pas être considéré par les instances publiques, ils en restent les principaux acteurs et notamment
les témoins de la difficulté de vivre des citoyens (augmentation de la demande d’aide alimentaire, de logement d’urgence
etc…).
Une course digne d’un marathon, tant les demandes sont croissantes et systémiques, et il s’agira pour la suite de ce mouvement de prendre différentes formes de combat dans la durée. Car malgré les mobilisations nombreuses ces dernières semaines, les revendications restent inaudibles aux élus enplace, même si comme l’a souligné un membre de Sud Solidaires, une délégation de membres des syndicats de Sud Santé Sociaux, de la CGT Action Social et de CAASOS avait été reçue en matinée en mairie de Montpellier. Quand bien même, il semble qu’une course de fond soit lancée pour les travailleuses et travailleurs sociaux.
*Collectif d’Actrices et d’Acteurs Social et des Oubliés de la Société
publié le 31 janvier 2022
Cécile Rousseau sur www.humanite.fr
Grève Dix syndicats de l’établissement public appellent à se mobiliser, ce mardi. Avec l’avalanche de plans gouvernementaux et la réforme de l’assurance-chômage, les conditions de travail se sont dégradées. Les coups de pression managériaux et les revalorisations salariales faméliques attisent la colère.
La coupe a débordé. Ce mardi, l’ensemble des syndicats de Pôle emploi (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, Snap, SNU, STC, SUD, Unsa) appelle à la grève dans toute la France. Cette mobilisation d’une rare ampleur fait écho à l’avalanche de plans et dispositifs tombés sur les agents ces derniers mois : remobilisation des chômeurs de longue durée et de très longue durée, contrat engagement jeune (CEJ), renforcement des contrôles des privés d’emploi, réforme de l’assurance-chômage… En cette année électorale, les mesures imposées par Emmanuel Macron ne laissent aucun répit à des conseillers également touchés par le Covid. Si Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, a assuré dans les Échos comprendre la « fatigue » des salariés, les réponses n’ont pas été à la hauteur. « Quand nous avons demandé en CSE central de détendre certains dispositifs, on nous a répondu que c’était hors de question pour ceux du gouvernement, raconte Guillaume Bourdic, représentant de la CGT dans cette instance. La direction n’a concédé que des broutilles. En novembre et décembre 2021, les collègues ont dû recevoir de manière individuelle ou collective tous les demandeurs d’emploi de longue durée et certains de très longue durée pour leur imposer une prestation ou une formation. Cela a été très mal vécu en interne. Ça remet complètement en cause le travail des conseillers. Nous ne voulons pas être au ser vice d’un candidat pour l’élection présidentielle. »
Les négociations annuelles sur les salaires ont achevé de remuer le couteau dans la plaie. La direction générale a promis 1 % d’augmentation aux agents de droit privé et confirmé un royal 0 % à ceux de droit public. « On nous a même dit que nous pourrions avoir 1,5 % de hausse si nous renoncions à la grève, poursuit le syndicaliste. Les agents de droit privé ont vu leurs revenus chuter de 13,4 % et ceux de droit public de 20 % par rapport à l’inflation depuis dix ans. Nous demandons juste une forme de rattrapage. » Seule une catégorie de personnel voit sa rémunération grimper : l’encadrement. Les directeurs d’agence et les responsables d’équipe pourront percevoir une prime de performance en fonction de la réalisation des objectifs individuels et collectifs. Pour les récompenser, Pôle emploi a débloqué une enveloppe de 9 millions d’euros. Dans un contexte de pression exacerbée, cette décision n’est pas sans risques. Un peu partout, les conditions de travail des conseillers se détériorent. Pendant que le gouvernement affiche une baisse du chômage de 5,9 % au quatrième trimestre en catégorie A (chômeurs n’ayant pas travaillé), la charge de travail suit la courbe inverse. Si la direction a accepté de retarder la mise en place d’une de ses réformes, le conseiller référent indemnisation (CRI), c’est que les agents sont déjà noyés. « Depuis les nouvelles règles d’assurance-chômage, chaque cas demande beaucoup plus de travail, explique Luc Chevallier, délégué syndical SUD emploi. Le privé d’emploi doit fournir des documents sur les trente-six derniers mois. Nous devons regarder où sont les périodes de congé et les interruptions de contrats. Avant d’avoir tous ces éléments, on fait un calcul provisoire qui aboutit à une allocation dérisoire. Sinon, les chômeurs devraient attendre trop longtemps avant d’être indemnisés. »
