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mise en ligne le 18 juin 2025
Lucie Delaporte sur wwwmediapart.fr
Le projet de loi sur la simplification de la vie économique, qui comporte d’importantes régressions sur le front de l’écologie, a été adopté de justesse mardi 17 juin contre la majorité macroniste qui le jugeait trop éloigné de ses intentions initiales.
« C’est« C’est une victoire culturelle du Rassemblement national contre l’écologie punitive. » Tout sourire, à l’instar de tous les députés de son parti au sortir de l’hémicycle, Pierre Meurin parade.
Le texte sur la simplification de la vie économique, adopté mardi 17 juin au terme d’un parcours chaotique, est incontestablement une victoire pour la droite et l’extrême droite qui ont très largement réécrit le texte initial en le transformant en loi de retour en arrière sur l’écologie.
Suppression des zones à faibles émissions (ZFE), détricotage du « zéro artificialisation nette », recul sur la protection des espèces protégées… Il aura finalement très peu été question de la vie des entreprises dans ce texte bourré de cavaliers législatifs, avec des sujets n’ayant bien souvent rien à voir avec l’économie.
La mine réjouie des députés du Rassemblement national (RN), dont les 120 députés ont voté comme un seul homme pour ce texte, montrait aussi leur satisfaction d’avoir fait capoter le plan des macronistes qui, au dernier moment, avaient annoncé qu’ils voteraient contre un texte pourtant à l’initiative du gouvernement Attal.
À la tribune pour le groupe Ensemble pour la République (EPR), la députée Marie Lebec explique ce revirement. Il faut dire que pour la troisième fois en un mois, les macronistes s’apprêtent à voter contre un texte qu’ils ont eux-mêmes défendu… Elle dénonce donc un projet de loi « disloqué et vidé de sa cohérence, par les circonstances d’alliances contraires », en référence notamment à la suppression des ZFE votée tant sur les bancs de la droite et de l’extrême droite que de La France insoumise. « C’est un texte qui fragilise ce que nous avons construit depuis huit ans » sur l’environnement, assure celle qui a pourtant voté pour la suppression des ZFE. Comprenne qui pourra.
Au moment du vote, le groupe EPR s’est d’ailleurs fracturé puisque près d’un tiers des députés macronistes ont voté avec la droite et l’extrême droite pour le texte ou se sont abstenus. Le MoDem de François Bayrou a voté en faveur de ce texte de grande régression écologique, offrant la victoire sur le fil – 275 voix contre 252 – à l’alliance RN-LR-Horizons.
Espèces protégées en danger
Face à des députés RN surmobilisés, les macronistes ont souvent brillé par leur absence lors de l’examen du projet de loi, pourtant annoncé en grande pompe comme un texte fondamental par Bruno Le Maire.
Déposé il y a plus d’an, le projet de loi, examiné par petits bouts ces derniers mois, a largement été réécrit, se colorant peu à peu de l’air du temps anti-écolo.
« On a bien vu le traumatisme au moment où l’A69 a été jugée illégale par le tribunal administratif de Toulouse. Là, on a eu une pluie d’amendements pour pouvoir bétonner tranquillement, détaille la députée LFI Anne Stambach-Terrenoir. Au final, on est arrivé à un texte d’inspiration trumpiste mené par la droite et l’extrême droite. »
Ce texte a ouvert la voie à toutes les obsessions anti-écolo, antidémocratiques, antisociales du moment. Charles Fournier, député Les Écologistes
L’examen du texte en commission avait ouvert le bal du grand n’importe quoi avec la proposition de supprimer des centaines d’agences et d’organismes tels que l’Ademe, l’Office français de la biodiversité (OFB) ou le Contrôleur général des lieux de privatisation de liberté… Des milliers d’amendements – étrangement jugés recevables – avaient alors été introduits, faisant complètement dérailler le projet de loi initial.
Si les propositions les plus baroques ont été écartées, le texte vient défaire des pans entiers de la loi « climat et résilience », adoptée lors du premier mandat Macron.
Il comporte notamment des reculs importants sur la protection des espèces protégées qui ne doit plus être un frein aux projets d’infrastructures diverses ou à la vie économique. À l’heure de la sixième extinction de masse, il ne faudrait pas gêner les projets autoroutiers et autres constructions de data centers. Ces derniers, comme tout un tas de projets de construction, pourront être qualifiés d’intérêt général majeur, ce qui les exonère d’un certain nombre de règles sur la biodiversité.
Difficile de résumer pour le reste le contenu d’un texte fourre-tout qui se sera préoccupé de l’octroi des licences IV dans les buvettes comme des massifs coralliens. Pointant les coups de canif portés aux études d’impact sur l’exploration minière, le député Les Écologistes Charles Fournier fustige « un texte qui a ouvert la voie à toutes les obsessions anti-écolo, antidémocratiques, antisociales du moment ». « C’est ubuesque et en même temps très grave », affirme-t-il, en expliquant que son groupe va porter des recours au Conseil constitutionnel contre les cavaliers législatifs. « Qu’on m’explique ce que les mesures contre la pollution de l’air ont à voir avec la vie économique », s’agace-t-il, certain que plusieurs pans de la loi tomberont devant cette instance.
Sur les ZFE, les écologistes vont déposer ce jour une proposition de loi pour rétablir le dispositif et l’améliorer, au vu des critiques portées par la gauche sur l’absence d’alternative à la voiture et le caractère excluant de la mesure pour les ménages modestes.
Si la ministre chargée du commerce et des PME, Véronique Louwagie (LR), s’est félicitée d’un texte « fortement attendu par le monde économique », la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a quant à elle expliqué dans un communiqué agacé que « la santé publique et la lutte contre le réchauffement climatique et les pollutions ne devraient pas être les variables d’ajustement de calculs politiques à la petite semaine ».
Le texte fera l’objet d’un examen en commission mixte paritaire en septembre.
sur https://www.cgt.fr/
Sous couvert de simplification administrative, le projet de loi « simplification de la vie économique » actuellement examinée à l'Assemblée nationale menace le droit du travail, affaiblit les contre-pouvoirs et aggrave la crise écologique. Décryptage CGT
Alors que le gouvernement vante une nouvelle étape de simplification administrative pour les entreprises, le projet de loi actuellement débattu à l’Assemblée nationale cache mal une offensive contre les droits des salarié·es, la démocratie sociale et la protection de l’environnement. Décryptage d’une loi qui fait peser de lourdes menaces sur le monde du travail.
Des attaques en règle contre les droits des salarié·es
Derrière la « simplification », plusieurs mesures contenues dans ce texte s’en prennent directement au droit du travail et au fonctionnement démocratique des instances représentatives du personnel :
possibilité de généralisation de la visioconférence pour les réunions du CSE, au détriment de la qualité des échanges en présentiel et du lien collectif, pourtant essentiels à une démocratie d’entreprise vivante ;
suppression de l’agrément régional pour les organismes de formation syndicale, ouvrant la voie à une mise en concurrence et à une baisse de la qualité des formations pour les élu·es du personnel ;
réduction du délai d’information des salarié·es en cas de cession d’entreprise, de deux mois à un seul. Cela affaiblit la capacité des salarié·es à se mobiliser pour des projets alternatifs de reprise, alors que la désindustrialisation s’accélère ;
allègement de nombreuses procédures de déclaration et d’autorisation, avec pour conséquence une remise en cause de garanties en matière de santé, de droits collectifs et d’environnement.
Certain·es député·es de droite ont même tenté d’aller plus loin, avec des amendements – fort heureusement jugés irrecevables – visant à :
réduire le nombre de CSE et de défenseur·ses syndicaux·les ;
limiter à trois ou six mois le délai de recours devant les prud’hommes pour contester un licenciement ;
supprimer l’exigence du consentement du ou de la salarié·e en cas de prêt de main-d’œuvre.
Moins d’instances, moins de démocratie sociale
Autre aspect alarmant du projet : la suppression de 25 comités, commissions et instances consultatives, parmi lesquels :
la Commission nationale de conciliation des conflits collectifs de travail ;
l’Observatoire national de la politique de la ville ;
le Comité de suivi des mesures liées au Covid-19 ou à la guerre en Ukraine ;
et surtout, la Commission du label diversité, un symbole alors que les discriminations au travail explosent.
Même si la mobilisation a permis le maintien de certaines instances clés où siège la CGT (conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, CNDP, Haut-Conseil de l’Assurance maladie…), la vigilance reste de mise. Le texte prévoit :
la suppression automatique des instances n’ayant pas « justifié leur utilité » au bout de trois ans ;
un principe de « deux suppressions pour une création » pour toute nouvelle instance ministérielle ;
Une baisse continue des financements, comme c’est le cas pour l’Ires.
Un recul écologique préoccupant
En matière environnementale, le projet aggrave les dérégulations. en effet, il élargit les projets d’intérêt national majeur aux infrastructures routières et ferroviaires (autoroutes…), qui ne seront plus comptabilisés dans l’objectif de réduction de l’artificialisation des sols. Une grave remise en cause des engagements climatiques et agricoles.
Plusieurs organismes chargés de l’évaluation environnementale et sanitaire sont supprimés :
Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique ;
Observatoire des espaces naturels et agricoles ;
Commission sur les démantèlements nucléaires ;
Commission sur la déontologie des alertes environnementales…
Une mobilisation syndicale large et unitaire
Face à cette offensive, sept organisations syndicales nationales (CGT, CFE-CGC, CFTC, FO, FSU, Solidaires, Unsa) ont publié le 7 avril un communiqué intersyndical appelant les parlementaires à rejeter les amendements les plus dangereux.
« Pour réduire les droits sociaux dans l’entreprise, on simplifie le Code du travail. Pour rendre illisible la solidarité à l’œuvre sur la fiche de paye, on la simplifie. Et pour capter toujours plus de richesses créées par les travailleur·ses, on simplifie la vie économique… »
Au nom de la simplification, c’est en réalité une mise en coupe réglée du droit du travail, des contre-pouvoirs démocratiques et de la transition écologique qui est à l’œuvre.
mise en ligne le 18 juin 2025
Stéphane Ortega sur wwwhttps://rapportsdeforce.fr/
Samedi 14 juin, des millions de manifestants ont protesté contre la politique autoritaire de Donald Trump aux États-Unis, une semaine après les arrestations de masse de migrants à Los Angeles et l’envoi de la troupe en Californie.
Deux villes des États-Unis symbolisent à elles seules la force de la mobilisation anti-Trump de ce samedi. À Burlington (Vermont), commune dans laquelle Bernie Sanders a été maire, 16 000 personnes sont descendues dans les rues. Un habitant sur trois. À Charlottesville, commune de Virginie de 43 000 habitants, marquée par une attaque meurtrière de l’extrême droite pendant le premier mandat de Donald Trump, près de 7 000 personnes ont défilé sous la bannière « No Kings ». Cette journée, lancée par une coalition de 200 organisations, a pris comme slogan : pas de monarques en Amérique. Un message clair à Trump, accusé de se comporter comme un roi : celui-ci vient par exemple d’organiser une parade militaire à Washington pour le jour de son anniversaire.
Les chiffres de la participation aux manifestations sont impressionnants partout et retiennent l’attention dans les plus grandes villes américaines. Au moins 70 000 à Seattle, 100 000 à Chicago et San Francisco, 200 000 à Los Angeles comme à New York, 80 000 à Philadelphie, 60 000 à San Diego, 20 000 à Denver (Colorado) comme à Austin (Texas), Portland (Oregon) ou Tampa (Floride) pour n’en citer que quelques-uns.
Après la sidération, la mobilisation
Cette journée marque un tournant. Elle tranche avec les mobilisations modestes de mars dernier, qui dénonçaient les attaques contre la science et les purges numériques des sites gouvernementaux. À l’époque, 2000 personnes s’étaient rassemblées à Washington et quelques milliers d’autres dans une trentaine de villes des États-Unis.
Cette fois-ci, les opposants à la politique autoritaire de Donald Trump revendiquent cinq millions de participants dans 2000 points de manifestations sur l’ensemble du pays. Un décompte participatif, impliquant des journalistes indépendants, estime la participation à cette journée entre 4 et 6 millions d’Américains.
Finies la léthargie et la désespérance des premiers mois face à l’avalanche de mesures du nouveau président. L’opposition a réussi à sortir de sa torpeur. Un premier coup de semonce avait été donné le 5 avril dernier. Ce week-end-là, la journée « Hands Off » réunissait au moins 600 000 manifestants. Plus selon les organisateurs qui s’avançaient jusqu’au chiffre de 5 millions. Mais malgré tout, moins que ce week-end, après comparaison du nombre de manifestants dans plusieurs villes importantes.
Toujours est-il qu’en ce mois de juin l’opposition à Trump n’est plus tétanisée. Durant des mois, la comparaison avec la grande mobilisation de la Women’s March début 2017 servait de référence pour montrer la faiblesse de la résistance. Aujourd’hui, la journée « No Kings » rivalise avec les estimations de 2017 comprises entre 2 et 5 millions d’Américaines et d’Américains dans les rues.
Les arrestations de masse mettent le feu aux poudres aux États-Unis
Une semaine avant les mobilisations « No Kings » pour dénoncer l’autoritarisme de Donald Trump, le président des États-Unis lançait une vaste opération d’arrestations de migrants à Los Angeles. Dès le 6 juin, des agents fédéraux de la police de l’immigration (ICE), masqués et armés, multipliaient les descentes dans les quartiers latinos de Los Angeles et dans des entreprises. Un raid choquant qui a déclenché des manifestations et des actions de désobéissance civile autour des centres de détention en Californie.
L’administration Trump, qui exige à l’ICE 3000 arrestations par jour, n’a pas fait dans la demi-mesure en réponse aux protestations. Elle a envoyé 4000 membres de la Garde nationale et 700 marines contre un mouvement que Donald Trump tente de faire passer pour insurrectionnel.
Loin de reculer, Donald Trump a annoncé après les manifestations monstres de samedi qu’il entendait étendre les arrestations à des villes comme Chicago, New-York ou Seattle. Toutes des villes sous administration démocrate, qu’il désigne comme des ennemis intérieurs des États-Unis. Quitte à mettre le feu aux poudres dans tout le pays.
mise en ligne le 17 juin 2025
sur www.regards.fr
Baisses et suppressions de subventions, fermetures d’antennes départementales : l’avenir du Planning familial s’assombrit. Le plus grand réseau associatif et militant à offrir des services de santé sexuelle en France alerte sur la baisse de financements des collectivités. Le Planning dénonce une attaque « à l’accès à la contraception, à l’avortement, à la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST), à l’éducation à la sexualité, à la prise en charge des personnes victimes de violences sexuelles [menant à] remettre en cause des droits acquis de haute lutte ». Argument massue de ces coupes budgétaires : la dette publique bien sûr. Dans la région Pays de la Loire, la présidente Horizons Christelle Morançais a supprimé la totalité des subventions allouées. À l’heure où les IST explosent et les besoins d’accompagnement augmentent face à la libération de la parole sur les discriminations et les violences, sacrifier le Planning, c’est mettre en danger la population.
Violaine de Filippis Abate sur www.humanite.fr
Le Planning familial a récemment alerté sur les coupes budgétaires qu’il subit. Dans la Drôme par exemple, sept centres ferment. Cette situation illustre parfaitement comment, sans modifier les lois protectrices, la réduction des moyens rend les droits inapplicables. Prenons l’avortement, droit pour lequel le Planning familial milite activement et accompagne concrètement les femmes. Le manque de moyens financiers limite son action sur le terrain.
En Ardèche, une femme sur deux doit changer de département pour avorter. Sur l’ensemble du territoire, ce taux atteint une femme sur cinq. Le Planning souligne par ailleurs que 89 % des personnes interrogées font état de freins persistants : manque de structures, délais d’attente trop longs et stigmatisation persistante.
La méthode de coupure de budgets révèle une stratégie politique plus large. L’allocation budgétaire constitue un outil de régression des droits des femmes sans passage parlementaire. Cela trouve un écho particulier dans les programmes politiques actuels. Au Rassemblement national, on propose des politiques familiales traditionalistes via des mesures fiscales incitatives. Rien de surprenant puisque dans notre société capitaliste, les objectifs politiques se traduisent nécessairement par des incitations fiscales.
Subventionner la maternité plutôt que l’emploi pousse les femmes à mettre leur carrière entre parenthèses et à dépendre du revenu du conjoint plutôt que de sécuriser leurs propres ressources. Il va également sans dire qu’aucune mesure favorisant l’égalité professionnelle n’est mentionnée dans leurs différents fascicules. Autrement dit, il n’est pas question d’améliorer l’égalité salariale ou de lutter contre les discriminations professionnelles, ni de permettre des dispositifs facilitant l’articulation vie professionnelle-vie personnelle.
Nous assistons ainsi à un phénomène cyclique où l’argent demeure le nerf des attaques aux droits des femmes. Comme à la fin du XXe siècle, le backlash post-MeToo est aussi visible dans les médias des milliardaires conservateurs. Susan Faludi écrivait : « À l’approche des années 1990, Paul Weyrich (fondateur de la nouvelle droite – NDLR) et ses amis ont effectivement l’impression que leurs idées imprègnent la culture dominante. »
Aujourd’hui, ce sentiment de lutte culturelle conservatrice se répète. Et l’ampleur de la mobilisation financière est vertigineuse. Le rapport « la Partie émergée de l’Iceberg » du Forum parlementaire pointe que les versements aux acteurs anti-droits se chiffrent en milliards d’euros. Face à l’offensive budgétaire qui transforme nos droits en mirages, nous devons rester vigilants. Derrière chaque subvention coupée, se dessine le retour d’un ordre patriarcal que ses promoteurs n’osent plus forcément toujours défendre ouvertement, mais qu’ils financent massivement.
mise en ligne le 17 juin 2025
Sur https://lundi.am/
Ils étaient des dizaines de milliers d’internationaux à s’être donné rendez-vous pour marcher jusqu’à Gaza depuis l’Egypte en traversant le désert. Mais arrivés au Caire, la mobilisation s’est brutalement faite intercepté et réprimée par le régime Al-Sissi. L’un des marcheurs nous a transmis ce récit des évènements.
13 juin 2025
Après une fouille intense de nos sacs à l’aéroport et le visa obtenu, nous arrivons au Caire sans aucun problème. Ce n’est pas le cas pour tout le monde. Selon le vol de provenance, le jour et l’heure d’arrivée, beaucoup de nos camarades ont été retenu.es dans des aéroports ou directement expulsé.es par un vol retour. Les maghrébin.es sont spécifiquement pris.es pour cible, passant un interrogatoire quasi systématiquement.
La nuit est courte. Nous recevons un message dans la matinée avec les instructions suivantes : toutes les délégations doivent se retrouver à Ismalaia, en s’y rendant par ses propres moyens en taxi de 2 ou 3 personnes, pour faire pression sur les autorités égyptiennes et tenter d’obtenir une dernière fois le feu vert pour marcher dans le Sinaï.
Sur la route, à peine sortie du Caire, des bouchons à perte de vue. Notre chauffeur nous dit ne jamais avoir vu ça. Cette route est empruntée, mais pas autant. Premier checkpoint : Nous faisons profil bas. Sur le bas côté, des groupes d’occidentaux sont sortis des voitures et semblent ne plus pouvoir avancer. Nous passons sans problème en demandant au chauffeur d’accélérer. On continue la route et de nouveau un énorme bouchon. Nous comprenons que 90% des voitures sont là pour la marche. Ça klaxonne dans tous les sens, l’ambiance devient trépidante. Nous sommes là dans un objectif commun, et c’est beau de nous y voir rassemblés.
Il est 15h. Nous arrivons au 2e check point. Immédiatement, la police encercle la voiture et nous demande les passeports. Nous résistons en leur montrant que nous sommes en règle mais en leur disant qu’on ne lâchera pas notre passeport. En vain. Ils font pression. Nous donnons les passeports. Les agents se baladent avec des piles entières de passeport et rentrent tour à tour dans leurs bureaux. Nous descendons du véhicule, allons à l’encontre des marcheur.euses et nous nous rendons compte de l’étendu du mouvement : de Roumanie, du Chili, de Malaisie, du Canada, du Royaume-Uni, beaucoup d’espagnol.es et énormément de français.es. La délégation française semble être la plus importante. Nous estimons à environ 1000 personnes bloquées à ce checkpoint.
Immédiatement, nous sortons les drapeaux et les slogans. Nous chantons. Nous exprimons notre souhait : Free Palestine ! Nous n’avons plus de passeport, nous sommes stoppé.es sur notre chemin mais nous avons toujours nos voix pour porter haut et fort notre combat.
Nous apprenons que le long de la route, les marcheur.euses ont été arrêté.es sur 4 checkpoint différent. Il commence à faire chaud. Certain.es partent acheter des cartons de bouteilles d’eau pour les distribuer. Nous commençons a perdre patience et exigeons le retour des passeports.
16h : Un agent vient avec une première pile de passeports : agglutiné.es, nous sommes en cercle espérant entendre son nom pour reprendre son passeport. On s’organise comme on peut, par nationalités. La distribution dure des heures, en plein soleil.
19h : Nous sommes une cinquantaine à ne toujours pas avoir notre passeport. Avec une camarade, nous entreprenons une liste des ressortissant.es français.es sans passeport. Nous sommes 8. Nous voulons faire pression auprès de l’ambassade ou du consulat mais tout semble fermé. On va donc continuer à discuter avec les agents.
20h : 2 passeport français ont été retrouvés. Pour les 6 autres, nous sommes toujours dans l’attente. Pareil pour les autres nationalités. Les forces de l’ordre sont arrivées.
Celles et ceux qui ont récupéré.es leur passeport ne sont pas autorisé.es à repartir. Tout le monde se réunit entre délégation. L’idée est de rester camper cette nuit au checkpoint.
22h : ça fait maintenant 2h que nous attendons les 35 passeports manquants. Nous perdons patience. Ils le font exprès. Ils veulent nous ralentir coûte que coûte. La nuit est tombée. Des bus sont arrivés. Nous apprenons qu’au premier checkpoint, les marcheur.euses ont été déportés
dans des bus vers l’aéroport. Pendant que nous sommes toujours en négociation - ça fait 3h qu’on nous dit ’Attendez dans 5 min on vous les rend’ - les délégations sont assises, gardent leur position et commencent à être nassées. La tension commence. Ça s’énerve. Les autorités commencent à faire monter les personnes dans les bus, censés les faire revenir au Caire. De notre côté, nous ne pouvons rien risquer tant que nous n’avons pas notre passeport. Nous voyons la tension monter, les gens emmenés de force dans les bus. Quelques premiers blessés.
23h : tous les passeports on été rendus ! Il faut prendre une décision : rejoindre les autres dans la nasse en solidarité, partir de nous mêmes au Caire pour assurer une présence internationale et éviter l’expulsion à l’aéroport. Les délégations nous conseillent de rentrer au plus vite au Caire, par nous mêmes, et de ne pas inciter la résistance et la violence. Nous sommes un mouvement pacifiste.
14 juin 2025
Beaucoup de militaires dans la ville, les gens se font suivre, interrogés. Certains hôtels dénoncent la présence d’internationaux.ales.
Brève conclusion :
Certes, aujourd’hui les autorités égyptiennes ont en quelque sorte gagné : nous n’avons pas atteint Ismalaia, notre foule a été divisée et nous avons du rebrousser chemin. Mais nous sommes toujours là, déterminé.es à porter notre message coûte que coûte ! Nous faisons du bruit, nous dérangeons, nous perturbons la tranquillité de ces pays complices, et c’est en partie ce que nous voulons ! Alors continuons à résister et à crier haut et fort que nous ne supportons plus ce massacre, il a duré bien trop longtemps. Ne nous divisons pas, suivons notre objectif avec union. Ce serait les laisser gagner une nouvelle fois...
Ce n’est pas un échec. Cette marche contribue à l’éveil international des consciences.
Dans chaque pays, des citoyen.nes organisent des marches en soutien à celle pour Gaza.
Ce témoignage personnel n’est qu’une infime partie de ce qui a été vécu au Caire les vendredi 13 et samedi 14 juin. Nous avons vécu l’un des scénarios les plus favorables.
mise en ligne le 16 juin 2025
par Benoît Godin https://basta.media/
Comme six autres responsables indépendantistes kanak, Brenda Wanabo-Ipeze a été emprisonnée dans l’Hexagone dans la foulée des troubles de 2024 en Nouvelle-Calédonie. Libérée mais toujours poursuivie, elle reste déterminée.
« Militante indépendantiste kanak. » Voilà comment Brenda Wanabo-Ipeze se présente. Militante, elle l’est jusque dans ses vêtements. Fin mai, à deux pas du tribunal de Paris où elle a été auditionnée quelques jours auparavant, elle arbore une robe « popinée » de Nouvelle-Calédonie. Une façon de marquer son identité kanak. Brenda Wanabo-Ipeze est l’une des sept responsables indépendantistes kanak transférés et emprisonnés dans l’Hexagone suite à l’explosion de la révolte dans le territoire en mai 2024.
Brenda avait été libérée sous contrôle judiciaire le 10 juillet 2024, avec une autre militante, Frédérique Muliava. Cinq responsables indépendantistes sont quant à eux restés près d’un an en détention. Jusqu’à ce 12 juin : la justice décide de libérer enfin les cinq hommes, dont le président du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) Christian Tein. Ils n’ont toutefois toujours pas le droit de retourner en Nouvelle-Calédonie.
« C’est une grande étape qui a été franchie, j’espère que cette libération sera de bonne augure pour la suite, réagit Brenda Wanabo-Ipeze. Mais il faut rester mobilisé tant que tout le monde ne peut pas rentrer à la maison, en Kanaky, et que les charges qui pèsent sur nous ne sont pas abandonnées. Nous sommes avant tout des militants indépendantistes kanak : au-delà de notre affaire, on attend que la France accepte enfin que notre pays soit pleinement libéré », ajoute-t-elle.
Accusés d’être des « mafieux »
Brenda Wanabo-Ipeze ne compte pas renoncer. « Dans ma famille, tout le monde milite pour l’indépendance », confie-t-elle. La trentenaire est membre de l’Union calédonienne (UC), le plus vieux parti de Nouvelle-Calédonie et l’une des composantes majeures du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS). Elle est aussi présidente du conseil d’administration de Djiido, la seule radio indépendantiste du territoire. Pas étonnant donc de la retrouver investie dès le début dans la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT). Une structure créée en novembre 2023 par l’UC pour rassembler les opposants au projet du gouvernement français d’élargir le corps électoral aux élections provinciales.
À la CCAT, Brenda Wanabo-Ipeze est en charge de la communication. L’organisation a mené des mois de mobilisation intense – mais « pacifique », assure Brenda – contre la volonté du gouvernement de passer en force sa réforme du corps électoral. Paris a refusé d’entendre. Le 13 mai 2024, quand l’Assemblée nationale s’apprête à adopter la réforme, la Nouvelle-Calédonie s’embrase. La CCAT se retrouve alors accusée au plus haut niveau de l’État. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer d’alors, qualifie même l’organisation de « groupe mafieux » qui « commet des pillages, des meurtres, de la violence ».
« Ça m’écœure, réagit aujourd’hui la militante. Même nous avons été surpris par tout ce qui est arrivé. Le FLNKS n’a jamais fait le choix de la violence, pas plus que l’UC ou la CCAT, parce qu’on est dans “le pari de l’intelligence” [la formule est de Jean-Marie Tjibaou, figure emblématique de l’indépendantisme kanak, ancien président du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS), assassiné en 1989 par un opposant]. C’est comme ça que nos vieux nous ont appris à lutter. Dans le respect des opinions de l’autre. Si je ne suis pas contente après quelqu’un, je ne vais pas brûler son entreprise… »
Quatorze personnes ont été tuées par balle lors du mouvement insurrectionnel qui a duré de mai à septembre 2024. Onze étaient des civils Kanak, tués soit par les forces de l’ordre soit par d’autres civils. Un non-Kanak a été tué alors qu’il attaquait un barrage avec une arme. Deux gendarmes font aussi partie des victimes. On déplore plusieurs milliards d’euros de dégâts matériels. « On n’a pas d’autre pays que Kanaky. C’était regrettable pour nous de le voir dans cette situation-là », soupire Brenda.
