PROCHAINE REUNION DE L'ASSEMBLEE CITOYENNE LE VENDREDI 26 JANVIER 2018 A FABREGUES A 19 HEURES
PROCHAINE REUNION DE L'ASSEMBLEE CITOYENNE LE VENDREDI 26 JANVIER 2018 A FABREGUES A 19 HEURES

février 2025

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     mise en ligne le 8 février 2025

Indice de performance, travail le dimanche, dégradation des conditions de travail… les salariés de Lidl en grève face à une direction qui « ne veut pas discuter »

Théo Bourrieau sur www.humanite.fr

Cinq syndicats (CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, CFDT) ont appelé les salariés de Lidl France à faire grève à partir de vendredi 7 février. Ils dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail face au développement des « indices de performance » et à la réduction des effectifs, et fustigent la volonté de l’ouverture généralisée des magasins le dimanche.

Cinq organisations syndicales, la CFTC, la CGT, la CFDT, FO et CFE-CGC, appellent à « une grève illimitée à partir du 7 février » chez Lidl France. Les salariés revendiquent une « revalorisation des salaires » et une « amélioration des conditions de travail », dénonçant notamment une diminution des effectifs de 2 200 à 2 500 salariés, alors que le parc de supermarchés continue de s’étendre.

Le dernier avis du CSEC (Comité social et économique central), constatait que « les salariés sont la seule variable d’ajustement de l’entreprise qui entraîne systématiquement un report de la charge de travail sur ceux qui restent, détériorant davantage leurs conditions de travail ». Thierry Chantrenne, délégué central CGT à Lidl, met en garde : « une dégradation des conditions de travail des salariés implique logiquement une dégradation d’accueil des clients », ce qui entraînerait logiquement des pertes financières. Des magasins en désordre, des files d’attente interminables aux caisses, des produits manquants… Autant de raison qui pourrait pousser les potentiels clients à aller faire leurs courses dans un autre supermarché.

Un mouvement d’ampleur

Les syndicats incriminent également la course à « l’efficacité » et à « la performance », au détriment de la vie et de la santé des salariés. « Ce nouveau système d’indicateurs est une catastrophe » fustige Thierry Chantrenne. Le CSEC a ainsi relevé que « les conditions de travail dégradées (notamment port de charges, hauteur de préparation palette et fréquence de prise de colis) se traduisent par des indicateurs d’accidentologie plus élevés ». En d’autres termes, la cadence infernale imposée est à l’origine de plus en plus d’accidents du travail.

« Allez discuter avec les caissières, allez observer leur travail, vous verrez qu’elles ont de plus en plus de choses à faire et que c’est devenu une véritable usine à gaz », invite le délégué central CGT. Ménage, mise en rayon, accueil des clients, caisses… cette polyvalence poussée à l’extrême de tous les salariés, combinée au manque d’effectif, provoque un épuisement généralisé des équipes.

Le dernier point essentiel des revendications des organisations syndicales est le refus de la généralisation de l’ouverture dominicale généralisée des magasins. Alors que les salariés sont déjà poussés à bout, la direction de Lidl France souhaite que l’ensemble des 1 600 supermarchés soient accessibles tous les dimanches matin, le tout sans renfort prévu. « Dans le commerce, il y a beaucoup de famille monoparentale. Qui va garder les enfants ? », interroge Thierry Chantrenne.

Sans répondre directement aux critiques sur les conditions de travail, la direction de Lidl jure toutefois que le dialogue social est permanent au sein de l’enseigne et dit proposer une majoration de 50 % des heures travaillées le dimanche pour les salariés concernés. Mensonges, selon Thierry Chantrenne : « La direction ne veut pas discuter et nie en bloc la dégradation des conditions de travail. » Si pour l’heure le nombre de gréviste n’est pas connu, le mouvement s’annonce d’une ampleur inédite. « Beaucoup de magasins sont fermés, de nombreux salariés se mobilisent, ça marche très bien », se félicite le délégué central CGT.

  mise en ligne le 8 février 2025

Ce qui manque !

Patrick Le Hyaric sur www.humanite.fr

Le budget imposé par un nouveau 49.3 marque une nouvelle dégradation de la situation des travailleurs et des familles populaires. Face à cette offensive du capital et à la montée de l’extrême-droite, la gauche ne peut pas proposer comme débat essentiel la question de savoir s’il faut attendre 2027 pour déposer un bulletin dans l’urne ou s’il faut voter le plus vite possible. L’histoire montre qu’aucun progrès social et humain n’a été possible sans que les travailleuses et travailleurs ne s’en mêlent dans l’action unitaire. Pour la gauche, l’urgence est donc l’unité, la bataille des idées, des élaborations communes nouvelles et l’aide à l’action populaire.

Jamais, sans doute, une telle artillerie – mêlant ministres, grande presse propriété des oligarques et oligarques eux-mêmes –, en osmose avec la Commission européenne, ne se sera tant mobilisée pour le vote du budget d’austérité de la nation.

Car, c’est de cela qu’il s’agit : l’austérité pour celles et ceux qui n’ont que leur travail ou leurs retraites, ou, pour beaucoup, de maigres prestations sociales, pour vivre. Malheureusement, ce ne sont pas eux, pas elles, pas celles et ceux qui n’ont rien sur leurs comptes en banque au milieu du mois, celles et ceux qui triment dur au travail, placés sous la menace du chantage à l’emploi et aux délocalisations, qui verront leur sort s’améliorer.

Non. Ce budget va encore aggraver leur situation de deux manières qui vont se cumuler.

Moins de services publics, avec le dogme de la réduction des dépenses

Même la prétendue concession sur les 4 000 postes d’enseignants est un immense bluff, car le gouvernement Barnier avait renoncé à cette saignée. Dans le budget, cela fait 50 millions d’euros en apparence restitués, mais le gouvernement Bayrou réduit encore ce budget de 200 millions d’euros sur d’autres chapitres, dont la formation des enseignants.

D’un côté, le pouvoir prétend être revenu sur le déremboursement de plusieurs médicaments, mais, de l’autre, en prélevant un milliard d’euros sur les mutuelles, il fait augmenter les cotisations de celles-ci d’au moins 6 %. On fait semblant de revenir sur le non-paiement des jours de carence des agents publics pour mieux diminuer l’indemnisation de leurs arrêts maladies. Dans ce tour de passe-passe, le Premier ministre fait croire qu’il restitue 200 millions d’euros alors que le moindre remboursement lui fait engranger 800 millions d’euros. On peut ainsi multiplier les exemples.

En y ajoutant la violence du veto de M. Bayrou à la moindre augmentation du SMIC et l’augmentation continue des impôts indirects indexés sur l’augmentation des prix des produits de première nécessité, il est certain que la situation des familles populaires va encore se dégrader.

La seconde raison du caractère négatif du budget tient aux effets pervers qu’il va produire. En effet, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a calculé que la reconduction à l’identique du budget de l’année 2024 aurait permis une croissance d’environ un point, tandis que le remède imposé par la loi de finances 2025 conduira à une croissance négative. En d’autres termes, l’application de la loi spéciale aurait été moins négative que le budget imposé au marteau du 49.3. En effet, en refroidissant l’activité, en réduisant la création de richesses, les recettes fiscales sont diminuées. Une telle politique budgétaire augmente donc la dette financière tout en augmentant la dette écologique faute d’investissements dans la bifurcation environnementale.

La réduction de la création de richesses répondant aux besoins sociaux et écologiques est trop sous-estimée comme cause de la mauvaise situation financière du pays et de L’Europe.

Or, d’immenses chantiers devraient être ouverts pour une réindustrialisation d’un type nouveau, tenant compte des enjeux environnementaux et des besoins humains, des nécessités d’une bifurcation agro écologique permettant l’installation de centaines de milliers de jeunes paysans et l’amélioration de la santé. Une autre manière de produire et de consommer, assortie d’un ambitieux programme public européen de développement du numérique.

Seulement, quand le budget coupe les moyens pour la recherche de plus d’un milliard d’euros, le pouvoir sacrifie l’avenir. C’est bien cette création de richesses nouvelles et l’assurance pour chacune et chacun d’avoir un travail – non aliénant –, ainsi que la fin des cadeaux fiscaux et sociaux indus aux grandes entreprises qui permettraient d’améliorer les budgets de l’État et de la Sécurité sociale.

Tout l’argumentaire de la grande bourgeoisie, contre les dépenses publiques et le « coût du travail » vise plus que jamais à détruire l’État social, les services publics et la sécurité sociale. Autrement dit, des conquis typiquement communistes (au sens originel du projet) qui entravent aujourd’hui la liberté totale d’accumulation du capital. Faire croire aux salariés que la baisse de leurs cotisations sociales améliorerait leur salaire vise avant tout à diminuer la part de richesses consacrées au bien commun pour augmenter les profits et à ouvrir du même coup la voie à une protection sociale financée par la capitalisation avec des assurances privées qui se gaveraient encore plus. Ajoutons que la bataille contre les impôts de production (ou sur le capital) cache la volonté d’augmenter à terme la TVA.

Une grande campagne d’explication et d’aide à l’action

La lutte des classes que mène le grand capital nourrie d’une violente et permanente guerre idéologique sur ces enjeux doit être partout révélée, décortiquée, combattue avec constance.

Les organisations syndicales, les associations comme ATTAC, la Fondation Copernic, Oxfam, les journaux progressistes, les partis de gauche et écologistes, composant ensemble le Nouveau Front populaire (NFP), devraient lancer une contre-offensive, une grande campagne d’explication et d’aide à l’action pour que les travailleuses et les travailleurs, les citoyens dans la diversité de leurs sensibilités progressistes puissent intervenir, agir pour obtenir de réelles améliorations.

Les conciliabules avec les ministres qui n’ont d’autres soucis que de vendre leur vinaigre dans une bouteille portant la fausse étiquette de miel n’aboutissent qu’à désarmer le mouvement populaire qui a réclamé l’unité et qui attend des parlementaires du NFP qu’elles et ils votent, ensemble, sur la base du programme sur lequel elles et ils ont été élus. Le puissant mouvement de masse qui s’est levé pour barrer la route de Matignon à l’extrême droite au mois de juillet répondrait à l’appel s’il était aidé pour intervenir sur les débats qui ont lieu au Parlement.

Voilà ce qui manque ! Créer les conditions pour que les citoyennes et citoyens puissent intervenir, et exercer pleinement leur souveraineté sur leur vie et leur avenir. Une telle démarche pose forcément la question de la nature de l’apport des partis et autres forces du NFP pour aider à faire vivre un mouvement populaire conscient, déterminé pour la victoire.

Quand les chefs de file du grand capital français se mobilisent à ce point, la gauche ne peut pas proposer comme débat essentiel la question de savoir s’il faut attendre 2027 pour déposer un bulletin dans l’urne ou s’il faut voter le plus vite possible. Procéder ainsi, c’est désarmer le mouvement en étalant des divisions et en tombant dans le piège de la Ve République qu’on prétend combattre, en faisant de l’élection présidentielle le moment cardinal. Or, aucun progrès social et humain n’a été possible sans que les travailleuses et travailleurs ne s’en mêlent dans l’action unitaire. C’est une leçon fondamentale des acquis obtenus lors du Front populaire de 1936. A contrario, c’est l’enseignement de ce qui a manqué le plus en 1981 et a permis à la composante principale de la gauche d’enfiler les habits du libéralisme. C’est là que la sève de l’extrême droite a monté sans discontinuer.

La question n’est donc pas l’élection présidentielle mais l’aide au déploiement d’un mouvement populaire et politique si puissant qu’il devienne irrésistible.

De même, aucun parti ne devrait aborder les élections municipales avec le souci de « prendre » comme il se dit, la gestion de villes et de villages là où il y a déjà un maire de l’une des forces issues du nouveau Front populaire. Le souci devrait être double : dans l’unité, gagner sur la droite et l’extrême droite et, avec les citoyens, construire un municipalisme progressiste bouclier contre le grand capital et fer de lance d’un nouveau rapport de force pour les classes laborieuses et la jeunesse.

Si la majorité de celles et ceux qui aspirent à mieux vivre se sent impuissante, non écoutée par les forces de gauche et écologique, le risque de l’élargissement du chemin de l’Élysée pour l’extrême droite est plus important que jamais. Il l’est d’autant plus que les forces qui sont au pouvoir et le grand capital banalisent les nauséabondes et insupportables idées de l’extrême droite et les reprennent à leur compte.

Une large partie des puissances d’argent font mine de s’émouvoir des choix nationaux capitalistes et autoritaires de Trump pour nous exhorter à franchir un nouveau cap dans des politiques de dérégulation tous azimuts. Autrement dit, dans certains milieux, pour l’instant, la critique de Trump sert aux glissements permettant de mettre en œuvre sa politique au nom du combat contre le nouveau roi de l’imperium.

Nous aurions tort de sous-estimer les effets délétères de cette campagne idéologique sur celles et ceux qui souffrent déjà des coups de canif portés contre l’État social et contre les régulations destinées à sauvegarder l’environnement et la nature.

Dans cette bataille, il nous faut rendre coup pour coup et animer le combat de classe avec tous les moyens d’information et de partage dont nous disposons.