Dans l’agence de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), l’ambiance est à couteaux tirés. Une déléguée syndicale du SNU a été sanctionnée d’un avertissement pour non-respect des procédures et des consignes. « On lui reproche d’avoir saisi sur informatique un entretien avec un demandeur d’emploi pour lever une future radiation, ce que nous faisons tous depuis des années, proteste une de ses collègues, Géraldine (1). Il s’agit surtout de discrimination syndicale. En réunion avec la directrice, on ne peut plus s’exprimer. On ne nous demande plus jamais si nous avons des questions à la fin. Nous devons appliquer les ordres, et basta ! Les demandeurs d’emploi sont contrôlés, mais nous aussi. On nous bourre le planning et nous devons justifier pourquoi nous n’avons pas répondu à tel ou tel mail. Et après 18 heure s, je continue parfois à travailler pour gérer les demandes de financement de formations et tout ce qui est back-office (activités administratives – NDLR). » Cette syndicaliste est également accusée par sa hiérarchie de provoquer un climat délétère au sein de l’agence de 60 salariés. Eva (1), en arrêt maladie pour « craquage », pointe plutôt les pratiques managériales : « Nous sommes quelques-uns à être en arrêt pour burn-out, observe-t-elle. Beaucoup de collègues sont partis. Jamais autant d’agents n’ont fait une demande de mutation. En mai 2021, notre indicateur de qualité de vie au travail était de 54 %. Le dernier était tellement mauvais qu’il ne nous a pas été communiqué. Tout ça pour être si mal payés que nous sommes nombreux à toucher la prime d’activité ! »
En soutien à leur collègue, une pétition a été lancée. Mais le respect des objectifs reste la priorité numéro un. « Il faut tenir les différents plans d’action gouvernementaux, monter en charge dans la prescription des formations auprès de la région, augmenter les taux de premier paiement des allocations… Cela appauvrit considérablement nos métiers ! lance Clarisse (1), autre agent. Avec ce pilotage par les résultats, la ligne managériale se durcit. À Saint-Maur-des-Fossés, un autre agent a été convoqué à un entretien disciplinaire parce qu’il s’exprimait un peu trop. » Contacté pour des précisions sur ce dossier, Pôle emploi n’a pas donné suite.
La situation de Vitry n’est pas isolée. « Il y a des recadrages partout, observe Luc Chevallier. On ne peut plus dire qu’il y a trop de travail et que l’on ne peut pas réaliser telle ou telle mission. C’est en totale contradiction avec le discours officiel de construction collaborative partagée. » Pour Francine Royon, déléguée régionale de la CGT en Île-de-France, le point de non-retour est atteint : « Les collègues veulent marquer le coup avec la grève d’aujourd’hui. Nous sommes arrivés au bout de ces méthodes. Par exemple, nous passons énormément de temps à faire du codage. Un collègue qui avait rentré les données pour 350 personnes en minuscules a dû tout retaper en majuscules alors que nous n’avons pas assez de créneaux pour recevoir les demandeurs d’emploi ! En parallèle, Pôle emploi déve loppe aussi une politique de sûreté, notamment pour repérer les personnes radicalisées. » Des ambassadeurs de sûreté devraient ainsi être désignés sur chaque site pour faire le lien avec la préfecture et le ministère de l’Intérieur, également en cas d’agression ou d’envahissement d’une agence. Une orientation contestée par certains syndicats mais sans effet sur la charge de travail.