La vie de la militante a basculé le 19 juin 2024. « À 6 h 10 du matin, le GIGN a fracassé la baie vitrée de notre domicile dans le quartier de Saint-Michel, au Mont-Dore [à une trentaine de kilomètres de la capitale Nouméa, ndlr]. Ils sont rentrés, m’ont isolée de mon mari et mes deux frères et m’ont annoncé avoir un mandat d’arrêt de la République française à mon encontre. » Les gendarmes perquisitionnent son domicile : « Ils cherchaient des armes, mais il n’y en avait pas. Ils cherchaient également mon passeport, je ne comprenais pas pourquoi… »
« Choquée », Brenda n’est pour autant qu’à moitié surprise : « Dès que le peuple se lève et qu’il y a des débordements, on va chercher des boucs émissaires. Mais les vrais coupables, ce sont ceux qui ont voulu passer en force pour ouvrir le corps électoral ! À un moment donné, l’État français devra assumer ses responsabilités », affirme-t-elle.
Conduite à la caserne Meunier, dans le centre de Nouméa, Brenda est placée en garde à vue. Elle ne le sait pas encore, mais elle n’est pas seule : dix autres responsables de la CCAT sont concernés par ce qui est présenté par le procureur de la République de Nouméa comme un coup de filet contre les « commanditaires présumés » d’émeutes. Parmi eux, Christian Tein, commissaire général de l’ Union calédonienne et figure la plus en vue du mouvement contre le dégel du corps électoral, ou encore Frédérique Muliava, directrice de cabinet du président du Congrès, le parlement local.
La garde à vue des onze activistes va s’étaler sur trois jours, un traitement normalement réservé aux affaires de grand banditisme ou de terrorisme. « Le premier soir, je n’ai pas pu prendre de douche. Cette nuit-là, je l’ai passée menottée sur un lit picot. Je l’ai signalé à mon avocat le lendemain et ça ne s’est plus reproduit, témoigne Brenda. Je pensais alors qu’on allait être relâchés après les interrogatoires. »
Le 22 juin, Brenda et ses camarades sont finalement présentés devant des juges d’instruction qui leur apprennent que toutes et tous sont mis en examen pour des chefs d’accusation extrêmement graves : complicité de meurtre, vol et destruction en bande organisée avec arme, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes et délits… Et qu’ils vont être placés en détention provisoire en France dite métropolitaine.
La mère de famille s’effondre : « Je me mets à pleurer, je n’arrivais plus à me retenir. Je pensais à mes enfants. Mon mari attendait dans le hall du tribunal, la juge a demandé à aller le chercher, mais on avait interdiction de se parler. Je n’ai pas pu lui dire que je partais en France, je n’ai pas pu lui dire au revoir. Ta vie se bloque d’un coup. Tu te dis : on est en train de vivre quoi là ? Qu’est-ce qu’il nous fait, l’État français ? »
« Ça a été extrêmement brutal, dit aussi Louise Chauchat, jointe par téléphone. Quand la machine étatique se met en branle comme ici, il n’y a rien à faire, constate cette avocate au barreau de Nouméa, en charge de la défense de trois des inculpés, dont Brenda. Nous, avocats, avons été un simple prétexte aux droits de la défense. Tout était déjà prêt : les avions, le choix des prisons… Je ne pensais pas qu’en 2024 de telles façons de procéder soient encore possibles. »
Parmi les onze inculpés, deux sont laissés libres sous contrôle judiciaire, deux placés en détention provisoire au centre pénitentiaire de Nouméa, tandis que les sept autres sont immédiatement conduits à l’aéroport de Nouméa-Magenta : Guillaume Vama, Yewa Waetheane, Dimitri Qenegei, Steeve Unë et Christian Tein – et deux femmes – Frédérique Muliava et Brenda Wanabo-Ipeze. Commence un trajet de plus de vingt heures. D’abord à bord d’un avion militaire jusqu’à l’aéroport international de La Tontouta, puis d’un avion de ligne qui les mène jusqu’en France, via les États-Unis. « On nous a laissé les menottes tout du long, témoigne Brenda. Pour manger, pour aller aux toilettes… »
Une fois sur le sol français, les militants sont séparés et envoyés dans des prisons différentes : Mulhouse, Riom, Bourges, Blois… Arrivée en pleine nuit à l’aéroport militaire de Vélizy-Villacoublay (Yvelines), Brenda est embarquée seule dans un fourgon. Après trois heures de route, elle atteint, le 24 juin vers 6 h 45, le terminus de ce périple forcé, la maison d’arrêt de Dijon (Côte-d’Or).
Tout comme Frédérique Muliava ou Christian Tein, elle est placée à l’isolement. « Mes seuls contacts étaient avec le personnel pénitentiaire. Je n’avais pas de sous pour cantiner ou joindre ma famille. Appeler au pays, ça coûte cher ! Mes proches, je ne les ai eus au téléphone qu’à ma sortie de prison. » Seul lien avec chez elle, une télé dans sa cellule : « Je suivais tous les midis sur France 3 le journal de l’Outre-mer. J’essayais de jauger quelle était la situation au pays, si les destructions étaient toujours en cours, si c’était encore chaud avec les forces de l’ordre… »
Comme le FLNKS, Brenda dénonce une « déportation ». Un terme qui s’inscrit dans l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, et pas seulement lorsque celle-ci fut, de 1863 à 1931, une colonie pénitentiaire. « Les déportations, c’est quelque chose qui a beaucoup marqué la Kanaky, indique-t-elle. Étant une enfant d’Ouvéa, j’ai grandi avec la mémoire de la prise d’otages de 1988 [La prise d’otages sur l’île d’Ouvéa, du 22 avril au 5 mai 1988, se termine sur un bain de sang 21 morts, dont dix-neuf militants kanak. Les survivants sont arrêtés et transférés en « métropole », où ils resteront jusqu’à la loi d’amnistie découlant des accords de Matignon, ndlr]. Quand je suis montée dans le Transall militaire à Magenta, je me suis vue à la place de mes papas, mes oncles, mes grands-pères qui étaient dans les mêmes avions. C’est là que tu te dis que l’État, en 40 ans, n’a pas changé. »
Une fois libérée en juillet 2024, Brenda, comme Frédérique Muliava, est placée sous un contrôle judiciaire strict, avec bracelet électronique et interdiction de quitter l’Hexagone. Elle se retrouve bloquée à Montpellier, dans un petit appartement où vit son frère. « J’ai été “assignée à résidence” à 17 000 km de chez moi », résume-t-elle.
Les premières semaines sont difficiles : « J’étais déboussolée après ces semaines de solitude. Et je pensais beaucoup à Bichou [surnom donné à Christian Tein, ndlr] et aux garçons. C’est dur de penser que toi, tu es dehors et que les autres sont toujours derrière les barreaux… J’ai entendu certains dire que c’est parce nous étions mamans. Mais les garçons aussi sont papas. » Brenda est rejointe mi-août par son mari qui, comme d’autres proches, a tout quitté pour venir auprès d’elle. Mais leurs trois enfants, âgés de 3 à 12 ans au moment de l’arrestation de leur mère, sont restés « au pays ». Une « séparation très difficile », dit la mère sobrement. Le couple survit comme il peut, principalement grâce à des caisses de solidarité.
Les sept indépendantistes sont maintenus dans l’Hexagone, mais l’affaire continue pourtant à être instruite à Nouméa, dans un contexte qui leur est peu favorable. « Il y a eu une très forte instrumentalisation politique de ce dossier. Le discours du parquet montrait d’abord un souhait de répondre aux exigences d’une seule partie de la population, celle des anti-indépendantistes », dénonce Louise Chauchat. Il faudra attendre le 28 janvier 2025 et une décision de la Cour de cassation pour que le dépaysement de la procédure, demandé à plusieurs reprises par la défense, soit enfin accepté et que le dossier soit renvoyé à Paris. « Une bonne décision », pour l’avocate : « On reste prudents, mais l’instruction semble avancer dans un sens positif et juridique. Est-ce que les magistrats vont continuer à en faire une affaire politique ? Apparemment non. »
Tous les responsables indépendantistes emprisonnés en juin 2024 restent poursuivis. Et seules Brenda Wanabo-Ipeze et Frédérique Muliava, dont les contrôles judiciaires avaient déjà été allégés ce printemps, sont pour l’heure autorisées à rentrer chez elles. Mais Brenda n’a pas encore pris ses billets : « Ils nous ont emmené ensemble, on repart ensemble ! On est tous dans la même galère, on a tous les mêmes chefs d’inculpation. Et puis, c’est l’État qui nous a conduit ici, ce serait normal qu’il prenne en charge notre retour. » La militante affiche une combativité intacte : « Même si aujourd’hui je vis une situation compliquée avec mes enfants et mon mari, même si pour nous tous c’est dur, on poursuit la lutte. On a ça dans l’âme. »
mise en ligne le 16 juin 2025
Théo Bourrieau sur www.humanite.fr
Plusieurs révélations de médias et d’associations témoignent de la coopération militaire entre l’Union Européenne et notamment de la France, et Israël. Alors qu’au moins 55 000 Palestiniens, dont 16 000 enfants, sont morts sous les armes israéliennes, l’Europe se rend complice d’un génocide.
Les exemples s’enchaînent, les preuves s’accumulent. L’Europe et la France financent, vendent et fournissent des armes à Israël, alors même que la bande de Gaza subit un génocide, que la Cisjordanie est toujours sous l’occupation et la colonisation, et que l’Iran se fait bombarder par l’armée de Benyamin Netanyahou.
Tandis que les dockers de Fos-sur-Mer, à côté de Marseille, ont bloqué plusieurs tonnes d’équipement militaires à destination du port d’Haïfa, sur la côte nord israélienne, et qu’un rapport de plusieurs ONG confirme que la France livre « un flux ininterrompu » d’armes à Israël depuis octobre 2023, de nouvelles révélations témoignent des échanges militaires entre l’Europe et Israël.
L’Europe finance l’industrie militaire israélienne
Disclose, Investigate Europe et Reporters United démontrent qu’une partie des fonds d’un projet de développement de drones militaires financé par l’Europe et sept gouvernements européens, dont la France, va bénéficier à une entreprise publique d’armement israélienne. Une filiale de l’entreprise Israël Aerospace Industrie, principale firme aéronautique israélienne, va ainsi toucher 14 des 59 millions d’euros d’argent public destiné au programme Actus, consacré à l’armement et à la certification de drones.
Si cette entreprise, Intracom Defense, a pu recevoir cet argent et même être désignée coordinatrice du projet, c’est en raison de sa création et de sa domiciliation en Grèce. Sauf qu’elle a été rachetée au printemps 2023 par Israël Aerospace Industries, qui détient 94 % de son capital et 100 % du pouvoir décisionnaire. L’Europe et les sept États impliqués soutiennent et financent donc un programme militaire qui profite d’abord à l’industrie militaire israélienne. Si l’Hexagone est d’abord concerné par le cofinancement du programme, il est également bénéficiaire des fonds dans la mesure où l’entreprise française Safran a reçu une enveloppe de 10 millions d’euros pour le développement de ses drones.
La France construit de l’équipement pour des chars israéliens
Samedi 7 juin, De Morgen, quotidien belge, et The Ditch, média en ligne irlandais, révélaient également que 3 palettes de « roulements à rouleau conique » étaient en train de transiter par le port d’Anvers en Belgique à destination d’Israël. Ces pièces sont destinées à l’entreprise d’armement israélienne Ashot Ashkelon Industries, « chargée en exclusivité des systèmes de transmission sur les chars israéliens Merkava, qui appuient de façon systématique les offensives terrestres à Gaza », selon Stop Arming Israel France.
Si l’entreprise Timken à l’origine de cet équipement est américaine, l’usine de fabrication est française, située à Colmar (Haut-Rhin). Ces roulements devaient embarquer dans un cargo, à destination du port israélien d’Ashdod, mais, après le retentissement des révélations médiatiques, le départ a été retardé.
L’Europe et la France, complices du génocide à Gaza
Du développement des technologies militaires au financement des programmes de recherche, en passant par la vente et le transport d’équipements de guerre, l’Europe est impliquée dans « toutes les étapes de l’armement israélien », regrette Marc Botenga, eurodéputé Belge spécialiste de ces questions. Il est donc « tout à fait clair » que l’Europe se rend complice du génocide à Gaza, s’insurge le membre du Parti du travail de Belgique (PTB).
« Tous ces exemples rendent très concrète la coopération entre la France et Israël en matière d’armement », affirme de son côté Loïc, de Stop Arming Israel France. « Ces millions d’euros d’armement se traduisent en canons et munitions qui tirent sur les Palestiniens, en roulements de chars qui écrasent les habitants de la bande de Gaza », fustige le militant.
« En janvier 2024, la Cour internationale de Justice a affirmé que tous les États avaient le devoir de faire tout ce qui était possible pour éviter un génocide », rappelle Marc Botenga. « En juillet de la même année, un avis de la même cour déclare illégale l’occupation israélienne », et, surtout, estime que « tous les États sont dans l’obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par la présence continue de l’État d’Israël dans le Territoire palestinien occupé », continue l’eurodéputé. Au regard de la coopération militaire entre l’Europe et Israël, « il est très clair que l’Union Européenne ne respecte pas les décisions de la Cour Internationale de Justice », regrette le membre du PTB.
Un des leviers principaux pour faire cesser cette coopération militaire entre l’Europe, la France et un État génocidaire : « la pression populaire », estime Marc Botenga. « En tant que députés, nous avons le devoir de participer, d’encourager, de nourrir les mobilisations citoyennes », assure-t-il. À Fos-sur-Mer, « on a vu que l’action citoyenne, celle des travailleurs et travailleuses, peut avoir un impact plus rapide que les décisions judiciaires et politiques », appui également Loïc. « Des ingénieurs qui conçoivent les armes aux ouvriers qui les fabriquent, en passant par la douane ou par les marins, les routiers et les travailleurs de l’aviation qui les transportent, collectivement, on peut agir pour que la chaîne meurtrière s’arrête », assure le militant de Stop Arming Israel France.
mise en ligne le 15 juin 2025
Par Éric Coquerel sur www.humanite.fr
Éric Coquerel estdéputé LFI de Seine-Saint-Denis, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale.
Pour le gouvernement, le nouveau rapport du comité d’orientation des retraites (COR) tombe à point après la récente adoption à l’assemblée de la résolution abrogeant le recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Le rapport conclut en effet à l’impossibilité d’abroger cette réforme. Il préconise même de repousser l’âge légal de départ à la retraite : « Pour équilibrer structurellement le système de retraite chaque année jusqu’en 2070 via le seul levier de l’âge de départ à la retraite, il serait nécessaire de porter cet âge à 64,3 ans en 2030, 65,9 ans en 2045 et 66,5 ans en 2070 ».
Voilà qui illustre la reprise en main du COR. On se souvient que pendant la mobilisation contre la réforme Borne, son ancien président, Pierre-Louis Bas avait fortement déplu au gouvernement en expliquant, auditionné dans ma commission des finances, que le déficit du régime des retraites était dû non à une augmentation des dépenses mais à un problème de recettes. Son nouveau président remplit donc sa mission au point même, fait inédit dans le COR, qu’il présente une conclusion unilatérale alors même que plusieurs hypothèses ont été produites.
Pourtant, s’il en tire des conclusions qui vont dans le sens du gouvernement, il part du même raisonnement que le COR « ancienne version » : les dépenses de notre système par répartition sont stables soit environ 14 % du PIB. Le COR souligne que « la quasi stabilisation des dépenses de retraite dans le PIB prévue en 2070 par rapport au niveau observé en 2024 ne corrobore donc pas l’idée d’une croissance plus soutenue des dépenses de retraite par rapport à la richesse nationale ». Cette part devrait même baisser à l’avenir pour s’établir à 13,8 % du PIB en 2030 et se situer à 12,8 % en 2070.
Les comparaisons s’arrêtent là. Le rapport du COR se refuse en effet à toute nouvelle solution de recettes.
Le rapport exclut ainsi toutes les pistes de financement émises lors du conclave que ce soit la hausse des cotisations, car pénalisant le « coût du travail » ou la modération des pensions (sous-indexation des pensions), mesure jugée « récessive » car réduisant la demande des ménages. Ce qui pour le coup me semble juste.
Par contre le COR oublie les éléments à charge contre le recul de l’âge de départ à la retraite. Un saute pourtant aux yeux : alors que la réforme de 2023 était censée équilibrer le système de retraite, il devrait finalement être déficitaire de 6,6 milliards d’euros en 2023 (contre -1,7 milliards d’euros prévu en 2024), soit 0,2 % du PIB et pourrait atteindre 1,4 % du PIB en 2070. Repousser l’âge de départ n’a donc rien d’une solution miracle.
Par ailleurs, il faut également comprendre à quoi correspond ce chiffre : la situation des régimes de retraite est hétérogène. Le déficit s’explique surtout par la situation du régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers soit les effets d’une politique austéritaire qui impose un gel des effectifs dans la fonction publique, dégradant le rapport cotisants/pensionnés ainsi qu’un gel des rémunérations. Par ailleurs, certaines hypothèses interrogent, notamment sur le solde migratoire net. Pourquoi cette hypothèse très minimaliste de 70 000 personnes par an, alors qu’il était de 190 000 en 2021, de 150 000 en 2024 selon l’INSEE ?
Mais la raison principale qui contredit les effets positifs d’un allongement de l’âge du départ à la retraite sur les déficits, c’est que cela ne sert à rien de forcer les gens à travailler plus longtemps si la part de richesse qu’ils produisent n’est pas suffisante économiquement. Au lieu de travailler plus longtemps, il faudrait donc augmenter la productivité qui a reculé de 3,5 % entre 2019 et 2023 alors qu’elle progressait de + 0,5 à + 0,6 % en moyenne par an entre 2011 et 2019. C’est d’ailleurs pourquoi, les entreprises ne gardent ou n’embauchent pas du coup ce surplus de main-d’œuvre rendu disponible par le recul de l’âge de départ à la retraite. La preuve : 57 % des nouveaux retraités en 2020 étaient sans emploi dans les mois précédant leur départ à la retraite. La productivité ayant depuis baissé et l’âge de départ à la retraite ayant reculé, il y a tous les risques que ce taux augmente encore à l’avenir.
Pour régler cette question, il faut donc actionner d’autres leviers.
Tout d’abord chercher plus de recettes. Pour cela, commençons par arrêter d’assécher les recettes actuelles. Le COR pointe d’ailleurs le désengagement de l’État dans les régimes publics. Dans un récent rapport, la Cour des comptes a aussi chiffré le coût annuel pour la sécurité sociale des exonérations de cotisations non compensées à 5,5 milliards d’euros par an. Arrêtons aussi d’encourager l’auto-entrepreneuriat, bien souvent un salariat déguisé, qui ne rapporte rien à la sécurité sociale. Il en est beaucoup parmi les 716 200 créations d’entreprises sous le régime de microentrepreneur en 2024.
Cessons aussi de décrédibiliser toute nouvelle mesure de recettes. C’est possible à condition d’imposer une répartition plus juste entre les revenus du capital, grand gagnant des années Macron, et ceux du travail. Parmi ces pistes :
– une hausse de seulement 1 point sur les cotisations patronales déplafonnées permet de dégager 13,8 milliards d’euros selon la Cour des comptes ;
– soumettre à cotisation des revenus issus des primes, de l’intéressement et de la participation ramène 2,2 milliards d’euros auquel on peut rajouter 10 milliards si on fait de même vis-à-vis des dividendes et rachats d’action ;
– aligner la fiscalité des produits d’épargne retraite sur celle des salaires rapporte 6,4 milliards d’euros.
Enfin une politique en faveur de l’augmentation des salaires, à commencer par le SMIC et l’égalité salariale homme/femme imposée par la loi, engagerait un cercle vertueux et des rentrées de cotisation massives.
Et puisqu’on agite sans cesse la nécessité de réformes structurelles, alors banco. Lâchons cette politique de l’offre et de la compétitivité productrice d’inégalités et d’impasse économique : relançons l’activité par le redéploiement des services publics afin de répondre aux besoins de la population, par la bifurcation écologique soutenue par des investissements publics enfin à la hauteur et la promotion d’une souveraineté industrielle et agricole appuyée sur un protectionnisme solidaire. De quoi entraîner une création d’emplois stables à même de garantir une vie digne à toutes celles et ceux en âge de travailler tout en permettant aux aînés de profiter de leur retraite sans épuiser leur capital santé.
Ce programme c’était à peu de chose près celui, victorieux, du NFP lors des législatives de juillet 2025. Il commençait par l’abrogation de la réforme de retraites. La PPR du groupe GDR vient de montrer que cette réforme n’a toujours pas de majorité parlementaire et populaire. C’est pourquoi à l’issue du conclave, s’il se confirme que la réforme des retraites n’est pas abrogée, et quoi qu’en dise le rapport du COR, il appartiendra aux partisans de son abrogation de censurer le gouvernement Bayrou.
mise en ligne le 15 juin 2025
Christophe Deroubaix sur www.humanite.fr
Dans son ouvrage-enquête sur la radicalisation des droites et l’avenir de la gauche, le journaliste franco-états-unien Cole Stangler explore les similitudes entre les deux pays, du vote des classes populaires au rôle du syndicalisme, en passant par l’influence des chaînes de télévision ultradroitières.
Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche a produit deux effets dans le discours public : l’éloignement des États-Unis de la France et de l’Europe, d’une part, et la crainte que la situation outre-Atlantique soit annonciatrice de l’avenir de notre pays, d’autre part. À la croisée de ces deux pistes, mais hors des sentiers battus, un journaliste – franco-américain comme il se doit – a mené l’enquête dans les deux pays.
Vous tendez un « miroir américain » – titre de votre livre – à la France. En quoi ces deux pays sont-ils plus proches qu’il n’y paraît ?
Cole Stangler : Les similitudes remontent à la période de la Révolution française et à la guerre d’indépendance américaine. Ces deux révoltes ont donné naissance à des Républiques inspirées par la philosophie des Lumières. La France et les États-Unis sont également, de longue date, des pays d’immigration, avec des identités nationales modelées par l’arrivée de gens venus d’ailleurs. La grandeur de nos mythes fondateurs nous empêche également parfois de voir les moments sombres de nos histoires respectives de façon limpide.
Enfin, bien qu’ils soient dotés de systèmes politiques très différents, la France comme les États-Unis partagent un point commun très important : à un moment donné, les électeurs sont obligés de choisir entre deux candidats afin d’élire un président détenant des pouvoirs considérables. Dans un climat marqué par un fort sentiment de rejet, voire de dégoût de la politique, cela peut produire des surprises. Un politicien relativement impopulaire peut se retrouver à la Maison-Blanche ou à l’Élysée.
Plus précisément, je pense que les dynamiques politiques se ressemblent dans nos deux pays. Les classes populaires en dehors des grandes métropoles basculent à l’extrême droite. Les électeurs et les élus de la droite « traditionnelle » se radicalisent, en déployant des mots et des expressions longtemps confiés aux marges. Des médias financés par des milliardaires conservateurs transforment le débat. Face à tout cela, la gauche a du mal à proposer une alternative crédible. La France n’est pas les États-Unis et je n’ai aucune intention de prédire l’avenir. En revanche, j’estime que mieux comprendre les bouleversements politiques qui transforment les États-Unis peut nous aider à éclaircir certaines choses en France.
Vous parlez du décrochage des classes populaires du Parti démocrate aux États-Unis et de la gauche en France et de leur penchant pour le vote d’extrême droite. Pourtant, les comportements électoraux diffèrent parmi les mêmes groupes sociaux en fonction des « origines ». Un ouvrier blanc aura plus tendance à voter républicain et un ouvrier noir démocrate. Votre présentation n’est-elle pas trop uniforme ?
Cole Stangler : Évidemment, les classes populaires blanches (ce que les Américains appellent la « white working class ») votent beaucoup plus à droite que les classes populaires racisées. Ces dernières votent majoritairement démocrate. Soyons clairs : le racisme joue un rôle structurant dans la société américaine et Donald Trump en tire des bénéfices depuis le début de sa carrière politique. Il s’appuie aussi sur d’autres formes de discrimination, notamment le sexisme et la xénophobie. Pour certains de ses électeurs, et notamment les hommes blancs, c’est justement la parole désinhibée du candidat qui plaît.
Toujours est-il que les républicains séduisent de plus en plus les classes populaires dans leur ensemble, y compris les minorités. Selon les sondages à la sortie des urnes en 2024, presque la moitié des électeurs latinos ont voté Trump, dont une majorité d’hommes latinos. Si on ne parle que de la « white working class », on risque d’avoir une vision incomplète de la transformation politique en cours.
De manière plus générale, je pense qu’il faut essayer de comprendre pourquoi des catégories de la population qui votaient historiquement à gauche ne le font plus. C’est la raison pour laquelle je consacre autant d’attention à la « Rust Belt », cette vaste zone des États-Unis frappée par la désindustrialisation, où il y a peu de perspectives économiques et où de nombreux résidents gardent le souvenir d’un passé plus prospère. Dans des territoires de ce type, les électeurs sont davantage susceptibles d’adhérer à des discours désignant des boucs émissaires. Pour le Parti républicain comme pour le Rassemblement national, la source du malheur, c’est l’immigré, et plus précisément l’immigré sans papiers. Malheureusement, ces discours fonctionnent très bien.
Vous consacrez un chapitre à Fox News et CNews, où le miroir renvoie deux images identiques, la chaîne française semblant avoir copié la chaîne créée dans les années 1990 par Rupert Murdoch. En quoi ces deux chaînes sont-elles devenues des instruments politiques au service de l’extrême droite ? On pourrait penser qu’elles ne convainquent que ceux qui les regardent et qui sont déjà des convaincus.
Cole Stangler : Ces deux chaînes ont été conçues par leurs fondateurs comme des outils de combat politique. Elles cultivent des liens étroits avec des partis de droite et d’extrême droite et elles donnent la priorité à leurs sujets de prédilection : l’immigration, l’insécurité, l’identité nationale, la place de la religion dans la société, le « wokisme »…
Souvent, l’analyse s’arrête là. Mais, à mon avis, il faut aussi prendre en compte le style populiste de ces deux chaînes. Comme l’a montré le chercheur Reece Peck dans « Fox Populism : Branding Conservatism as Working Class », les chroniqueurs de Fox News se positionnent régulièrement du côté de leurs téléspectateurs (« nous » les « Américains ordinaires »), tout en critiquant des médias plus prestigieux comme le « New York Times » ou CNN, qu’ils assimilent aux « élites ». CNews joue le même jeu. Des chroniqueurs comme Pascal Praud parlent au nom des « Français » et ne cessent de critiquer le travail d’autres médias, avec une véritable obsession pour l’audiovisuel public. Il faut aussi reconnaître que les deux chaînes savent comment amuser la galerie. Fox News et CNews consacrent énormément d’attention aux faits divers.
Pourquoi s’intéresser à ces deux chaînes ? Tout d’abord, le fait qu’elles soient les chaînes d’information les plus regardées aux États-Unis et en France mérite notre attention. Deuxièmement, elles exercent énormément d’influence auprès des élus. Depuis le début des années 2000, Fox News signale aux politiciens républicains les sujets qui méritent leur attention, ainsi que les positions à prendre sur les combats du jour.
Imaginons que vous êtes sénateur et vous ne savez pas comment vous positionner sur un vote budgétaire : il y a de fortes chances que vous alliez regarder l’émission de Sean Hannity avant de prendre votre décision, en sachant très bien que le contrarier comporte des dangers. Si vous ne respectez pas ses consignes, vous risquez d’être traité comme un « Rino » (un « republican in name only », soit un républicain d’apparence) et de subir une primaire contre un concurrent plus radical. Selon une série d’études, Fox News a ainsi contribué à la droitisation des élus républicains.