Dans leurs diversités, les forces du Nouveau Front Populaire ont la capacité de mener cette bataille politique, culturelle et idéologique. Face aux multiples dangers, face à la volonté de noyer le mouvement populaire dans les larmes des désillusions et des désespérances, il devient urgent de combler ensemble les manques : l’unité, la bataille des idées, des élaborations communes nouvelles et l’aide à l’action populaire.

Ne voit-on pas les nuées de cet orage qui menace ?

   mise en ligne le 7 février 2025

Violences racistes :
dans le Nord,
une nébuleuse identitaire
prête à passer aux actes

Les groupuscules d’extrême droite trouvent dans le Nord un terrain propice, où ils espèrent attiser la haine et la violence contre les migrants cherchant à rejoindre l’Angleterre. Ils prospèrent à l’ombre du RN, dont les scores contribuent à la libération de la parole raciste

.Rosa Moussaoui sur https://www.humanite.fr/

Sous les radars. Avant la mort de Djamel Bendjaballah, tué le 31 août 2024 par Jérôme D., personne dans le Dunkerquois n’avait entendu parler de la Brigade française patriote (BFP), à laquelle appartenait le meurtrier. Seule mention publique de cette milice avant ce crime : elle est citée dans un article scientifique consacré aux survivalistes, qui relève la présence dans ses rangs d’ex-militaires amateurs de bivouacs et de séances d’entraînement au tir « afin de se préparer à rétablir l’ordre en cas de rupture de la normalité ».

L’un des membres, au moins, de cette Brigade française patriote, était familier des stands de tir de la région, où se croisent policiers et militants d’extrême droite. Pour entériner l’appartenance au groupe, fondé en 2018 par un ancien de la marine, les nouveaux venus se voyaient délivrer un « diplôme » au liseré bleu, blanc, rouge, frappé d’un écusson figurant une tête de mort que cernent ces mots : « Se préparer et résister ».

Une atmosphère de chasse aux réfugiés

Dans une enquête de Blast, un membre de la BFP, ancien militaire, décrit un groupe « très structuré » avec « un chef national qui est en Bretagne et des responsables régionaux ». « Beaucoup d’entre nous possèdent des armes, confie-t-il, (…) On s’entraîne et on se prépare car on sait que la guerre civile est inévitable. » Toujours selon Blast, le tueur était aussi en contact avec un groupe néonazi, Alliance France, réplique hexagonale du mouvement néonazi belge Alliance Belgique, qui aurait sollicité l’adhésion de Jérôme D. avant le crime.

D’autres groupuscules d’ultradroite sont actifs dans le Nord, où ils espèrent attiser la haine et la violence contre les réfugiés cherchant à rejoindre l’Angleterre. Parmi eux, le Parti de la France, du pétainiste Thomas Joly, qui appelle publiquement à procéder à des « rafles ». Dans cette atmosphère de chasse aux réfugiés, le ministère de l’Intérieur demandait, en avril 2023, la fermeture de chaînes Telegram dont certains membres évoquaient des projets d’actions violentes et racistes dans le Nord et le Pas-de-Calais.

L’ombre des ultranationalistes flamands

Cet activisme ne connaît pas de frontières : au mois d’août 2024, à l’acmé des émeutes racistes outre-Manche, une influente figure de l’extrême droite britannique appelait à organiser une traversée pour empêcher les embarcations de migrants de quitter le littoral français. Mais les plus ancrés dans le Dunkerquois sont certainement les ultranationalistes flamands du Geuzenbond, adeptes de la rhétorique du « grand remplacement », qui prêchent « la réunification de toutes les régions néerlandophones d’Europe ». Ceux-là organisent régulièrement des « randonnées » dans les dunes et des collages d’affiches à Dunkerque, Malo-les-Bains, Bray-Dunes, Petite-Synthe.

Le 23 janvier 2024, ils recouvraient les murs de Coudekerque-Branche, où vivait Jérôme D. – une commune de la banlieue de Dunkerque où le Rassemblement national (RN) a recueilli 47,69 % au premier tour des élections législatives anticipées l’été dernier. Le 28 mai 2024, ces nervis d’extrême droite se recueillaient à Watten sur la tombe de l’abbé Jean-Marie Gantois. En 1940, cet ecclésiastique rallié à la doctrine nazie avait écrit à Hitler pour lui demander le rattachement de la Flandre française au Reich allemand comme « membre de la nouvelle communauté germanique ». 

Ils appartiennent à la même nébuleuse identitaire que les ultranationalistes flamands de Schild & Vrienden, dont le fondateur Dries Van Langenhove, ex-député du Vlaams Belang, a été condamné au printemps 2024 par la justice belge à un an de prison ferme pour détention d’armes et diffusion de messages à caractère raciste et antisémite. « Le lien est bel et bien établi entre cet ancien parlementaire d’extrême droite, Schild & Vrienden et le Geuzenbond », indique une source policière belge.

Une convergence redoutée

Difficile d’évaluer le poids politique réel de ces milices qui prospèrent à l’ombre de l’extrême droite institutionnelle. « C’est pour l’instant une minorité agissante, remarque Stéphane Vonthron, de l’union départementale CGT du Nord. Ils recrutent parmi les étudiants ; les salles de musculation, le MMA et le combat mixte leur offrent un vivier. Le problème, c’est que, lorsque de tels groupes sont dissous, leurs membres continuent de s’organiser dans l’ombre. Ils se préparent : si le RN gagne, ils seront dans la posture de former de véritables groupes paramilitaires. »

mise en ligne le 7 février 2025

Gauches : laisser le vote de la censure nous diviser serait une erreur fatale

Les députés du groupe Ecologiste et Social sur https://blogs.mediapart.fr/

Nous alertons avec gravité : le risque est grand de voir se dessiner comme solution l’autoritarisme et le rejet grandissant de la démocratie. Dans ce contexte, l’union des forces de la gauche et de l’écologie est impérieuse : les désaccords stratégiques ne sauraient se transformer en détestation. Nous refusons de faire du vote sur la censure celui qui définit les contours du Nouveau Front Populaire, alors que nous connaissons un point de bascule historique. Par le groupe écologiste et social.

L’inquiétude liée à un monde fragile, incertain et violent est celle de beaucoup de nos concitoyens. Dans ce contexte, nous savons que le vote d’une motion de censure n’est ni simple, ni banal. Nous ne faisons donc pas de cet acte parlementaire un mode d’opposition anodin. Nous choisissons d’en expliquer ici les raisons avec clarté, transparence et, toujours, un esprit constructif.

Le réchauffement planétaire et la conquête du pouvoir par les néofascistes sont les deux grandes menaces qu’affrontent nos générations. Tandis que la géopolitique nous rattrape, la situation intérieure se dégrade fortement : Mayotte et l’Ille-et-Vilaine n’échappent pas aux calamités provoquées par notre modèle de développement, le chômage augmente, les licenciements industriels reprennent, les collectivités locales s’appauvrissent, les services publics les plus essentiels – l’école et les hôpitaux – se dégradent.

En responsabilité le groupe Écologiste et Social a participé pendant plusieurs jours aux discussions avec le gouvernement. Nous avons plaidé pour des compromis autour d’un budget qui mette à contribution les plus riches, donne à la France les moyens de la transition écologique, défende les collectivités locales et suspende sans délai la réforme inique des retraites à 64 ans, que nous n’acceptons toujours pas.

En guise de réponse, coupes brutales dans les services publics, renoncement aux politiques environnementales et recul des droits sociaux. Quelques illustrations des rabots brutaux : division par deux des moyens pour la rénovation des logements, pour l’aide à l’achat de véhicules moins polluants, gel du barème des bourses étudiantes, disparition progressive des emplois aidés, baisses des moyens du pass culture et du pass sport, baisse de près de 40% du budget de l’aide au développement, -929 millions pour la recherche, -800 millions sur les solidarités et l’insertion...

Le cas des auto-entrepreneurs est en cela emblématique. En abaissant le seuil d’exonération de TVA à 25.000€, le budget 2025 met 200 000 micro-entrepreneurs en difficulté. Ceux-ci auront donc le choix entre impacter cette hausse sur le consommateur, ou réduire leur rémunération de peu à rien.

Enfin, le gouvernement a décidé de tourner le dos à celles et ceux qui font vivre nos services publics : professeurs, infirmières, éboueurs, policiers… autant de fonctionnaires qui verront leur salaire réduit lorsqu’ils et elles sont malades.

Ce budget fera prendre du retard à la France car plutôt que d’aller chercher les recettes nouvelles nécessaires, le gouvernement fait le choix de coupes budgétaires qui feront mal au pays, pénaliseront une majorité de français.es et ne permettront pas les investissements d’avenir. Il y a pourtant urgence. Autant de raisons de rejeter le budget, ce qui ne saurait nous être reprochés, a fortiori après avoir joué le jeu de la concertation en transparence. Nous aurions pu uniquement voter contre ce budget, quoi de plus normal pour une opposition en démocratie ?

Mais en choisissant d’user deux fois en une après-midi de l’article 49.3 de la constitution et de priver le Parlement de vote, force est de constater que le gouvernement a brutalement fermé la porte. Pire, en jetant l’immigration et la figure de l’étranger en pâture à la satisfaction des obsessions identitaires de l’extrême-droite, François Bayrou, issu d’une longue tradition démocrate-chrétienne, foule aux pieds le sursaut républicain du 7 juillet ; en contribuant aux attaques répétées contre l’ADEME, l’office français de la biodiversité ou l’ANSES, le gouvernement emboite le pas au climato-scepticisme du Rassemblement national.

Les impasses choisies par l’exécutif - qui figent le pays dans l’impuissance - continueront à nourrir l’image dégradée qu’ont les Français des élus et des politiques. Beaucoup s’interrogent : pourquoi voter si rien ne change voire si la violence sociale s’aggrave ?

Nous alertons ici avec gravité : le risque est grand de voir se dessiner comme solution l’autoritarisme et le rejet grandissant de la démocratie, dans un pays déjà malade du présidentialisme, de ses institutions verticales et atrophiées et des conséquences de la violence sociale et de l’inaction climatique des gouvernements successifs.

Dans ce contexte, l’union des forces de la gauche et de l’écologie est impérieuse : les désaccords stratégiques ne sauraient se transformer en détestation au risque de nous entraîner dans des turbulences bien plus graves. L’obsession de l’élection présidentielle, anticipée ou à échéance de 2027, est paralysante. Elle laissera des traces qui viendront ajouter à nos lourdes difficultés à faire face à la progression de l’extrême-droite et ses alliés de plus en plus nombreux à droite, qui est le principal danger auquel tous les démocrates sincères doivent faire face avec force. Surtout, aucune stratégie ne pourra être gagnante sans l’union de toute la gauche et des écologistes.

Laisser ce vote nous diviser serait donc une erreur fatale. C’est unie - dans sa diversité qui est une chance - que la gauche a mis un terme au gouvernement Barnier. Et si des concessions dans ce budget ont pu être obtenues, c’est parce que la gauche dans son ensemble a peséde tout son poids, à l’Assemblée et au Sénat.

Aucun parti n’est propriétaire de notre union, celle-ci est le bien commun de nos électrices et électeurs. Nous refusons donc de faire du vote sur la censure celui qui définit les contours du Nouveau Front Populaire, alors que nous connaissons un point de bascule historique… et peut-être demain dramatique. Nous aurons besoin de toute la gauche pour être demain en capacité d’agir pour une autre politique.

Signataires :

Cyrielle Chatelain, présidente du groupe Ecologiste et Social

Pouria Amirshahi

Christine Arrighi

Clémentine Autain

Léa Balage

Lisa Belluco

Karim Ben Cheikh

Benoit Biteau

Nicolas Bonnet

Arnaud Bonnet

Alexis Corbière

Hendrik Davi

Emmanuel Duplessy

Charles Fournier

Marie-Charlotte Garin

Damien Girard

Steevy Gustave

Catherine Hervieu

Julie Laernoes

Tristan Lahais

Benjamin Lucas

Julie Ozenne

Sébastien Peytavie

Marie Pochon

Jean-Claude Raux

Sandra Regol

Jean-Louis Roumégas

Sandrine Rousseau

François Ruffin

Eva Sas

Sabrina Sebaihi

Danielle Simonnet

Sophie Taillé-Polian

Boris Tavernier

Nicolas Thierry

Dominique Voynet

   mise en ligne le 6 février 2025

À gauche, les unitaires attendent (à nouveau)
leur heure

Mathieu Dejean sur www.mediapart.fr

Les partisans de l’unité à gauche, qui voient le fossé se creuser entre socialistes et Insoumis, s’activent désespérément pour conjurer la rupture du Nouveau Front populaire. Si les clivages ne sont pas factices, ils doivent s’éclipser derrière le danger mortel d’une victoire de l’extrême droite en 2027, défendent-ils.

Youlie Yamamoto pèse ses mots lorsqu’elle parle de politique, mais pour décrire le paysage global, le couperet tombe sévèrement : « L’heure est grave. » Deux raisons au moins nourrissent l’inquiétude de la porte-parole d’Attac.