D’autant que la précarisation croissante des agents ajoute une couche de stress : 16 à 19 % des effectifs sont en contrats précaires. De son côté, la direction communique abondamment sur les 900 recrutements en CDI pour le contrat engagement jeune. En réalité, entre les suppressions d’emplois et les embauches, l’établissement public devrait compter seulement 100 renforts en plus cette année. À partir de mars 2022, 550 postes supplémentaires en contrats à durée déterminée de dix-huit mois viendront s’ajouter. Même en misant sur la dématérialisation accrue et une autonomisation des demandeurs d’emploi, ce saupoudrage est insuffisant. « Des précaires qui accueillent d’autres précaires en agence, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux, dénonce Sofien Ben Mahmoud, représentant du SNU Pôle emploi. Ce ne sont pas les personnels en CDD qui vont procéder aux calculs de la réforme de l’assurance-chômage. Des conseillers indemnisation comme moi se sont retrouvés à valider des dossiers d’allocation avec 2 euros par jour, une honte ! Plus personne n’a le temps de servir correctement les usagers. Un collègue à qui on a imposé de “travailler” son portefeuille de chômeurs et qui a exposé sa surcharg e s’est vu répondre : “Tu n’as qu’à faire du yoga, ça te fera du bien.” Beaucoup d’agents se satisfont du télétravail car ils ressentent moins la pression. Tout le monde veut que cela se calme et exige des rémunérations dignes de ce nom. On espère que de nombreux agents seront mobilisés aujourd’hui. »
(1) Le prénom a été changé.
Cécile Rousseau sur www.humanite.fr
Lors d’une conférence de presse, mardi dernier, vingt associations ont appelé à prendre en compte les revendications des privés d’emploi en cette année électorale.
Changer le regard sur les chômeurs. Ce mardi, lors d’une conférence de presse, vingt associations dont Solidarités Nouvelles face au Chômage (SNC), ATD Quart Monde, le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) réunies au sein du collectif « pour la parole des chômeurs » ont présenté un Livre Blanc bâti à partir de témoignages. Lors de cette enquête, 270 réponses ont été recueillies en cinq mois. En cette année électorale, les revendications des six millions d’inscrits à Pôle emploi passent pour l’instant sous les radars, laissant le champ libre aux discours culpabilisateurs : « Il est important que cette parole soit mieux entendue, avance François Soulage, animateur du collectif. Tous refusent le terme d’«assistés» et rappellent qu’ils n’ont pas choisi cette situation. »
Parmi les premières priorités : un meilleur accompagnement socioprofessionnel des chômeurs en remettant la personne au centre. Le Livre Blanc recommande que des fonds supplémentaires servent à renforcer ce suivi individuel et collectif. S’il ne s’agit pas de tirer à boulets rouges sur le service public de l’emploi, le ressenti des précaires est sans appel : « Je ne rentre pas dans les cases et je suis fatigué d’être confronté à des machines », expose un des témoins. « J’ai l’impression d’être enfermé dans une case avec l’impossibilité de pouvoir prétendre à autre chose », relate un autre. Comme le souligne Dwain, chômeur présent lors de la conférence de presse : « Ma conseillère Pôle emploi est adorable, mais j’aurais aimé qu’elle connaisse un peu mieux mon secteur d’activité. Finalement, ce sont surtout des associations comme la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) qui m’ont aidé. »
Fatigue, santé mentale en berne, les risques sanitaires qui pèsent sur les chômeurs sont multiples. « Je suis usé et j’ai l’impression de ne plus rien valoir », se désole un des demandeurs d’emploi interrogés. Un accès gratuit à un psychologue est notamment proposé par le collectif. Dans leur recherche de travail en forme de parcours du combattant, le manque d’offres disponibles est aussi pointé du doigt. « 58% des chômeurs estiment que leurs difficultés à trouver un emploi sont liées à ce constat, rappelle Jean-Christophe Sarrot, co-responsable du réseau emploi-formation de ATD Quart-Monde. Trouver un poste, c’est prendre la place de quelqu’un jusqu’à ce qu’une autre personne prenne votre place... »
Entre la rengaine du gouvernement sur les 300 000 emplois non pourvus, la réforme ultra-régressive de l’assurance chômage et en face, quelques mesures saupoudrées sur les jeunes et les chômeurs de longues durée, les privé d’emplois attendent de mesures concrètes. « Les contrats proposés sont de plus en plus précaires, renchérit François Soulage, le million de chômeurs qui va perdre des droits avec la réforme de l’indemnisation, ce sont les personnes que nous avons rencontrées ! Il faut aussi arrêter d’imposer des formations et leur laisser le temps de choisir » Pour Chloé Corvée, présidente de la JOC, il est temps d’agir : « Ces différentes propositions doivent être mises en place par le futur gouvernement. Cette situation n’est pas vivable. »
publié le 31 janvier 2022
Stéphane Ortega sur https://rapportsdeforce.fr
Hella Kherief, l’aide-soignante qui avait dénoncé des maltraitances en EHPAD dans un reportage d’Envoyé spécial, est de nouveau inquiétée. Elle est convoquée à un entretien disciplinaire mardi 1er février. Dans la clinique où elle travaille à Alès, les salariés sont en grève depuis mercredi dernier pour protester contre un management brutal. Hella Kherief avait déjà perdu son emploi à deux reprises en 2016 et 2018. Nous l’avons interviewée pour Rapports de force.