À ce stade, il n’y a pas d’études équivalentes sur CNews. J’ai pourtant l’impression d’assister à une dynamique similaire quand on voit à quel point la chaîne pèse sur le débat politique en France. Cette influence va bien au-delà des bancs de l’extrême droite. Je pense à ce qu’un ancien député Renaissance m’a dit, en parlant de son propre groupe parlementaire : « Nous sommes complètement à la botte de CNews. »
Que pensez-vous de l’idée qu’en France et outre-Atlantique, il existe deux gauches, l’une radicale et l’autre d’accompagnement ? Aux États-Unis, elles se retrouveraient dans le même parti par la force du système politique et, en France, elles auraient chacune son parti ou ses partis.
Cole Stangler : En effet, le Parti démocrate rassemble des tendances politiques très différentes. Alexandria Ocasio-Cortez l’a dit elle-même dans une interview en 2020 : si elle avait été élue en Europe, elle ne siégerait pas dans le même parti que Joe Biden. Aujourd’hui, le Parti démocrate est dominé par un centre-gauche qui peut tolérer un peu de redistribution, mais pas trop. Un centre-gauche qui dénonce le racisme et d’autres formes de discrimination, mais qui n’a pas très envie de s’attaquer aux racines des maux non plus. Ensuite, il y a une gauche plus à gauche, incarnée par des gens comme « AOC » ou Bernie Sanders.
Comme en France, cette gauche-là doit élargir son électorat si elle veut un jour arriver au pouvoir. Mais elle se confronte à un défi supplémentaire aux États-Unis : l’absence de plafond pour les dons et les dépenses de campagne. Si une candidate a réellement envie de s’attaquer aux inégalités, elle va souvent se retrouver face à un adversaire ayant une meilleure assise financière.
Votre dernier chapitre s’intitule « Retour aux sources ». On y croise une jeune femme qui a contribué à la création d’un syndicat à Starbucks et un docker de Port-de-Bouc, près de Marseille. En quoi le syndicalisme, largement affaibli dans les deux pays par la désindustrialisation, peut-il avoir un avenir et en représenter un pour une alternative progressiste ?
Cole Stangler : Dans un contexte où une partie des classes populaires basculent à l’extrême droite, il est plus indispensable que jamais. En plus de défendre les intérêts les plus immédiats des salariés, les syndicats parviennent à transmettre un certain nombre de valeurs à leurs adhérents : l’utilité de l’action collective, le respect de la différence, la redistribution des richesses… en somme, une vision du monde à l’opposé de celle défendue par les trumpistes. Un élu de gauche peut très bien alerter sur les dangers de l’extrême droite, mais ce message est plus crédible lorsqu’il est porté par quelqu’un qui vous ressemble et vous défend au quotidien.
Nous pouvons passer des heures à débattre de la politique politicienne. Sur quels sujets faudrait-il faire campagne ? Dans quels États ou dans quelles régions ? Ces choix ne sont pas sans importance, mais ils masquent une déconnexion plus profonde entre la gauche et une partie de sa base historique qui ne va pas se régler dans un cycle électoral, que ce soit en France ou aux États-Unis. Retisser ces liens va prendre du temps. Il est dur d’imaginer que le travail se réalisera de manière durable sans un renouveau du syndicalisme.
Le Miroir américain. Enquête sur la radicalisation des droites et l’avenir de la gauche, de Cole Stangler, Éditions les Arènes, 192 pages, 20 euros.
mise en ligne le 14 juin 2025
Pierre Barbancey sur www.humanite.fr
En envoyant son aviation bombarder les sites nucléaires iraniens, Benyamin Netanyahou empêche tout nouvel accord entre Téhéran et Washington et oblige Emmanuel Macron à reporter la conférence prévue à l’Onu sur la Palestine. À New-York, le chef de l’État devait annoncer la reconnaissance de l’État de Palestine par la France. Analyse
Donald Trump et Benyamin Netanyahou ressemblent à ces bonimenteurs de foire, qui grugent tout le monde en laissant penser qu’ils ne sont pas d’accord. Deux bateleurs qui se sont distribués les rôles pour parvenir à leurs fins. Le problème est que dans cette partie de poker menteur, la paix au Moyen-Orient et, plus largement dans le monde, est en jeu.
Depuis dix ans maintenant, les gouvernements israéliens successifs ont fait de l’Iran leur bête noire, la mère de tous les maux. Mais qu’est-ce qui explique qu’aujourd’hui une guerre – le mot n’est pas trop fort – ait été déclenchée ? Des actions au sol s’étaient déjà déroulées dans le passé. Il s’agissait notamment du vol de documents confidentiel Défense mais également de l’assassinat d’un scientifique impliqué dans le dossier nucléaire, par le Mossad. De même, à l’automne dernier, des échanges de tirs de missiles et d’envois de drones avaient bien eu lieu entre les deux pays, séparés de près de 2000 km mais jamais Israël n’avait envoyé ainsi ses avions de chasse frapper plus de 200 cibles contrairement à ce qu’il avait entrepris contre des installations nucléaires irakiennes en 1981 et une autre dans le nord de la Syrie, en 2007.
Jeu de dupes entre Trump et Netanyahou
Cette attaque – toujours en cours – ne doit rien au hasard et s’inscrit dans un plan beaucoup plus élaboré qui vise à transformer l’ensemble de la région en un sanctuaire inscrit dans le cadre des intérêts états-uniens avec, comme gardien Israël. La guerre génocidaire menée à Gaza, après les attaques monstrueuses du 7 octobre 2023 menée par le Hamas, a ouvert la voie à une annihilation des organisations (Hezbollah au Liban, Hamas en Palestine) et des États (Liban, Syrie) qui s’opposaient peu ou prou à cette mainmise régionale. Restait l’Iran, quoi qu’on puisse penser du régime en place.
C’est là que commence le jeu de dupes de Trump et Netanyahou. Le premier – qui, en 2018 avait retiré la signature des États-Unis de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien (dont l’acronyme anglais est JCPoA). À l’époque, lors de son premier mandat, le milliardaire états-unien parlait du « pire accord jamais négocié », qui pourrait déclencher un « holocauste nucléaire ». Il accompagnait son retrait du rétablissement de sanctions contre l’Iran. Pourtant, onze rapports de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) attestaient du respect par l’Iran de ses engagements.
À la surprise générale, cette même administration Trump, de retour aux affaires, a repris le dialogue avec Téhéran. Au début du mois de juin 2025, un possible accord encadrant le programme nucléaire iranien, garantissant que la République islamique ne pourrait se doter de l’arme atomique était évoqué. Quelques jours auparavant, interrogé pour savoir s’il avait dit à Netanyahou de ne pas cibler l’Iran, Trump répondait : « Eh bien, je voudrais être honnête. Oui, je l’ai fait… J’ai dit (à Netanyahou) que ce serait très inapproprié de le faire maintenant, car nous sommes très proches d’une solution. »
Le président des États-Unis ajoutait : « Cela pourrait changer à tout moment. Cela pourrait changer d’un simple coup de fil. Mais pour l’instant, je pense que [l’Iran] souhaite conclure un accord, et si nous y parvenons, cela sauverait beaucoup de vies. » Le 28 mai, le New York Times pensait qu’« au cœur de la tension entre M. Netanyahou et M. Trump se trouvent leurs points de vue divergents sur la meilleure façon d’exploiter un moment de faiblesse iranienne. »
Il s’agissait en réalité d’une entente. Les discussions se sont en effet poursuivies entre les États-Unis et l’Iran, non sans difficultés, et les Iraniens devaient se prononcer sur les dernières propositions états-uniennes avec, comme date butoir le 13 juin. Deux jours auparavant, le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, avait qualifié la proposition américaine de « 100 % contraire » aux intérêts de son pays. Plus que de l’enrichissement il était visiblement question de levée des sanctions.
Netanyahou isolé sur la scène internationale
C’est là qu’entre en scène Netanyahou. S’il n’a pas le feu vert de Washington, il n’a pas non plus reçu une interdiction formelle d’attaquer. Comme dit l’adage, « qui ne dit mot, consent ». Le premier ministre israélien y voit plusieurs avantages alors que depuis plusieurs mois maintenant, notamment depuis sa rupture unilatérale du cessez-le-feu à Gaza, il est isolé sur la scène internationale, son seul soutien réel provenant des États-Unis. N’est-ce pas pour cela que l’aviation israélienne est entrée en action à ce moment précis ?
La question des sanctions a commencé à émerger (deux ministres d’extrême droite, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, sont directement touchés), celle de la révision de l’accord d’association avec l’Union européenne également. Dans le monde et y compris en Israël même, les manifestations contre la guerre ont pris un nouvel élan, renforcé par les images terribles des Gazaouis tués chaque jour par les bombes et condamnés à la famine.
Et puis, surtout, Benyamin Netanyahou sentait bien qu’une chose impensable jusque-là était en train de se produire. La conférence de l’Onu sur la solution à deux États, coprésidée par la France et l’Arabie saoudite, allait aboutir à la reconnaissance officielle par Paris de l’État de Palestine et Riyad, malgré les pressions, refusait de normaliser ses relations avec Tel Aviv, campant sur l’idée de 2002 d’une reconnaissance d’Israël par les pays arabes en échange de l’acceptation de l’établissement du nouvel État.
Ces derniers jours, plusieurs diplomates européens avaient signalé à l’Humanité que « tout était possible et qu’il fallait s’attendre à des coups tordus de la part d’Israël » pour empêcher un tel événement. Après Paris près d’une dizaine de pays membre de l’UE suivaient certainement. Or, pour le gouvernement israélien, il n’est pas question d’accepter un État de Palestine dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-est comme capitale. Il fallait donc saborder l’initiative de l’Assemblée générale des Nations unies et la conférence qui devait s’ouvrir le 17 juin prochain. Avec les attaques massives sur l’Iran Netanyahou semble bien être parvenu à ses fins.
Donald Trump maintenant met en demeure l’Iran. Celui-ci « doit conclure un accord avant qu’il ne reste plus rien ». Et le dirigeant états-unien a ajouté : « Je leur ai dit que cela serait bien pire que tout ce qu’ils avaient connu, anticipé ou ce qu’on leur avait dit, que les États-Unis fabriquent les meilleurs équipements militaires et les plus destructeurs que personne d’autre au monde, DE LOIN, et qu’Israël en a beaucoup, et que beaucoup d’autres vont encore arriver — et qu’ils savent comment les utiliser ».
L’Iran « responsable de la déstabilisation » régionale ?
Vendredi après-midi, Emmanuel Macron a annoncé que la conférence à l’ONU qui devait s’ouvrir la semaine prochaine à New York sur la solution à deux États était reportée « pour des raisons logistiques et sécuritaires » mais qu’elle sera organisée « au plus vite », ajoutant : « ce report ne saurait remettre en cause notre détermination à avancer vers la mise en œuvre de la solution des deux États. J’ai dit ma détermination à reconnaître l’État de Palestine, elle est entière et c’est une décision souveraine. » Mais, une fois de plus, et alors qu’on s’attendait à ce qu’il le fasse le 18 juin, cette décision est reportée.
Pour le président de la république, l’Iran porte « une lourde responsabilité dans la déstabilisation de toute la région ». Mais les discussions en cours entre Téhéran et Washington, aussi difficiles soient-elles, ont été interrompues par Israël. De la même manière, si l’on peut souscrire à l’idée d’un Iran empêché d’avoir l’arme nucléaire, comme l’a répété le chef de l’État, cette préoccupation devrait concerner l’ensemble de la région (voir le monde entier débarrassé des armes nucléaires), ce qui doit inclure Israël, puissance nucléaire non déclarée, non-signataire du traité de non-prolifération et qui, à ce titre, n’accueille jamais aucun inspecteur de l’AIEA sur son sol.
Pendant ce temps, la guerre se poursuit à Gaza et la possibilité d’un nouveau cessez-le-feu semble s’éloigner toujours plus.
Justine Brabant sur www.mediapart.fr
Les frappes israéliennes du 13 juin ont peu de chances de mettre fin au programme nucléaire iranien. Elles risquent en revanche de pousser Téhéran à quitter les cadres de discussions existants et à redoubler d’efforts pour se doter de l’arme atomique sur le long terme.
L’armée israélienne a décrit ses attaques du 13 juin au matin comme une « frappe préventive » visant à empêcher Téhéran de se doter de l’arme nucléaire en frappant « le cœur » de son programme d’enrichissement d’uranium. L’Iran aurait atteint un point de non-retour justifiant le recours à la force et l’abandon de la voie diplomatique, ont en somme expliqué les autorités israéliennes.
Une partie des États européens ont semblé conforter Tel-Aviv dans cette décision, à l’image d’Emmanuel Macron qui a réaffirmé, quelques heures après le lancement des attaques, « le droit d’Israël à assurer sa sécurité ». Il y a pourtant de nombreuses raisons de penser que ces frappes ne vont pas mettre un terme au programme nucléaire iranien. Et risquent au contraire de le rendre plus difficile à contrôler.
La première raison est matérielle : donner un coup militaire décisif au nucléaire iranien est considéré comme quasi impossible en pratique, étant donné son état d’avancement et la manière dont il est conçu – avec des lieux sensibles enterrés et dispersés à travers le pays.
Les usines d’enrichissement d’uranium de Natanz et de Fordo, considérées comme deux des sites les plus sensibles du programme iranien, se trouvent sous terre. Une autre installation souterraine est en cours de construction à l’intérieur d’une montagne (le Kolang Gaz La) au sud de l’usine de Natanz ; elle devrait servir de lieu de production de centrifugeuses. Le site de Natanz compte aussi des installations non souterraines, dont une usine pilote d’enrichissement entrée en service en 2003.Cent mètres sous terre
La profondeur à laquelle sont enterrées ces usines est tenue secrète, mais les estimations de chercheurs spécialisés vont de huit mètres (pour l’usine de Natanz) à une petite centaine de mètres sous terre (pour l’usine de Fordo et la nouvelle installation sous le Kolang Gaz La). Elles sont probablement recouvertes de plusieurs couches de béton armé, de terre compactée et/ou de roche.
Les atteindre suppose d’utiliser des bombes très spécifiques. Or Israël ne possède officiellement aucun missile capable de percer plus de six mètres de béton en une frappe. Détruire l’usine d’enrichissement d’uranium de Fordo supposerait d’utiliser des bombes que seuls les États-Unis possèdent (les GBU-57/B, des « bombes anti-bunker » de plus de 10 000 kilos) et nécessiterait de parvenir à frapper à plusieurs reprises au même endroit.
C’est ce qu’ont calculé deux chercheurs du think tank britannique Royal United Services Institute for Defence and Security Studies (RUSI), dans une note publiée en mars 2025, qui dressait plusieurs scénarios d’attaques israéliennes sur le nucléaire iranien.
Le site de Natanz a été touché en surface mais guère au niveau de ses installations souterraines.
La protection dont bénéficient ces installations, le degré d’avancement de Téhéran, et le fait que le savoir scientifique nécessaire est désormais largement maîtrisé par les Iraniens conduisent la plupart des spécialistes en prolifération nucléaire, dont les chercheurs du RUSI, à penser que la force militaire seule ne saurait mettre un terme au programme iranien.
Les frappes israéliennes, si massives qu’elles aient été, ne semblent pour l’instant pas les démentir. Les premières images satellite prises après les attaques israéliennes intervenues tôt dans la matinée du 13 juin montrent que le site de Natanz a été touché en surface au niveau de son usine pilote et d’une installation électrique – mais guère au niveau de ses installations souterraines.
Le site de Fordo, considéré par les experts comme l’endroit le plus stratégique du programme nucléaire iranien, a lui été visé dans une seconde salve de frappes, le 13 juin en fin de journée. L’étendue des éventuels dégâts est encore inconnue.
Les partisans du recours aux armes face à Téhéran convoquent deux exemples historiques afin d’illustrer l’efficacité supposée de bombardements : les attaques israéliennes contre le réacteur irakien Osirak (en 1981) et contre l’installation syrienne d’Al-Kibar (en 2007). Elles sont réputées avoir mis un coup d’arrêt aux ambitions nucléaires militaires des deux États.
Mais les circonstances ne sont pas comparables, argumentent les chercheurs du RUSI Darya Dolzikova et Justin Bronk. Ils relèvent que « dans les deux cas, les programmes des pays attaqués étaient très concentrés [géographiquement] et n’en étaient qu’à leurs balbutiements, leur développement dépendant largement de l’aide étrangère ». Au contraire de l’Iran de 2025 qui, « après une frappe militaire sur ses sites nucléaires [...], aura non seulement l’expertise locale nécessaire pour reconstruire en rebâtissant des installations plus profondes et plus résistantes, mais y sera davantage incité ».
Détermination décuplée
Des officiels israéliens l’admettent eux-mêmes. Le conseiller à la sécurité nationale israélien Tzachi Hanegbi a ainsi reconnu qu’il était « impossible de détruire le programme nucléaire par la seule force ». L’objectif est en réalité « de faire comprendre aux Iraniens qu’ils devront arrêter le programme nucléaire », avance-t-il.
C’est un pari particulièrement risqué. Sans même parler des risques de précipiter toute la région dans le chaos, le passé a démontré que les attaques sur leur programme nucléaire semblaient surtout démultiplier la détermination des autorités iraniennes à se doter de l’arme atomique. En avril 2021, l’Iran avait répondu à une tentative de sabotage de son usine souterraine de Natanz, en annonçant son intention d’enrichir son uranium à 60 % (contre 20 % jusqu’alors – le seuil permettant l’utilisation à des fins militaires est de 90 %).
Les progrès de l’Iran en matière nucléaire ont largement été « une réponse aux menaces perçues pour sa survie », observe la politiste Doreen Horschig, en poste à l’université de Floride centrale (États-Unis). Elle rappelle l’influence de la crise de Suez de 1956, et des tensions régionales qui en ont découlé, dans la décision de Téhéran de développer son programme nucléaire.
Une attaque israélienne de grande envergure contre les installations nucléaires iraniennes « renforcerait probablement la perception de la menace par Téhéran », « accélérerait sa quête d’un arsenal nucléaire », et pousserait certainement le programme nucléaire iranien « plus loin dans la clandestinité », prédisait Doreen Horschig en 2024, dans un article sobrement intitulé « Pourquoi frapper les installations nucléaires iraniennes est une mauvaise idée ».
Il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives des attaques israéliennes, toujours en cours et dont Benyamin Nétanyahou assure qu’elles pourraient durer deux semaines. Mais on sait déjà trois choses.
Premièrement, elles risquent d’anéantir les actuels pourparlers sur le nucléaire entre l’Iran et les États-Unis.
Deuxièmement, elles vont singulièrement compliquer – voire rendre impossible pour un temps – les contrôles de l’AIEA (l’Agence internationale de l’énergie atomique), pour des raisons de sécurité des inspecteurs, mais également parce que Téhéran pourrait déplacer ses stocks d’uranium enrichi et refuser de communiquer leurs nouvelles localisations afin de les protéger de nouvelles frappes israéliennes.
Troisièmement, elles pourraient conduire l’Iran à se retirer du traité de non prolifération (TNP), considéré comme un pilier essentiel de la sécurité mondiale et auquel Israël a d’ailleurs toujours refusé d’adhérer. En tentant de mettre fin définitivement à la menace nucléaire iranienne, qu’il juge « existentielle », le gouvernement israélien pourrait avoir contribué à la rendre hors de contrôle.
mise en ligne le 14 juin 2025
sur https://lareleveetlapeste.fr/
A une majorité écrasante, les membres de l’Assemblée générale des Nations Unies ont voté en faveur d’un cessez-le-feu immédiat. Alors qu’un convoi de solidarité venant du monde entier exige la fin du génocide, le texte demande le retrait total des forces israéliennes de la bande de Gaza et un accès sans entrave de l’aide humanitaire.
149 ont voté pour, 19 se sont abstenus, tandis que les Etats-Unis, Israël et dix autres pays ont voté contre. Ce jeudi, l’Assemblée générale des Nations unies exige un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et permanent dans la bande de Gaza. Le texte demande également la libération des otages détenus par le Hamas et le retour des prisonniers palestiniens détenus par Israël.
La résolution a été adoptée sous une salve d’applaudissements. Elle « condamne fermement le recours à la famine comme méthode de guerre, le refus illégal d’accès à l’aide humanitaire et le fait de priver les civils des produits indispensables à leur survie, notamment en entravant délibérément l’acheminement des secours et l’accès à l’aide ».
Depuis le début de la guerre en octobre 2023, plus de 400 travailleurs humanitaires et 1300 professionnels de santé ont été tués.
Récemment, le ministre de la défense Katz a publiquement déclaré « Habitants de Gaza, ceci est un dernier avertissement (…). Rendez les otages et jetez dehors le Hamas. Sinon, ce sera la destruction et la dévastation totale ». La résolution de l’ONU fait écho aux mobilisations de soutien qui essaiment dans le monde entier pour sauver les gazaouis du génocide programmé par l’Etat israélien.
Le convoi “Al Soumoud” – “Résilience”, en arabe – est parti le 9 juin 2025 de Tunis pour rejoindre la bande de Gaza par voie terrestre en traversant la Libye et l’Égypte. Il est composé d’environ 300 véhicules et d’un millier de participants. Malgré des dizaines d’interpellations de militants de diverses nationalités venus en Égypte pour protester, « la marche internationale continue (…) des milliers de participants sont déjà arrivés en Égypte, prêts à pour partir à El-Arich demain et continuer à pied vers Rafah » ont indiqué les organisateurs.
Après leur libération par Israël, l’eurodéputée Rima Hassan et l’écureuil Reva Viard, qui se trouvaient à bord du voilier humanitaire « Madleen », ont ainsi été accueillis par des milliers de sympathisants hier. Trois membres de l’équipage sont encore détenus en Israël et devraient bientôt être libérés à leur tour.
« J’ai un mot à dire à Israël. Le prochain bateau est bientôt prêt à partir » et « il y aura autant de bateaux que nécessaire pour briser ce blocus », a déclaré l’élue.
Leur opération politique et humanitaire, abondamment relayée sur les réseaux sociaux, a contribué à renforcer la mobilisation internationale pour la cause palestinienne. Une mise en lumière salvatrice alors que les journalistes n’ont pas le droit d’entrer dans la bande de Gaza.
La presse palestinienne a ainsi salué l’expédition du Madleen – baptisé du prénom de Madleen Kullab, la seule femme vivant du métier de la pêche à Gaza. D’après la psychologue Samah Jabr, « Après vingt mois d’un siège étouffant et génocidaire, le ‘Madleen’ est apparu comme un acte de résistance morale, un cri retentissant face à la cruauté mondiale ».
A Gaza, l’Etat israélien a été reconnu responsable de financer le gang criminel de Yasser Abou Chabab, un trafiquant de drogue palestinien notoire, contre leur ennemi commun du Hamas. Ses milices opèrent à l’est de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
Reste maintenant à voir ce que va advenir de ce vote des Nations Unies. Si elles ne sont pas contraignantes, les résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU ont normalement un poids politique important dans les conflits.
Khaled Chebli sur www.humanite.fr
Khaled Chebli est chercheur universitaire en droit constitutionnel et affaires parlementaires, membre du Laboratoire de recherche en droit, urbanisme et environnement Faculté de droit, université Badji-Mokhtar, Annaba.
Ce soulèvement populaire transcende les frontières, brise le silence des régimes et rallume la flamme de la cause palestinienne dans l’imaginaire collectif.
Alors que les discours officiels s’enlisent dans l’ambiguïté ou le silence, une dynamique inédite s’élève du cœur du Maghreb : la caravane « Assoumoud ». Ni folklorique ni diplomatique, ce convoi d’hommes et de femmes libres, traversant les frontières avec des vivres, des médicaments – et surtout une volonté farouche – redonne à la solidarité arabe sa voix la plus authentique. Direction Gaza, mais au fond, c’est vers notre propre conscience collective qu’elle trace sa route.
À l’heure où les défaites assiègent l’imaginaire collectif, où la conscience arabe suffoque sous un double blocus — celui de la géographie et celui de la volonté — une initiative surgit du tréfonds des peuples pour redéfinir la dignité, raviver la mémoire, et donner aux grandes causes une voix neuve. Une voix qui ne s’épuise ni dans les communiqués de dénonciation calibrés, ni dans le silence bureaucratique des États. Cette voix, c’est celle de la Caravane de la Résilience — un geste souverain, populaire, qui traverse le Maghreb pour atteindre symboliquement le cœur battant de la Palestine. Elle ne franchit pas seulement des frontières terrestres, mais transgresse l’indifférence, le déni et la trahison feutrée de la normalisation.
Plus de 2 000 volontaires et militants, des dizaines de véhicules, cinq pays maghrébins, des médicaments, des denrées alimentaires… et surtout : des convictions. Rien de tout cela n’a été initié par des États,mais bien par la volonté des libres. La caravane s’est mise en marche en dépit des obstacles logistiques, des attentes interminables aux frontières, du manque de moyens, et du silence gêné des officiels. Partie d’Algérie et de Tunisie, elle a pu rejoindre la Libye grâce à une décision courageuse du Premier ministre Abdelhamid Dbeibah, au moment où d’autres gouvernements hésitaient — voire entravaient le passage.
Ce convoi n’est pas un simple cortège humanitaire. Il est un message en mouvement, un poème de solidarité écrit avec la sueur des bénévoles, les larmes des mères de martyrs, et les cris des peuples du Grand Maghreb. Un message clair, limpide, direct : Gaza, tu n’es pas seule.
La Caravane de la Résilience ne quémande aucune approbation, ne cherche ni accueil officiel ni couverture médiatique convenue. Elle avance portée par l’esprit de celles et ceux qui croient que la solidarité n’est pas une posture saisonnière, et que la cause palestinienne n’est ni un élan charitable, ni une diplomatie d’apparat, mais un engagement historique, moral et civilisationnel. Ce n’est ni folklore ni performance : c’est un acte de résistance contre l’amnésie politique, une tentative de préservation de la mémoire, une sauvegarde du sens profond d’être arabe à l’ère du renoncement généralisé.
Elle interpelle les régimes de front : pourquoi les peuples bougent-ils quand les États se taisent ? Pourquoi les bénévoles prennent-ils l’initiative quand les gouvernements se replient ou pactisent avec l’oppresseur ?
La caravane met à nu les contradictions du paysage arabe officiel : des régimes qui refusent le passage au nom d’une souveraineté nationale galvaudée, ou bloquent les frontières sous prétexte de « sécurité », alorsmême que la véritable sécurité est piétinée chaque fois qu’un enfant est tué à Gaza, qu’une école est pulvérisée, qu’un rêve est enseveli sous les décombres.
Mais la caravane adresse aussi un message à ceux qui ont normalisé, à ceux qui ont gardé le silence, à ceux qui se retranchent derrière une neutralité hypocrite face à un génocide. Elle leur dit : il existe encore une nation debout, des peuples insoumis, des âmes indomptées.
Certains cherchent à réduire la portée de cette caravane à un symbole vide ou un geste marginal. Pourtant, c’est justement dans sa symbolique que réside sa puissance. Parce qu’elle vient du peuple, de la rue, de la conscience vive. Chaque véhicule est un manifeste roulant, chaque boîte de médicaments un acte d’accusation contre les marchands de causes, chaque kilomètre parcouru vers la frontière un défi lancé au fatalisme et à la lâcheté.
Du poste frontalier de Ras Jedir à Zaouia, Misrata, Syrte, Benghazi, Tobrouk, jusqu’au point crucial de Salloum, la caravane avance. Elle attendra, comme ont attendu les fidèles dans l’histoire. Elle affrontera des entraves ici, des pressions là-bas. Mais elle n’abandonnera pas. Car Gaza attend. Car le moment n’est pas aux discours, mais à l’action.
Quant à la position égyptienne, elle sera scrutée par l’Histoire : choisira-t-elle d’écouter la voix des peuples ou de persister dans la logique du siège aux côtés du régime sioniste ? Quelle que soit la réponse, la caravane a déjà remporté sa victoire morale : celle de forcer chacun à se regarder dans le miroir, de replacer les peuples au centre du mouvement, et non à la périphérie de la passivité.