L’une est évidente mais se passe en coulisses. Si le Rassemblement national (RN) a échoué à s’imposer aux élections législatives anticipées de 2024 après qu’une centaine de candidat·es investi·es ont été épinglé·es pour leurs propos haineux et complotistes, il ne répétera pas la même erreur. « Le parti est prêt, les tocards des législatives ne seront plus là, le RN dispense des formations et fait du lobbying auprès des institutions pour se constituer un vivier de cinq cents hauts fonctionnaires à nommer aux postes clés – il en a déjà la moitié », alerte-t-elle.

L’autre raison s’étale à l’inverse sur les réseaux sociaux à grand renfort d’invectives et sur les bancs de l’Assemblée nationale où le Parti socialiste (PS) va s’abstenir une nouvelle fois sur la motion de censure déposée par La France insoumise (LFI) pour faire chuter le gouvernement de François Bayrou. « Les vieilles histoires des partis de gauche reviennent, le débat entre la ligne de rupture et la ligne réformiste prend le dessus sur tout le reste, comme si cette affaire n’était pas réglée. Que fait-on de ça ? », interroge la militante, qui s’était mobilisée avec des centaines d’organisations du mouvement social pour le Nouveau Front populaire (NFP) l’été dernier.

« La gauche ne gagnera que sur une ligne claire de rupture. Si on donne l’impression d’être en soutien de la Macronie, comme le fait le PS, on sera emportés. On se bat depuis quinze ans pour éviter une situation à l’italienne [où la gauche a disparu du paysage politique – ndlr] », explique Manuel Bompard, coordinateur national de LFI, pour justifier le bras de fer qui se joue avec les socialistes.

Dans la société civile mobilisée, le désarroi dispute toutefois la volonté de bousculer des partis revenus à leurs réflexes identitaires. En un mois, leur désunion ouverte ou latente s’est soldée par deux défaites cuisantes à des élections partielles, à Grenoble (Isère) et à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne). « Il faut rappeler les partis à la raison : pendant qu’ils se disputent, même sur des batailles de fond, c’est la société civile qui trinque alors qu’ils sont censés porter ses revendications. Nous sommes des millions de militantes et de militants, et on a la sensation que notre avenir est joué », décrit Youlie Yamamoto.

Bousculer les partis

Pour conjurer ce sinistre avenir, des partisan·es de l’unité à gauche s’activent avec des armes légères. Le 29 janvier, Lucie Castets, ex-candidate à Matignon du NFP, organisait une soirée militante à Pantin (Seine-Saint-Denis) avec des protagonistes de la société civile et des représentant·es des quatre partis de gauche. Environ un millier de personnes s’y sont rendues.

« Après cette soirée, je suis convaincue qu’il y a un espace politique central au NFP, qui refuse de s’enfermer dans un hypothétique duel entre Jean-Luc Mélenchon et François Hollande et la mise en scène qu’il implique. Ne nous laissons pas enfermer là-dedans et renforçons cet espace, avec ou sans eux », dit-elle à Mediapart.

L’ex-directrice des finances à la ville de Paris, partisane de la censure du gouvernement Bayrou sur un budget qui « dépasse une multitude de lignes rouges, en particulier sur nos services publics », mais aussi pour son « infâme convocation de l’idée de submersion migratoire », ne dramatise pas la différence d’attitude du PS sur cette question. « Les désaccords stratégiques sont une caractéristique de l’union de la gauche depuis toujours, explique-t-elle. Mais il ne faut pas que les querelles d’intérêts des partis prennent le dessus sur l’union. »

Ce n’est pas possible d’aller sciemment dans le mur avec la reconstitution de deux blocs qui se haïssent à gauche, alors qu’on a les fascistes en face. Clémentine Autain, députée, membre de L’Après

Pour cimenter cette union, Lucie Castets a entrepris un travail collectif sur trois axes : l’approfondissement du programme, les mobilisations locales et le processus de désignation d’une candidature commune. Le politiste Rémi Lefebvre s’est attelé à cette dernière tâche – la plus sensible. « On n’a pas beaucoup de temps, on ne sait pas quand les élections auront lieu et c’est long à mettre en place », justifie Lucie Castets.

À contre-courant de la dynamique centrifuge qui dilapide le NFP, de petits partis unionistes tentent aussi de peser : la Gauche démocratique et sociale (GDS, animée par Gérard Filoche) a fusionné avec L’Après (le mouvement qui regroupe les ex-Insoumis purgés en 2024) le 1er février. Mais le microscope est encore de rigueur pour observer le « parti des gauches unitaires ». « Je ne vois pas ce qu’on peut faire d’autre que de faire grandir cette force. Ce n’est pas possible d’aller sciemment dans le mur avec la reconstitution de deux blocs qui se haïssent à gauche, alors qu’on a les fascistes en face », commente la députée Clémentine Autain, membre de L’Après.

C’est cette même angoisse qui anime l’avocat Raphaël Kempf, ex-candidat aux législatives à Paris, investi par LFI : « Ce à quoi on assiste en termes de division est assez difficile à vivre pour moi, en qualité d’ancien candidat du NFP. L’unité me paraît indispensable dans une situation aussi tragique, avec la libération de la parole xénophobe, raciste, et la normalisation de l’extrême droite largement entamée par la loi immigration », explique-t-il.

On s’engueulera (encore) plus tard

Alors que la municipale partielle à Villeneuve-Saint-Georges a créé un précédent potentiellement traumatique à gauche, certains veulent faire des échéances municipales de 2026 une démonstration politique des vertus de l’unité.

C’est le cas de Romain Jehanin, porte-parole de Génération·s et conseiller municipal d’opposition à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), où la gauche se présentera unie pour la première fois sous le label « Asnières en commun ». « Ce n’est pas parce que demain nos camarades, nationalement, devaient s’invectiver qu’on le ferait localement », assure l’élu, qui appelle les forces de gauche à cesser de se déchirer en public. « Si demain il y avait des législatives anticipées, il faudrait s’y présenter unis derrière un programme qui nous a déjà rassemblés en 2022 et en 2024 ! », rappelle-t-il.

Les clivages à l’intérieur de la gauche ne sont pas factices, mais cela ne doit pas passer par-dessus toute autre considération. Roger Martelli, historien du communisme

Dans un contexte international marqué par la victoire de Donald Trump et l’influence grandissante de Javier Milei, et alors qu’une tripartition politique caractérise désormais le paysage politique français, pour ces unionistes l’heure n’est donc plus au débat des gauches. « Les clivages à l’intérieur de la gauche ne sont pas factices, ils renvoient à des univers profondément différents et il n’est pas indifférent de savoir qui donne le ton, mais cela ne doit pas passer par-dessus toute autre considération », explique l’historien du communisme Roger Martelli, bon connaisseur de l’époque où le secrétaire général du Parti communiste français (PCF), Georges Marchais, s’affrontait lourdement avec François Mitterrand.

« Aujourd’hui, le déséquilibre entre la gauche et la droite est infiniment plus grand qu’il ne l’était entre 1977 et 1981, et le centre de gravité de la droite s’est déporté vers l’extrême droite. L’enjeu n’est donc plus simplement de savoir qui va donner le ton dans un cadre démocratique, mais si nous allons rester dans ce cadre démocratique, ou si la France va basculer dans une nouvelle ère qu’il vaut mieux ne pas expérimenter », développe-t-il.

C’est la raison pour laquelle, passé la sidération dans laquelle la société civile organisée semble avoir été plongée après le coup de force démocratique d’Emmanuel Macron – qui a tout fait pour empêcher le NFP de gouverner –, celle-ci semble se ressaisir doucement.

Un appel à « renforcer les collectifs unitaires sur le terrain » a par exemple été lancé par des militant·es et responsables syndicaux, qui exhortent à l’unité pour constituer une alternative politique. « Face à l’extrême droite aux portes du pouvoir, rester sur son quant-à-soi risque de se payer très cher pour tous et toutes », écrit ce collectif. « On est dans une position d’attente pour réagir au bon moment, que ce ne soit pas un coup d’épée dans l’eau, mais il va y avoir une fenêtre et on va s’en saisir », conclut Youlie Yamamoto.

  mise en ligne le 6 février 2025

Gaza sans les Gazaouis :
le projet de Donald Trump

Pierre Barbancey sur www.humanite.fr

Le président étatsunien veut « prendre le contrôle » de l’enclave palestinienne après avoir expulsé la population. Il sert la politique de Benyamin Netanyahou qui veut annexer également la Cisjordanie. Aucun pays ne soutient leurs projets. Les négociations en cours sur l’accord de cessez-le-feu pourraient devenir caduques.

En invitant comme premier dirigeant étranger Benyamin Netanyahou à Washington, Donald Trump, déjà, lançait un message au monde entier : peu lui importe le mandat d’arrêt contre le premier ministre israélien pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Il le soutient totalement et, avec lui, sa politique génocidaire et de nettoyage ethnique menée à Gaza et en Cisjordanie.

À cette occasion, il a annoncé l’idée d’un déplacement des Gazaouis en Égypte et en Jordanie. Personne ne s’attendait à une annonce aussi extraordinaire que méprisante, dangereuse pour le droit international qu’il piétine, les Palestiniens qu’il déshumanise, et l’ensemble du Moyen-Orient, qui peut plonger dans le chaos.

Forcer pour « aplanir »

Lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche avec, à ses côtés, Benyamin Netanyahou plus comblé et souriant que jamais, le président étatsunien a affirmé : « Les États-Unis vont prendre le contrôle de la bande de Gaza et nous allons faire du bon boulot avec », parlant du territoire palestinien comme d’un « chantier de démolition ». Il a également ajouté : « Nous en prendrons possession et serons responsables du démantèlement de toutes les bombes dangereuses qui n’ont pas explosé et de toutes les armes », soulignant qu’il allait ainsi « aplanir la zone et se débarrasser des bâtiments détruits », afin de développer économiquement le territoire palestinien.

Il n’a pas développé plus avant la manière dont il comptait s’y prendre, mais n’a pas exclu l’envoi de troupes américaines pour sécuriser l’enclave. « En ce qui concerne Gaza, nous ferons ce qui est nécessaire. Si c’est nécessaire, nous le ferons », a-t-il cru bon d’insister. Il a également parlé d’un projet « à long terme » et a même affirmé que d’autres pays de la région ont « adoré » l’idée. En réalité, aucun État, pas même les plus proches alliés de Washington, n’a adoubé les plans de Donald Trump qui a annoncé vouloir se rendre dans la bande de Gaza, en Arabie saoudite et en Israël prochainement.

Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, a appelé mercredi à une reconstruction rapide de la bande de Gaza, sans déplacement de ses habitants. La Jordanie est sur la même longueur d’onde. Alors que Benyamin Netanyahou a dit penser qu’un accord allait « se faire », Riyad a écarté toute normalisation avec Tel-Aviv sans la création d’un État palestinien : « L’Arabie saoudite poursuivra sans répit ses efforts pour l’établissement d’un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est comme capitale, et n’établira pas de relations diplomatiques avec Israël sans cela. »

Dans la ville de Gaza, les déclarations de Trump ont été reçues avec colère. « Cela fait environ un an et demi que nous vivons une guerre d’extermination, mais nous n’avons jamais pensé à partir et à quitter notre pays », explique Narmeen Noor Al Din, une enseignante de 26 ans, à l’Humanité. Même son de cloche pour Abou Saadi Al-Daadla, 60 ans, un marchand dont la maison a été détruite. « C’est la troisième fois qu’on essaie de nous expulser, en 1948, puis en 2023. Mais nous avons compris la leçon, nous ne partirons pas. » Hussein Abdel al Jawwad, au chômage, confirme mais redoute que « Trump ait la capacité de faire pression sur les pays arabes pour les amener à accepter d’accueillir les habitants de la bande de Gaza ».

Tel-Aviv jubile

De leur côté, les autorités israéliennes jubilent. Pour Netanyahou, cette proposition pourrait « changer l’histoire ». Son ministre des Finances, le suprémaciste juif, comme il se définit lui-même, Bezalel Smotrich, appelle à « œuvrer pour enterrer définitivement (…) l’idée dangereuse d’un État palestinien » et Itamar Ben-Gvir, ancien ministre d’extrême droite, y voit « la seule solution ».

L’Organisation de libération de la Palestine (OLP), elle, par la voix de son secrétaire général, Hussein Al Cheikh, rejette en bloc tout projet de transfert « du peuple palestinien hors de sa patrie. Ici nous sommes nés, ici nous avons vécu et ici nous resterons ». Pour le Hamas, la proposition de Trump est une « recette pour créer le chaos et la tension dans la région. Au lieu de tenir l’occupation sioniste responsable du crime de génocide et de déplacement, elle est récompensée, et non punie ».

Aux yeux du président étatsunien, la cause est entendue. Gaza n’est autre qu’un « symbole de mort et de destruction » et la seule raison pour laquelle les gens veulent y retourner est qu’ils n’ont nulle part où aller. Selon lui, les 2,1 millions de Palestiniens vivant à Gaza devraient se déplacer vers les pays voisins dotés d’un « cœur humanitaire » et d’une « grande richesse ». Le territoire palestinien pourrait même devenir « la Riviera du Moyen-Orient », a-t-il déclaré, ravivant ainsi les ambitions de son gendre, Jared Kushner, qui y voit l’opportunité de « propriétés en bord de mer » de grande valeur.