Tu es convoquée à un entretien disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement le 1er février ? Peux-tu nous expliquer pourquoi ?
Officiellement, je n’en ai aucune idée, parce que je n’ai commis aucune erreur. J’en suis certaine. Officieusement, je dirais que c’est parce que je suis lanceuse d’alerte et représentante syndicale CGT. Je réplique par des courriers recommandés à ma direction, lorsqu’il y a un licenciement abusif, ou lorsqu’il y a une injustice envers un salarié. Cela ne plaît pas forcément, sachant que les prochaines élections sont au mois de mars. Un syndicat présent, qui défend les salariés, cela attise les convoitises. Surtout s’il risque de remporter les prochaines élections du conseil social et économique (CSE). Alors, pour la direction, il faudrait peut-être abattre dès maintenant les personnes susceptibles de faire changer les choses dans la clinique.
As-tu l’impression que ton « statut » de lanceuse d’alerte te poursuit ?
Complètement. Je suis arrivée dans le Gard en 2020 et ai repris le travail à partir du mois d’avril. J’ai commencé par des petites missions en tant que vacataire. On ne me connaissait pas. Ça allait. Nous étions en pleine période de crise sanitaire. Comme nous avons les masques constamment, cela m’a beaucoup aidé pour reprendre le boulot dans un autre département.
Puis, de fil en aiguille, les gens ont vu des choses réapparaître : des souvenirs d’il y a un an ou deux ans, sur les réseaux sociaux. Ensuite, quand tu manges, tu n’as plus le masque. Puis on me reconnaît et la direction l’apprend. Ils essayent de me mettre dans des services où il y a moins de soignants, moins de passage. Mon syndicat a essayé de me protéger et je leur en suis énormément reconnaissante. À la CGT, on m’a dit : « là, on ne va pas prendre de risque. On va te nommer représentante syndicale. Au moins, tu ne risqueras pas le licenciement pour tout et n’importe quoi ».
La direction a quand même trouvé un moyen de me réprimander, de me bâillonner. Donc je suis convoquée. Cependant, la « faute », que je ne connais pas encore, n’existe sûrement pas. Mais ils vont en trouver une. Pour ça, ils sont forts.
Depuis ton témoignage dans Envoyé spécial en 2018, où tu dénonçais la maltraitance institutionnelle liée au manque de moyens, as-tu le sentiment que les choses ont changé ?
Avec la crise sanitaire, nous les soignants avons été poussés dans le gouffre. Certes, on nous a accordé une prime de Ségur, mais cela reste une prime. Ce n’est pas une augmentation de salaire. Et ils peuvent décider de l’enlever. Dans le public, elle est conséquente, mais dans la clinique du groupe Elsan (privé lucratif) où je travaille, elle est de 19 euros brut par mois. Vous considérez cela comme une augmentation ? Est-ce que ça change nos vies ? Est-ce que cela nous aide à passer le cap de cette crise sanitaire, de vouloir continuer à travailler en s’exposant à ce virus et en risquant de le transmettre chez nous ?