Le régime israélien craint ces initiatives. Non pas parce qu’elles le menacent militairement, mais parce qu’elles le minent symboliquement. Elles rappellent qu’il existe encore un souffle arabe, une dignité rebelle. Elles rappellent que si le siège dure, la volonté humaine, elle, peut durer davantage.
La Caravane de la Résilience n’est pas un aboutissement, mais un commencement. Une étincelle dans la nuit du renoncement. Une démonstration concrète de ce que peuvent accomplir les peuples lorsqu’ils décident de se lever. Elle est un pont entre un Maghreb debout et un Orient meurtri. Une jonction entre les luttes anticoloniales du XXIᵉ siècle et ceux qui continuent de croire que la Palestine n’est pas l’affaire d’un autre, mais notre boussole morale et existentielle.
Dans cette caravane, le Mauritanien côtoie le Tunisien, l’Algérien marche avec le Libyen, le Maghrébin embrasse le Palestinien. Non sous l’égide d’une Ligue arabe atone, mais sous la bannière d’une nation résistante, sous un soleil qui ne se couche pas sur la dignité, à l’ombre d’un olivier qui brûle sans céder — car ses racines sont trop profondes pour être arrachées.
Conclusion : N’ayez pas peur d’être traités d’irréfléchis : l’Histoire n’a jamais retenu les prudents. N’attendez pas des visas d’humiliation : la dignité ne s’accorde pas, elle se conquiert. Et si les points de passage sont fermés, souvenez-vous : il existe toujours une route qu’ouvrent les pas de ceux qui avancent.
Marius Joly sur www.humanite.fr
Alors qu’il tentait de rejoindre la « Marche mondiale vers Gaza », Samy Charifi Alaoui, secrétaire général CGT des Cheminots de Paris-Est, a été arrêté par les autorités égyptiennes. Le militant syndical dénonce une détention inhumaine et des violences physiques.
Quatorze heures de détention, privation de nourriture et violences physiques. Voilà comment s’est terminé le séjour égyptien de Samy Charifi Alaoui, secrétaire général CGT des Cheminots de Paris-Est, expulsé manu militari du Caire ce jeudi 12 juin après avoir passé la nuit dans un centre de rétention. Le militant syndical était sur place pour participer à la « Marche mondiale vers Gaza », une initiative qui devait rassembler 6 000 activistes venus du monde entier pour parcourir 50 kilomètres à pied vers l’enclave palestinienne.
Engagé pour la défense du peuple palestinien depuis plus de vingt ans et membre de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), Samy Charifi Alaoui n’a pas hésité longtemps à rejoindre le projet. « J’en ai entendu parler sur les réseaux sociaux, je me suis renseigné et quand j’ai vu qu’il s’agissait d’une marche pacifique pour transporter de l’aide humanitaire, ma décision était prise. » Le pilier de la CGT Cheminot tente de mobiliser d’autres personnes autour de lui et prend la responsabilité de représenter son secteur jusqu’aux portes de Gaza.
Depuis plusieurs semaines, les militants s’agrègent et s’organisent sur les réseaux sociaux. Dans des groupes privés, la logistique du voyage se met en place au fil des messages : obtention de visas, réservations d’hôtels, listes de matériels à emporter… rien n’est laissé au hasard. Une véritable entraide se met en place chez les quelque 500 volontaires français. « Les gens étaient très motivés, il y avait aussi beaucoup de questions, de craintes parfois. Ça a été l’occasion de créer des liens forts », raconte Samy Charifi Alaoui.
Conditions insalubres
Pour le cheminot, le programme est bien ficelé. L’arrivée est prévue le 11 juin dans la soirée, à peine plus d’un jour avant le grand départ. Le 13 juin au matin, des bus sont affrétés pour couvrir les 450 kilomètres séparant Le Caire de la ville d’El-Ariche dans le Sinaï, point de départ de la marche d’environ 50 kilomètres vers le poste-frontière de Rafah. Sauf que rien ne va se passer comme prévu.
À peine sorti de l’avion reliant Paris à la capitale égyptienne, Samy Charifi Alaoui est rapidement stoppé par les forces de l’ordre. « Dès le premier contrôle, on me demande ce que je viens faire là et d’où est ce que je viens. Quand je finis par évoquer mes origines marocaines, on me met sur le côté instantanément. » Arrivés au même moment sur le territoire égyptien, de très nombreux « marcheurs » subissent rapidement le même sort. « Les autorités avaient déjà arrêté des camarades dans leurs hôtels, ils étaient vigilants. À l’aéroport, on était nombreux à avoir des sacs de couchage, ça a pu leur mettre la puce à l’oreille. » S’ensuit alors une longue nuit d’interrogatoires et de détention.
Baladé de salles en salles dans l’aéroport du Caire, le militant syndical réécoute en boucle les mêmes questions sur ses motivations, ses origines, son hôtel… Après plus d’une heure d’attente, il voit son téléphone portable et son passeport confisqués avant d’être dirigé vers un centre de rétention, enfermé avec de nombreux activistes. « On nous a entassés à 100 dans une pièce immonde. Il y avait seulement six lits, des toilettes insalubres, les conditions étaient assez inhumaines. »
Retenus durant toute la nuit, les militants sont même alertés sur les repas payants, proposés par les militaires égyptiens. « On nous avait prévenus qu’ils pouvaient mettre des choses dangereuses dedans, raconte le syndicaliste. Un peu plus tard, on a appris que quelqu’un avait reçu une assiette avec des clous. » L’eau aussi doit être commandée et payée. Temps d’attente : environ deux heures.
« Je ne lâcherai pas le combat »
Mais la maltraitance ne s’arrête pas là. À intervalles réguliers, des militaires font irruption dans la cellule, avec des méthodes plutôt musclées. « Ils rentraient en criant avec des matraques pour embarquer des militants, sans donner aucune explication, se rappelle Samy Charifi Alaoui. On est resté soudés. On mettait en place des chaînes humaines pour que personne ne soit exfiltré. » Il faut attendre la matinée pour que la situation se calme. Un par un, les militants sont appelés et escortés par une rangée de militaires pour être renvoyés dans leurs pays. Aux alentours de 11 heures, c’est au tour de Samy Charifi Alaoui, qui repart moins d’une journée après avoir quitté Paris.
Frustré, le militant ne compte pas s’arrêter là. « Ça n’a absolument pas affecté ma détermination. Ce n’est pas la première fois que je me rends dans la région et ce ne sera pas la dernière. Si un autre projet se lance, j’en ferai partie. Je ne lâcherai pas le combat. » Pour le militant syndical, la mobilisation pour les Gazaouis reste primordiale, y compris chez les syndicats. « Le syndicalisme dépasse largement la question du militantisme dans le travail. Il se doit d’être présent dès qu’on bafoue les droits des gens, de manière internationale. »
Ciblée de toute part, la « Marche mondiale vers Gaza » est aujourd’hui à l’arrêt. Ce vendredi 13 juin, plusieurs rassemblements ont été stoppés par les autorités égyptiennes au Caire et dans ses environs, alors que le convoi « Soumoud », réunissant des participants tunisiens, algériens, marocains et mauritaniens, a été arrêté en Libye, avant même d’atteindre l’Égypte. Quelques jours après le détournement de la Flottille de la Liberté, une autre initiative de soutien au peuple gazaoui subit la répression. Les militants espèrent encore obtenir une autorisation officielle, malgré les multiples arrestations.
mise en ligne le 13 juin 2025
Tom Demars-Granja sur www.humanite.fr
L'Irlande du Nord est le théâtre d'émeutes racistes depuis lundi 9 juin, suite à l'arrestation de deux jeunes hommes d'origine roumaine, dans le cadre d'une enquête pour tentative de viol. Les épisodes de violence sont tels que les autorités nord-irlandaises ont dû évacuer des ressortissants étrangers cachés chez eux depuis plusieurs jours.
Les ressortissants étrangers sont contraints de se cacher dans des greniers ou des penderies. Des maisons sont incendiées, les fenêtres brisées. Dans l’espoir d’être épargnés, certains foyers ont placardé des affiches jaunes où sont inscrits « Des locaux vivent ici », « Des Philippins vivent ici », ou encore « Foyer britannique ». Les rares personnes qui ne sont pas cloîtrées chez elles rasent les murs, où sont inscrits des messages tels que « Dehors les violeurs Roms ». Depuis lundi 9 juin, l’Irlande du Nord est mise à feu et à sang par la multiplication d’émeutes racistes.
Les vagues de violences, qui visent des communautés racisées, s’enchaînent jour après jour, poussant des citoyens à fuir le pays. Les autorités nord-irlandaises ont ainsi annoncé avoir évacué des ressortissants étrangers cachés chez eux, alors « qu’ils n’avaient rien faits de mal », a rapporté le commissaire nord-irlandais, Jon Boutcher. « Ce ne sont pas des criminels, a-t-il rappelé, à destination des émeutiers. Nous allons vous arrêter, nous allons vous poursuivre en justice. » Quinze suspects ont déjà été arrêtés, dont trois jeunes hommes – deux sont mineurs – qui ont été mis en examen pour leur rôle dans ces violences, jeudi 12 juin.
Des cocktails Molotov et des feux d’artifice
L’oppression raciste en cours en Irlande du Nord s’est déchaînée depuis l’inculpation, lundi, de deux adolescents pour la tentative de viol d’une jeune fille. Si la police n’a pas communiqué sur l’origine des deux jeunes, plusieurs médias britanniques n’ont pas hésité à révéler que les deux inculpés se sont exprimés par l’intermédiaire d’un interprète roumain lors de leur comparution au tribunal.
Jusqu’ici, les violences se sont surtout concentrées à Ballymena, à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Belfast, où vit une importante population immigrée d’Europe de l’Est. Mercredi soir, des individus s’en sont notamment pris aux autorités et aux habitations, avec des cocktails Molotov, des feux d’artifice et autres projectiles, ainsi qu’une hachette, selon la police, qui a eu recours à un canon à eau pour disperser la foule. Un centre de loisirs, où des familles déplacées par les émeutes à Ballymena avaient été logées temporairement, a été incendié à Larne, à une trentaine de kilomètres de là, sans qu’aucun blessé soit à déplorer.
Des émeutes racistes ont aussi eu lieu dans les rues de Portadown, au sud-ouest de Belfast, où des centaines de manifestants se sont rassemblées sous des mots d’ordre anti-immigrés. « Les gens nous regardent de travers, ils me disent : “Fuck les Roumains, rentrez chez vous bâtards” », témoigne Maria (le prénom a été modifié), vendeuse d’origine roumaine, auprès de l’Agence France-Presse (AFP). « Ce n’est pas à propos de cette fille, c’est une histoire de racisme », juge Maria, qui dort chez des amis avec son mari depuis lundi soir.
Certains habitants de Clonavon Road « sont déjà rentrés » dans leurs pays d’origine, ajoute celle dont le mari a amené dans la précipitation plusieurs familles à l’aéroport. « Mais je ne veux pas fuir, je n’ai rien fait de mal », s’émeut-elle. Un porte-parole du premier ministre britannique, Keir Starmer, a condamné cette nouvelle flambée de violences, dénonçant des scènes « scandaleuses ». Le ministre chargé de l’Irlande du Nord, Hilary Benn, s’est quant à lui dit « choqué » par les dégâts engendrés, à l’issue d’une visite à Ballymena, jeudi matin.
Au-delà de ces deux localités, des incidents ont eu lieu mercredi soir à Carrickfergus et Newtownabbey, non loin de Belfast, ainsi qu’à Coleraine, dans le nord de la province britannique, où le trafic des trains et des bus a dû être interrompu. Des rassemblements ont eu lieu à Belfast, mais se sont déroulés « majoritairement dans le calme », selon la police. Jon Boutcher a appelé à des « peines de prison ferme importantes » pour les personnes qui seront condamnées pour avoir participé à ces émeutes. « Nous devons envoyer un message très clair », a-t-il insisté.
« La plupart des personnes impliquées dans les émeutes – dont beaucoup d’adolescents – sont issues d’une communauté ouvrière loyaliste » – attachée au maintien dans le Royaume-Uni et à majorité protestante -, estime Alex Kane, éditorialiste pour le média Irish News. Cette population, autrefois dominante, s’est, selon lui, sentie « délaissée » lors du processus de paix qui a mis fin à trente ans de conflit avec les partisans de l’unification irlandaise, en majorité catholiques. Or, la défense de leur identité britannique s’est notamment basée… sur leur haine des immigrés.
mise en ligne le 13 juin 2025
Rob Grams | sur https://frustrationmagazine.fr
Lorsque l’Iran, en avril 2024, avait riposté à des attaques et assassinats d’Israël, nos médias avaient titré “attaque de l’Iran”. Cette nuit, Israël a agressé unilatéralement l’Iran, bombardant sa capitale, tuant femmes, enfants, scientifiques, des responsables politiques et militaires iraniens… Le prétexte ? Les avancées du programme nucléaire iranien qui pourraient déboucher sur la constitution d’un arsenal atomique iranien. Ces mêmes médias reprennent désormais les éléments de langage de la propagande israélienne et parlent de “frappe préventive” : il n’y a donc rien à attendre d’eux pour s’informer. Que s’est-il passé réellement ?
Agression ou “frappe préventive” ?
Cette nuit,
Israël a lancé, avec 200 avions de combat, une agression unilatérale contre l’Iran, ce qui constitue une “déclaration de guerre”. Différents lieux ont été ciblés en pleine capitale, à Téhéran. Mais
aussi un important site nucléaire près de Natanz. Des chefs et des commandants des Gardiens de la révolution, des chefs d’Etat-major et des hauts-conseillers ont été assassinés, de même que des
experts et scientifiques nucléaires. Comme toujours avec Israël, la majorité des victimes se trouvent être des femmes et des enfants : on dénombrait ce matin 35 femmes et enfants iraniens
tués.
Israël ne compte pas en rester là puisque le Premier ministre israélien, le sanguinaire Benjamin Netanyahu, sous mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale pour crimes de guerre et crimes contre
l’humanité, affirme que cette guerre durera “autant de jours que nécessaire”. Le ministre israélien de la Défense est allé dans le même sens en déclarant que l’Iran “paiera un prix de plus en plus
lourd”.
Comme toujours avec Israël, la majorité des victimes se trouvent être des femmes et des enfants : on dénombrait ce matin 35 femmes et enfants iraniens tués.
Pourtant la plupart des médias occidentaux ont repris les éléments de langage propagandistes de l’agresseur en parlant de “frappe préventive” – ce qui ne veut strictement rien dire. Il en est ainsi du Figaro, de France 24, de BFMTV, de CNN…
Cette lecture complètement partisane du conflit est une insulte à l’intelligence des lectrices et lecteurs. Si cette nuit l’Iran avait frappé Jérusalem et Tel Aviv en prétextant prévenir une attaque israélienne ou détruire les armes atomiques israéliennes, les médias reprendraient-ils les éléments de langage du régime iranien ? Parleraient-ils de “frappe préventive” ? Lorsque la Russie a envahi l’Ukraine, au prétexte de volontés bellicistes de l’Otan, aurait-on imaginé voir des titres comme “La Russie a procédé à une “incursion préventive” contre l’Ukraine” ?
Le monde condamne, la France fait le paillasson
Cette attaque unilatérale contre l’Iran s’est faite au détriment de tous les efforts diplomatiques. Il semblerait que même Donald Trump ait été pris de cours puisque celui-ci exhortait Israël à ne pas attaquer. Il déclarait hier rester «engagé à régler de manière diplomatique la question du nucléaire iranien».
« Les installations nucléaires ne doivent jamais être attaquées, quels que soient le contexte ou les circonstances”. Rafael Grossi, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)
Le Japon a fermement condamné les frappes israéliennes, dénonçant “une escalade”. Le chef de la diplomatie japonaise, Takeshi Iwaya, a ainsi déclaré qu’il “est extrêmement regrettable que des mesures militaires aient été prises alors que les efforts diplomatiques sont en cours ». Plus timoré mais quand même clair, le Premier ministre britannique Keir Starmer a jugé ces frappes “préoccupantes” et appelé à “revenir à la diplomatie”. La Chine s’est dite “très préoccupée” et a dénoncé la violation de la souveraineté iranienne. Le Qatar a lui aussi “fermement condamné et dénoncé l’attaque israélienne contre l’Iran”. L’Arabie Saoudite a exprimé “sa ferme condamnation et sa dénonciation des agressions israéliennes flagrantes” qui constituent “une violation manifeste des lois et normes internationales.”
Rafael Grossi, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a lui rappelé que “les installations nucléaires ne doivent jamais être attaquées, quels que soient le contexte ou les circonstances” puisque cela est d’une dangerosité inouïe.
Israël lance une attaque unilatérale d’une ampleur inédite contre une nation souveraine, au beau milieu de négociations diplomatiques, et notre diplomatie trouve le moyen de parler de “droit à se défendre contre toute attaque”. C’est le sens même des mots qui est détruit.
Au milieu de ces condamnations, un pays a fait entendre un autre son de cloche : la France, qui continue par ailleurs de livrer des armes à Israël en continu, et qui s’est illustrée par un communiqué de son ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, dont le niveau de servilité satisfaite laisse pantois : “nous réaffirmons le droit d’Israël à se défendre contre toute attaque”. Israël lance une attaque unilatérale d’une ampleur inédite contre une nation souveraine, au beau milieu de négociations diplomatiques, et notre diplomatie trouve le moyen de parler de “droit à se défendre contre toute attaque”. C’est le sens même des mots qui est détruit.
La dénucléarisation, c’est pour les autres ?
Il est plutôt légitime de s’opposer à la prolifération des armes atomiques. Chaque nouveau pays doté accroît le risque d’une guerre mondiale atomique dont on peine à imaginer les conséquences pour l’humanité entière. Toutefois, les Etats-Unis restent le seul pays à l’avoir jamais utilisé, et à deux reprises, contre des civils, créant un précédent et commettant par là un crime contre l’humanité. De la même manière, si on peut s’inquiéter qu’un régime théocratique et autoritaire comme l’Iran, aux discours parfois bellicistes, soit lui aussi doté de l’arme atomique, quid d’Israël qui attaque sans cesse les pays frontaliers, annexe des territoires et commet un génocide contre la population de Gaza ? Est-on sûrs qu’Israël et les Etats-Unis sont vraiment légitimes à décider de qui a droit à l’arme atomique ? L’Iran est-elle vraiment plus agressive que ces deux nations impérialistes ? Les Etats-Unis sont un des pays les plus agressifs et brutaux de l’histoire de l’humanité : depuis sa création, fondée sur un génocide, cette nation a été en guerre pendant 218 ans, soit 90% de son temps d’existence.
Chaque nouveau pays doté accroît le risque d’une guerre mondiale atomique dont on peine à imaginer les conséquences pour l’humanité entière. Toutefois, les Etats-Unis restent le seul pays à l’avoir jamais utilisé, et à deux reprises, contre des civils, créant un précédent et commettant par là un crime contre l’humanité.
Il faut aussi rappeler que l’agression américaine contre l’Irak s’était aussi faite au prétexte du développement “d’armes de destruction massive”. Il s’était finalement avéré que les documents de preuve présentés étaient des faux pour justifier l’invasion. Ici le cas est différent puisque l’Iran reconnaît avoir un programme nucléaire, mais on voit qu’il s’agit d’un prétexte récurrent pour justifier les agressions occidentales.
En toute logique, l’Iran explique que c’est précisément les menaces et les attaques sans cesse répétées d’Israël contre son territoire qui font partie des éléments justifiant sa volonté d’accéder aux armes atomiques.
Selon le traité de 1968 sur la non-prolifération nucléaire (TNP), seuls les Etats dotés de l’arme nucléaire avant le 1er janvier 1967 peuvent légalement la posséder, c’est-à-dire la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie. Sauf que dans les faits, c’est bien Israël qui viole ce traité depuis fort longtemps
Selon le traité de 1968 sur la non-prolifération nucléaire (TNP), seuls les Etats dotés de l’arme nucléaire avant le 1er janvier 1967 peuvent légalement la posséder, c’est-à-dire la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie. Sauf que dans les faits, c’est bien Israël qui viole ce traité depuis fort longtemps, ce qui est de notoriété publique, sans qu’aucun pays ne trouve justifiable des attaques “préventives” contre ses sites nucléaires. Israël refuse systématiquement le contrôle de ses sites nucléaires par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). D’après le magazine britannique Jane’s Defence Weekly, Israël produirait entre 10 et 15 bombes nucléaires chaque année et disposerait de 80 à 300 ogives nucléaires pouvant être lancées par missiles balistiques, sous-marins et avions.
L’Iran a le droit de se défendre
Comme on le voit le fameux “droit de se défendre” matraqué pour justifier le génocide des palestiniens après l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, dont on avait bien noté qu’il ne s’appliquait jamais aux palestiniens, semble ne pas s’appliquer non plus à l’Iran. Pourtant, selon le droit international, le “droit de se défendre” ne s’applique pas seulement aux Etats génocidaires.
« Les frappes d’Israël contre l’Iran constituent un recours à la force interdit par l’article 2(4) de la Charte des Nations Unies, une attaque armée au sens de l’article 51 donnant à l’Iran un droit à la légitime défense, et vraisemblablement un crime international d’agression de la part des dirigeants israéliens. » Professeur Ben Saul, rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, et professeur de droit international à l’Université de Sydney
L’Iran a ainsi déclaré qu’il avait le “droit légal et légitime” de répondre aux attaques meurtrières d’Israël, ce qui, sur le plan du droit international (mais aussi de la morale) est exact. Comme le confirmait le professeur Ben Saul, rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, et professeur de droit international à l’Université de Sydney : « Les frappes d’Israël contre l’Iran constituent un recours à la force interdit par l’article 2(4) de la Charte des Nations Unies, une attaque armée au sens de l’article 51 donnant à l’Iran un droit à la légitime défense, et vraisemblablement un crime international d’agression de la part des dirigeants israéliens. »
Des agressions multiples d’Israël contre l’Iran
Le 1er avril 2024, Israël avait bombardé le consulat d’Iran en Syrie tuant seize personnes dont plusieurs haut responsables iraniens. “Tous ceux qui se trouvaient à l’intérieur ont été tués ou blessés” avait déclaré le ministère de la défense syrien. Cette attaque illégale n’était par ailleurs pas la première mais le cinquième raid israélien à viser la Syrie en huit jours afin d’assassiner des responsables iraniens.
L’Iran, présentée systématiquement comme une puissance agressive alors que c’est elle qui est attaquée, avait été dans une logique de désescalade, se contentant d’une riposte essentiellement symbolique contre des sites militaires. “Si Israël ne répond pas, nous serons quittes” avait déclaré l’Iran (quand bien même l’attaque israélienne contre l’Iran avait fait plus d’une dizaine de morts là où l’attaque iranienne contre Israël n’en a fait aucune). Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales, partageait cette analyse : “L’Iran ne pouvait pas ne pas réagir. Mais Il y a une retenue et pas de volonté d’escalade du côté de l’Iran qui n’y a aucun intérêt, pour Israël c’est différent ». Selon Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam), cité par Le Monde, « les Iraniens ont informé par leurs canaux les Américains, qui avaient des informations précises sur la riposte (…) Les Iraniens ont observé une grande transparence dans leur réponse. Ils ont veillé à ce que les Américains et les Israéliens soient assez préparés pour contrer ces frappes ». L’Iran avait d’ailleurs demandé aux occidentaux d’ “apprécier sa retenue” face à l’attaque d’Israël plutôt que de l’accuser, rappelant qu’elle ne voulait pas l’escalade mais qu’elle répondrait aux menaces et aux agressions.
Le 1er avril 2024, Israël avait bombardé le consulat d’Iran en Syrie tuant seize personnes dont plusieurs haut responsables iraniens.
Les tensions entre Israël et l’Iran datent de longtemps. Israël s’opposant absolument au programme nucléaire iranien.
Le “camp du bien” vs “le camp du mal” : une lecture stupide des relations internationales
Les Etats-Unis et Israël, tout comme le reste du camp occidental, portent une lecture du monde qui se diviserait entre le bien (“le monde libre”) et le mal. Malgré ces discours moralisants, ce n’est pas la défense de la démocratie ou du bien qui intéressent les puissances occidentales. Celles-ci, comme les autres, s’intéressent à la défense des intérêts de leur classe capitaliste. Israël fait partie de la zone d’influence occidentale au Moyen-Orient, raison du soutien des Etats-Unis et d’une grande partie des pays européens. Israël joue de ce soutien pour faire avancer son propre agenda (la colonisation, l’affaiblissement de ses ennemis dans la région etc.).
Refuser de soutenir Israël qui attaque l’Iran n’a rien à voir avec soutenir le régime iranien, ses nombreuses violations des droits démocratiques ou ses attaques brutales contre les femmes. Il ne s’agit pas d’une guerre de modèles, ou d’une guerre idéologique. S’opposer aux attaques d’Israël c’est être attaché au droit international.
Contrairement à ce que certaines et certains essayent de faire croire, refuser de soutenir Israël qui attaque l’Iran n’a donc rien à voir avec soutenir le régime iranien, ses nombreuses violations des droits démocratiques ou ses attaques brutales contre les femmes. Il ne s’agit pas d’une guerre de modèles, ou d’une guerre idéologique. S’opposer aux attaques d’Israël c’est être attaché au droit international. Ce droit est censé garantir la souveraineté des Etats, c’est-à-dire l’idée que ce n’est pas à des puissances étrangères de décider à la place d’une population de l’avenir d’un pays. C’est aussi s’opposer à un ordre mondial où les puissances occidentales continuent de se partager le monde pour leurs intérêts. En plus d’être d’une extrême injustice, cet ordre mondial fait peser des risques gravissimes sur la sécurité de tous les peuples avec la possibilité de déclenchement d’une troisième guerre mondiale, à une époque où les grandes puissances sont dotées de l’arme atomique.
Les enjeux des relations internationales ne peuvent pas être caricaturés par une bataille entre le bien et le mal que chaque camp serait convaincu d’incarner. Jusque-là soutenu dans sa folie guerrière par le camp occidental, Israël tente, après avoir massacré impunément des dizaines de milliers de civils palestiniens, de régionaliser sa guerre, voire de la mondialiser. Elle est une puissance extrêmement agressive, qui viole à répétition toutes les normes les plus élémentaires du droit international. Une fois de plus, la France qui soutient l’action israélienne et livre des armes à l’agresseur, se trouve impliquée militairement dans un conflit sans que ses citoyens n’aient été consultés.
Jusque-là soutenu dans sa folie guerrière par le camp occidental, Israël tente, après avoir massacré impunément des dizaines de milliers de civils palestiniens, de régionaliser sa guerre, voire de la mondialiser.
Le seul moyen d’assurer la paix est de continuer à faire pression sur les gouvernements des pays occidentaux pour que ceux-ci cessent leur soutien aveugle à un Etat qui commet un génocide sur une population colonisée et menace toute la stabilité de la région et le contraignent au respect du droit international.
mise en ligne le 12 juin 2025
par Pablo Pillaud-Vivien sur www.regards.fr
Ce jeudi, le Sénat examine une proposition de loi initiée par les députés écologistes Éva Sas et Clémentine Autain, inspirée des travaux de l’économiste Gabriel Zucman. Elle propose d’instaurer une taxation minimale de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. Une mesure soutenue au-delà des rangs de la gauche : lors du vote en commission des finances, les députés LFI, PS, écologistes et même certains députés LR et centristes ont voté pour. Seuls les macronistes et le Rassemblement national s’y sont opposés. Pas forcément pour les mêmes raisons.