Les déclarations de Trump sont dans la droite ligne de sa volonté d’en finir une fois pour toutes avec la revendication du peuple palestinien à l’autodétermination. Interrogé pour savoir si sa proposition de déplacement forcé des populations s’inscrivait en opposition à la solution à deux États, il a bafouillé une vague réponse.

« Cela ne veut pas dire qu’il y a deux États, un seul État ou n’importe quel autre État. Cela veut dire que nous voulons donner aux gens une chance de vivre », a-t-il estimé. « Ils n’ont jamais eu cette chance parce que la bande de Gaza est un enfer pour les gens qui y vivent. C’est horrible », en se gardant bien d’en évoquer les raisons. Le même jour, Donald Trump a signé un décret prolongeant l’arrêt du financement de l’agence de l’ONU en charge des réfugiés palestiniens, l’Unrwa. Les pièces du puzzle s’assemblent.

D’autant que, si tous les regards sont tournés vers Gaza – où plus de 45 000 personnes ont été tuées, dont la moitié sont des femmes et des enfants, selon le ministère de la Santé de l’enclave –, l’armée israélienne multiplie les opérations en Cisjordanie occupée. Le locataire de la Maison-Blanche pourrait annoncer très prochainement, concernant la souveraineté israélienne sur la Cisjordanie, son feu vert à l’annexion du territoire palestinien.

Lors de son premier mandat, il avait déjà reconnu celle du plateau du Golan syrien et avait déménagé l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, qu’il considère désormais comme la capitale d’Israël. Netanyahou peut effectivement se réjouir et voir en Trump « le plus grand ami qu’Israël a jamais eu à la Maison-Blanche », comme il l’a dit mardi. Ce plan signerait la mort de la solution à deux États.

Comment Washington entend contraindre le monde – et en premier lieu les pays arabes – à courber l’échine ? Un bras de fer va s’engager dont on pressent qu’un des leviers sera l’aide économique dont ont besoin Amman et Le Caire, en situation précaire. Ces deux pays risquent d’être déstabilisés et les pouvoirs affaiblis, l’opinion publique n’étant pas prête à abandonner les Palestiniens. Les groupes islamistes, particulièrement influents tant en Jordanie qu’en Égypte, se renforceront sans aucun doute.

Toujours plus inquiétant : les décisions du président américain interviennent au moment où doivent démarrer les discussions portant sur la deuxième phase de l’accord du cessez-le-feu conclu le 16 janvier. Celle-ci prévoit la libération d’autres captifs israéliens et de prisonniers palestiniens – qui pourraient concerner les leaders du Fatah et du FPLP, Marwan Barghouti et Ahmed Saadat. Les négociations indirectes doivent surtout établir les modalités de la fin de la guerre, et donc du retrait total de l’armée israélienne de la bande de Gaza.

Un échec éventuel de ces discussions pourrait relancer les opérations militaires israéliennes et obérer les libérations envisagées, y compris celles des civils israéliens. Mais cela permettrait à Benyamin Netanyahou de gagner du temps, de multiplier les provocations et d’en tirer un prétexte pour reprendre la guerre. Avec, comme objectif, un État d’Israël qui s’étendrait du fleuve du Jourdain à la mer Méditerranée.


 


 

Gaza : « Le monde
attendra-t-il que Trump déclare l’annexion
de la Cisjordanie ? »,
alerte Hala Abou Hassira

Lina Sankari sur www.humanite.fr

Torpillé en direct par Donald Trump, le droit international prohibe l’expulsion de populations de leur territoire par la force. Face à cette volonté d’enterrer l’idée d’un État palestinien, l’ambassadrice de Palestine en France, Hala Abou Hassira, réaffirme le droit à l’autodétermination.


 

Comment qualifieriez-vous les propos de Donald Trump sur la prise de contrôle de Gaza par les États-Unis et les menaces de nettoyage ethnique ?

Hala Abou Hassira : Ces propos sont une insulte à l’histoire, à l’humanité, au droit international, mais aussi aux droits inaliénables du peuple palestinien. Les calculs des hommes d’affaires ne peuvent déterminer le destin des peuples en quête de liberté. Notre peuple est enraciné sur cette terre, il a toujours été là et y restera.

Nous rejetons ces propos criminels qui légalisent l’illégal. Ils sont un appel au crime de guerre et au crime contre l’humanité via la déportation et l’expulsion forcée d’un peuple. S’il fallait retenir une seule idée des propos du président Trump, c’est que l’enfer est bel et bien là, à Gaza. C’est la responsabilité d’Israël qui a rendu cette terre inhabitable.

Vous évoquez un peuple enraciné dans sa terre. En proposant de déporter les Palestiniens dans d’autres pays arabes, Trump ranime l’idée que les Palestiniens seraient dénués d’une identité propre…

Hala Abou Hassira : Trump s’aligne sur une vieille idéologie israélienne. Les appels à expulser par la force et à déporter les Palestiniens ne sont pas nouveaux. Rappelons que, le 25 juin 1967, après l’occupation de la bande de Gaza et de la Cisjordanie consécutive à la guerre des Six-Jours, Moshe Dayan (ex-ministre de la Défense – NDLR) appelait à expulser par la force 300 000 Palestiniens de la bande de Gaza pour l’annexer.

« C’est le moment de protéger ce territoire en reconnaissant l’État de Palestine, afin de donner de l’espoir au peuple palestinien en premier lieu. »

Trump s’aligne sur cette idéologie coloniale. Ce n’est pas comme cela que le président de l’État le plus puissant au monde parviendra à imposer la paix. Cette dernière sera le résultat du respect du droit international et des droits fondamentaux, dont celui du peuple palestinien à l’autodétermination dans un État indépendant et souverain dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale. C’est la seule manière de vivre en paix avec Israël. L’établissement de l’État palestinien est le préalable à la paix.

La question du droit à l’autodétermination est évacuée, tout comme celle d’une gouvernance palestinienne du territoire après guerre.

Hala Abou Hassira : Ce n’est pas à une seule personne de décider du sort d’un État sous occupation. Le seul représentant légitime du peuple palestinien est l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Son seul agent, l’État de Palestine par le biais du gouvernement palestinien qui est prêt à gouverner Gaza.

C’est le seul à avoir la tutelle juridique et politique pour gouverner Gaza et secourir la population. Depuis le cessez-le-feu, on a oublié que l’aide humanitaire entrait au compte-goutte dans l’enclave. On a oublié la réalité qui prévaut sur le terrain. Le gouvernement palestinien est prêt. Il n’attend qu’à déployer son plan de secours et de reconstruction par étapes.

Est-ce une menace sur la deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu, qui prévoyait l’ouverture de négociations pour parvenir à la fin de la guerre ?

Hala Abou Hassira : C’est la question que tout le monde se pose. Que cherche Trump en tenant de tels propos ? Dans son sillage, Bezalel Smotrich (ministre des Finances – NDLR) a assuré qu’il enterrerait l’idée d’un État palestinien. S’agit-il pour Netanyahou de sortir de l’accord obtenu grâce à la médiation de plusieurs États ? Souhaite-t-il poursuivre son projet de déportation forcée du peuple palestinien avec l’objectif ultime d’annexer la bande de Gaza ?

C’est la seule question qui doit être posée aux Israéliens. Le moment est également venu de mettre un terme à l’impunité. Depuis le déplacement aux États-Unis de Netanyahou, le monde entier semble avoir oublié qu’il est un criminel de guerre, dont la Cour pénale internationale demande l’arrestation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Qu’attendez-vous de la France aujourd’hui ?

Hala Abou Hassira : En ces instants où nous voyons le président américain et le premier ministre israélien mettre en péril les droits du peuple palestinien, semer le chaos dans notre région et dans le monde et saper le droit international, le moment de l’action est venu. Les réactions, nous les saluons.

Mais nous disons depuis des années qu’elles ne suffisent plus. Pour les pays qui ne l’ont pas fait, dont la France, le moment est venu de reconnaître l’État de Palestine. On oublie que le génocide perpétré devant nos yeux à Gaza s’étend également en Cisjordanie occupée.

Le monde attendra-t-il que Trump déclare l’annexion de la Cisjordanie la semaine prochaine ? C’est le moment de protéger ce territoire en reconnaissant l’État de Palestine, afin de donner de l’espoir au peuple palestinien en premier lieu. Il verrait ainsi son droit à exister dans un État indépendant reconnu.

   mise en ligne le 5 février 2025

Montpellier : Un préavis de grève illimitée déposé aux urgences du CHU

Elian Barascud sur https://lepoing.net/

Après le dépôt début janvier par la CGT du CHU d’un signalement pour danger grave et imminent, et face à la tension hospitalière due à un manque de moyens, le personnel des urgences s’est mis en grève ce mercredi 5 février. Ils demandent des recrutements à court terme et un renforcement de l’infrastructure de soins.

Devant les urgences de Lapeyronie, une quarantaine d’agents du CHU de Montpellier tentent de se réchauffer en musique, ce mercredi 5 février au matin. “Si il y a un préavis de grève illimitée et une mobilisation aujourd’hui, c’est parce que les agents ne se sentent pas satisfaits des réponses données par la direction lors de notre dernière rencontre”, explique Pierre Renard, délégué CGT. Dès les premiers jours de 2025, en pleine épidémie de grippe, le syndicat avait réalisé un signalement pour danger grave et imminent à la direction de l’hôpital face aux manques de moyens dont souffrait le personnel, et une rencontre s’était tenue le 14 janvier. “La direction nous parle d’un projet d’un nouveau bâtiment en 2028, mais 2028 c’est loin, et face à la situation démographique du département, c’est maintenant qu’on a besoin d’un agrandissement des infrastructure. Aujourd’hui, certains bâtiments n’ont même pas la climatisation”, détaille Pierre Renard. Selon Force Ouvrière et la CGT, qui ont appelé à la grève, les urgences du CHU ont connu 8,5% de passage supplémentaire en 2023 par rapport à l’année précédente, soit 5 600 patients en plus.

Pierre Renard déplore un sentiment d’épuisement généralisé des soignants : “Je n’ai jamais vu autant de départs de collègues, de maladies professionnelles, de reconversions. Les gens n’en peuvent plus. On manque de médecins, car pendant leur stages, les internes sont tellement pressurisés qu’ils ne veulent plus revenir travailler ici après leurs études.”

Philippe, infirmier en psychiatrie aux urgences, témoigne d’une surcharge due au manque de personnel : “Les gens peuvent passer dix ou douze heures dans une toute petite salle d’attente, les gens crient, vomissent, ou parfois. D’un point de vue des urgences psychiatriques, cette ambiance peut contribuer à aggraver des situations de détresse psychique.”

Pour Laurent Brun, secrétaire de Force Ouvrière au CHU, “il y a un besoin urgent de recrutement de personnel, notamment en salle d’orientation et dans les filières médico-chirurgicales.” Lors des dernières rencontres avec les syndicats, la direction évoqué l’ouverture de Quinze lits. “Mais on ne trouve pas de médecins”, souffle le représentant de FO. “Nous sommes dans un cercle vicieux, les conditions de travail se dégradent, donc les gens partent et ça rend le travail plus dur, et plus personne ne veut venir travailler ici.” Il ajoute : “Les patients sont plus agressifs et tendus qu’avant, si on a pas plus de moyens, ça va dégénérer.”

Pendant ce temps, l’UNSA veut des flics à l’hôpital

La sécurité des agents, c’est justement la préoccupation de l’UNSA. Si le syndicat n’a pas appelé à la grève, ils ont rencontré Yannick Neuder, ministre de la santé, lors de sa visite au CHU de Montpellier le 31 janvier, et ils lui ont demandé “la création d’une police hospitalière à l’instar de la police ferroviaire ou de la future police pénitentiaire avec des fonctionnaires hospitaliers assermentés ayant la qualité juridique d’Agents de Police Judiciaire (APJ).” Une revendication qui hérisse le poil d’un syndicaliste de la CGT avec qui nous avons pu discuter. “On veut des lits et des soignants, pas des matraques ! Si on a plus de moyens pour prendre en charge les gens, ils n’attendront pas douze heures sur un brancards et seront moins agressifs…”

Côté perspectives, nul ne sait, à l’heure actuelle, si la grève va être reconduite.

   mise en ligne le 5 février 2025

 

Pour le Nouveau Front Populaire, y aura-t-il
une vie après le budget ?

Gaël De Santis sur www.humanite.fr

Les formations de gauche sont parties pour se diviser sur le vote crucial d’une censure du budget de François Bayrou. Le PS entend faire bande à part, et la FI menace de présenter des candidats face aux députés qui ne voteraient pas avec elle. Écologistes et communistes tempèrent et appellent à surmonter ce désaccord.

Le fond de l’air est plus frais en ce début février, y compris à gauche, où il se fait glacial. Alors que François Bayrou veut imposer son budget à coups de 49.3, les formations alliées au sein du Nouveau Front populaire (NFP) sont parties pour faire chemin séparé lors du scrutin crucial de ce mercredi 5 février : les socialistes n’entendent pas voter la censure du gouvernement, contrairement aux insoumis, aux écologistes et aux communistes. Ce désaccord aura-t-il la peau du NFP ?