Cette prime Ségur ne protège pas les soignants. Une augmentation de salaire ne nous protégerait pas plus, mais elle montrerait que l’on est reconnaissant de notre statut de soignants, que l’on nous pousse vers l’avant et nous motive. Mais 19 euros ! Tu motives qui ? Moi je ne suis pas prête à exposer toute ma famille pour 19 euros. Je ne serais pas prête à les exposer non plus pour 1000 euros, mais je serais prête à sauver des vies, s’il le faut, sans les 19 euros. Demander des augmentations, c’est demander de la reconnaissance. Je ne méprise aucun boulot, mais je pourrais faire un travail où je serais beaucoup plus tranquille, avec des horaires plus convenables. Être présente auprès de ma famille, ne pas être en contact avec tel ou tel virus et ne pas les exposer.
Aujourd’hui, on nous pousse à quitter nos jobs. Combien de soignants sont en burn-out ? Combien de soignants ont démissionné depuis cette crise sanitaire ? Et dans le privé lucratif, c’est encore plus poussé, parce qu’ils veulent toujours plus des soignants. Et avec toujours moins de moyens humains et financiers.
L’enjeu, et c’est clairement dit, c’est la rentabilité. On nous le dit : vous voulez qu’il y ait un aide-soignant en plus aux urgences ? Eh bien, il faut faire plus de passages, il faut qu’on fasse plus de fric. Comment peut-on dire ça aujourd’hui ? Je trouve cela petit, dégueulasse, rabaissant : pas du tout humain.
Tu avais été licenciée suite à ton témoignage dans Envoyé spécial. As-tu retrouvé facilement du travail après ?
J’ai réussi à retrouver du travail, mais bien entendu ce n’était pas un CDI. J’ai travaillé dans un établissement privé, grâce au soutien de la CGT. Je ne les oublierais jamais, parce que si je relève la tête tous les jours, c’est un peu grâce à eux. Ils m’ont accompagnée et m’ont soutenue. Quand j’ai commencé, je ne savais pas ce que c’était qu’un syndicat. Des collègues m’ont dit, là, tu va te faire licencier, syndique-toi, peut-être qu’on t’aidera, et j’ai bien fait. Je ne regretterais jamais d’avoir fait ce choix-là. La CGT m’a accompagnée du premier jour où j’ai dénoncé la maltraitance institutionnelle dans l’établissement où j’étais, jusqu’à aujourd’hui.
Là, tu parles de ton premier licenciement, avant la médiatisation. En réalité, tu as été licenciée plusieurs fois.
En fait, le premier licenciement en 2016 était dû au fait d’avoir dénoncé la maltraitance institutionnelle auprès de la direction de mon établissement, un EHPAD du secteur privé lucratif. C’était en interne et pas du tout médiatisé. J’avais fait des lettres d’évènements indésirables. J’ai essayé de me mettre en contact avec le siège en disant qu’on souffrait et que ce n’était pas normal de maltraiter autant nos aînés.
La médiatisation est arrivée après, petit à petit. Les grands médias sont arrivés ensuite. J’avais d’abord retrouvé un emploi en tant que vacataire. Je faisais des remplacements à la demande de l’employeur, mais je n’ai pas beaucoup travaillé. Puis, un employeur me propose un CDI. J’accepte, sauf qu’avant d’accepter ce CDI, j’avais fait une interview pour Envoyé spécial. Or, j’ai une période d’essai. Et l’employeur, qui n’est pas du tout un EHPAD, c’est une clinique privée, m’a vu passer à Envoyé spécial.
Le lendemain de cette émission, alors que j’avais signé un CDI depuis 6 jours, je suis convoquée. J’y vais et on m’annonce qu’on arrête mon contrat. On me dit : « ce n’est pas moi, ce sont les dirigeants qui l’ont décidé ». Alors je pose la question : « est-ce que c’est en lien avec Envoyé spécial ? ». Et le directeur de soins me dit : « Hella, je suis désolé, mais je ne peux pas te répondre à cette question. Je n’ai pas le droit, mais la seule chose qui est sûre, c’est que tu ne pourras plus travailler chez nous ».