La France a déjà connu une société de rentiers. C’était celle du début du 20ème siècle qui a bien failli en mourir d’asphyxie. On se souvient que lorsqu’Emmanuel Macron a supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), il n’a pas tout supprimé. Il a laissé en place l’imposition sur les biens immobiliers. Pour l’homme qui trouve agréable d’imaginer des jeunes milliardaires, il faut favoriser l’esprit start-up, pas l’investissement dans la pierre. Tout à ses références sur la France éternelle, le RN n’a pas cette approche. Le bien immobilier symbole de transmission est une valeur. Il mélange pêle-mêle le « ça-m’suffit » et le beau château, à Montretout ou ailleurs.
La proposition Zucman s’attaque à tous les patrimoines. Sa visée est redistributive. Elle lève le voile sur une société où les très riches s’enrichissent par le simple effet mécanique de leur capital, pendant que les autres rament. Selon Forbes, en France, 53 milliardaires détiennent à eux seuls plus de 600 milliards d’euros. Il s’agit ici d’un déséquilibre structurel que cette taxe écornerait à peine. Son intérêt est autre : elle force le débat sur la montée exponentielle des inégalités de patrimoine et elle rapporterait des rentrées fiscales que la minorité gouvernementale peine à imaginer ailleurs que venant des poches du plus grand nombre.
Car, soyons en certains, taxer les très riches à hauteur de 2% ne suffira pas à renverser l’aggravation des écarts de richesse. Même légèrement amputée, leur richesse continuera de croître plus vite que celle du reste de la population. Ils n’ont pas seulement beaucoup d’argent : ils possèdent des actifs, des entreprises, des parts dans des fonds, des leviers de pouvoir économique.
On commence à parler des très riches. Il faudra aussi parler des entreprises qu’ils détiennent. Car c’est le plus souvent là que tout commence. Arnault, Niel, Pinault et compagnie, comme beaucoup des plus riches de France, tirent leurs richesses de leurs entreprises. Le capital productif, celui qui fait tourner l’économie, est de plus en plus concentré dans les mains de quelques-uns. Il n’existe aujourd’hui aucun consensus politique, même à gauche, pour exiger une répartition du pouvoir économique dans les entreprises. On n’ose même plus poser la question de leur propriété.
Tant qu’on ne regardera pas en face les rapports de propriété dans l’économie, tant qu’on n’ouvrira pas le débat sur la démocratisation des entreprises, tant qu’on ne sortira pas de l’idéologie de l’actionnaire-roi, nous resterons à la surface des choses. Parce qu’on ne peut pas parler sérieusement d’égalité sans parler de pouvoir – et le pouvoir, aujourd’hui, c’est là qu’il se loge.
mise en ligne le 12 juin 2025
Patrick Le Hyaric sur www.humanite.fr
Un mouvement mondial pour libérer Gaza et la Palestine est en marche. Il prend différentes formes. Sa pluralité lui donne une force considérable.
Le voilier Madleen avec Rima Hassan et Greta Thunberg aura réussi à montrer l’inacceptable, à déchirer le silence. Les actions des Dockers CGT de Fos suivie de celles des ports de Gênes puis d’Anvers et d’autres, ont révélé à des millions d’Européens que nos pays livrent bien des armes au gouvernement d’extrême droite israélien. Du même mouvement, elles auront montré en actes la voie vers la suspension des traités de libre-échange et de coopération. Les vétérans pour la paix (Vétérans for Peace) et une coalition de 45 organisations, religieuses et humanitaires se relaient devant la mission des États-Unis auprès de l’ONU en se nourrissant avec moins de 205 calories par jour, comme les habitants de Gaza. Autant d’actes, autant de manifestations, autant d’adresses de résistance. Autant de rappels au droit international. Autant de cailloux lancés dans la machinerie de l’anéantissement organisé.
Le mouvement de solidarité contre l’acte de piraterie envers le Madleen constitue une relance d’un mouvement où les jeunes sont majoritaires. Dans toutes les villes européennes, le mouvement populaire se conjugue avec Gaza. Les organisations syndicales françaises prennent désormais leur part avec un appel commun de solidarité. Et la journée de mobilisation du 21 juin devant le salon de l’aéronautique du Bourget se transforme en journée anti-guerre et contre l’exposition des armements israéliens, ceux-là mêmes qui tuent les enfants de Gaza et détruisent maisons et fermes en Cisjordanie.
Voici que s’élance une marche mondiale pour lever le blocus. De villes européennes, d’Alger, de Tunis, de Rabat, du Caire et de bien d’autres endroits, se forment des cortèges en direction de Gaza.
Comme au moment des combats contre l’apartheid en Afrique du Sud ou ceux pour la libération du Vietnam, le mouvement mondial pour faire cesser le génocide des Gazaouis et l’effacement du peuple palestinien est en marche. Les institutions européennes, le pouvoir macroniste, la conférence internationale de l’ONU qui s’ouvre dans quelques heures ne pourront pas l’ignorer.
Le silence se brise. L’inacceptable s’expose au grand jour. Le récit des dominants s’écroule sous le poids de l’indicible, des morts, des destructions, des volontés d’anéantir tout un peuple. Quand une armée déploie cinq navires pour arraisonner un frêle voilier désarmé avec douze militants de la paix à bord, il est difficile de conclure à un signe de force. En agissant comme un État terroriste dans les eaux internationales, le pouvoir israélien bafoue le droit international tout en revendiquant le viol de celui-ci en maintenant le blocus de Gaza. Rappelons que le blocus ne date pas du 7 octobre 2023, mais du mois… de juin 2007.
Comme tous les bateaux lancés dans le cadre de « la flottille de la liberté », s’il n’a pas atteint Gaza, le Madleen a fait plus. Il a alerté sur la tentative d’effacement de l’enclave palestinienne des cartes du monde. Il n’a pas pu distribuer les vivres qu’y avaient entassés les habitants de Catane. Il a fait plus. Il a déployé une sonore interpellation modifiant les emplois du temps dans les chancelleries tout en jetant de nouveaux ponts solidaires avec le peuple palestinien qui y trouve force et réconfort.
Un voilier, des dockers européens, des manifestations larges et jeunes, des appels syndicaux, des actions pour la justice et la Paix à Tel-Aviv comme à New-York, trois journées contre la présence des engins de mort israéliens et d’autres au salon du Bourget, des rondes et des marches sur Gaza, c’est une autre vision du monde qui se dessine, un monde à construire ensemble, un monde commun.
Gaza est devenue un nom propre qui circule de lèvres en lèvres, de pancartes en banderoles, de conférences en rassemblements et en marches. Gaza devient bien plus qu’un territoire assiégé. Elle devient le symbole de la construction méthodique des dominants occidentaux assoiffés de positions géostratégiques, de ressources, de territoires quand les peuples du Sud global refusent obstinément d’être humiliés, dépossédés, piétinés, interdits d’avenir. Avec elles et eux faisons la jonction pour une humaine mondialité.
De partout, les peuples, les mondes du travail et de la création, les jeunes hurlent contre les prédateurs qui préemptent ressources, territoires et forces de travail des enfants, des femmes, des hommes pour faire enfler leurs dividendes et alimenter les paradis fiscaux.
Gaza est l’un des laboratoires, point de basculement dans l’inhumain, intégré à la stratégie de l’Occident colonialiste et capitaliste avec ses appareils diplomatiques, médiatiques, militaires au service de l’économie de la violence.
Gaza porte la révélation des manœuvres des pouvoirs occidentaux qui ont détruit dans le monde arabe les forces syndicales et progressistes au profit d’un intégrisme islamiste. Ils ont fait de même en Palestine : construits et financé le Hamas pour affaiblir et empêcher Yasser Arafat. L’inhumanité des dirigeants israéliens envers les otages de leur pays, les laisse de marbre. Ils entretiennent ce prétexte pour bombarder toujours sans faire effort pour les libérer vivant. C’est le peuple Israélien qu’ils malmènent et trompent. Mieux encore. Pour combattre l’islamisme militaire du Hamas, ils créent de toutes pièces et financent de nouvelles milices islamistes proches de Daech. Le cynisme criminel pour maintenir l’ordre existant est leur marque de fabrique.
Le mouvement de solidarité internationale en cours vient déchirer le voile de cette continuité politique, de cet ordre politique qu’appellent de leurs vœux les nationalistes et les extrêmes droites.
Le mouvement mondial en marche pour la justice et le droit est une très bonne nouvelle. Il est gros du monde commun qui se cherche. Nous en sommes.
mise en ligne le 11 juin 2025
Catherine Tricot sur www.regards.fr
Après la mort d’une assistante d’éducation dans un établissement scolaire de Nogent, quelques semaine après l’assassinat d’une adolescente à Nantes, l’inquiétude s’étend. Qu’est-ce qu’il se passe dans notre jeunesse ?
On parle beaucoup d’une forte dégradation de leur santé mentale. Des chiffres affolants sont donnés : un jeune sur quatre serait en souffrance. Ceux qui passent à l’acte, meurtre ou suicide, sont l’expression ultime d’une douleur si profonde, si partagée.
Parmi les responsables politiques, les plus décidés à apporter des réponses immédiates prônent la mise en place de portiques, de vidéo surveillance, d’interdiction de vente de couteaux. Chacun sait bien que ce sont des solutions impossibles économiquement, inefficaces et en trompe-l’œil. Emmanuel Macron, toujours si économe de moyens, proposent l’interdiction des réseaux sociaux. Cet autre monde irréel n’existera pas. Les jeunes se parlent, s’informent et se distraient massivement sur leur portable.
Les défenseurs des enfants et de l’école tirent la sonnette d’alarme sur l’absolue pauvreté des moyens de prévention et de soin dans le domaine mental, en particulier à l’école et en pédopsychiatrie : un médecin scolaire pour 13 000 élèves.
Il faudra aussi, un jour, se demander ce qui provoque un tel malaise, d’une telle ampleur, si soudainement.
La souffrance de la jeunesse dit à quel point notre monde est anxiogène, si dénué de sens et d’avenir.
Ce monde ne leur va pas. Donc il ne va pas.
Pierre Joigneaux sur https://fakirpresse.info/
Après le drame de Nogent, une assistante d’éducation (AED) de 31 ans tuée par un élève ce mardi, j’ai de suite pensé à Charlotte : assistante d’éducation, le même âge, le même département. J’avais rencontré Charlotte il y a deux mois de ça, et elle tirait déjà la sonnette d’alarme…
Parce que dans les couloirs, dans la cour, aux toilettes, à l’infirmerie, à l’entrée, à la sortie, en perm’, dès que les élèves quittent la salle de classe, les assistants d’éducation (AED) sont là, au four et au moulin. Des journées de fou. Une présence essentielle pour nos gosses, mais un métier ultra précaire. Et surtout abandonnés par l’institution, par l’Etat.
Jusqu’au drame de Nogent, donc.
La réponse de ce gouvernement ? Le Premier ministre dénonce la « menace des armes blanches, devenue critique ». Comme si la « menace » venait de nulle part. La ministre de l’éducation parle de la mise en place de « fouilles », appelle une « réponse globale » mêlant santé mentale des jeunes avec un « protocole de repérage ».
Mais qui va « fouiller » ? Quels personnels, quand il en manque partout, quand les profs, déjà, ne sont pas remplacés ?
Et « repérage » des problèmes psychologiques par qui ? Par les infirmières scolaires ? La France en compte une pour… 1558 élèves !
Par les psys de l’Education nationale ? Qui vont aussi prendre en charge la santé mentale, peut-être ? La France compte une seule psy pour… 1500 élèves !
Pour repérer et soigner, encore faudrait-il des professionnels de santé dans les établissements scolaires, non ? Mais qu’ont fait Elisabeth Borne comme ministre de l’Education, et son gouvernement, pour améliorer les choses, dans ce domaine ?
Qu’ont fait Elisabeth Borne comme Première ministre, et son gouvernement, pour améliorer les choses, dans le quotidien des élèves et des personnels ?
Qu’a fait François Bayrou, qui pleure dans son costume de Premier ministre, mais pointait déjà comme ministre de l’Education il y a plus de trente ans ?
Comme si leur responsabilité n’était pas engagée, directement engagée…
Loin des coups de com’ du gouvernement, on vous plonge dans le quotidien d’une assistance d’éducation, celui de Charlotte (lire le début en accès libre ci-dessous).
« Bonjour Fakir.
Je vous écris pour vous faire part de mon expérience pour le moins très précaire. Je suis AED, soit assistante d’éducation dans un collège public de la Marne. Vous n’êtes pas sans savoir que ce contrat est déjà précaire à la base. Fin février, j’ai été victime d’un accident qui, aujourd’hui, m’empêche de marcher et implique une longue rééducation. Je ne marcherai pas avant des mois. Aujourd’hui, la sanction tombe : demi salaire, direct… » Clément, mon collègue à la com’, nous avait signalé ce témoignage reçu sur Facebook. Je me l’étais noté, dans un coin de mon cahier. Je l’avais ajouté à la pile immense des sujets d’articles potentiels, alors qu’on est sous l’eau, à la rédaction. Mais pendant que quand Louisa, aide à domicile à Aurec-sur-Loire, me racontait les métiers invisibles dont on ne parle jamais, je me rappelais de Charlotte…
Je me frotte les yeux, et je relis son message avant de la contacter. « Vous n’êtes pas sans savoir que ce contrat est déjà précaire à la base… » Pour être honnête, les assistants d’éducation, ça m’évoque des lointains souvenirs du collège, mais guère plus. Charlotte, du coup, sans plus attendre, entre dans le vif : « On ne me propose même pas la possibilité de survivre dignement, et pourtant, je suis sous contrat, engagée avec l’Éducation Nationale… »
Je rembobine : Charlotte est assistante d’éducation dans un collège public dans la Marne. Elle a eu un grave accident, le 24 février dernier. « Je me suis explosé la jambe. » Elle est tombée, elle s’est pété le ligament du genou droit. Elle ne peut plus marcher, déclare un arrêt à l’Éducation nationale, prévient sa CPE, le jour même. Résultat ? Quatre jours plus tard, elle reçoit un demi-salaire : 600 euros. Comment c’est possible ?
mise en ligne le 11 juin 2025
Pierre Jacquemain sur www.politis.fr
Alors que le Madleen a été intercepté par Israël, les commentateurs préfèrent railler cette initiative humanitaire. Malgré le génocide. Malgré les dizaines de milliers de morts. Quand est-ce que le cynisme s’arrêtera ?
Il y a des silences plus assourdissants qu’une meute qui se déchaîne. En France, ces derniers jours, un étrange concert s’est formé : celui d’un unanimisme politique et médiatique qui s’applique non pas à défendre la justice ou la vérité, à s’indigner d’un génocide en cours ou à dénoncer les fossoyeurs du droit international, mais à condamner ceux qui, sur mer ou sur terre, osent encore se dresser au nom de la solidarité. Au nom de l’humanité.
La flottille humanitaire en route vers Gaza – composée de civils, de médecins, de parlementaires européens, de journalistes, de syndicalistes et de militants des droits humains – a été qualifiée, avec une inquiétante synchronisation, de « provocation » par nombre de voix officielles. Sur les plateaux télé, les mots se répètent, interchangeables, comme dictés par un même logiciel de langage – parfois même venu d’Israël. Un chroniqueur vedette sur LCI raille des « touristes de la cause palestinienne ». Un ministre de la République, tout en nuance, évoque une opération « instrumentalisée par le Hamas ». D’autres ironisent autour de « la flottille s’amuse » à l’instar de l’édition de cette semaine de Franc Tireur. 60 000 morts à Gaza valent bien une franche déconnade. Qu’est-ce qu’on se marre.
L’inversion morale est totale : ceux qui veulent apporter des médicaments, du pain, des couches et du lait, de l’espoir à une population sous siège sont traités comme des criminels. Et pendant ce temps, dans une indifférence presque complète – quand ça n’est pas pour s’en amuser –, une députée européenne, Rima Hassan, de même qu’un journaliste, Yanis Mhamdi de Blast, sont arrêtés et retenus par Israël – le seul pays démocratique de la région nous assène-t-on – pour avoir embarqué dans cette même flottille. Où sont les éditoriaux des grands journaux ? Les offusqueurs professionnels de plateau pour s’en indigner ?
Ceux qui veulent apporter des médicaments, du pain, des couches et du lait, de l’espoir à une population sous siège sont traités comme des criminels.
Dans le même temps, en France, l’émotion est mobilisée pour des faits divers, certes tragiques, mais qui déclenchent aussitôt l’activation complète de la machinerie compassionnelle : une minute de silence ici, des chaînes d’information en édition spéciale là, des hommages à l’Assemblée. Pourquoi pas. Comment expliquer alors que dans ce même pays, une enseignante soit sanctionnée pour avoir respecté la demande de ses élèves d’observer une minute de silence pour les 16 000 enfants tués à Gaza ? 16 000 enfants. Pas une tribune. Ou plutôt si, une seule. Pas un discours officiel en revanche. L’indignation sélective devient l’autre nom du cynisme.
Savoir être du bon côté de l’histoire
Et pourtant. Quelque chose gronde. Face à la chape de plomb, des brèches s’ouvrent. Partout en France, dans plus de 120 villes, des centaines de rassemblements ont eu lieu ces derniers jours pour soutenir la flottille, pour dénoncer l’inhumanité des massacres quotidiens à Gaza – et en Cisjordanie –, pour dire que la solidarité n’est ni un crime ni une provocation.
Quelque chose gronde. Face à la chape de plomb, des brèches s’ouvrent.
Dans ces foules se retrouvent des soignants, des enseignants, des étudiants, des mères de famille, des croyants et des athées. Et au-delà de nos frontières, une autre image vient balayer le tableau figé des postures diplomatiques : cette marche qui s’élancera dès demain depuis Le Caire jusqu’au poste frontière de Rafah, menée par des centaines de citoyennes et citoyens venus de plus de 40 pays, qui avancent ensemble, parfois à pied, pour tenter de briser le mur du silence et de l’abandon. Ce ne sont pas des provocateurs. Ce sont des vivants, des solidaires, des humains. Il est des moments de l’histoire où il faut savoir être du bon côté. Plus que jamais, ceux-là y sont.
Julie Debray-Wendeling sur www.humanite.fr
Ce mercredi 11 juin, des tirs israéliens ont fait une trentaine de morts et 200 blessés près d’un centre d’aide humanitaire, annonce la Défense civile de de Gaza.
La Défense civile de Gaza a indiqué que les forces israéliennes avaient ouvert le feu sur des Palestiniens se rendant à un centre humanitaire américain ce mercredi 11 juin, faisant 31 morts et 200 blessés, a rapporté son porte-parole, Mahmoud Bassal à l’Agence France Presse (AFP). Contactée par l’AFP, l’armée israélienne n’a pas réagi.
La nuit dernière, des milliers de Gazaouis rassemblés dans l’espoir d’atteindre le centre de distribution de la Fondation humanitaire de Gaza (GHF) ont été la cible de tirs israéliens « à plusieurs reprises », a affirmé le porte-parole. Puis vers 5 h 30, « ils ont intensifié leurs tirs et en même temps il y avait des tirs nourris de drones visant les civils », a-t-il poursuivi.
Épisodes meurtriers à répétition
Si la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), créée de toutes pièces en février dernier par Israël et les États-Unis, assure distribuer des colis repas aux habitants gazaouis touchés par la famine, elle semble en réalité avoir la mainmise sur l’aide humanitaire. L’ONU, régulièrement prise pour cible par le gouvernement de Netanyahou, refuse de travailler avec l’organisation, en raison de différentes préoccupations concernant ses procédés et son instrumentalisation.
Depuis leur très récente ouverture, les épisodes meurtriers à proximité des centres d’aide GHF sont récurrents. La Défense civile a ajouté qu’un événement similaire s’était produit lundi 9 juin : 10 personnes ont alors été tuées et plus de 30 autres blessées par des tirs israéliens, alors qu’elles tentaient, là encore, d’accéder à des centres de distribution d’aide gérés par la Fondation Humanitaire de Gaza.
Une indignation internationale
De leur côté, le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et la Norvège, ont annoncé mardi des sanctions contre deux ministres israéliens accusés d’« incitation à la violence » contre le peuple palestinien. Ces deux figures de l’extrême droite israélienne, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, « ont incité à une violence extrémiste et de graves violations des droits humains des Palestiniens » en Cisjordanie, ont dénoncé les ministres des Affaires étrangères de ces cinq pays dans un communiqué commun. Ces ministres ne sont désormais plus autorisés à se rendre dans ces dits pays et leurs avoirs éventuels sont gelés au Royaume-Uni, au Canada et en Australie.
Dans la foulée, le Premier ministre norvégien, Jonas Gahr Store, s’est indigné de la situation humanitaire, « catastrophique » à Gaza, dénonçant les pratiques du gouvernement de Benyamin Netanyahou, ne respectant pas le droit international humanitaire. « Des membres du gouvernement israélien justifient le fait qu’une population affamée, qui a déjà tout perdu, soit en plus privée d’accès à la nourriture, à l’eau et aux médicaments ». Les États-Unis ont quant à eux « condamné » ces sanctions mardi 10 juin, les jugeant « extrêmement peu utiles » et estimant que les cinq états devraient davantage se concentrer sur le Hamas.
mise en ligne le 9 juin 2025
Cécile Hautefeuille sur www.mediapart.fr
Les douze personnes arrêtées dans la nuit de dimanche à bord du bateau « Madleen » ont été convoyées vers Israël. Des ONG et une partie de la gauche française dénoncent cette action menée dans les eaux internationales. Des milliers de manifestants se sont rassemblés en France lundi soir
Des milliers de personnes se sont rassemblées dans toutes les grandes villes de France, lundi 9 juin à partir de 18 heures, pour protester contre la prise de contrôle par l’armée israélienne du bateau humanitaire Madleen qui faisait route vers Gaza. La réaction du gouvernement français est jugée beaucoup trop timide, voire « complice ».
Escorté par deux navires de la marine israélienne, le bateau abritant douze militant·es, dont six Français·es, est entré dans le port d’Ashdod lundi à la nuit tombée, vers 20 h 45, heure locale (19 h 45 à Paris). « À leur arrivée, des dispositions seront prises pour leur retour dans leurs pays d’origine respectifs », avait indiqué en milieu d’après-midi le ministère israélien des affaires étrangères, qualifiant ce navire de la Flottille de la liberté de « yacht selfie transportant Greta Thunberg et les autres soi-disant célébrités ».
De nationalité française, allemande, brésilienne, turque, suédoise, espagnole et néerlandaise, les douze militant·es avaient embarqué à bord du Madleen le 1er juin en Italie pour « briser le blocus israélien » à Gaza. L’activiste suédoise Greta Thunberg, l’eurodéputée La France insoumise (LFI) Rima Hassan ou encore le journaliste français de Blast Yanis Mhamdi se trouvaient à bord du navire battant pavillon britannique.
Israël affirme avoir « dérouté » le bateau au milieu de la nuit de dimanche à lundi. L’organisation Freedom Flotilla Coalition (Coalition de la Flottille de la liberté) parle d’un équipage « kidnappé » par une armée qui a « arraisonné » le navire.
À Paris, Lille, Lyon, Marseille, Bordeaux ou Nice, de gros rassemblements ont eu lieu lundi soir à l’appel de la gauche, pour protester contre l’interception du bateau et dire leur inquiétude pour ses occupant·es.
Présent place de la République à Paris dans une foule dépassant sans doute les 10 000 personnes, aux côtés d’autres représentants des partis de gauche, le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a assuré « craindre le pire » pour les militant·es à bord. La dirigeante des Écologistes Marine Tondelier avait auparavant appelé à « une mobilisation populaire internationale » pour « amener les États à s’engager pour leur protection et leur libération ».
À la mi-journée, l’Élysée avait simplement fait savoir qu’Emmanuel Macron avait « demandé de permettre, dans les plus brefs délais, le retour en France » des Français·es. Le ministre des affaires étrangères Jean-Noël Barrot a souhaité que la France puisse exercer une « protection consulaire à leur égard » et leur rendre visite « en vue de s’assurer de leur situation » à leur arrivée sur le territoire israélien .
Sur le réseau social X, Jean-Luc Mélenchon avait dénoncé une « arrestation illégale » et demandé à l’ensemble de la communauté internationale de la condamner. Il s’est adressé en particulier à l’exécutif : « Rima Hassan, députée française, va être détenue en prison après l’acte de piraterie de ses agresseurs cette nuit. Le gouvernement et le président ne prennent pas la mesure du danger. Ont-ils peur de Nétanyahou ? C’est insupportable », a-t-il posté.
Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a déclaré, lui aussi sur X : « L’équipage a atteint son but. Il doit maintenant faire l’objet d’un soutien des États européens. Le silence des gouvernements serait une faute. »
Nombre de voix, dont celles de la Ligue des droits de l’homme et d’Amnesty International, ont également dénoncé ce lundi une violation du droit international, et l’absence d’autorité légale d’Israël à agir de la sorte. Interrogé par BFMTV, Benjamin Fiorini, secrétaire général de l’Association des juristes pour le respect du droit international, était formel : « Cette arrestation ne peut pas être légale », car « Israël n’a aucune souveraineté » dans les eaux où le navire a été intercepté.
Chaque port de la Méditerranée devrait envoyer des bateaux chargés d’aide, de solidarité et d’humanité à Gaza. Et ils devraient naviguer ensemble. Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies pour les Territoires palestiniens
Le gouvernement israélien manie de son côté l’ironie, considérant que « le spectacle est terminé », ainsi que l’a posté sur le réseau social X le ministère des affaires étrangères au milieu de la nuit. Une vidéo montrant que nourriture et eau avaient été distribuées aux militantes et militants a été publiée, avec une photo de Greta Thunberg, ainsi légendée : « Greta Thunberg est actuellement en route pour Israël, saine et sauve et de bonne humeur. »
Au même moment, le ministre israélien de la défense a exigé de l’armée israélienne qu’elle montre aux passagères et passagers du Madleen la vidéo des atrocités commises le 7 octobre 2023 par le Hamas. « Il est juste que Greta l’antisémite et ses amis partisans du Hamas voient précisément quelle est l’organisation terroriste qu’ils sont venus soutenir, pour laquelle ils agissent, et quels crimes atroces elle a commis contre des femmes, des personnes âgées et des enfants – et contre qui Israël se bat pour sa défense », a-t-il posté sur X. 1 200 personnes, dont 815 civils, ont été assassinées lors de cette attaque organisée par le Hamas sur le sol israélien.
Plus de 54 772 Palestinien·nes, majoritairement des civils, ont été tué·es dans la guerre menée par Israël et à Gaza, « 100 % de la population » est « menacée de famine », avertit de son côté l’ONU. Dans un communiqué publié samedi 7 juin, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) alerte également sur « l’effondrement du système de santé », car « il n’y a déjà plus aucun hôpital en service dans le nord » du territoire.
Un nouveau convoi en route
Depuis l’arrestation des militantes et militants du Madleen, de nouveaux appels à venir en aide aux Gazaoui·es sont lancés. « Chaque port de la Méditerranée devrait envoyer des bateaux chargés d'aide, de solidarité et d’humanité à Gaza. Et ils devraient naviguer ensemble – unis, ils seraient inarrêtables », exhorte sur X Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies pour les Territoires palestiniens. Selon elle, « briser le siège est un devoir légal pour les États et un impératif moral pour nous toutes et tous ».
Et c’est justement pour « briser le blocus » qu’un convoi de plusieurs centaines de personnes a quitté la Tunisie lundi 9 juin dans des autocars, avec l’intention de rejoindre la bande de Gaza, en passant par la Libye et l’Égypte. Selon le porte-parole de ce convoi, cité par le quotidien Le Monde, il ne s’agit pas d’apporter de l’aide humanitaire dans « l’endroit le plus affamé au monde » mais de poser « un acte symbolique ».
Dès l’aube, le compte « Freedom Flotilla Coalition » a publié sur les réseaux X et Bluesky des vidéos, en anglais, des militantes et militants présent·es à bord du Madleen appelant, chacune et chacun, leur gouvernement à réagir. « Si vous voyez cette vidéo, c’est que nous avons été interceptés par les forces israéliennes […] et que nous sommes peut-être dans une situation très difficile, alors je demande à nos soutiens, à nos familles […] de faire pression sur le gouvernement français pour que nous soyons libérés et, bien sûr, que ce génocide cesse. »
Parmi les réactions internationales, la Turquie a dénoncé une « attaque odieuse » de la part du gouvernement du premier ministre israélien, jugeant qu’« une fois de plus qu’Israël agit comme un État terroriste ». L’Iran condamne de son côté un « acte de piraterie ».