Beaucoup, à la France insoumise, considèrent que le choix du PS acte une rupture. « Le budget est le seul texte présenté à l’Assemblée nationale qui détermine si vous appartenez à la majorité ou à l’opposition », prévient Éric Coquerel, député FI. Sa présidente de groupe, Mathilde Panot, estime même que « ceux qui ne voteront pas les motions de censure seront des soutiens de fait du gouvernement ». Pour les prochaines législatives, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon envisage d’ailleurs de présenter des candidats « fidèles au programme du NFP » face aux députés de gauche qui ne voteraient pas la censure.

« Le NFP n’est pas un parti unique »

Le PS, pour sa part, explique ne pas avoir changé de ligne programmatique et assure ne pas avoir tourné le dos au NFP. Si les socialistes considèrent que ce n’est pas sur le budget qu’il faut faire tomber le gouvernement Bayrou, ils se déclarent toujours comme membres de l’opposition.

« Nous avons dit que si le budget était présenté, nous voterions contre », rappelle Emmanuel Grégoire, député de Paris, qui justifie la non-censure dans l’immédiat : « Nous ne voulons pas prendre le risque de ne pas doter la nation d’un budget. » Des élus PS soulignent également qu’il faut savoir entendre « les appels multipliés de maires et de présidents d’association qui confient à quel point ils sont en difficulté faute de budget ».

Il n’empêche que les communistes et les écologistes fulminent eux aussi devant la copie du gouvernement et regrettent le choix du PS. Sans pour autant considérer que cette division acte la mort du NFP, ou bien sa poursuite sans les socialistes. « Nous avons déjà eu des désaccords sur la stratégie parlementaire, tempère Léa Balage El Mariky, porte-parole des députés écologistes. Le NFP n’est pas un parti unique, mais une coalition électorale. Ce n’est pas un cahier des charges avec 92 questions. C’est la promesse faite aux électeurs que nous avions la capacité de gouverner, de changer leur vie. »

« Ce désaccord ne marque pas une rupture »

« Ce désaccord ne marque pas une rupture. Dans une coalition, il est normal que nous ayons des différences, sinon ce serait un parti », relève Stéphane Peu. Le communiste rappelle que le NFP n’était pas à l’unisson concernant la participation aux discussions sur le budget avec le gouvernement. « Nous ne le sommes pas non plus sur la question de la censure », modère-t-il. « Je regrette la décision des socialistes. Je ne la sous-estime pas. Mais je ne suis pas pour que le NFP éclate », ajoute Alexis Corbière.

L’élu de l’Après (Association pour une République écologique et sociale) souligne que cette union de la gauche « est née afin de contrer l’extrême droite » et mesure que les coups portés au NFP peuvent venir de différents côtés, en rappelant, par exemple, que la volonté de la FI de ne fusionner ni au premier, ni au second tour de l’élection municipale partielle de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) ces derniers jours conduit à la fois à la division et à la défaite.

Plusieurs élus écologistes, PCF, Génération.s ou membres de l’Après signalent enfin qu’ils refusent l’idée selon laquelle il existerait deux « gauches irréconciliables » et appellent le NFP à rester uni. La FI, de son côté, travaille déjà à une candidature derrière Jean-Luc Mélenchon pour 2027, ce que les autres forces du NFP refusent.

Les votes du PS et de la FI sur la censure ou non du gouvernement sont d’ailleurs également à analyser de ce point de vue : les insoumis entendent provoquer la tenue d’un scrutin présidentiel le plus vite possible (une chute de François Bayrou pouvant entraîner, selon eux, celle d’Emmanuel Macron), quand les socialistes craignent d’être pris de vitesse ou de voir le RN l’emporter en pareil cas.

Les divergences de ton et de stratégie, le PS estimant que la FI s’est abîmée et qu’une place est à prendre pour incarner une gauche dite « respectable » et « de gouvernement », composent aussi l’équation. Reste une question tout entière : si la gauche venait à exploser à terme du fait de ses désaccords, lui resterait-il seulement une chance pour la gauche de battre la droite et l’extrême droite ?

    mise en ligne le 4 février 2025

Des contorsions
et deux 49.3
pour un budget austéritaire

Anthony Cortes sur www.humanite.fr

François Bayrou a dégainé, ce lundi, deux 49.3 pour faire adopter respectivement le projet de loi de finances de l’État et celui de la Sécurité sociale. Deux motions de censure ont été déposées par une partie de la gauche, le Parti socialiste a annoncé qu’il ne les votera pas.

On dit que la foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit. Ce n’est pas le cas du 49.3. Ce lundi 3 février, à la tribune de l’Assemblée nationale, le premier ministre François Bayrou a annoncé y recourir pour engager la responsabilité du gouvernement sur deux textes : le budget de l’État et celui de la Sécurité sociale.

« Nous voici à l’heure de vérité et de responsabilité, a-t-il annoncé en introduction de sa prise de parole. Est-ce que ce budget est parfait ? Non, mais c’est un équilibre. Nous sommes tous ensemble face à notre devoir : dans les dix jours, la France aura ses budgets. » Deux textes qui, selon lui, ont « trois géniteurs » : « Le gouvernement de Michel Barnier, le gouvernement constitué depuis le 23 décembre et le Parlement dans ses deux chambres. »

Une façon d’insister sur la volonté de « compromis » qui l’animerait. « Le mot compromis ne doit plus être une insulte dans la vie politique française, a renchéri David Amiel, député macroniste et rapporteur du budget. Nous sommes tous intoxiqués à un fait majoritaire qui ne mène qu’à l’impuissance et à la crise. »

« C’est un budget pire que celui de Michel Barnier »

Des propos qui ne correspondent pourtant en rien à la réalité. Si le projet de loi de finances (PLF) a fait l’objet de débats à l’occasion d’une commission mixte paritaire (CMP), sa composition était largement acquise au camp gouvernemental et à ses priorités. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), lui, n’a même pas eu ce piètre honneur puisque les discussions à son propos n’ont repris que la semaine dernière. Elles sont interrompues par ce coup de force qui permet à François Bayrou de contourner le Parlement.

Dans les deux cas, le caractère largement austéritaire du PLF et du PLFSS frappe. Cela malgré les propositions des forces du Nouveau Front populaire (NFP) pour augmenter la part des recettes plutôt que la recherche d’économies dans le fonctionnement de l’État.

« C’est un budget pire que celui de Michel Barnier, déplore Éric Coquerel, président FI de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. L’Observatoire français des conjonctures économiques chiffrait que le budget du précédent premier ministre aurait un effet récessif de 0,8 point. Celui de François Bayrou, avec 23,5 milliards de coupes budgétaires, nous coûtera encore plus cher ! Les faibles concessions ne sont qu’un arbuste qui cache la forêt austéritaire. »

Par conséquent, Mathilde Panot, cheffe de file des députés insoumis, a annoncé le dépôt de deux motions de censure. Causeront-elles la chute de François Bayrou et de ses ministres ? Il faudrait pour cela la mobilisation de l’ensemble du Nouveau Front populaire, mais aussi les voix de l’extrême droite. Cela n’en prend pas le chemin.

Une autre motion pour dénoncer les propos de Bayrou sur la « submersion migratoire »

À la mi-journée, quelques heures avant la prise de parole du premier ministre, le bureau national du Parti socialiste (PS) a annoncé qu’il ne censurerait pas le gouvernement. Au total, 59 voix se sont prononcées en ce sens, contre 54 à la veille de la précédente motion de censure visant François Bayrou, le 16 janvier.

Une position qui concerne autant le vote de la motion de censure correspondant au PLF que celle du PLFSS. Au prix de quelques contorsions. « Cela n’empêche pas que nous nous opposons politiquement à l’action du gouvernement, précise Béatrice Bellay, députée socialiste de la Martinique. Nous écoutons simplement les remontées de terrain de nos élus qui nous font part de leurs difficultés sans budget. Mais nous continuons à dire que ce budget ne va pas dans le bon sens avec, par exemple, deux milliards en moins pour l’habitat. »

Reste à savoir si l’ensemble du groupe socialiste se rangera derrière cette volonté. Au mois de janvier, huit députés avaient refusé de s’aligner sur la position du parti. Il en faudrait plus d’une vingtaine pour causer la chute du gouvernement si le Rassemblement national (RN) et ses alliés votent également la censure. Ces derniers ont fait savoir qu’ils annonceront leur position ce mercredi. Le temps de tenter d’obtenir quelques concessions du premier ministre ?

Malgré cette décision du bureau national, les socialistes ont réaffirmé qu’ils continueraient à s’opposer à un « gouvernement qui participe à la trumpisation du débat public ». En cause, ses « attaques contre le pacte vert au niveau européen », la remise en cause du droit du sol à Mayotte et en Guyane, le durcissement des critères de régularisation des sans-papiers, la diminution des crédits de l’aide médicale d’État ou de l’aide publique au développement, ainsi que les propos de François Bayrou sur une prétendue « submersion migratoire ».

Ces derniers seront à l’origine du dépôt, par les députés socialistes, d’une motion de censure spontanée sur « les valeurs de la République ». La démarche est loin de calmer la déception des autres groupes du NFP devant leur refus de voter la censure. La motion socialiste sera en effet rejetée par le camp gouvernemental comme par l’extrême droite et n’a donc aucune chance d’aboutir.

 « Piétiner » et « humilier » la démocratie

« Je suis choquée par leur décision, fait savoir Aurélie Trouvé, députée FI de Seine-Saint-Denis, à propos du refus socialiste de s’associer aux deux motions. Les socialistes ont été élus sur un programme, celui du NFP, construit pour proposer autre chose que le macronisme. Notre motion servira à déterminer qui est dans le soutien du gouvernement et qui est dans l’opposition. C’est une question de fidélité pour nos électeurs. »

« Ce choix n’est à mon avis pas le bon, estime pour sa part Benjamin Lucas-Lundy, député du groupe Écologie et social. C’est un mauvais budget qui prolonge la politique d’Emmanuel Macron depuis 2017 et qui est à l’opposé des grandes orientations que nous devons prendre pour le pays, en particulier en matière de bifurcation écologique ou de justice sociale. »

« Ce budget est pire que le précédent. Il est honteux d’obliger des députés à voter la censure pour pouvoir s’exprimer, parce qu’on leur a retiré toute prise sur le budget », s’agace le communiste André Chassaigne, coprésident du groupe GDR. Et le député PCF Nicolas Sansu de se désoler également du recours au 49.3, qui « piétine » et « humilie » la démocratie. Un outil constitutionnel dont toutes les composantes du NFP avaient exigé en vain l’abandon, auprès de François Bayrou, contre un accord de non-censure.

   mise en ligne le 4 février 2025

Marché cassé, hausse des prix, désengagement de l’État… Les 5 raisons de
la crise du logement

Hélène May sur www.humanite.3fr

Jamais, depuis des années, le manque d’habitations disponibles n’a été aussi criant, repoussant davantage les plus précaires dans une position d’extrême fragilité. Une situation qui n’entraîne aucune remise en question du désinvestissement de l’État et de la foi dans les « vertus » du marché.

La question est presque absente du débat politique. Pourtant, le décalage entre l’offre et la demande de logements ne cesse de se creuser, plongeant un nombre croissant de personnes dans des situations de mal-logement, voire les privant de toit.

« On voit que la France s’enfonce dans la crise et les pouvoirs publics donnent l’impression de chercher des boucs émissaires plutôt que des solutions », résume Christophe Robert, délégué général de la Fondation pour le logement des défavorisés (FLD – ex-Fondation Abbé-Pierre). À l’occasion de la présentation du 30e rapport annuel de l’organisation, rendu public ce 4 septembre, il a appelé à « une large mobilisation transpartisane » sur ce thème.

Un déséquilibre entre l’offre et la demande

La raréfaction du nombre de logements disponibles s’observe dans tous les segments du secteur. La demande s’accroît du fait de l’arrivée à l’âge adulte de la génération du petit « baby-boom » des années 2000 et des décohabitations liées aux séparations. Premier touché, le logement social, « qui reste pourtant, rappelle Christophe Robert, le levier le plus fiable pour relancer le logement sans effet d’aubaine, sans alimenter la spéculation immobilière ».

À force de désinvestissement et de ponctions, la production a chuté à 86 00 nouveaux logements en 2024, contre 124 000 en 2016. Le nombre de postulants à une HLM, lui, continue de croître, s’approchant cette année des 2,8 millions, deux fois plus qu’il y a dix ans. Faute d’offre alternative, les locataires HLM ne libèrent pas leur appartement. Du coup, les attributions sont passées sous la barre des 400 000, soit 100 000 de moins qu’en 2016.

Des prix en hausse à la location

Pourtant supposé être dopé par une politique gouvernementale qui, depuis 2017, mise sur les vertus du marché, le secteur privé est lui aussi en chute libre. « Sur l’année 2024, 330 400 logements ont été autorisés à la construction, soit 46 300 de moins que lors des douze mois précédents (- 12,3 %) et 28 % de moins qu’au cours des douze mois précédant la crise sanitaire », a révélé, le 29 janvier, le ministère du Logement.