Je comprends qu’Envoyé spécial n’ait pas plu aux dirigeants de la clinique Vert Coteau à Marseille pour laquelle je travaillais. Mais ça m’a fait mal, parce que je m’entendais super bien avec les membres du personnel et de la direction dans la clinique. C’était du privé aussi, mais on était bien. Et… de m’avoir mis à la porte, ça, je n’ai jamais compris.
Est-ce que tu as retrouvé facilement du travail après ce deuxième licenciement ?
Je n’ai d’abord pas retravaillé, puis occasionnellement, dans un établissement privé, où un syndicat CGT était majoritaire en sièges. En gros, on m’a laissé travailler en tant que vacataire. Je n’ai pas eu de CDI dans cet établissement-là, mais cela m’a permis de remonter un peu la pente, d’avoir un lien social avec des collègues et surtout de faire ce que j’aimais faire : mon métier d’aide-soignante. C’était très important. J’ai donc travaillé dans un service de réanimation. C’était très compliqué : j’ai dû faire face à la première crise sanitaire. Mais on a ressenti de la solidarité, une cohésion d’équipe et je leur suis très reconnaissante de m’avoir fait travailler plus de 7 mois, dans une période où, vraiment, j’ai commencé à me sentir un peu anéantie par ce qu’il s’était passé.
J’ai déposé plein de CV, bien que je travaillais, mais on ne me recrutait pas. Donc, avec mon conjoint, on s’est dit qu’il serait peut-être temps de changer de département. Entre autres, pour notre tranquillité et celle de nos enfants. Nous avons atterri dans le Gard, près d’Alès, et je m’y sens bien, même si ma famille, mes amis, ma ville me manquent. Mais je me rends compte que mon passé me suit encore. Il est encore présent, parce que l’on me reconnaît.
J’ai pu l’éviter pendant près de 6 mois, parce que l’on est masqués, mais une fois que le masque est tombé, on m’a reconnue dans la clinique où je travaille. Et je sens que l’on est en train d’essayer de me faire partir, tout simplement parce que je suis Hella Kherief. Pour qui je suis et pour ce que j’entreprends pour les salariés de cette clinique. Parce que non seulement je suis Hella Kherief la lanceuse d’alerte, mais aussi parce que je suis représentante syndicale CGT.
Je défends les salariés que la direction maltraite par leurs licenciements abusifs, leur répression et leur négligence. Cela ne leur plaît pas. Est-ce que je suis obligée de faire tout cela ? Non, mais je me sens concernée. Je suis soignante dans cette clinique et moi-même je subis et je finirai par subir, sûrement, un licenciement très prochainement. Alors une chose est sûre : il faut que cela s’arrête, que notre gouvernement et les politiques qui sont en place, ou ceux qui viendront, fassent quelque chose pour encadrer le privé lucratif. On ne peut pas les autoriser à faire tout et n’importe quoi. Il faut que les inspections du travail, les ARS, se fassent entendre par notre direction. Aujourd’hui, on ne voit pas de résultat. On a beau les alerter, sur plusieurs établissements privés lucratifs, nous n’avons jamais vu aucune victoire venant de ces institutions, qui sont censées nous représenter.
Ton contrat de travail rompu, l’obligation de changer de département pour espérer avoir un CDI, la période suivant ton exposition médiatique a dû être très difficile.
Cela a été super dur moralement pour moi et mon entourage. Pour mon lien social aussi, parce que mon réseau social s’est limité. Mes meilleurs amis travaillaient avec moi. Donc elles, elles continuent à travailler. Et pour qu’elles puissent garder leur emploi, elles étaient obligées de s’éloigner de moi. Cela m’a beaucoup affectée, parce que du jour au lendemain, on perd nos amis, on perd notre emploi, on perd tout, parce qu’un groupe privé n’accepte pas qu’on dénonce des choses vraies, des choses fortes, des choses injustes.