Alors que l’équipage du Madleen devait arriver en Israël, des manifestantes et manifestants s’étaient rassemblé·es près du port d’Ashdod pour demander la libération de Gaza
et la fin du silence international.
Elian Barascud sur https://lepoing.net/
Après un premier rassemblement ce dimanche 8 juin, ce sont 2 000 personnes qui ont manifesté dans les rues de Montpellier ce lundi 9 juin, en soutien de la flottille pour la liberté en approche de Gaza, avec à son bord notamment l’eurodéputée France Insoumise Rima Hassan, la militante écologiste Greta Thunberg et une dizaine d’humanitaires, arrêtés par l’état d’Israël
Dans la nuit de dimanche à lundi, Madleen, le bateau de la flottille de la liberté, chargé de briser symboliquement le blocus ciblant la bande de Gaza en apportant des vivres, a été stoppé en mer par l’armée israélienne. Avec à son bord notamment l’eurodéputée France Insoumise Rima Hassan, la militante écologiste Greta Thunberg, et une dizaine d’humanitaires. À Montpellier, ce sont entre 1 500 et 2 000 personnes qui ont manifesté pour les soutenir ce lundi soir.
“C’est une piraterie d’État, une violation du droit maritime et du droit humanitaire”, tonne Manu, militant de BDS (boycott désinvestissements sanction, association non-violente de soutien à la Palestine), ce lundi 9 juin sur la place de la Comédie, devant environ 1 500 personnes. “Macron n’a toujours pas exigé l’eut libération, il est complice”, ajoute le militant.
Nathalie Oziol, députée LFI de l’Hérault. Appelle quant à elle l’État français à “condamner fermement ces agressions et à faire respecter le droit international”. Côté montpelliérain, elle demande à Michael Delafosse, maire “socialiste” de Montpellier, de suspendre le jumelage de la commune avec la ville israélienne de Tibériade, comme le demande une partie de l’opposition municipale.
Le maire de Montpellier avait déjà dû reculer sur la “journée de Jérusalem, capitale une et indivisible de l’État d’Israël“, célébrée chaque année en présence des barons socialistes locaux, au mépris du droit international, qui prévoit un partage de la ville sainte. Sous pression de son aile gauche et du mouvement de soutien à la Palestine, il avait déclaré en avril dernier que cette journée ne se tiendrait plus dans un lieu public, comme c’était le cas avant, au domaine de Grammont.
Domaine de Grammont que les militants investiront les militants de BDS le 22 prochain à l’occasion d’un pique-nique accompagné d’animations politiques pour célébrer “la journée d’Al-Qods” (nom arabe de Jérusalem).
mise en ligne le 9 juin 2025
Christophe Deroubaix sur www.humanite.fr
En ordonnant le déploiement de la garde nationale en Californie, le président nationaliste tente de mettre au pas le principal État démocrate et de faire taire les dissensions internes à la coalition républicaine.
Il intervient surtout dans un moment politique où l’hôte de la Maison Blanche se trouve affaibli notamment par la tonitruante dissension avec Elon Musk. Pour prévisible qu’il fut, ce clash des oligarques n’en ébrèche pas moins la coalition républicaine, constituée de différents courants aux visions parfois contradictoires. Le multimilliardaire s’était ainsi opposé à la guerre commerciale et au creusement du déficit tout en réclamant, en vain, l’ouverture des robinets migratoires pour les plus qualifiés.
En assumant la guéguerre avec le plus important financeur de sa campagne et en créant un précédent dans le principal État démocrate sur la question de l’immigration, Donald Trump a choisi la ligne de Steve Bannon, son ancien conseiller ouvertement en contact avec toutes les extrêmes droites du monde : ouvertement nativiste et autoritaire.
En outre, les militants anti-police diffusent activement leurs conseils et tactiques : filmer la police, se masquer pour éviter d’être filmé par la police et identifié par les logiciels de reconnaissance faciale, s’armer de gants, de lunettes et de parapluies en guise de boucliers, désactiver les fonctions de localisation sur son téléphone, ou le laisser à la maison, inscrire le numéro d’un avocat sur son bras ou sa cuisse, utiliser du lait pour calmer la douleur des gaz lacrymogènes et fabriquer des petites bombonnes de récupération de ces gaz grâce à du bicarbonate de soude et de l’eau…
Le gouverneur de Californie a désapprouvé l’envoi de la garde nationale. La dernière fois qu’un président américain avait déployé l’armée pour réprimer des manifestations civiles, c’était en 1992, lors des soulèvements de Watts, après l’acquittement des policiers ayant tabassé Rodney King.
La nécessité d’abolir l’institution policière est flagrante. Mais les démocrates font preuve, une fois encore, de leur incohérence, ou plutôt, de leur attachement au statu quo et aux structures de la répression. La maire de Los Angeles par exemple, Karen Bass, s’est dite « furieuse » des « tactiques qui sèment la terreur et affectent la sécurité dans (sa) ville ». Pourtant, le même jour, elle a adopté le budget municipal accordant 240 nouveaux recrutements au LAPD, dont le budget annuel dépasse déjà les 2 milliards de dollars.
mise en ligne le 7 juin 2025
Cyril Pocréaux sur https://fakirpresse.info/
Ce lundi, c’est le top départ de Parcoursup, cette grande loterie où une machine décide si nos jeunes qui veulent étudier auront, ou non, une chance de réaliser leurs rêves. Spoiler : souvent, c’est « non »…
« L’intelligence artificielle va disrupter tous les modèles économiques, et je veux que nous en fassions partie. Je
veux que nous ayons des champions de l’intelligence artificielle ici en France, et attirer les champions du monde entier. » C’est
Emmanuel Macron, disrupteur en chef, qui lançait ça, l’œil brillant, lors d’un des précédents sommets « French Tech ». Et de vanter, l’œil brillant, son modèle de société qui
« digitalise » les services publics, met des tablettes dans les écoles, oriente les élèves avec les algorithmes de Parcoursup…
Sans même se poser la question sans même qu’elle ne l’effleure : des « champions » pour faire quoi ?
La technique, soit, mais au service de quelle humanité ? Au service de quel projet ? La question n’est jamais posée : car la technique, en elle-même, c’est leur « proooooooojet ».
Et tant pis pour les jeunes qui, non sélectionnés par les algorithmes de Parcoursup – eux-mêmes désormais faussés par ceux qui exploitent « l’intelligence » artificielle pour se faire une place au soleil des classements – tant pis donc pour les jeunes qui, écartés par la machine, sont renvoyés au néant, à eux de se démerder seuls, parce qu’une machine l’a décidé. L’an passé, sur 850 000 candidats à une place pour poursuivre des études supérieures, 85 000 n’avaient pas reçu de proposition. En 2022 : 22 % des bacheliers n’avaient pas trouvé de place. Beaucoup racontent leur détresse sur les réseaux sociaux.
Débrouillez-vous.
Ceux dont les parents ont les moyens pourront toujours alimenter le business des écoles privées.
Quant aux autres…
Quand la machine brise des rêves
C’est un immense, un terrible gâchis.
Un cimetière des vocations, comme on vous le racontait déjà dans notre dernier bouquin, celui de Damien Maudet, Un député aux Urgences.
Car c’est l’un des paradoxes de cette start-up nation dont rêve Macron : ses algorithmes ruinent les rêves, ceux des aspirants infirmiers, entre autres. « La sélection, où il n’y a plus d’entretien, n’est pas adaptée », se désole Rémi Salomon, président de la CME, la conférence médicale d’établissement de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP). En bref : depuis 2019, le concours d’entrée en IFSI (Institut de formation en soins infirmiers) a été supprimé pour laisser place à l’algorithme de Parcoursup, dont personne ne comprend bien le fonctionnement.
Étonnamment, depuis l’entrée en vigueur de ce système, le nombre de demandes d’entrées en IFSI a littéralement explosé (mais pas le nombre de places disponibles) : de 180 000 demandes en 2017, à 680 000 en 2021. Problème, tout aussi étonnant : le nombre d’abandons en cours de cursus a lui aussi augmenté, en flèche. En 2023, la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) pointait un doublement du taux d’abandon en études de soins infirmiers, passant de 10 % pour la promotion 2011 à 22 % pour celle de 2020.
D’après Michèle Appelshaeuser, présidente du Comité des instituts de formations du paramédical, « le concours donnait au moins aux étudiants le temps de maturer un projet et de réfléchir au métier d’infirmier ». Comprenez : aujourd’hui, les étudiants cochent dans leurs vœux un IFSI comme ça, un peu par défaut. Puis sont sélectionnés par la machine, mais se rendent vite compte qu’ils ne sont pas intéressés, et arrêtent. Effet pervers : à l’inverse, des milliers de lycéens motivés sont refoulés d’entrée de jeu par l’algorithme. Et il n’existe aucun concours pour retenter sa chance, quand bien même c’est là le métier de vos rêves. Un rapport sénatorial souhaite remettre en cause ce système, qui génère un « taux d’abandon en cours d’études particulièrement important. »
Mais puisque l’algorithme le dit, on continue à massacrer des vocations.
Et donc, en cascade, à supprimer des lits à l’hôpital.
Merveilleuse start-up nation…
mise en ligne le 7 juin 2025
https://frustrationmagazine.fr/
Le secteur du BTP (Bâtiments et Travaux Publics) est celui où se produit le plus d’accidents du travail mortel. Rien qu’en 2023, 149 travailleurs du BTP sont morts à cause de leur travail. Le 13 mai dernier, trois maçons mourraient sur un chantier à la suite de l’effondrement d’un mur. Les petites entreprises, les plus nombreuses dans le BTP, secteur où la sous-traitance est le modèle économique dominant, sont particulièrement concernées par les problèmes de sécurité qui mènent à ces accidents. C’est ce que nous a raconté Anthony, 21 ans, qui est déjà très conscient des risques qui affectent son quotidien. Après avoir visionné certaines de nos vidéos où l’on parle de la souffrance au travail, il nous a contactés et nous avons discuté.
Je travaille dans le bâtiment, en couverture (la construction des toits), et les conditions sont pitoyables. Dans l’Oise, les entreprises font constamment la course entre elles, les chantiers sont éloignés les uns des autres et c’est notre sécurité qui en pâtit car on doit aller de plus en plus vite. Concrètement, les échafaudages sensés nous protéger sont dangereux à installer : on est à 6 à 8 mètres au-dessus du vide avec une console de 5kg dans une main et le marteau dans l’autre, le tout sans sécurité car on perdrait du temps … Et presque tout le monde a banalisé tout ça. Il y a même des gens qui se mettent en danger sans raison, tout ça pour paraître courageux, fort, et rendre fière les supérieurs, montrer que l’on peut compter sur eux pour faire de l’argent. C’est une constante compétition mais il faut que tout ça s’arrête : je travaille 39h par semaine plus la route et les pauses de 30 minutes pour manger, j’ai 21 ans et je suis crevé. J’ai l’impression que si je continue plus longtemps j’y resterai, mentalement ou physiquement, ou bien les deux…
Concrètement, les échafaudages sensés nous protéger sont dangereux à installer : on est à 6 à 8 mètres au-dessus du vide avec une console de 5kg dans une main et le marteau dans l’autre, le tout sans sécurité car on perdrait du temps … Et presque tout le monde a banalisé tout ça. Il y a même des gens qui se mettent en danger sans raison, tout ça pour paraître courageux, fort, et rendre fière les supérieurs, montrer que l’on peut compter sur eux pour faire de l’argent.
Des fois, je me demande pourquoi on ne manifeste pas avec mes collègues. Mais en fait c’est simple les gens on besoin d’argent, et quand dans le bâtiment on veut manifester, on ne nous écoute pas et en plus on perd de l’argent donc autant la fermer. D’ailleurs je trouve qu’on parle très peu du secteur du bâtiment, alors que je vois et vis chaque jour des mises en danger énormes notamment à cause de la crise actuelle : il y a très peu de chantiers donc on prend tout et vu que les gens n’ont pas assez d’argent il prennent l’entreprise la moins chère. Mais la moins chère, c’est celle qui n’échafaude pas correctement, qui va vite et qui met encore plus en danger ses travailleurs…
Parfois j’essaye d’en discuter avec mes collègues mais pour eux c’est normal et surtout on dirait qu’ils ont peur de perdre leur boulot donc ils acceptent n’importe quoi. Mon collègue, un ancien, a des problèmes de santé et donc parfois il est prêt à refuser de travailler sur un chantier risqué… Mais il finit toujours par accepter ce que demande le patronat. Deux autres collègues, lorsqu’ils sont malades, courent quand même bosser. J’ai l’impression que c’est juste moi qui suis pas assez fou ou alors trop sensé pour ce système, car j’aurais beau changer de boîte c’est partout pareil dans ce secteur.
Je m’entends bien avec mes collègues sur le plan humain, mais niveau travail pas vraiment, ils sont complètement dans le “travailler plus pour gagner plus”, alors que je vois bien que ça ne marche pas. C’est une petite entreprise, on est souvent en équipe de deux et les ouvriers se respectent entre eux, mais depuis des années le contexte économique fait que les petites entreprises qui sont sous-traitantes pour des groupes de construction et font du pavillon neuf sont tellement en concurrence que le moins cher décroche le chantier à chaque fois et c’est nous, travailleurs, qui en pâtissons. Et surtout notre sécurité.
On parle très peu du secteur du bâtiment, alors que je vois et vis chaque jour des mises en danger énormes notamment à cause de la crise actuelle : il y a très peu de chantiers donc on prend tout et vu que les gens n’ont pas assez d’argent il prennent l’entreprise la moins chère. Mais la moins chère, c’est celle qui n’échafaude pas correctement, qui va vite et qui met encore plus en danger ses travailleurs…
Je n’ai jamais parlé à des syndicalistes, notamment parce que j’avais cette idée ancrée en moi du “c’est le boulot qui est comme ça” et que j’aime juste pas mon boulot. Alors qu’en fait c’est faux, ce n’est pas mon boulot que j’aime pas c’est danger inutile, les risques pour gagner plus au boulot et un système qui menace la sécurité des travailleurs.
Concrètement, on travaille sur des pavillons, parfois à 6 mètres de haut, échafaudé sur console qu’on installe depuis une échelle, ce qui est pourtant une pratique interdite. On ne doit pas travailler depuis une échelle, surtout pas pour une manipulation qui nécessite l’utilisation des deux mains, mais on le fait TOUS ! J’ai l’impression parfois qu’on déteste la sécurité, on accepte de faire dangereux pour faire vite. C’est une vraie culture de travail, cette banalisation des risques. Dans le bâtiment demande à n’importe qui ce qu’il pense de l’inspection du travail ils vont te dire qu’il ne servent à rien, qu’il nous cassent les pieds, alors qu’ils sont là pour nous protéger.
Mes patrons sont clairement des bourges pour le coup, mais humainement ça va, disons que peu importe le patron : dans le secteur du pavillon neuf, il y a toujours des manquements à la sécurité et quand j’en parle autour des moi a d’autre couvreur je me rends compte c’est généralement partout pareil. Ce système est horrible et je ne trouve pas comment en sortir.
On manque de matériel de qualité : Outillage, visseuse meuleuse, tronçonneuse, échafaudage propre, on manque d’échafaudage correct, d’un monte charge : il n’y en a un pour deux équipes et dans un très mauvais état. Nos EPI (équipement personnel de sécurité) c’est des gants, des chaussures de sécurité, bleu de travail, casque et lunettes, on les a et on est autorisé à en prendre chez le fournisseur sans demander, à ce niveau là c’est cool, mais c’est aussi le minimum syndical donc c’est normal.
Mes patrons sont clairement des bourges pour le coup, mais humainement ça va, disons que peu importe le patron : dans le secteur du pavillon neuf, il y a toujours des manquements à la sécurité et quand j’en parle autour des moi a d’autre couvreur je me rends compte c’est généralement partout pareil, dans l’Oise en tout cas.
Ce système est horrible et je ne trouve pas comment en sortir
mise en ligne le 6 juin 2025
Thomas Coutrot sur www.politis.fr
Une subvention de 800 millions d’euros accordée pour relancer une centrale biomasse à la réussite douteuse. Et cinq ans d’attente pour un prêt de 27 millions d’euros visant à redémarrer une usine de recyclage de papier. Comment expliquer cette différence de traitement ?
En novembre 2024, l’État a annoncé une subvention de 800 millions d’euros pour la relance de la centrale biomasse de Gardanne. Ce soutien massif contraste étrangement avec son refus, toujours persistant à ce jour, d’accorder un simple prêt de 27 millions d’euros via la Banque publique d’investissement (BPI) pour la relance de la papeterie Chapelle-Darblay à Grand-Couronne (Seine-Maritime), fermée depuis cinq ans.
La centrale biomasse de Gardanne est pourtant dénoncée par les associations environnementales comme un désastre écologique : elle brûle 450 000 tonnes de bois par an, dont un tiers importé, avec un rendement énergétique inférieur à 30 %. Autrement dit, deux arbres brûlés sur trois ne font qu’émettre du CO2 sans produire d’électricité. Elle émet des particules fines sur le territoire avoisinant et pousse à un extractivisme forestier, comme le dénoncent de nombreuses associations locales. Une enquête publique se déroule en ce moment auprès de 324 communes touchées, et pourrait renforcer la mobilisation citoyenne.
En revanche, l’impact écologique positif de la relance de Chapelle-Darblay ne fait pas débat. L’usine pourrait recycler 480 000 tonnes de papiers usagés pour produire du carton et stopperait l’aberration écologique actuelle : depuis cinq ans, le contenu des poubelles jaunes de l’Ouest de la France est envoyé par camions en Allemagne et en Italie pour y être recyclé.
Dans les deux cas, la CGT locale et nationale s’est mobilisée pour défendre l’emploi et l’environnement. La CGT de Gardanne a élaboré, en lien avec des ONG, un projet industriel réduisant fortement l’usage de la biomasse et prévoyant le développement de la production de biogaz. La CGT de Chapelle-Darblay a travaillé avec Greenpeace pour présenter une argumentation irréfutable sur les bénéfices environnementaux de la relance de la papeterie.
L’État s’est fortement engagé pour Gardanne, mais n’a pas conditionné son soutien à la mise en œuvre du projet alternatif porté par la CGT. Les emplois pourraient être sauvés mais pas l’environnement. Comment expliquer ce deux poids deux mesures ? L’actionnaire de Gardanne est EPH, le groupe du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, qui a fait fortune en rachetant des centrales à charbon en fin de vie. Il dispose d’un fort poids politique, notamment via son groupe de presse. Il a fermé la centrale à charbon de Gardanne en 2021 au profit de celle à biomasse, conformément aux promesses du candidat Macron en 2017. Élu président, celui-ci veille à assurer la survie de la nouvelle centrale, même si son bilan écologique est à peine moins désastreux.
La Chapelle-Darblay dispose manifestement de moins d’amis dans les hautes sphères gouvernementales.
À la Chapelle-Darblay, l’actionnaire est le groupe canadien Fibre Excellence, soutenu par les collectivités locales, qui ont même réquisitionné le foncier pour empêcher la vente de l’usine par son précédent actionnaire. Mais le projet dispose manifestement de moins d’amis dans les hautes sphères gouvernementales. Lassé d’attendre, Fibre Excellence a lancé un ultimatum à l’État, soutenu par les syndicalistes CGT (1). Souhaitons qu’ils soient enfin entendus.
mise en ligne le 6 juin 2025
Bruno Rieth, Florent LE DU ,Anthony Cortes et Elisabeth Fleury sur www.humanite.fr
L’attentat de Puget-sur-Argens (Var) rappelle la réalité de la violence identitaire. Un danger identifié par les services de renseignements. Comment s’est passée cette montée en puissance de l’ultradroite ? Et pourquoi les gouvernements successifs y sont si longtemps restés sourds ? Explications.
C’est un peu après 22 heures, ce samedi 31 mai, à Puget-sur-Argens (Var), que Christophe B., âgé de 53 ans, démarre son périple meurtrier. À bord de sa Nissan Navara, il emporte deux armes de poing semi-automatiques, deux armes d’épaule, quatre chargeurs garnis de munitions, et plus de 1 000 munitions. Quelques minutes plus tard, il croise un premier voisin, de nationalité tunisienne : Hichem Miraoui.
Sans sortir de son véhicule, il le tue en faisant feu à plusieurs reprises. Il reprend sa route et à 22 h 26, crible la baie vitrée d’un logement de la résidence. Alertés par les détonations, deux des occupants sortent et essuient les tirs de Christophe B. L’un des deux, Kurde né en Turquie, est blessé à la main. Le tireur est interpellé le lendemain, à 5 h 10. Un meurtre raciste ? Pas seulement. Un « attentat terroriste », selon le Parquet national antiterroriste (Pnat) qui s’est saisi de l’affaire. C’est la première fois, depuis sa création en 2019, que le Pnat ouvre une enquête pour un attentat d’extrême droite.
Terroristes solitaires
Depuis 2017, 20 dossiers ont été ouverts, mais jusqu’ici uniquement pour des actes préparatoires. Cet attentat, inédit, concrétise tristement les inquiétudes des services de renseignements français depuis plusieurs années. L’ultradroite compterait entre 2 000 et 3 000 individus, dont 1 300 sont fichés S, selon une source proche des renseignements.
« L’ultradroite suit la même évolution que les mouvements terroristes islamistes. Ces dernières années, de nombreux groupes ont été démantelés. Le risque, c’est qu’on se retrouve avec de plus en plus d’individus isolés qui passent à l’acte », indique notre interlocuteur. Les exemples de terroristes solitaires ne manquent pas en Europe et aux États-Unis. Cette menace éclate au grand jour avec l’attentat perpétré en 2011 par le néonazi Anders Breivik en Norvège.
Le premier d’une longue liste : la fusillade de l’église à Charleston (États-Unis) en 2015, Munich (Allemagne) en 2016, Christchurch (Nouvelle-Zélande) en 2019, Hanau (Allemagne) en 2020… La France a aussi connu des attaques similaires sans pour autant être qualifiées de terroristes. Comme la fusillade de la rue d’Enghien, fin décembre 2022, qui avait visé des militants kurdes, faisant trois morts et quatre blessés.
Un rééquilibrage des missions du renseignement
En tant que premier procureur de la République antiterroriste de 2019 à 2024, Jean-François Ricard a été à l’origine de cette décision. S’il confie à l’Humanité avoir immédiatement placé la menace de l’ultradroite parmi ses plus grandes inquiétudes, la jugeant « capable de tuerie de masse », il affirme ne rien regretter, brandissant la « doctrine » du Pnat qu’il a participé à élaborer. « Il peut y avoir des dossiers d’actions idéologiques violentes qui ne peuvent être qualifiées de terroristes, se justifie-t-il. La fusillade de la rue de Enghien est un cas typique où nous sommes dans l’épaisseur du trait. Les faits peuvent laisser penser qu’il s’agit d’un acte terroriste, mais la personnalité perturbée de l’auteur le contredit. »
Et de poursuivre : « Pour que le Pnat se saisisse, il faut remplir une batterie de critères. Une proximité avec une organisation terroriste, une certaine gravité des faits, et avoir réfléchi son acte en conscience. » Une analyse qui semble avoir légèrement évolué depuis. Interrogée au sujet de ces affaires qui n’avaient pas fait l’objet d’une saisine du Pnat, une source judiciaire souffle : « Il ne faut pas regarder des affaires qui datent de quelques années avec les yeux de 2025. »
Dès sa prise de poste, Jean-François Ricard alerte le pouvoir politique sur l’ampleur de la menace identitaire en s’appuyant sur les « éléments de terrain » des renseignements. Non sans difficulté dans un premier temps. « On m’a suspecté d’être un magistrat qui protégeait l’ultragauche », se souvient-il. « Jusqu’en 2018, tout était centré sur la lutte contre la menace islamiste ou presque et cela se justifiait, précise un agent de la DGSI. Ensuite, on entendait en permanence parler de « l’ultragauche », alors que pour nous le danger c’était l’ultradroite, nous l’avons fait savoir. »
Résultat : leurs alertes ont finalement conduit à un « rééquilibrage » encore en cours dans l’appréhension des différentes menaces terroristes. « À partir de 2020, on nous a demandé de nous remettre sur l’ultradroite et de faire remonter à la DGSI les profils qui pourraient virer terroristes », confirme un ex-agent du renseignement territorial (RT).
En poste à l’époque à Beauvau (2018-2020), Christophe Castaner, interrogé par nos soins, ne tient pas à rebondir sur ces alertes. « Je crois que cette conscience était partagée », évacue-t-il. L’ex-ministre précise cependant avoir demandé à ses services de porter « une attention particulière sur la mouvance radicalisée d’extrême droite », notamment en « prenant en compte ce qu’il se passait en Allemagne, où l’essentiel des attentats terroristes était le fait de radicalisés d’extrême droite ». Pour preuve, l’ancien ministre souligne que, sous ses ordres, huit groupes d’ultradroite ont été dissous en 2019.
Une sphère identitaire en ébullition
Comment expliquer cette prise de conscience tardive ? « À partir de 2017, les alertes se sont répétées, avance un autre agent. Jusqu’au moment où nous avons mis au jour l’affaire des Barjols, là on s’est dit que ça devenait sérieux. » À l’époque, ce groupe clandestin est suspecté de préparer des assassinats de musulmans ou d’Emmanuel Macron.
Dans le même temps, les personnes surveillées de longue date et gravitant autour des réminiscences du GUD, des Zouaves, des mouvements néoskinheads (en particulier composé d’anciens du Bastion social, dissous en 2019), affichent une activité renforcée, parfois en lien avec des mouvances étrangères, en particulier allemandes, polonaises ou britanniques, nous rapporte-t-on.
Tout un monde que l’on retrouve bien souvent, selon les agents interrogés, dans les « espaces VIP » des meetings RN ou Reconquête. « À cela s’ajoute le travail constaté des ingérences russes pour faire monter les thèmes identitaires, de lutte civilisationnelle, et les discours racistes, pour accroître le nombre de fâchés », analyse un membre des renseignements.
Cette montée en puissance de l’ultradroite est favorisée par les réseaux sociaux et messageries cryptées type Telegram ou Discord. C’est le cas des Barjols, d’abord nés sur Facebook, ou des membres du « projet Waffenkraft », groupe de néonazis qui avait projeté des attentats contre « les juifs, les musulmans » et des personnalités comme Jean-Luc Mélenchon ou l’artiste Médine. Entrés en contact via Discord, ils y ont monté leur projet, avant de se rencontrer physiquement pour un « week-end d’entraînement » en forêt.
Ces réseaux permettent aussi de diffuser cette idéologie raciste, potentiellement violente, alimentant les fameux « loups solitaires », plus difficiles à identifier pour les services de renseignements. « Ces fils de discussion, où se disent les pires horreurs, banalisent à la fois le racisme et les appels à la violence, observe le sociologue Samuel Bouron, auteur de Politiser la haine (la Dispute, 2025). Ils peuvent accélérer les passages à l’acte en ce sens qu’ils endoctrinent, donnent des idées et légitiment des individus enclins à basculer dans la violence en leur montrant qu’ils ne sont pas seuls. » Sur ces groupes publics, n’importe qui peut accéder à des messages tels que cette photo d’un fusil à pompe, légendée : « Remigration ou mise en terre ? » et publiée deux jours après l’attentat de Puget-sur-Argens.
Les discours politiques pointés du doigt
À ce stade de l’enquête, rien n’indique que Christophe B., qui a reconnu avoir tué Hichem Miraoui, fréquentait ces groupes. Son manifeste sous forme de vidéos démontre en revanche l’influence de la libération de la parole raciste, dans les sphères médiatiques et politiques.