Si l’offre de logement neuf se tarit, c’est aussi le cas des locations disponibles, dont le nombre a baissé de 8,6 % rien qu’entre octobre 2023 et octobre 2024, selon le site SeLoger. Résultat, malgré une légère baisse à l’achat, le manque de biens à louer, dans le privé comme dans le public, alimente la hausse des loyers. Alors que les revenus, eux, sont en baisse, l’inflation ayant entraîné une hausse des dépenses des ménages évaluée à 1 230 euros par an. 600 000 personnes de plus qu’en 2017 vivent d’ailleurs sous le seuil de pauvreté.

Le mal-logement s’étend

Ce décalage entre des revenus en berne et des logements en nombre insuffisant et trop chers entraîne un accroissement du mal-logement. Au niveau géographique d’abord, la pénurie, longtemps cantonnée aux grandes villes, touche désormais de nombreuses régions. Il est devenu très difficile pour les étudiants ou jeunes salariés de trouver à se loger dans les zones touristiques, où Airbnb et résidences secondaires exercent une concurrence déloyale et font monter les prix. C’est vrai aussi dans les zones frontalières et dans certaines petites villes longtemps épargnées.

L’absence d’offre adaptée contraint également un nombre croissant de ménages à se tourner vers du logement inadapté voir insalubre. Autre forme du mal-logement qui se développe, la précarité énergétique : « 30 % des ménages ont souffert du froid l’hiver dernier. Ils étaient 14 % en 2020 », rappelle Christophe Robert. Les réductions de puissance et les coupures d’énergie en raison d’impayés ont, elles, atteint le million en 2023. C’est deux fois plus qu’en 2021.

Les plus pauvres et les sans-domicile de plus en plus nombreux

« Quand on voit plus de territoires et de ménages touchés par la crise du logement, on sait que cela a un impact, par effet domino, pour les plus pauvres, les sans-domiciles, les mal-logés. Quand plus de monde est contraint de se loger dans des habitations de moyenne qualité, on sait qu’ils seront les derniers servis », souligne le délégué général de la FLD. En atteste la hausse de nombreux indicateurs, comme le nombre de sans-domicile fixe, que l’organisation estime à 350 000, soit déjà deux fois plus qu’en 2012, mais « sans doute encore en dessous de la réalité ».

Malgré son augmentation, le parc d’hébergement d’urgence ne permet pas de répondre aux besoins de cette population. Tous les soirs, le 115 est dans l’incapacité de trouver une solution pour 5 000 à 8 000 personnes, dont près de 2 000 enfants. La situation ne devrait pas s’arranger, alors que les expulsions locatives avec le concours des forces de police ont atteint, en 2023, le chiffre record de 19 000, soit un bond de 17 % en un an, en grande partie en raison de la loi dite « anti-squat », portée par l’ex-ministre Guillaume Kasbarian, qui a facilité et accéléré les procédures.

L’État continue de se désengager

Malgré la multiplication de ces signaux d’alerte, l’inertie règne sur fond de rigueur budgétaire. « Il est clair que le logement n’est plus considéré comme une priorité de l’action publique et reste souvent perçu comme un gisement d’économie, alors qu’il joue un rôle central dans la vie de chacun », souligne Christophe Robert. Seule mesure positive en perspective, la promesse faite par la ministre du Logement, Valérie Létard, et qui devrait être maintenue dans le prochain budget, de réduire de 200 millions d’euros la ponction de 1,3 milliard réalisée tous les ans sur le budget des bailleurs sociaux sous forme de réduction de loyers de solidarité (RLS).

Mais, en dépit de ses échecs patents, le « tout-marché » continue d’être promu. Rien n’a été fait pour pérenniser et approfondir l’expérimentation de l’encadrement des loyers, censée prendre fin en 2026, qui, pourtant, fonctionne. La régulation des prix du foncier, dont l’explosion est le principal moteur de la hausse des prix, est restée dans les cartons, malgré le soutien de l’ensemble des acteurs du secteur lors du CNR logement de l’été 2023. À la place d’une remise à plat, « les coupables désignés des blocages sont le plus souvent les normes écologiques et les politiques d’aides aux mal-logés », dénonce la FLD. Plus inquiétant encore, les partisans d’une libéralisation encore plus poussée du secteur n’ont pas baissé les bras et restent en embuscade.

    mise en ligne le 3 février 2025

L'insoutenable dette des hôpitaux
et les « morts évitables »

Christophe Prudhomme sur www.humanite.fr

Deux exemples récents des difficultés financières rencontrées par des hôpitaux illustrent la situation insoutenable de leur dette. Petit retour en arrière. En 2002, lors de la mise en place de l’euro et de la Banque centrale européenne, les hôpitaux se sont vu retirer la possibilité d’emprunter auprès de la Caisse des dépôts avec des intérêts très bas et des délais de remboursement possibles pendant soixante ans. Il leur a fallu se tourner vers des banques commerciales, pratiquant des taux d’intérêt qui ont pu atteindre près de 20 % avec des emprunts dits toxiques. Le résultat est aujourd’hui catastrophique.

Ainsi l’Institut mutualiste Montsouris, à Paris, établissement de 450 lits, est en cessation de paiement du fait d’une dette cumulée de 120 millions d’euros due à sa reconstruction qui n’a pas été financée par l’État. À Marseille, l’Assistance publique affiche une dette de 840 millions d’euros qui l’empêche d’engager des opérations de rénovation de ses bâtiments vieillissants.

C’est pourquoi son directeur demande à l’État de reprendre cette dette à sa charge, considérant qu’il en est responsable, arguant que, sans cette mesure, il ne sera plus en capacité d’assurer le bon fonctionnement de l’hôpital. Il faut noter qu’il est exceptionnel qu’un directeur à la tête d’un des plus grands CHU de France mette ainsi l’État face à ses responsabilités.

Cette situation scandaleuse est dénoncée depuis des années. La seule charge des intérêts dépasse chaque année 1 milliard d’euros au grand bénéfice des banques. Ainsi, pour 2023, les bénéfices de la seule BNP ont atteint 11 milliards d’euros. Il est donc clair que la dette des hôpitaux a été créée par la logique néolibérale soutenue par Emmanuel Macron et l’Europe, qui enrichit les banques au détriment des services publics, notamment celui de la santé.

À la veille d’un nouveau 49.3 pour la loi de financement de la Sécurité sociale, il est important de rappeler cette situation aux députés qui ne voteraient pas la censure. Au-delà des chiffres, il y a des vies en jeu. Les fermetures des services d’urgence et les dysfonctionnements des Samu dus à un manque criant de moyens sont la cause directe de ce que nous appelons « des morts évitables », chiffrées autour de 1 500 à 2 000 par an.

La question de la dette doit effectivement être résolue, n’en déplaise à Bernard Arnault et à ses amis, en taxant un peu plus les milliardaires qu’ils ne le sont aujourd’hui. Ce serait normal, car un rapport du ministère des Finances paru ces derniers jours indique que les impôts de 0,1 % les plus riches ont diminué entre 2003 et 2022 alors que ceux des 50 % les plus pauvres ont augmenté. Alors mesdames et messieurs les députés, allons chercher l’argent là où il est pour sauver des vies et arrêtons de nous bassiner avec la dette que nous allons laisser à nos enfants.

   mise en ligne le 3 février 2025

Villeneuve-Saint-Georges,
la gauche
la plus triste du monde

Roger Martelli sur www.regards.fr

Ce dimanche se tenait le second tour de l’élection municipale partielle. Elle avait valeur de test, notamment à gauche. Le député LFI Louis Boyard y a perdu sèchement contre la droite.

Avec 24,9 % au premier tour, l’insoumis Louis Boyard avait pris l’ascendant sur son concurrent communiste Daniel Henry (20,7 %) qui réunissait sur sa liste communistes, socialistes, radicaux et écologistes. Mais, alors que la droite abordait le second tour avec deux listes concurrentes, le jeune député du Val-de-Marne n’a pas réussi son pari de devenir maire. Avec 38,5 %, il a été nettement distancé par sa concurrente de droite (49 %). Il perd 127 voix et 9,4 % sur le total des gauches du premier tour.

Il avait pourtant beaucoup d’atouts, et pas seulement son allant et sa notoriété médiatique. Aux législatives de 2022 et 2024, il avait propulsé la France insoumise sur le devant de la scène locale. En 2017, les insoumis sont certes déjà en tête de la gauche mais dépassent tout juste les 15 %. En 2022, Jean-Luc Mélenchon réalise 46,2 % sur la ville. Louis Boyard devient alors le candidat Nupes-LFI et rassemble 40,2 % au premier tour ; il écrase la droite et l’extrême droite au second tour avec 62,4 % sur la ville. En 2024, candidat NFP-LFI, Louis Boyard fait mieux que récidiver en obtenant 56 % au premier tour et 61,2 % au second. Il améliore ainsi le résultat de la liste de Manon Aubry et de Rima Hassan aux européennes de 2024 (39,2 %).

C’est fort de ces résultats qu’il tente le pari audacieux de conquérir la ville à l’occasion de l’élection partielle. Il ne cherche pas l’alliance avec le reste de la gauche et part seul au premier tour. Faisant fonction d’éclaireur, il teste la stratégie, pour les municipales de 2026, d’une France insoumise qui espère s’emparer, entre autres, d’une large part du « communisme municipal ». Dans son combat, il reçoit le soutien des dirigeants du mouvement, Jean-Luc Mélenchon en tête, qui se déplacent à Villeneuve-Saint-Georges et font meeting avec lui. 

Dès hier soir, Mélenchon et à sa suite les dirigeants de la France insoumise ont répété, tous avec les mêmes mots, que la liste de Boyard venait de recueillir 11 points de plus que la maire communiste sortante en 2020, Sylvie Altman. Mais, alors que les communistes avaient repris en 2008 la ville de tradition cheminote qu’ils avaient perdue en 1983, Louis Boyard ne parvient pas à terrasser l’équipe de droite sortante, alors qu’elle avait accumulé toutes les fautes qui auraient dû la conduire à sa perte. Au fond, tout laissait présager que le « dégagisme » cher aux insoumis allait leur profiter. Cela n’a pas été le cas, alors même que la droite locale se déchirait et que deux listes se maintenaient au second tour.

En 2022 et en 2024, lors des législatives, Louis Boyard a su profiter de l’union réalisée à Villeneuve-Saint-Georges, sous l’étiquette de la Nupes, puis du Nouveau Front populaire. Il a pensé qu’il pouvait réitérer à une élection municipale. Il imaginait pouvoir imposer ses conditions ou faire porter le chapeau de la désunion à ses partenaires de la gauche. Il l’a fait avant le premier tour et, plus surprenant encore, il a récidivé entre les deux tours, réclamant une prime majoritaire insoumise, au nom de la nécessité d’avoir une majorité solide pour appliquer son programme. Étrange demande de la part de LFI qui la refuse en général lors des fusions, préférant avec raison la méthode démocratique d’une représentation proportionnelle des listes.

Ce dimanche encore, la liste insoumise a fait ses meilleurs scores dans les cités populaires, là où se concentrent la jeunesse, la pauvreté, la discrimination et la relégation. Elle a donc contribué à de la politisation à gauche, là où la gauche a perdu les bases de son influence d’autrefois. Mais, faute d’esprit d’ouverture, en multipliant les oukases et les rejets, la campagne de LFI n’a pas permis que convergent tous les électeurs de gauche ni toutes les catégories qui s’éloignent du vote et se désespèrent de la gauche. Ajoutons que, même dans les quartiers où Louis Boyard fait ses meilleurs résultats, les insoumis sont en recul, plus ou moins sensible, par rapport aux scores de 2022 et 2024.

Villeneuve-Saint-Georges aurait pu être un exemple faisant émerger une gauche capable de s’ancrer dans les valeurs émancipatrices sans tracer des lignes de partage irréductibles. Ce n’est pas cette gauche-là que nous avons vue à l’œuvre dans la ville la plus pauvre du Val-de-Marne (un taux de pauvreté deux fois supérieur à celui du département), mais la gauche de la guerre des camps, une fois encore.

Aux municipales 2026 comme pour les autres élections à venir, il ne faudra surtout pas refaire Villeneuve-Saint-George, c’est-à-dire mobiliser les talents pour écarter, et perdre à l’arrivée.

      mise en ligne le 2 février 2025

Cessez-le-feu à Gaza :
un équilibre précaire
entre espoirs fragiles
et défis majeurs

Par Mohamed Salah Ben Ammar, médecin sur www.humanite.fr

L’instauration d’un cessez-le-feu à Gaza constitue un moment crucial, résultant d’une reconfiguration des dynamiques au Moyen-Orient et de l’influence des administrations américaines, la nouvelle et l’ancienne. Cependant, cette fragile trêve a déjà été compromise par des violations israéliennes, comme le bombardement du 16 janvier, qui a causé la mort de 80 personnes, aggravant un bilan humain déjà dramatique. La cessation des hostilités et la libération des otages ravivent un espoir au milieu des destructions massives. La libération des otages est porteuse d’une forte charge émotionnelle en Israël. En Palestine, les morts et les handicapés se comptent par dizaines de milliers et les destructions sont indescriptibles, mais les Gazaouis ont dansé dans les ruines à l’annonce du cessez-le-feu.