Le réseau social se limite aussi parce que, comme vous vous êtes en train de vivre une injustice, votre seule obsession est de la raconter. Sauf que vous ne vous rendez même pas compte que vous les saoulez parce que vous vous répétez. Vous le faites parce que cela vous a impacté intérieurement. Et les gens, cela les saoule d’avoir quelqu’un qui répète toujours la même chose à tous les repas et dans toutes les discussions. Ils essayent de vous sortir de cet univers-là, mais vous avez du mal parce que cela vous a vraiment atteint. Forcément, on ne vous invite plus. Je l’ai subi et en ai souffert.
Même ma propre famille, même ma mère qui me soutient au quotidien, des fois, je lui parlais, elle me disait « oui, oui », mais n’avait rien écouté, parce que je me répétais constamment. J’étais obsédée par cette injustice. Et la politique, c’est comme si elle s’en foutait. Ce qui me choquait, c’était que personne n’agisse, ne fasse rien, alors que c’est à la vue de tout le monde.
Aujourd’hui, je parle de politique, même si cela ne m’intéresse pas, parce que c’est eux qui nous gouvernent et sont censés établir des lois. C’est à eux d’encadrer un pays. Et cela doit se faire par le respect de nos anciens, quand même. Ça, je leur reprocherais jusqu’à ce qu’un gouvernement ose dire les choses et fasse en sorte que cela change : qu’il y ait une justice pour toutes ces personnes qui sont mortes dans des situations dramatiques, désastreuses, dénigrées, pas respectées et de qui on a profité du moindre sou.
Malgré une certaine souffrance que tu exprimes, tu donnes l’impression de poursuivre ton chemin dans la même direction. Est-ce que cela veut dire que tu ne regrettes rien ? Aujourd’hui, tu es représentante syndicale, est-ce une forme de réorientation, ou de continuité de ton combat pour le respect des anciens ?
Pour moi, c’est une simple continuité. La seule chose que je regrette, c’est que j’ai pu affecter mon couple dans cette histoire. Mais j’ai appris de mes erreurs. Donc oui, je continue à me battre contre l’injustice, pour nous les soignants, et parce que c’est une cause noble. Et je suis persuadée qu’en criant tous très fort, on va finir par se faire entendre un jour ou l’autre. Parce que c’est notre avenir que l’on assure, et celui de nos enfants. Demain, je serais la prochaine confrontée à mettre un de mes parents en EPHAD. Je n’ai pas envie de subir tout ce que ces personnes que j’ai croisées sur mon chemin professionnel ont subi. Je ne veux pas que quelqu’un de ma famille soit impacté ainsi et que l’on profite d’eux. C’est pour ça que je ne regrette pas. J’ai lancé une bouteille à la mer. Elle a été réceptionnée, pas par tout le monde, mais par certains qui, aujourd’hui, essayent à leur tour de faire bouger les choses. Et c’est ensemble qu’on réussira. Seul dans son coin, on arrive à bouger, à faire bouger certaines lignes, mais pas toutes.
Stéphane Ortega sur https://rapportsdeforce.fr
Déjà un licenciement, une mise à pied et deux avertissements pour le seul mois de janvier. La semaine prochaine, ce sera au tour de la représentante syndicale CGT de la clinique Bonnefon à Alès d’être convoquée à un entretien disciplinaire. Mais ce mercredi 26 janvier, aides-soignant.es et infirmier.es ont décidé de dire stop. Elles et ils ont entamé un mouvement de grève illimitée pour dénoncer un profond malaise social et réclamer le remplacement systématique des absences.
« Nous demandons la réintégration immédiate de Frédéric, notre infirmier de bloc opératoire qui a été licencié abusivement, ainsi que l’annulation des sanctions pour les trois autres salariés : Élodie, Hélène et Isabelle », annonce au micro Hella Kherief, la représentante de la section syndicale (RSS) CGT de la clinique Bonnefon. Une grosse trentaine de salariés de la clinique et une vingtaine de syndicalistes extérieurs à l’entreprise l’écoutent dans le froid, face à l’établissement où ils ont installé quelques tables, des thermos de café et des viennoiseries. Depuis 7 h ce matin, ils tiennent un piquet de grève, le premier en vingt ans dans la grande clinique alésienne, pass