« Il y a un sujet sur le discours politique actuel et l’imaginaire qu’il déploie, notamment chez Retailleau et Darmanin, situé entre la matrice identitaire et le propos de bistrot, relève un agent. À la fin ça donne quoi ? Des mecs qui se disent qu’ils peuvent bien tuer des Arabes. »
Un bruit de fond xénophobe qui inquiète les services de renseignements et la justice. Pierre Couttenier, procureur de Draguignan (Var), non loin de Puget-sur-Argens, note une hausse du nombre d’injures à caractère raciste mais témoigne de son impuissance : « Malgré l’affichage politique, rien n’est fait contre le bas du spectre, l’injure raciste, qui n’aboutit jamais à des condamnations. » Le gouvernement doit agir à la racine de la haine raciste. Aujourd’hui, cela revient à exiger du pyromane qu’il éteigne l’incendie.
mise en ligne le 5 juin 2025
Cécile Rousseau sur www.humanite.fr
Après 23 jours de mobilisation, les grévistes de l’hôpital psychiatrique d’Auch ont arraché, ce 3 juin, une grande partie de leurs revendications.
Le 3 juin, au terme de vingt-trois jours de grève, les blouses blanches du centre hospitalier spécialisé psychiatrique d’Auch (Gers) ont arraché une grande partie de leurs revendications. Le projet de gel de dix lits cet été, faute de personnel, qui avait mis le feu aux poudres, a ainsi été balayé. L’agence régionale de santé s’est aussi engagée à faire le maximum pour trouver des psychiatres dans les structures alentour pour assurer les dix jours de pénurie de garde estivale. Sept psychologues vont également être stagiairisés (en vue de titularisation) alors qu’ils étaient en CDD.
Au total, une trentaine de recrutements ou de redéploiements sont prévus. Pour obtenir cette victoire, des dizaines de soignants se sont succédé pour tenir le piquet 24 heures sur 24 devant l’entrée. Avec une banderole : « 2025, année de la santé mentale, ça commence quand ? »
Certains, comme Annabelle Skowronek, infirmière et élue CGT au CSE, ont enchaîné les nuits dans le camping-car ou la tente. « On est super-satisfaits du résultat mais on a dû déployer une énergie folle juste pour se faire entendre et avoir la garantie de conditions de travail à peu près normales ! » précise la syndicaliste.
mise en ligne le 5 juin 2025
Théo Bourrieau sur www.humanite.fr
Un cargo israélien fait escale, jeudi 5 juin, près de Marseille, et doit embarquer en secret 14 tonnes de pièces détachées pour mitrailleuses. Fabriqué par la société française Eurolinks, ce matériel militaire est destiné à l’entreprise d’armement Israel Military Industries, révèlent Disclose et le média irlandais The Ditch.
Alors qu’un navire de la Flottille de la liberté est en route pour tenter de percer le blocus de la bande Gaza, chargé d’aide humanitaire, un tout autre type de cargaison risque de bientôt emprunter la même route. Selon une enquête de Disclose et de The Ditch, un cargo israélien va faire escale, jeudi 5 juin, à Fos-sur-Mer, près de Marseille.
Le Contship Era doit embarquer en secret 14 tonnes de pièces détachées pour fusils-mitrailleurs, fabriqué par la société française Eurolinks et destiné à l’entreprise d’armement Israel Military Industries. Jeudi 5 juin, un nouveau volet de l’enquête révèle qu’une autre cargaison doit embarquer dans ce même bateau, composée de pièces détachées produites par la société Aubert et Duval servant à équiper des canons.
Alors qu’Emmanuel Macron promet des sanctions contre Israël, la France, dans le même temps, continue de vendre des armes au gouvernement de Benyamin Netanyahou, responsable du génocide à Gaza. Le ministère des armées français a répondu que « La France ne fournit pas d’armes à Israël ». Cependant, Israël reste un « partenaire », répond le ministère : « On ne va pas se priver ni de sa technologie ni de ses compétences ».
Du matériel utilisé dans le « massacre de la farine » ?
D’après les informations du média d’investigation en ligne et du média irlandais, le navire de commerce doit embarquer 19 palettes contenant des « maillons », des pièces détachées utilisées pour relier entre elles des cartouches d’armes automatiques. L’arrivée du cargo est prévue jeudi 5 juin à 6 heures, son départ, destination le port d’Haïfa, au nord d’Israël, le même jour aux alentours de 23 heures, écrivent les journalistes, dont Ariane Lavrilleux.
L’entreprise à l’origine de la commande est une filiale d’Elbit Systems, l’un des principaux industriels de l’armement israélien, se présente comme « le fournisseur exclusif des forces israéliennes de défense » et fourni l’armée israélienne en munitions, précise les Disclose et The Ditch. D’après eux, il s’agit de la troisième livraison de ce type entre Fos-sur-Mer et Haïfa depuis le début de l’année : la première fois le 3 avril pour une cargaison de 20 tonnes de marchandises, la deuxième le 22 mai. Parmi les maillons livrés, au moins un million est compatible avec le Negev 5, fusils automatiques utilisés dans la bande de Gaza et employé par l’armée israélienne dans le « massacre de la farine », le 29 février 2024 où plus de 100 Palestiniens sont morts.
« Les dockers ne le chargeront pas »
Pour rappel, en mars dernier, une enquête de Marsactu et de Disclose révélait que la France aurait autorisé, fin octobre 2023, la livraison à Israël d’au moins 100 000 pièces du même genre et de la même entreprise susceptibles d’être utilisés contre des civils à Gaza. En octobre 2024, un rapport gouvernemental, dont le contenu a fuité sur Mediapart, confirme que la France a vendu pour 30 millions d’euros d’armes à Israël en 2023.
Toujours selon une enquête de Disclose, une autre entreprise d’armement française, Thales, aurait vendu à l’industrie de l’armement israélien pour 2 millions d’euros de systèmes d’aide au pilotage pour des drones armés, ce que la firme française dément auprès de l’Humanité. Thalès affirme « s’assurer de l’identité des utilisateurs finaux de ces systèmes dans les pays tiers concernés ».
« L’Espagne, elle, annule ses contrats d’armement avec Israël… », rappelle la députée communiste des Hauts-de-Seine Elsa Faucillon. « Les dockers français, fidèles à leur histoire, ne laisseront pas passer cette complicité avec le massacre du peuple palestinien », espère de son côté le député apparenté au groupe Écologiste François Ruffin. Dans le même temps, le Syndicat Général CGT des Ouvriers Dockers et des Personnels Portuaires du golfe de Fos explique avoir trouvé le conteneur chargé de matériel mortel et l’avoir mis de côté.
« Les dockers ne le chargeront pas », affirme le communiqué, ne voulant pas « participer au génocide en cours orchestré par le gouvernement israélien ». « Pour la paix, pour l’arrêt des guerres dans le monde, pour une société débarrassée de l’exploitation capitaliste » termine gravement le syndicat. « Partout dans le monde, la lutte s’organise contre le génocide à Gaza ! », félicite Manuel Bompard, député insoumis de Marseille.
mise en ligne le 4 juin 2025
sur https://www.rfi.fr/
C’est officieux, mais c’est certain : le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez se prépare à faire voter une immense régularisation de près de 500 000 migrants en situation irrégulière en Espagne, et ce, alors que bien d’autres pays européens ne pensent qu’à expulser. Le parti au pouvoir reprend ainsi le flambeau d’une initiative législative parlementaire qui a recueilli 800 000 signatures. L’opposition de droite est vent debout.
70 000 étrangers vont bientôt bénéficier d’un permis de séjour et d’un permis de travail en Espagne, rapporte notre correspondant à Madrid, François Musseau. C’est la volonté de l’exécutif socialiste pour qui le pays a besoin de main d’œuvre pour son économie au beau fixe, qui connaît une croissance de 2% et avec un taux de chômage qui ne cesse de baisser, grâce principalement au tourisme et aux exportations de services.
On ne connait pas encore les conditions requises, mais il s’agit réellement de légaliser près d’un demi-million d’étrangers sans papiers dans un pays touché par le vieillissement démographique, et avec un taux de natalité parmi les plus bas d’Europe.
Ces régularisations devraient bénéficier à plusieurs secteurs économiques en tension, comme ceux de la construction, de l'agriculture, de l’hôtellerie ou de la restauration. Les étrangers y représentent déjà jusqu’à la moitié des effectifs.
Une initiative populaire reprise par les socialistes au pouvoir
Cela fait un an que cette initiative populaire, citoyenne, est bloquée au Parlement. Elle vient d’être reprise par les socialistes au pouvoir. Pourquoi ? Pour remédier au fait que, depuis l’approbation d’un nouveau règlement sur les étrangers en novembre dernier, de très nombreuses personnes se retrouvent dans l’illégalité, essentiellement les parents étrangers de résidents établis en Espagne et surtout des demandeurs déboutés du droit d’asile.
À droite, la principale formation, le Parti populaire, s’y oppose, mais comme le gouvernement de gauche détient la majorité à la Chambre basse, cela ne devrait pas empêcher cette régularisation massive.
Ces dernières années, l’immigration s’est imposée comme l’un des principaux sujets de débat dans la société espagnole.
Guy Trubuil sur https://www.midilibre.fr/
Système de dématérialisation pour le renouvellement des titres de séjour, dossiers refusés pour des motifs techniques, absence de contacts directs, délais intenables. Certains demandeurs d’un renouvellement de leur titre de séjour se retrouvent parfois dans des situations très délicates.
"C’est très difficile pour moi, jamais je n’ai connu une telle situation, je tombe des nues." À 61 ans, après cinquante ans passés en France en toute légalité, Yves (1) est aujourd’hui sans titre de séjour. Originaire du Cameroun, il a entamé les démarches de renouvellement de sa carte pour une durée de 10 ans à la fin de l’année dernière, dans les délais impartis, à savoir quatre mois avant l’échéance. "Il s’agissait de ma quatrième demande, les deux fois précédentes, on m’envoyait même des formulaires de demande de naturalisation. Mais cette fois-ci, rien ne s’est passé."
Rupture de droits
Et sa carte de séjour a expiré. Considéré en situation irrégulière, Yves a été radié de France Travail où il était inscrit… Pas de papiers, pas d’indemnités. Comme lui, de nombreux demandeurs d’un renouvellement de titre se retrouvent aujourd’hui désemparés, sans possibilité de travailler ou de voyager et sans recours sinon celui de faire appel à un avocat.
Une voie empruntée par Ludmila (1), une Ukrainienne placée devant l’impossibilité de se rendre en Allemagne pour assister aux obsèques de son père. Après avoir saisi le tribunal administratif sa demande d’une carte pluriannuelle a finalement été acceptée par la préfecture, quelques jours… avant l’audience. Une situation qui n’est pas isolée.
"Il y a tellement de dysfonctionnement que la préfecture n’arrive plus à traiter les dossiers. La préfecture est saturée, le tribunal administratif est sous l’eau mais c’est dramatique pour ces personnes. Certaines n’ont plus de ressources. On se retrouve devant des situations iniques, de rupture de droits" observe Me Julie Moulin. "Parfois, la préfecture octroie des récépissés provisoires, d’un mois, trois mois, renouvelés et ensuite c’est le silence radio de l’administration" ajoute la juriste.
"Même nous qui connaissons les procédures on ne sait jamais sur quel site on doit faire la démarche. Et dans le cadre des démarches simplifiées, la préfecture propose parfois des rendez-vous après l’échéance du titre", relève Thierry Lerch, bénévole à la Cimade. "Moi ce qui m’inquiète c’est le renouvellement des titres de 10 ans pour les personnes âgées" ajoute Alain.
La domiciliation auprès du CCAS remise en cause
Les associations qui interviennent auprès des personnes sans papiers viennent d’écrire à la préfecture pour s’émouvoir d’un changement intervenu dans l’examen des demandes. "Depuis quelques semaines, il est indiqué sur le site qu’en cas de domiciliation de la personne au CCAS, le dossier ne sera pas recevable. On pense que c’est discriminatoire" précise Camille Couturier, chargée de coordination à la Cimade. "Cela va laisser sur le carreau beaucoup de personnes, celles qui vivent dans les bidonvilles, celles qui sont hébergées par le 115" poursuivent la responsable et Thierry Lerch un bénévole.
Pas un justificatif suffisant
La domiciliation permet aux demandeurs de disposer d’une adresse postale, nécessaire pour entreprendre certaines démarches. La Cimade rappelle que les demandes de domiciliation sont elles-mêmes instruites par le Centre communal d’action sociale de Montpellier avant d’être acceptées.
Pour la préfecture, cependant, "la déclaration de domiciliation auprès d’un CCAS ne peut justifier, à elle seule, d’un domicile effectif dans le département." Ses services rappellent la liste des justificatifs acceptés, les factures (eau, gaz…) un bail de location de moins de six mois la taxe d’habitation, une attestation de l’hébergeant… "Ainsi la situation des étrangers domiciliés effectivement par une association sera naturellement prise en compte" précisent-ils en ajoutant qu’une "attention particulière reste portée aux usagers en situation de grande précarité qui n’auraient pas d’autres possibilités de prouver leur résidence sur le territoire".
Explosion du contentieux
Car la démarche passe depuis plusieurs mois par l’Administration numérique des étrangers de France, l’Anef. "C’est une plateforme numérique mais à la moindre difficulté, si un document n’est pas lisible par exemple, cela clôture le dossier. Cela ne fonctionne pas bien. Ce système limite les personnes dans la possibilité de présenter leur situation globale" reprend Me Moulin.
"Pour les personnes qui demandent un titre de séjour car ils ont un emploi on arrive à traiter le problème en amont, avec la préfecture. Mais la principale difficulté c’est pour les femmes isolées avec enfants. Elles obtiennent des récépissés mais parfois en décalage. Il y a des trous pendant lesquels elles ne peuvent pas, par exemple, avoir accès à la CAF" ajoute sa collègue Me Sophie Mazas.
Une "phase transitoire" indique la préfecture
Contactés, les services de la préfecture confirment que la dématérialisation des démarches est actuellement dans "une phase transitoire" entre l’ancien et le nouvel outil qui "induit une augmentation de la charge de travail des services" mais défendent "une réforme nécessaire sur le moyen terme".
Les problèmes rencontrés avec l’Anef, mais aussi la contestation des obligations à quitter le territoire (OQTF) et le durcissement de la politique nationale dans l’octroi des autorisations de séjour, ont eu pour conséquences de faire exploser le contentieux dit des étrangers au tribunal administratif. La juridiction confirme "l’augmentation de 41,3 % de ce contentieux depuis le début de l’année 2025".
Chez les personnes résidant en France depuis des années, le malaise est palpable. "C’est très difficile pour moi. Heureusement que mon amie m’a aidé dans mes démarches. Ce que je regrette c’est qu’on n’a pas d’interlocuteur, seulement des réponses automatiques" déplore Yves. La préfecture rappelle, de son côté que les usagers peuvent télécharger sur l’Anef, une "attestation de prolongation d’instruction". "Ce document prolonge les droits de l’ancien titre de séjour" assure-t-elle.
(1) Prénoms d’emprunt.
mise en ligne le 4 juin 2025
Louis Maurin sur https://www.inegalites.fr/
Le « Rapport sur les inégalités en France » vient de paraitre. À quoi bon dresser un état des lieux factuel et nuancé, quand le débat médiatique ne semble se nourrir que d’exagérations, voire de démagogie ? Dans l’avant-propos de l’ouvrage, Louis Maurin vous présente cette nouvelle publication.
Doit-on continuer à produire un rapport sur les inégalités en France ? La question se pose à l’heure où notre système d’information semble avoir perdu la raison. À droite comme à gauche, la démagogie paraît triompher de tout. Pour susciter l’excitation médiatique, il faut produire du drame, jouer sur les peurs, montrer du doigt tel ou tel bouc émissaire de la France d’en bas le plus souvent, parfois d’en haut.
« Contre les inégalités, l’information est une arme », martelons-nous depuis des années. Que faire de ce slogan si l’information perd son sens, noyée dans le brouhaha médiatique ? Chacun s’enferme dans sa bulle et se conforte dans ses convictions. Il peut sembler bien naïf de croire en la valeur de nos graphiques, tableaux et explications. À notre souci de débattre sérieusement à partir d’opinions différentes. L’heure ne semble plus être à tenter de convaincre ceux qui pensent différemment mais à les soumettre par la violence des arguments.
La réponse est simple : le camp des dominants n’attend qu’une chose, que nous baissions les bras. À force, par exemple, d’intérioriser que l’opinion publique serait devenue raciste, « pauvrophobe » ou « anti-impôts », les défenseurs de l’égalité ont trop souvent battu en retraite. Une forme moderne de « servitude volontaire », pour reprendre l’expression d’Étienne de La Boétie, ce philosophe du XVIe siècle [1].
Contre la marée de la désinformation, nous ne lâcherons rien. Massivement, les Français rejettent les inégalités et plébiscitent la solidarité. De 2002 à 2023, la part de celles et ceux qui pensent qu’il y a des races supérieures à d’autres a été divisée par deux, de 14 % à 7 %. Celle des personnes « tout à fait d’accord » avec l’opinion selon laquelle « il y a trop d’immigrés » a baissé de 28 % à 14 % entre 2016 et 2024. 12 % de la population seulement estime qu’on en fait trop pour les plus démunis.
Pourtant, notre pays bafoue sa devise. Avant impôts et redistribution, la France est l’un des pays les plus inégalitaires parmi les pays riches, juste après les États-Unis et le Royaume‑Uni. Ce n’est que grâce à de puissants mécanismes de solidarité qu’après redistribution, il termine tout juste en milieu de peloton.
Notre modèle social est très loin d’être l’un des plus mauvais du monde : il vaut bien mieux se faire soigner ou étudier en France qu’ailleurs. Il est surtout un modèle d’hypocrisie. Nous ne cessons de prôner l’égalité, pour les autres. Ce décalage entre les discours répétés des pouvoirs publics sur le sujet et le quotidien de la population nourrit des tensions, plus encore que le niveau des inégalités. Il alimente un profond rejet non pas de la politique mais des politiques en place et fait progresser le Rassemblement National.
La plus belle illustration de cette hypocrisie est l’école. Les enfants de diplômés partent avec plusieurs longueurs d’avance. Tout le monde le sait, depuis des décennies. « Les cadors, on les retrouve toujours aux belles places, nickel », chantait Alain Souchon il y a bientôt quarante ans. Aujourd’hui, l’élite scolaire, que constituent les écoles normales supérieures par exemple, recrute toujours plus de deux tiers de ses effectifs parmi les enfants de cadres supérieurs.
En haut de la hiérarchie sociale, tout le monde s’en moque. Depuis les années 1980, aucun gouvernement n’a entrepris de politique d’envergure de démocratisation de l’école. Cette inaction répond à la pression des lobbys des diplômés, en particulier des représentants des lycées d’élite, des classes préparatoires et des grandes écoles. À la sortie du système scolaire, le déclassement à l’embauche, la précarité, la dureté des conditions de travail et bien d’autres éléments minent la vie des exécutants. Cette situation est ressentie d’autant plus violemment que notre pays est l’un des plus riches au monde, que cette richesse est de plus en plus visible, et que ces dernières années ont été marquées par des politiques publiques qui ont nourri les revenus des plus aisés.
On peut continuer à ignorer les alertes que lance l’Observatoire des inégalités depuis plus de 20 ans au fil de ses publications, comme bien d’autres à l’instar de la Fondation pour le logement des défavorisés dans son rapport annuel sur l’état du mal-logement, ou du Secours Catholique au sujet de la pauvreté. Tous documentent l’ouverture lente de la fracture sociale. Dans ce cas, il ne faut pas se plaindre des conséquences politiques de cette surdité. Le prix à payer de la gourmandise des classes aisées et diplômées est le délitement du tissu social et, à terme, un « déchirement du pacte républicain », selon l’expression de l’ancien président de la République Jacques Chirac (discours du 17 décembre 2003). Faute d’actions, c’est exactement ce qui se passe. Une partie des classes dirigeantes, malgré ses cris d’orfraies devant l’arrivée possible de l’extrême droite au pouvoir, semble ne pas s’en inquiéter : il faut dire qu’elles en seraient les premières bénéficiaires.
De la lutte contre le racisme à celle contre l’échec scolaire, de l’aide aux plus démunis à l’engagement pour l’égalité entre les femmes et les hommes, les forces de combat contre les inégalités sont d’une tout autre puissance que le militantisme xénophobe et autoritaire. Des millions de bénévoles y sont engagés tous les jours. L’urgence aujourd’hui est de mettre en place les moyens d’un rassemblement très large autour de valeurs communes au lieu de s’entredéchirer et de pointer du doigt des boucs émissaires. La vocation de notre rapport est de servir de base de discussion solide, pour défendre des politiques publiques de justice sociale.
[1] Voir Discours de la servitude volontaire, Étienne de La Boétie, édition établie par Anne Dalsuet et Myriam Marrache-Gourand, Folio, éd. Gallimard, avril 2025.
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Rapport sur les inégalités en France, édition 2025.
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Tous les deux ans, l’Observatoire des inégalités publie un panorama complet des disparités qui fracturent notre société. Revenus, éducation, travail, modes de vie, territoires : l’ouvrage analyse méthodiquement les écarts en s’appuyant sur les données les plus récentes. Anne Brunner en repère des faits saillants et les évolutions récentes.
Le constat n’est pas nouveau : les catégories populaires, composées d’ouvriers, d’employés, de personnes peu diplômées et souvent peu qualifiées, subissent les exigences de flexibilité d’une société prospère, confortable pour une large classe favorisée. La fracture passe par les conditions de travail notamment. 35 % des salariés connaissent au moins trois critères de pénibilité physique à leur poste, une proportion qui n’a pas baissé en quinze ans. Cela concerne dix fois plus les ouvriers que les cadres. L’injustice est d’autant plus grande que notre pays est aussi l’un des plus inégalitaires dans le domaine de l’éducation. Année après année, les tests de niveaux scolaires montrent à quel point l’école française profite beaucoup plus aux enfants de parents diplômés qu’à ceux de milieux populaires.
Au final, le milieu social des parents est le facteur qui a la plus grande répercussion sur les revenus perçus à l’âge adulte, bien plus encore que le sexe, le fait d’avoir grandi dans un quartier défavorisé ou d’avoir des parents immigrés. Bien sûr, tous ces facteurs peuvent se cumuler. Bien sûr aussi, le déterminisme n’a rien de systématique, bien des exceptions confirment la règle. Mais ce chiffrage montre le poids de la reproduction des inégalités d’une génération à l’autre, de façon incontestable. À ce constat s’ajoutent des phénomènes nouveaux. Les résultats des derniers travaux de la recherche doivent servir d’électrochoc : les filles ont de moins bons résultats en mathématiques que les garçons dès l’école primaire. Et l’université ne se démocratise plus. Deux signaux qui alertent sur l’urgence à repenser l’école et ses objectifs.
Le rapport que nous venons de publier apporte aussi de bonnes nouvelles, souvent passées sous les radars des médias qui ne s’attardent guère sur le sort des plus modestes. Soulignons par exemple cette amélioration : le taux de chômage dans les quartiers prioritaires a diminué de 25 % en 2014 à 18,3 % en 2022, soit une baisse de 6,7 points, tandis qu’il a reculé de 2,6 points dans les autres quartiers (de 10,1 % à 7,5 %). Cela signifie que l’écart tend à se réduire entre les territoires les plus défavorisés et le reste de la France. L’évolution est d’autant plus importante à noter que ces quartiers sont ceux de l’habitat social qui accueille les populations les plus démunies et voit souvent déménager ceux qui s’insèrent le mieux dans l’emploi. Les lieux les plus en difficulté ne sont pas éternellement destinés à le rester.
Et demain ?
Nos données les plus récentes sur les niveaux de vie et l’éducation portent sur l’année 2022. Celles sur l’emploi, le plus souvent sur 2023. Depuis, l’inflation a persisté encore quelques mois, le chômage semble repartir à la hausse et l’économie mondiale est secouée par la brutalité et l’imprévisibilité du président des États-Unis. Les événements des derniers mois ont-ils fait évoluer ces indicateurs et dans quel sens ? Il faudra attendre la prochaine édition de ce rapport pour en mesurer les effets. Partageons tout de même quelques éléments qui doivent à la fois éviter de tomber dans l’exagération et alerter.
Malgré le ralentissement économique, les augmentations de salaires se sont poursuivies au cours des deux dernières années, en léger retard par rapport à la hausse des prix. Le revenu par personne a même gagné du pouvoir d’achat (0,3 % sur l’année 2023, puis 1,9 % en 2024 selon l’Insee). Mais cette évolution globale pourrait masquer un accroissement des inégalités, entre ceux qui ont pu négocier une hausse de salaire et les autres, notamment. Cependant, rien n’indique une explosion des écarts.
Le « mal-emploi » continue à miner notre société et à attiser les tensions sociales
Du côté des plus modestes, la baisse du nombre d’allocataires du RSA s’est arrêtée en septembre 2024. Le nombre de personnes qui perçoivent une allocation pour chômeurs en fin de droits augmente, ainsi que celui des allocataires du minimum pour les personnes handicapées. La catégorie qui voit sa situation le plus se dégrader est sans doute celle des plus démunis et des plus mal logés. En grande partie parce que les étrangers en situation irrégulière sont laissés sans ressources et écartés du droit de travailler. En matière d’inégalités au travail, nous faisons face à au moins trois incertitudes : la première porte sur le chômage. Sa remontée récente sera-t-elle durable ? Va-t-elle, à nouveau, entraîner un élargissement des écarts entre les jeunes, les moins diplômés, les immigrés et une large classe de cadres supérieurs et de professions intermédiaires qui bon an, mal an bénéficient d’une bien meilleure stabilité ?
La deuxième incertitude porte sur l’emploi précaire, qui continue à augmenter. La baisse du chômage est due en partie au développement de l’apprentissage pour les jeunes, une politique extrêmement coûteuse et qui atteint aujourd’hui ses limites. Si la précarité augmente lorsque le chômage baisse, alors le « mal-emploi » continue à miner notre société et à attiser les tensions sociales.
Troisième doute : la volonté politique sera-t-elle au rendez-vous d’une lutte ferme contre les discriminations et d’un allégement, ou au moins d’une prise en compte, de la pénibilité du travail des ouvriers et employés ? Les employeurs font peu d’efforts s’ils n’y sont pas contraints par la réglementation.
Ancrée dans le travail et l’école, la fracture sociale traverse nos modes de vie : déplacements, maintien du logement à une température acceptable et, in fine, espérance de vie. À l’avenir, il faudra à la fois réduire les inégalités sociales et les dégradations faites à l’environnement si l’on veut préserver le sort des générations futures. Pour cela, il faut regarder les choses en face et les affronter. On ne pourra se contenter de viser les seuls modes de vie néfastes des ultra-riches. Un effort collectif doit être fait, mais il n’est possible que s’il est largement expliqué et tient compte des besoins des plus défavorisés.
mise en ligne le 3 juin 2025
Pierre Jacquemain sur www.politis.fr
Alors que les crimes et délits racistes de l’extrême droite sont parmi les premières menaces qui pèsent sur la France, le ministre de l’Intérieur préfère regarder ailleurs, quitte à mettre en péril la République.
Dans la nuit du 30 mai, des membres du groupuscule du Bloc montpelliérain ont fait irruption dans un bar associatif de la ville d’Alès, dans le Gard, agressant plusieurs personnes et semant la terreur. Un acte d’une rare violence et qui, comme les événements récents en attestent – depuis le crime raciste qui a coûté la vie à Djamel Bendjaballah le 31 août 2024 au meurtre à caractère raciste du 1er juin à Puget-sur-Argens, dans le Var, en passant par le meurtre islamophobe d’Aboubakar Cissé le 25 avril dernier –, n’est pas isolé.
Bruno Retailleau semble avoir une vision sélective des menaces en cours.