Les conséquences humaines tragiques de ce conflit seront toujours présentes dans les mémoires, mais elles ne doivent pas entraver le chemin vers la paix. La première étape vers une résolution durable devra reposer sur la reconnaissance mutuelle des souffrances et la mise en place de mécanismes de réparation. Les crimes de guerre commis par les deux camps doivent faire l’objet d’enquêtes impartiales menées par des instances judiciaires nationales et internationales, à l’image des mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale, soulignant l’importance de rendre justice. Le cycle infernal des vengeances ne peut s’arrêter que de cette façon. Mais le cessez-le-feu constitue une fenêtre de tir ; il est essentiel d’en faire une étape pour analyser les racines du conflit et œuvrer à une solution durable. Reconnaître les souffrances, instaurer des réparations et encourager un dialogue sincère sont des étapes indispensables pour arriver à une paix durable.

Pourquoi les attaques du 7 octobre ?

Rien ne peut justifier les horreurs commises lors des attaques du 7 octobre. Mais le Hamas, au pouvoir à Gaza, a cherché à briser un silence de près de deux décennies d’embargo et d’occupation de fait. Il a aussi cherché à réaffirmer son rôle dans la résistance palestinienne, à infliger des pertes à Israël et à attirer l’attention internationale sur un drame vieux de 77 ans. Ces attaques répondaient à des décennies d’oppression, tout en cherchant à contrer un rapprochement entre Israël et les autocrates arabes, imposé par Donald Trump à travers les accords dits d’Abraham, perçus par la rue arabe et les Palestiniens comme une trahison de la cause. Enfin et surtout, les attaques du 7 octobre visaient à pousser Israël à la faute et à gagner la sympathie de l’opinion publique arabe et même mondiale. Cet objectif a été largement atteint. De fait, le Hamas s’est imposé comme un interlocuteur incontournable avec ses héros et ses martyrs aux yeux des Palestiniens.

Pourquoi un cessez-le-feu maintenant ?

La trêve a été instaurée sous la pression de l’administration américaine et face à l’impasse militaire. Les préoccupations concernant les otages ont influencé les décisions du gouvernement israélien, mais les considérations stratégiques semblent avoir primé sur les raisons humanitaires.

Pourquoi les deux camps ont-ils ciblé des civils ?

Israël a poursuivi des opérations destructrices dans ce qui semble être une volonté de représailles. Une cessation des hostilités plus rapide aurait pu être interprétée comme un signe de faiblesse du gouvernement israélien d’extrême droite. L’armée, qualifiée abusivement « la plus morale au monde », qui a des années-lumière d’avance en matière de technologie et de moyens par rapport aux Palestiniens, a commis des actes abjects sur des civils. Il semblerait que, le 7 octobre, le Hamas ait été dépassé par l’ampleur de l’attaque et ait perdu le contrôle des assaillants. Mais le fait est que, dans les deux cas, des civils ont été froidement tués. Ceci reflète la haine qui s’est développée entre les deux belligérants.

Pourquoi ce conflit dure-t-il depuis un siècle ?

Ce conflit repose sur une lutte pour la souveraineté entre deux peuples revendiquant la même terre. Pour les sionistes, la Palestine représente un projet politique de foyer national juif. Les horreurs de la Seconde Guerre mondiale et la Shoah l’ont rendu possible. Pour les Palestiniens, c’est une terre ancestrale dont ils ont été progressivement dépossédés, alimentant un traumatisme collectif.

Pourquoi les Palestiniens vivent-ils sur un territoire aussi restreint et morcelé ?

La Nakba de 1948 et les conflits ultérieurs ont vidé de son sens le plan de partage initial du territoire prévu par la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations unies, adoptée le 29 novembre 1947. Ces guerres ont conduit au déplacement massif des Palestiniens, confinés à Gaza et à des zones morcelées en Cisjordanie, reliées entre elles par des couloirs, aggravant leurs conditions de vie et celles de millions de réfugiés palestiniens.

Pourquoi Israël est-il le premier mais non le seul responsable de la situation ?

Israël a déclenché toutes les guerres à l’exception de celle de 1948. Israël a gagné toutes les guerres contre les pays arabes voisins. Pour les Palestiniens qui n’ont pas d’armée, Israël symbolise l’occupation et l’injustice. Pour les Palestiniens des territoires occupés (Cisjordanie : 3,2 millions et Gaza : 2,17 millions, soit 5,35 millions) et pour les Palestiniens restés en Israël (plus de deux millions de personnes), prétendre qu’Israël est une démocratie n’a pas de sens. L’avancée technologique, les institutions en Israël et le soutien des puissances occidentales lui ont permis de dominer la région, tandis que les Palestiniens sortaient de siècles d’occupations ottomane puis anglaise. Israël est perçu comme un bout d’Occident dans la région. Un mur et des décennies séparent les deux communautés.

Pourquoi une incompréhension entre les deux peuples voisins ?

Cette incompréhension est nourrie par des récits historiques totalement divergents et par des systèmes éducatifs et médiatiques qui renforcent les stéréotypes. De plus, l’expérience de la Shoah n’a pas la même résonance dans le monde arabe, ce qui alimente parfois un antisémitisme inquiétant. La haine des Palestiniens est cultivée chez une partie de plus en plus importante d’Israéliens, notamment chez les colons, mais la haine de l’autre est enseignée chez les deux peuples dès l’école.

Pourquoi l’Occident soutient-il Israël ?

Ce soutien découle en grande partie d’une culpabilité liée à la Shoah, mais aussi d’intérêts stratégiques. Israël est perçu comme un allié clé, bien que ce soutien unilatéral néglige les souffrances des Palestiniens. Israël, de fait d’un passé historique en Europe d’une partie de ses habitants, dispose de puissants relais économiques et culturels en Occident. La guerre de Gaza a fait tomber les dernières illusions des démocrates arabes quant à l’objectivité des puissances occidentales et à leur réel attachement aux droits humains.

Pourquoi les pays du Sud soutiennent-ils les Palestiniens ?

Les nations du Sud s’identifient aux Palestiniens à travers l’expérience de la colonisation et dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une hypocrisie occidentale. La solidarité religieuse et culturelle joue également un rôle majeur pour les musulmans et les Arabes, notamment.

Pourquoi certains s’opposent-ils à la paix ?

Les figures prônant la paix, comme Anouar el-Sadate, Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, ont été éliminées. L’immense majorité des responsables politiques israéliens des années 60 et après se sont convertis à la paix à la fin de leur vie après avoir mené des guerres contre les pays arabes voisins. Les dirigeants actuels, en Israël, sont aveuglés par leur puissance militaire. Dans certains pays arabes, les dirigeants profitent depuis 1948 du statu quo pour maintenir leur pouvoir. Le nationalisme d’extrême droite des deux camps exacerbe les tensions et s’oppose à la paix.

L’Histoire nous apprend que pour faire la paix il faut être deux.

Il est sidérant de constater à quel point ces va-t-en-guerre ne réalisent pas que les deux peuples sont condamnés à vivre côte à côte. Pour arriver à une paix durable, il faut abandonner les récits de victimisation au profit d’une vision partagée. L’engagement réciproque et un dépassement des récits antagonistes est absolument nécessaire. La sortie du cycle de violence passe par la reconnaissance d’un État palestinien et l’instauration d’un dialogue sincère sur les points de divergences. La communauté internationale, et notamment les États-Unis et l’Europe, doit enfin jouer un rôle réellement équilibré, en s’engageant à protéger les civils et à promouvoir des solutions durables. Ce sont des conditions nécessaires pour construire un avenir de coexistence pacifique.

    mise en ligne le 2 février 2025

Les États-Unis de Trump contre le monde

Par Robert Kissous sur www.humanite.fr

« America First », les États-Unis d’abord, « Make America Great Again » – rendre à l’Amérique sa grandeur d’antan : ces slogans de campagne de Trump résonnent comme un cri de guerre contre le monde entier.

Le président-businessman accuse le monde entier, alliés ou vassaux des États-Unis (EU) inclus, de vivre et prospérer au détriment de son pays, d’abuser de sa générosité. En conclusion ils doivent tous indemniser les EU. La réalité inversée si chère à Trump.

En réalité ce sont les EU qui vivent au-dessus de leurs moyens grâce au crédit que leur permet le roi dollar avec ses privilèges exorbitants.

Biden et Trump

Que ce soit Biden ou Trump, tous deux visent à restaurer l’hégémonie mondiale de l’impérialisme états-unien avec des stratégies différentes notamment sur le plan des relations économiques internationales.

Biden prônait des solutions de compromis avec les alliés des EU. Trump, estimant ne pas en avoir besoin, n’hésite pas à brandir des menaces de coercition économique. Récemment il a exigé que les pays européens portent leurs dépenses militaires à 5 % du PIB : le coup de grâce porté à l’UE alors que son économie est stagnante et que son moteur, l’industrie allemande, est en berne.

Biden offrait des subventions pour inciter les entreprises industrielles à s’implanter aux EU. Trump estime inutile de creuser le déficit en versant des subventions à des entreprises étrangères, les taxes sur les importations devraient être suffisamment incitatives.

La guerre commerciale

La mondialisation n’étant plus à l’avantage des EU, Trump met en avant sa prétendue arme « magique » contre le déclin de l’hégémonie états-unienne : les droits de douane qu’il a qualifiés en 2020 de la « plus grande chose jamais inventée »

Une arme déjà utilisée dans son premier mandat et prolongée par Biden sans obtenir le résultat escompté. Aussi la nouvelle politique tarifaire est étendue – le monde entier est visé – avec des taux de taxation inédits. Tous les pays – Sud global et pays développés, alliés ou pas – doivent être mis à contribution pour le bien des EU : la réindustrialisation, la fin du déficit commercial et la réduction des impôts. En quelque sorte une rente prélevée sur le reste du monde.

Lors de sa campagne électorale Trump annonçait vouloir imposer des droits de douane de 10 à 20 % sur tous les produits étrangers, 25 % sur les produits importés du Canada et du Mexique et 60 % ou plus pour ceux provenant de Chine, désignée adversaire stratégique n°1. À ces taxes s’ajoutent toutes les interdictions d’exportations de produits de haute technologie vers la Chine et une liste noire d’entreprises chinoises avec lesquelles il est interdit de commercer. S’agit-il de menaces préalables à des négociations ? Nous le saurons bientôt. Ce protectionnisme de combat conduira à la diminution des importations et des exportations des EU du fait des représailles mais il ne pourra empêcher les autres pays de développer le commerce entre eux.

En réalité c’est déjà le cas puisque les richesses sont créées de plus en plus dans les pays du Sud. Les cinq pays du BRICS ont vu leur poids dans l’économie mondiale croître sans cesse et leur PIB dépasser celui du G7, en parité de pouvoir d’achat (PPA), : 20 % en 2003 à 32 % en 2023 tandis que la part du G7 a reculé sur la même période de 42 % à 30 %. Au début des années 2000 la part des EU dans le PIB mondial (PPA) était de 21,2 % et en 2022 elle est tombée à 16,6 %.

La guerre commerciale conduira inévitablement à de multiples guerres commerciales contre les EU avec à la fois un recul du PIB mondial et une plus forte interdépendance entre les pays du Sud notamment. Ce qui pourrait réduire la part du commerce réalisée en dollars. On peut donc imaginer une violente réaction de Trump contre les BRICS et tous les pays qui utilisent d’autres monnaies que le dollar pour leurs échanges commerciaux. Par exemple Trump brandit la menace d’une taxe de 100 % sur leurs exportations vers les EU. Il exige un engagement de ne pas créer une monnaie BRICS. Derrière l’arrogance pointe l’anxiété. On ne peut utiliser le dollar comme arme de guerre et s’étonner de la perte de confiance accrue dans cette monnaie.

Ce sont les EU qui ont interdit l’utilisation du dollar à des pays sanctionnés encourageant, obligeant même les paiements en d’autres monnaies et hors du système financier contrôlé par les EU. Le commerce en yuan, rouble, roupie, or… ne s’arrêtera pas avec ces menaces. La guerre commerciale des EU est vouée à l’échec.

Le mépris de la souveraineté des États

Un nouveau pas est franchi avec l’affirmation de visées expansionnistes. Donald Trump a affirmé avec force qu’il entendait prendre le contrôle du canal de Panama et du Groenland – territoire sous la souveraineté du Danemark – sans exclure la possibilité d’une intervention militaire si nécessaire au nom de la sécurité nationale des EU. Une menace d’annexion qui peut planer sur n’importe quel petit pays.

Le président du Panama, José Raúl Mulino, a vivement réagi et qualifié ces prétentions d’absurdes : « le canal est panaméen et appartient aux Panaméens ». Le Danemark soutenu par des pays européens a vivement protesté.

Le Canada est également visé Trump demandant son annexion comme 51e état des EU et Trump souhaite exercer toutes les pressions économiques et politiques nécessaires pour cela.

Le monde a évolué, l’hégémonie est révolue mais les EU ne veulent pas le voir.

Mettre fin aux réglementations ou traités qui s’imposent

Les contraintes mises à l’expansion maximum des combustibles fossiles seraient supprimées. Les compagnies pétrolières et gazières doivent pouvoir forer autant que souhaité y compris dans les parcs nationaux et zones protégées. Les EU doivent avoir l’énergie la moins chère du monde – l’énergie fossile et non l’énergie verte trop subventionnée – pour renforcer leur compétitivité et pour encourager les industries à s’y implanter. La défense de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique attendront.

Trump a clairement signifié son aversion pour tout traité international qui briderait l’économie des EU. Si accord il doit y avoir avec un pays ce sera le fruit de négociations bilatérales pour être en position de force maximum.

Les pays membres de l’OTAN ne sont pas oubliés, accusés d’assurer leur sécurité aux frais des EU. Dorénavant ceux qui ne dépensent pas suffisamment pour leur sécurité ne bénéficieront pas du soutien militaire des EU même en cas d’agression par la Russie. Les Européens sont particulièrement désignés. Trump déclarait que l’agression d’un petit pays de quelques millions d’habitants, même membre de l’OTAN, ne pouvait conduire automatiquement à l’intervention des EU.

On se souvient de « l’avertissement » de Kissinger : « Il peut être dangereux d’être l’ennemi de l’Amérique, mais être l’ami de l’Amérique est fatal ». Alliés ou vassaux ?

Isolationnisme ?

Le protectionnisme prôné par Trump n’est pas une ligne de repli bien au contraire. C’est une arme de combat, une stratégie pour retrouver la « grandeur d’antan », l’hégémonie de l’impérialisme états-unien d’autrefois.

La part des États-Unis dans l’industrie manufacturière mondiale n’a cessé de diminuer depuis la crise des années 1970, puis depuis les années 2000 avec la montée des pays émergents et particulièrement de la Chine, devenue le principal partenaire commercial d’une centaine de pays. Il s’agit de modifier radicalement cette situation, les EU veulent être le centre des chaînes d’approvisionnement mondiales.

En même temps qu’ils se « protègent » de la concurrence étrangère ils s’attaquent au monde entier. La première puissance économique mondiale qui a 800 bases militaires, qui domine le système financier international, qui dispose du dollar etc. peut-il être isolationniste ? Le capital financier le plus mondialisé pourrait-il être isolationniste ?

L’impérialisme états-unien, en bon prédateur, ne cédera pas sa place dans le monde de son plein gré ni n’entérinera le déclin de sa domination au profit du multilatéralisme.

Le boomerang

Sur la base des chiffres de 2022 et des taux annoncés par Trump, on peut estimer en année pleine le montant des taxes à plus de 700 Mds de dollars pour les biens importés (dont 320 Mds pour la Chine) et près de 100 Mds sur les services importés. Un séisme qui modifierait considérablement tous les échanges internationaux, déstabilisant les chaînes d’approvisionnement des entreprises, réduisant la croissance économique mondiale.

À court terme les entreprises états-uniennes pourraient tirer un certain avantage de ce protectionnisme en augmentant leurs prix et leurs marges ce qui ajouté à la hausse du coût des importations alimenterait l’inflation ce que redoutent les ménages aux EU. Selon un sondage, seules 29 % des personnes soutenaient l’augmentation des droits de douane même si les prix augmentent tandis que 42 % s’y opposaient.

À moyen terme le protectionnisme réduira la compétitivité des EU.

La stratégie de Trump ne fait d’ailleurs pas l’unanimité des multinationales états-uniennes. Par exemple l’entreprise Nvidia, leader mondial dans son domaine de pointe, a protesté contre les restrictions à l’exportation de produits hi-tech car elles « mettront en péril la croissance économique et le leadership des États-Unis ».

La guerre commerciale de Trump ne restera pas sans représailles. Personne n’en sortira gagnant. La fracturation du marché mondial s’accentuera. Mais c’est le prix que les EU prétendent faire payer au monde pour tenter de rétablir leur hégémonie. Un pari perdant, à rebours de la tendance historique à la volonté de développement des peuples.

L’opposition au protectionnisme des EU pourrait bien inciter à aller vers un monde plus multipolaire respectant la souveraineté des États, privilégiant les rapports de coopération gagnant-gagnant et le développement.

   mise en ligne le 1er février 2025

Budget 2025 :
ces grands patrons
sans honte ni scrupules

Stéphane Ortega sur https://rapportsdeforce.fr/

Durs dur d’être patron dans l’Hexagone à en croire Bernard Arnault, la cinquième fortune mondiale. « Quand on vient en France et qu’on voit qu’on s’apprête à augmenter les impôts de 40 % sur les entreprises qui fabriquent en France, c’est quand même à peine croyable. Donc, on va taxer le made in France […]. Pour pousser à la délocalisation, c’est idéal » s’est emporté le patron de LVMH, lors de la présentation des résultats du groupe mardi 28 janvier. L’objet de sa charge : une surtaxe exceptionnelle sur les bénéfices des 440 grandes entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse un milliard d’euros.

Une mesure qui devrait rapporter 8 milliards à l’État en 2025, mais qui ne devrait pas être reconduite en 2026, contrairement à ce que prévoyait le budget 2025 présenté par Michel Barnier. Pour LVMH, la facture pourrait être comprise entre sept et huit cents millions d’euros. Certes une somme, mais une taxe qui ne représente que 5 % des bénéfices du géant du luxe en 2024 (15,5 milliards). Dans le même temps, LVMH a versé 6,85 milliards d’euros à ses actionnaires. Soit 44 % de la totalité des bénéfices du groupe.

Remises en perspective, les protestations de Bernard Arnault – dont le nom avait été cité dans les Paradise Papers – frisent l’indécence. L’homme d’affaires cumule en effet une fortune personnelle de près de 180 milliards de dollars à la fin de 2024. Celle-ci a été multipliée par quatre depuis 2017 et la mise en œuvre des politiques probusiness d’Emmanuel Macron, parmi lesquelles la fin de l’ISF ou la baisse des impôts sur les sociétés.

Mais le patron de LVMH n’est pas le seul à pousser des cris d’orfraie contre le budget 2025. Celui de l’entreprise Airbus – qui a bénéficié des 15 milliards d’euros de soutien de l’État au secteur aérien pendant la pandémie – assure qu’il y a « trop de charges, trop de règlements, trop de contraintes, trop de taxes ». Pourtant, en 2024, là aussi, les dividendes versés par l’avionneur ont atteint des sommets. Même chose du côté d’Engie qui a largement contribué au record de dividendes versés en 2024 et a expliqué vouloir verser entre 65% et 75% de ses résultats nets à ses actionnaires en 2024 et 2025. Son patron a joint sa voix aux protestations contre la surtaxe sur les bénéfices, comme le patron de TotalEnergie, qui, comme chaque année, est sur le podium des dividendes versés : 14,6 milliards d’euros en 2024.


 


 

De Bernard Arnault
au patron de Michelin,
les grands patrons font
la guerre à l’impôt
et le chantage à l’emploi

Cyprien Boganda sur www.humanite.fr

En plein débat sur le budget 2025, les PDG sortent du bois en pointant le prétendu « matraquage fiscal » dont ils feraient l’objet, quitte à brandir le chantage à l’emploi.

Bernard Arnault va-t-il nous refaire le coup de mai 1981 ? À l’époque, l’élection du socialiste François Mitterrand et la peur du « péril rouge » avaient poussé le malheureux trentenaire à émigrer outre-Atlantique, effrayé par la politique du nouveau pouvoir. Il n’avait franchi l’Atlantique dans l’autre sens qu’en 1984, une fois rasséréné par l’arrivée à Matignon de Laurent Fabius et la parenthèse keynésienne refermée…

Et voilà que, près de quarante-cinq ans plus tard, le patron de LVMH entonne à nouveau la complainte de l’entrepreneur au bout du rouleau, avec les États-Unis en contrepoint fantasmé : « Je reviens des États-Unis et j’ai pu voir le vent d’optimisme qui régnait dans ce pays, lance-t-il, de retour de l’investiture du président Donald Trump. Et quand on revient en France, c’est un peu la douche froide. »

La raison de son courroux ? Le débat politique actuel autour du vote du budget 2025 , avec une possible – et temporaire – surtaxe sur les plus grosses entreprises françaises, susceptible de ramener 8 milliards d’euros dans les caisses de l’État. Dans le détail, les entreprises réalisant plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires (comme LVMH) pourraient voir leur taux d’impôt sur les sociétés porté à 36 % au maximum, selon l’AFP. « Pour pousser à la délocalisation, c’est idéal ! » menace le multimilliardaire.

Chantage à l’emploi

Il n’est pas le seul. Depuis plusieurs semaines, on assiste à une véritable croisade médiatique des grands patrons français, vent debout contre « l’enfer fiscal » hexagonal, dans une atmosphère survoltée de chantage à l’emploi. « L’incompréhension tourne à la colère, gronde Patrick Martin, patron du Medef, sur RTL. Ceux qui peuvent partir partent et ils ont raison. Bernard Arnault a raison. » « Comment voulez-vous être compétitif ? Ce n’est pas possible », s’indigne, en écho, Florent Menegaux, patron de Michelin, qui s’offusque d’une France « championne d’Europe des prélèvements obligatoires ».

De son côté, Pierre Gattaz, ancien dirigeant du Medef, multiplie les déclarations d’amour au président américain, sur le mode du « on peut critiquer Donald Trump, mais… » (compléter au choix par : « il y a tout de même une énergie formidable aux États-Unis » ou « au moins, Trump mène une politique probusiness, lui »).

Les raisons de l’insurrection des grands patrons sont faciles à comprendre. Il y a évidemment la volonté de peser de tout leur poids dans le débat politique autour du vote du budget. Mais il y a aussi, pour certains d’entre eux, l’envie de justifier la casse sociale en cours (1 254 suppressions d’emplois programmés chez Michelin, par exemple), en invoquant le « manque de compétitivité » supposé de la France.

Leur argumentaire mérite d’être décortiqué. Commençons par l’emploi. Dans sa tirade, Bernard Arnault assure que la hausse de fiscalité sur les grosses entreprises inciterait « les entreprises qui fabriquent en France » à délocaliser : « C’est la taxation du « made in France » ! » assène-t-il. Est-ce vraiment le cas pour LVMH ? En parcourant le dernier rapport annuel du groupe, on s’aperçoit qu’en réalité, le « fleuron » tricolore est de moins en moins implanté dans l’Hexagone : 18 % seulement de ses effectifs totaux y sont basés, soit 39 351 salariés sur 213 268 ; contre 24 % en Asie ou 22 % en Europe. C’est encore pire pour ses ventes, puisque LVMH ne réalise en France que 8 % de son chiffre d’affaires.

Des élans patriotiques à géométrie variable

Au passage, les élans patriotiques de Bernard Arnault sont à géométrie variable. Son amour de la Belgique, pays connu pour sa fiscalité avantageuse en témoigne : une bonne partie de ses actions LVMH ont été transférées il y a plusieurs années dans deux sociétés basées avenue Louise, à Ixelles (banlieue de Bruxelles), nommées Pilinvest Participations et Pilinvest Investissements.

Bernard Arnault n’est pas le seul à se lamenter sur l’état actuel de l’Hexagone. Devant les sénateurs, Florent Menegaux, le patron de Michelin, s’est lancé dans une longue tirade pour pointer le « coût du travail » trop élevé, qui rendrait tout investissement hasardeux.

« Nos activités ne sont pas rentables en France », assure-t-il, comme pour mieux justifier la fermeture de deux sites, à Vannes (Morbihan) et Cholet (Maine-et-Loire). De quoi faire bondir José Tarantini, délégué syndical central CFE-CGC Michelin : « Il est inexact de dire que les sites français ne seraient plus rentables : ils le sont toujours, mais leur niveau de rentabilité est simplement inférieur aux 14 % de taux de marge opérationnelle promis par le groupe aux actionnaires ! »

La palme de la mauvaise foi revient à…

Devant les sénateurs, le patron de Michelin s’en prend, encore et toujours à la fiscalité française : « Les impôts de production représentent 4,5 % du PIB en France, contre 2,2 % en moyenne en Europe et, en Allemagne, on subventionne même la production », assure-t-il.

Il oublie de préciser que la France « subventionne » elle aussi massivement les grands groupes, à coups de crédit d’impôt. Pour la seule année 2023, Michelin a touché 30,8 millions d’euros de crédit impôt recherche (CIR) ; 4,3 millions d’euros en mécénat et autres crédits d’impôts ; 5,5 millions d’euros de subvention d’exploitation ; 4 millions d’euros de chômage partiel ; sans compter 5,8 millions d’euros en réduction d’impôts de production. Soit un total de 50,4 millions d’euros en allégements et réductions d’impôts divers.

Quand bien même la surtaxe sur les grands groupes serait finalement votée au Parlement, on imagine que Michelin ne serait pas poussé à la faillite pour autant… Même chose pour LVMH, dont les résultats ont certes baissé en 2024, mais à un niveau encore fort acceptable : le géant du luxe a réalisé 84,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires (+ 1 %), avec un taux de marge canon de 23,1 %.

Mais la palme de la mauvaise foi revient à Patrick Pouyanné, patron de TotalEnergies, qui a récemment menacé de déplacer ses activités dans des pays étrangers, plus favorables aux investissements. Rappelons que, du haut de ses 21,4 milliards de dollars de bénéfices (en 2023, dernier chiffre connu), la multinationale du pétrole a largement de quoi investir dans l’Hexagone.


 

« Leur objectif, c’est de vider la ville pour affaiblir le soutien civil à la résistance » : Kobané, l’offensive des forces pro-turques contre les Kurde

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