Ces actes s’inscrivent dans une recrudescence alarmante des agressions et des crimes haineux, frappant des personnes racisées, des militants antifascistes, des journalistes, des élus ou de simples citoyens engagés contre l’extrême droite. Une violence souvent banalisée, qui est pourtant le symptôme d’une radicalisation qui s’installe durablement dans le paysage politique français à mesure que l’extrême droite s’institutionnalise. Elle n’est donc pas le fait de groupuscules isolés, mais d’un mouvement structuré qui bénéficie d’une forme de tolérance, voire de bienveillance institutionnelle et médiatique.
À ce titre, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, semble avoir une vision sélective des menaces en cours. Son trop long silence face à l’agression d’Alès – il était pourtant interpellé par de nombreux responsables politiques – est révélateur de ses indignations à géométrie variable. Alors qu’il appelle à une « extrême vigilance » face à la menace terroriste et insiste sur la protection de certains lieux de culte, il semble délibérément écarter la menace de l’extrême droite. Cette partialité dans la condamnation des actes de violence met à mal la confiance des citoyens dans nos institutions et alimente un sentiment d’impunité de l’extrême droite.
Une instrumentalisation des faits
Il est toujours plus prompt à dénoncer « l’islam » ou les jeunes des quartiers populaires qu’à condamner les milices d’extrême droite qui défilent en toute impunité. Beaucoup plus prompt, encore, à dénoncer l’antisémitisme en pointant du doigt les musulmans ou la gauche radicale, qualifiant l’antisémitisme d’extrême droite de « résiduel ». Une affirmation pourtant contredite par de nombreux rapports sur le sujet, à commencer par ceux, récents, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), qui a documenté la hausse significative des actes antisémites et racistes perpétrés par des groupes d’extrême droite.
Cette instrumentalisation des faits est
d’autant plus choquante qu’elle s’accompagne d’une politique de répression systématique des mouvements sociaux, qu’il s’agisse des syndicats ou des associations de défense des droits humains. Les
militants antifascistes sont régulièrement ciblés, fichés, interpellés,
tandis que les agresseurs d’extrême droite semblent bénéficier d’une plus grande clémence. Une situation qui s’inscrit dans un contexte international où l’extrême droite connaît une ascension
préoccupante : de l’Italie à la Hongrie en passant plus récemment par la Pologne, de l’Argentine aux États-Unis – pays qui connaissent une hausse vertigineuse des violences racistes –, les
régimes autoritaires et les discours de haine se propagent à grande vitesse.
Nier le fait que l’extrême droite est la première menace qui pèse en France, c’est abandonner la République.
En France, ces actes racistes, antisémites, islamophobes, xénophobes ou antireligieux – y compris dans les écoles – ont tous augmenté. Dans le même temps, le taux de plainte est resté très faible. La preuve que nos institutions ne sont pas à la hauteur des drames qui s’intensifient. Qu’elles ne protègent pas. Ni ne rendent justice. Que le ministre de l’Intérieur, par son silence complice, est le patron d’un parti qui n’a plus de républicain que le nom. Parce que nier le fait que l’extrême droite est la première menace qui pèse en France, c’est abandonner la République.
mise en ligne le 3 juin 2025
Bruno Odent sur www.humanite.fr
Lundi 2 juin, des civils palestiniens rassemblés près d’un centre de distribution de nourriture dans le sud de la bande de Gaza ont été la cible de tirs. Bilan : plus d’une trentaine de morts et 180 blessés. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterrez, exige une enquête internationale.
Des tirs israéliens ont visé plusieurs centaines de civils rassemblés à l’aube du 2 juin dans le sud de la bande de Gaza près d’un centre de distribution d’aide alimentaire. Le bilan ne cesse de s’alourdir et s’élève désormais à plus de 30 morts et à quelque 180 blessés. Face à ces nouvelles atrocités, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a réagi en appelant à « une enquête internationale indépendante » et en exigeant que les auteurs de ces crimes soient « tenus pour responsable ».
Les distributions d’aides sont entre les mains exclusives, depuis plus d’une semaine, d’une obscure organisation israélienne soutenue par Washington. Baptisée Fondation Humanitaire de Gaza (GHF), celle-ci prétend avoir distribué plusieurs millions de repas aux habitants menacés par la famine. Mais son déploiement a été le plus souvent marqué par des scènes chaotiques et l’enregistrement, déjà, de tirs israéliens sur des civils à proximité des lieux où ces vivres sont délivrés.
Des gens couverts de sang
« La distribution de l’aide est devenue un piège mortel », a déclaré Philippe Lazzarini, commissaire général de l’Unrwa (Office de secours des Nations unies aux réfugiés palestiniens). Pour toute réponse, Tel-Aviv s’est une nouvelle fois contentée d’insulter les dirigeants de l’ONU, estimant que leur demande d’enquête constituait une « honte », car la preuve d’une collusion avec le mouvement islamiste palestinien du Hamas.
Cependant une source militaire israélienne a contribué à jeter elle-même le doute sur le crédit qu’il convient d’accorder à ce discours officiel. Elle reconnaît des tirs dits de sommation vers des individus sortis de la foule et qui se seraient faits menaçants « à l’encontre des soldats ».
L’AFP a pu recueillir plusieurs témoignages de personnes qui se trouvaient sur la zone. Il était « 5 heures ou 5 h 30, avant le lever du jour » lorsque les tirs ont éclaté près du rond-point Al-Alam, où une foule s’était rassemblée avant de se rendre au centre de GHF, situé à environ un kilomètre de là. « Bien sûr, c’est l’armée israélienne qui a tiré à balles réelles. La peur et le chaos régnaient », relève un premier témoin qui demande à conserver l’anonymat. Un autre, Mohammed Abou Deqqa, 35 ans, raconte : « Au début, nous avons pensé qu’il s’agissait de tirs d’avertissement. Mais j’ai commencé à voir des gens allongés au sol, couverts de sang. »
Les lieux mêmes de distribution de nourriture obéissent, selon plusieurs médias israéliens, à une plus vaste stratégie d’évacuation des populations gazaouis. Tous sont situés dans le sud, ce qui oblige les populations à quitter le nord de l’enclave avant d’être poussées à un départ définitif.
Gwenaelle Lenoir sur www.mediapart.fr
Le nouveau système de distribution voulu par Israël et les États-Unis tue ceux qu’il est censé sauver. Plus de 72 personnes ont été tuées et des centaines blessées depuis une semaine par des tirs de l’armée israélienne alors qu’elles attendaient les colis alimentaires.
La Fondation humanitaire pour Gaza (Gaza Humanitarian Foundation, GHF) est plus douée pour la réalité alternative et la propagande que pour la distribution de l’aide alimentaire à des gens affamés. « L’aide a de nouveau été distribuée aujourd’hui sans incident », se satisfait-elle dans Times of Israel dimanche 1er juin. Ajoutant : « Les informations faisant état de blessés et de morts sont totalement fausses et inventées de toutes pièces. »
De son côté, et en appui des dires de GHF – ou inversement –, l’armée israélienne a nié avoir tiré. Comme d’habitude lors de ce genre de circonstances, tirs sur des civils ou secouristes désarmés avec un nombre de victimes important, elle a assuré qu’une « enquête est en cours ».
Sauf qu’au même moment, des dizaines de témoignages indiquent que les personnes qui se pressaient devant deux centres de distribution ouverts par GHF, l’un à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, et l’autre près du checkpoint de Netzarim, qui sépare le nord et le sud de l’enclave, ont essuyé des tirs de drones, de chars et de soldats israéliens.
Certains sont rapportés par l’ONG Médecins sans frontières présente dans l’hôpital Nasser de Khan Younès. Les équipes médicales ne réussissent pas à faire face à l’afflux de blessés. Celui-ci est insoutenable dans l’état de pénurie absolue dans lequel se trouve l’établissement à cause du blocus quasiment hermétique mis en place par les autorités israéliennes depuis le 2 mars. « Les banques de sang étant presque vides, le personnel médical a dû lui-même donné du sang », écrit l’ONG.
« Contrairement à ce que j’ai vu auparavant, où la plupart des patients étaient des femmes et des enfants, aujourd’hui il y avait surtout des hommes. […] Ils avaient des blessures par balle au niveau des membres et leurs vêtements étaient imbibés de sang », explique Nour Alsaqa, responsable de la communication chez MSF dans le même texte.
Ce sont les hommes, principalement, qui se rendent dans les centres de distribution ouverts par GHF la semaine dernière, en espérant rapporter un colis de nourriture.
Mourir pour un sac de farine
Car c’est bien, une nouvelle fois, et contrairement à ce qu’affirme GHF, en allant chercher de quoi manger que ces personnes ont été tuées ou blessées.
« La GHF a annoncé sur sa page Facebook, qu’elle vient d’ouvrir, qu’elle allait “bientôt” distribuer de l’aide dans deux centres, à Rafah et à Netzarim, explique depuis Deir Al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza à Mediapart Eyad Amawi, membre du Comité de secours de Gaza. Vous savez, les gens ont faim, ici, leurs enfants meurent de faim. Ils n’ont pas la patience d’attendre l’heure exacte, ils n’en peuvent plus. Alors ils y sont allés par milliers pour espérer récupérer quelque chose, dès l’aube. »
La Fondation humanitaire pour Gaza avait vanté, avec l’ouverture de centres de distribution gardés par des mercenaires de la société états-unienne SRS, un tout nouveau système d’aide, une organisation au millimètre, avec enregistrement des bénéficiaires et détection faciale, pour que pas un sac de farine ne tombe entre les mains du Hamas. Le détournement de l’aide, jamais prouvé, était en effet la justification israélienne pour abattre le système traditionnel mis en place par l’ONU et les grandes ONG internationales, relayées sur le terrain par une myriade d’ONG nationales.
Les gens se battaient pour cinq palettes de nourriture. On nous a dit d’en prendre, puis on nous a tiré dessus de tous les côtés. Ça, ce n’est pas de l’aide. C’est un piège. Mansour Sami Abdi, rescapé
Le résultat est inversement proportionnel aux efforts de communication déployés par les promoteurs de cette nouvelle organisation. « Ce ne sont pas des centres de distribution d’aide, ce sont des sortes de bases militaires ! Ils ne répondent à aucun des critères professionnels de l’humanitaire, assure à Mediapart Amjad al-Chawa, directeur de la plateforme des ONG palestiniennes, depuis la ville de Gaza. Il n’y a aucune organisation mise en place, aucune base de données, rien du tout. Quand on fait de l’humanitaire, on va au plus près des gens qui ont besoin d’aide, on ne les fait pas marcher des heures et des heures pour atteindre un lieu qui n’est ni sûr ni organisé, alors qu’ils ont faim ! Vous savez, il faut deux heures et demie de marche, quand on est à Khan Younès, pour arriver à leur centre à Rafah, là où ils ont tiré sur les gens affamés qui n’en peuvent plus d’entendre leurs enfants pleurer de faim. »
« Quand on arrive au camp, il y a très peu d’aide à distribuer, et aucune organisation, alors les gens poussent, et les plus costauds se servent, reprend Eyad Amawi. J’ai un voisin, un jeune homme, il a réussi à prendre plusieurs cartons. »
Le chaos domine et sans doute, de la part des mercenaires de SRS et de l’armée israélienne, la peur de voir les centres submergés par la foule, comme c’est arrivé le premier jour des opérations de GHF.
Sans parler de la déshumanisation affolante des personnes affamées, littéralement traitées comme du bétail, comme lorsqu’un drone survole la foule qui se presse devant un centre de distribution il y a trois jours pour annoncer : « Nous invitons nos concitoyens à rester à l’écart du site. Il n’y aura pas de distribution d’aide aujourd’hui. Veuillez respecter les règles pour votre sécurité. » L’humiliation ajoutée à la faim.
« À Rafah, quand les gens sont arrivés devant le centre, l’armée israélienne, qui est positionnée juste derrière les entrepôts de GHF, a envoyé des drones quadricoptères tirer dans la foule, complète Eyad Amawi. À Netzarim, les soldats israéliens sont aussi juste à côté du centre, ils ont fait feu avec leurs fusils et les chars. »
La défense civile de Gaza a fait état de 31 morts et de 170 blessés à Rafah, un mort et plus d’une douzaine de blessés à Netzarim.
« Les gens se battaient pour cinq palettes de nourriture. On nous a dit d’en prendre, puis on nous a tiré dessus de tous les côtés. J’ai couru 200 mètres avant de me rendre compte que j’étais blessé. Ça, ce n’est pas de l’aide. C’est un piège. Qu’est-ce qu’on est censés faire : chercher de la nourriture pour nos enfants et mourir ? », témoigne auprès de MSF un rescapé de la fusillade, Mansour Sami Abdi, père de quatre enfants.
Un autre, Mohamed Daghmeh, raconte, toujours à MSF : « J’ai reçu une balle à 3 h 10 du matin. Comme nous étions pris au piège, j’ai saigné en continu jusqu’à 5 heures. Il y avait beaucoup d’autres hommes avec moi. L’un d’entre eux a essayé de me sortir de là. Il a reçu une balle dans la tête et est mort sur ma poitrine. Nous n’étions là que pour de la nourriture, juste pour survivre, comme tout le monde. »
Ils ont détruit le système humanitaire que nous avons mis des années à construire, les ONG internationales et nationales, pour arriver à ce chaos-là. Amjad al-Chawa, directeur de la plateforme des ONG palestiniennes
Les mêmes scènes de foule et de tirs se sont répétées le 2 juin à Rafah. Au moins trois personnes ont été tuées. « Ça ne peut que se reproduire encore et encore si ces conditions sont maintenues, affirme Amjad al-Chawa. Les gens sont sous pression, ils s’attroupent dès l’aube, que voulez-vous qu’il se passe ? C’est un chaos voulu, organisé. Ils ont détruit le système humanitaire que nous avons mis des années à construire, les ONG internationales et nationales, pour arriver à ce chaos-là. »
Dans la bande de Gaza, le chaos est partout, tout le temps. L’autorité politique et l’armée israélienne ont annoncé renforcer encore l’opération « Chariots de Gédéon » lancée le 16 mai. Même objectif affiché depuis vingt mois : anéantir le Hamas.
Sur le terrain, ce sont des familles entières, des immeubles, des quartiers, des tentes de réfugié·es, qui sont anéantis. Rien que lundi 2 juin, des images terrifiantes parcourent les réseaux sociaux.
Le porte-parole de la défense civile avec une dépouille d’enfant dans les bras après le bombardement de la maison de la famille al-Bursh à Jabalia, 14 morts et 20 personnes coincées sous les décombres. Les regards horrifiés et hagards de douleur des blessés transportés à dos d’homme après le bombardement d’abris à Al-Mawassi, la zone vers laquelle l’armée essaie de pousser les habitant·es de l’enclave. La liste des dix villages et quartiers totalement ou partiellement rasés à Rafah et Khan Younès en trois semaines. L’annonce de la destruction du seul établissement médical pour les dialyses dans le nord de la bande de Gaza. Celle de l’attaque de l’enceinte de l’hôpital européen par les forces israéliennes.
Le chaos et la mort règnent, et l’espoir disparaît à peine survenu. La dernière proposition émise par Steve Witkoff, l’envoyé spécial de Donald Trump, à savoir la libération de dix captifs israéliens vivants retenus dans la bande de Gaza par le Hamas et d’un certain nombre de dépouilles, contre deux mois de cessez-le-feu, avait reçu l’aval des autorités israéliennes en fin de semaine dernière. Le mouvement islamiste palestinien, dans sa réponse donnée samedi dernier, avait également accepté, ajoutant comme condition la fin de la guerre. « Inacceptable », a déclaré l’envoyé états-unien, reflétant une fois de plus la position israélienne.
Depuis, il est dit haut et fort que les négociations se poursuivent. En attendant, les Gazaoui·es meurent, de faim, par manque de soins, sous les tirs et les bombardements.
Selon le ministère de la santé de Gaza, 54 470 personnes ont été tuées dans la bande de Gaza depuis le 7-Octobre et 124 693 blessées. 14 000 sont considérées disparues, sous les décombres.
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mise en ligne le 2 juin 2025
Hayet Kechit sur www.humanite.fr
Six mois après l’entrée en vigueur de la loi pour le plein emploi, son volet sanctions, condamné unanimement par les associations et les syndicats, a été formalisé dans un décret publié le 31 mai au Journal officiel. Il prévoit la suspension d’au moins 30 % de l’allocation des demandeurs d’emploi, dont les bénéficiaires du RSA, pour une durée allant jusqu’à quatre mois.
Ce n’était qu’une question de temps. Six mois après l’entrée en vigueur de la loi pour le plein emploi sur l’ensemble du territoire, son volet « sanctions » a finalement été formalisé ce samedi 31 mai, à travers un décret publié au Journal officiel. Les demandeurs d’emploi n’échapperont donc pas à ce qui est considéré comme la disposition la plus délétère de cette réforme.
Cette loi impose depuis janvier dernier une inscription d’office dans les fichiers de France Travail à l’ensemble des 1,2 million d’allocataires du revenu de solidarité active (RSA), mais aussi aux 1,1 million de 16-25 ans suivis par les missions locales, ainsi qu’aux 220 000 personnes en situation de handicap qu’épaule Cap emploi. Tous sont tenus de se plier à 15 heures d’activité hebdomadaire, via un contrat d’engagement, sous peine de représailles, détaillées dans ce décret.
Il permet de dissiper quelque peu le flou entretenu autour de ce nouveau régime de sanctions que l’exécutif nomme pudiquement « dispositif de suspension-remobilisation ». Concrètement, ne pas respecter « le contrat d’engagement », en se soustrayant notamment aux quinze heures d’activité hebdomadaire, coûtera aux demandeurs d’emploi « la suspension d’au moins 30 % » de leur allocation pour une durée d’un à deux mois, qui pourra s’étendre jusqu’à quatre mois, en cas « de manquements répétés », indique le décret.
Mesure infantilisante et stigmatisante
Il s’agirait là « d’une nouvelle logique de sanctions proportionnées, graduelles, non-automatiques et réversibles », assure, dans un communiqué, le ministère du Travail, selon qui ce décret préserverait « les garanties essentielles aux droits des personnes », notamment « les bénéficiaires du RSA ayant à leur charge une famille » pour qui serait prévu « un plafonnement à 50 % de la part de leur revenu pouvant être suspendue ou supprimée ».
Si pour la ministre du Travail Catherine Vautrin, l’introduction de ce nouveau régime de sanctions serait incontournable dans l’objectif de « favoriser une remobilisation pour un retour rapide à l’emploi », les associations, les syndicats, et la Défenseure des droits, ne l’entendent pas ainsi et continuent de dénoncer unanimement une mesure infantilisante et stigmatisante, en rupture avec les principes fondamentaux au cœur du système français de protection sociale.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) l’a pour sa part réaffirmé dans une déclaration rendue publique, le 19 décembre 2024, où elle s’insurgeait contre une mesure jugée « attentatoire aux droits humains ». À savoir : le droit à des « moyens convenables d’existence » prévu dans le préambule de la Constitution de 1946 et le droit à « une insertion sociale et professionnelle librement choisie » inclus dans la charte sociale européenne. L’institution pointe en outre « une relégation inacceptable des droits humains derrière les priorités économiques dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques sociales ».
Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), instance placée auprès du Premier ministre et composée des principaux acteurs institutionnels et associatifs impliqués sur ces sujets, a aussi donné de la voix, en mai, critiquant vertement ce nouveau régime de sanctions, susceptible à ses yeux « d’impacter durement les parcours des allocataires du RSA et d’accentuer les inégalités de traitement ».
mise en ligne le 2 juin 2025
par Catherine Tricot sur www.regards.fr
La semaine dernière fut catastrophique. L’Assemblée nationale a défait des acquis vieux de plusieurs années, en faveur de la biodiversité et de la qualité de l’air. Des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles sont réintroduits, l’imperméabilisation des sols est tolérée, les ZFE sont remisées. Dans le même temps, le gouvernement obtenait un jugement qui autorise la reprise du chantier de l’autoroute A69. Tout ceci a été fait sous l’impulsion de la droite et de l’extrême droite en opposant les intérêts des agriculteurs, des catégories populaires, des populations d’un territoire à celui de l’environnement. La gauche et les écologistes ont été dans l’incapacité de faire face, se payant même le luxe de se diviser sur le vote des ZFE.
On a déjà déploré, ici, cette logique de lutte systématique qui marginalise la gauche, la rend inaudible et inefficace. Quelle misère quand s’annonce le pire quant à la protection sociale et son financement. C’est toujours cette recherche de la différenciation qui a mis toute la gauche, depuis de longs mois, dans l’incapacité d’organiser des rendez-vous puissants pour soutenir les Palestiniens et contrer le génocide perpétré par le gouvernement israélien.
Le jeu de massacre qui s’installe à gauche pèsera en 2027. Il prépare l’élimination du second tour et assure l’élection d’un président d’extrême droite, de droite extrême ou de droite radicalisée. Mais inutile d’attendre 2027 pour en subir les conséquences. Le refus de convergences pour mieux justifier les candidatures adversaires s’est payé cash cette semaine. En 2026, cela se traduira sans nul doute par la multiplication des listes concurrentes aux municipales.
La mécanique qui peut aboutir à la destruction de la gauche est lancée à plein régime. C’est tout à fait irresponsable et délétère. Ce jeu de massacre programmé doit à tout prix s’arrêter.
Les différences à gauche sont connues et sont structurelles. On ne peut les éluder. On a su vivre avec à de nombreuses reprises dans l’histoire. Hier encore. La gravité des défis impose que l’on trouve une façon de gérer ces désaccords.
Une logique de concurrence à mort jusqu’en 2027 nous laminera tous. Quand bien même il resterait, comme dans les Monty Python, un valeureux combattant sans bras et sans jambe.
Il a été proposé par François Ruffin, par des maires de toutes sensibilités, de s’engager dans une grande consultation de toute la gauche pour départager les logiques qui existent. De fait, c’est ce qui s’est passé en 2017 et en 2022. C’est Jean-Luc Mélenchon qui a remporté cette compétition entre les gauches et les écologistes. Sur la base de ses succès électoraux, Jean-Luc Mélenchon proposa une alliance qui reposait sur les grandes lignes de son programme : ce fut la Nupes puis le NFP. On ne peut pas recommencer cette procédure, classique à gauche, de départage au premier tour de l’élection. Dans un moment de fragilité, les conséquences sont trop destructrices. Il faut anticiper et éviter à tout prix que s’éternise le climat actuel.
Le soutien apporté par Boris Vallaud à Olivier Faure permet d’imaginer un PS ouvert au rassemblement de la gauche. Il ne peut se concevoir dans un périmètre qui exclut sa principale force : les insoumis. Les désaccords ne sont certes pas aux marges. Oui, Jean-Luc Mélenchon et Raphaël Glucksmann n’ont pas le même projet. Peuvent-ils se passer l’un de l’autre pour gagner et gouverner ? Peuvent-ils prendre la responsabilité au nom de leurs certitudes de nous affaiblir tous ? Il n’y a de rassemblement possible qu’au terme d’une procédure sincère et ouverte qui permet d’exposer les projets et d’acter les différences, d’avancer vers des compromis. Ceux qui, par principe, refuseraient de participer à ce qui est tellement attendu par les électeurs de gauche porteraient le poids politique et historique.
mise en ligne le 1er juin 2025
Pierre Barbancey sur www.humanite.fr
Washington et Tel-Aviv, conscients de la réprobation qui s’exprime partout sur la planète, y compris au sein de leurs propres sociétés, manœuvrent pour rejeter sur les Palestiniens la responsabilité de la poursuite de l’entreprise génocidaire. In fine, ils entendent empêcher la création d’un État de Palestine.
Plus l’indignation mondiale monte et s’exprime face au génocide en cours dans la bande de Gaza, plus l’administration états-unienne et le gouvernement israélien brouillent les pistes. Une trêve entre le 19 janvier et le 17 mars avait permis de sortir de Gaza 33 Israéliens – dont 8 morts – en échange de la libération de près de 1 800 prisonniers palestiniens.
Sur 251 otages, 57 restent détenus à Gaza, dont au moins 34 sont décédés selon les autorités israéliennes. Mais, le 18 mars, Benyamin Netanyahou a décidé unilatéralement de rompre ce cessez-le-feu en vigueur depuis deux mois. Les bombardements n’ont pas cessé depuis et l’aide humanitaire a été utilisée comme une arme contre les Palestiniens.
Des négociations qui virent au jeu de dupes
Paradoxalement, les négociations indirectes entre Israël et le Hamas n’ont jamais cessé. Pour Washington et Tel-Aviv, il convient de faire croire à l’opinion publique internationale que si la guerre se poursuit c’est à cause de l’intransigeance de l’organisation islamiste palestinienne. L’envoyé spécial de Donald Trump, Steve Witkoff, n’a soumis une proposition au Hamas qu’après l’accord d’Israël.
Américains et Israéliens se mettent d’accord, concoctent un plan à partir de leurs propres buts politiques puis mettent les Palestiniens sous pression pour qu’ils acceptent. Donald Trump assurait, vendredi, qu’un accord sur un cessez-le-feu à Gaza était « tout proche ». Le même jour, le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, avait sommé le Hamas d’accepter la proposition américaine sous peine d’« être anéanti ».
La réponse du mouvement était « positive », selon une source citée par l’AFP, mais le Hamas insiste sur « la garantie d’un cessez-le-feu permanent et d’un retrait total d’Israël » de la bande de Gaza. Une réponse « complètement inacceptable » pour Steve Witkoff, qui ajoutait que « cela ne fait que nous faire revenir en arrière ».
Fort de ce bouclier états-unien, Netanyahou poursuit le massacre. Un massacre humain et politique. Ce dimanche 1er juin, les soldats israéliens ont ouvert le feu sur des Palestiniens rassemblés sur des sites de distribution d’aide gérés par le Gaza Humanitarian Foundation (créé par Israël et soutenu par les États-Unis) dans le sud et le centre de Gaza, tuant au moins 31 personnes.
Si le premier ministre israélien ne veut pas envisager la fin de la guerre, c’est aussi parce qu’elle marquerait la possibilité d’un nouveau processus pour la création réelle d’un État de Palestine. Une délégation de pays arabes qui devait discuter de cette question (à l’ordre du jour de la conférence de l’ONU coprésidée par la France et l’Arabie saoudite le 17 juin) a été empêchée de se rendre à Ramallah samedi.
« Un tel État deviendrait sans aucun doute un État terroriste au cœur du territoire d’Israël », a expliqué un officiel israélien. Quant à l’ambassadeur des États-Unis en Israël, Mike Huckabee, échaudé par les déclarations d’Emmanuel Macron sur une possible reconnaissance d’un État de Palestine, il a lancé : « Si la France est vraiment déterminée à voir un État palestinien, j’ai une suggestion à lui faire : tailler un morceau de la Côte d’Azur. »
mise en ligne le 1er juin 2025
Le billet de Maurice Ulrich sur www.humanite.fr
Dans son éditorial, le directeur de la Tribune dimanche, Bruno Jeudy, croit opportun de paraphraser Sartre et sa formule « L’enfer c’est les autres » avec la formule « L’effort c’est les autres » à propos des 45 milliards que chercherait « désespérément » François Bayrou pour boucler le budget.
Ainsi, écrit-il, « la gauche ne rêve que d’augmenter les impôts des riches ». « Je suis si intelligent, écrivait Oscar Wilde, que parfois je ne comprends pas un seul mot de ce que je dis. » On se demande si Bruno Jeudy comprend toujours ce qu’il écrit. Car qui peut payer plus, si ce n’est ceux qui ont plus d’argent ? Ceux qui n’en ont pas ?
En 2024 le cumul des 500 premières fortunes de France dont celle de Rodolphe Saadé, propriétaire de la Tribune dimanche, dans le classement de tête était de 1 228 milliards d’euros, en augmentation de 5 % sur l’année précédente – soit plus de 60 milliards. La taxe Zucman de 0,2 % sur les ultrariches a été votée à l’Assemblée nationale. On attend qu’elle arrive au Sénat… Allons Bruno Jeudy, un petit effort pour mieux se comprendre.